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Plus de morts que de vivants – Guillaume Guéraud

plusmortsvivantsPour commencer cet article je ne peux que vous encourager à lire en guise d’amuse-bouche livresque l’extraordinaire Je mourrai pas gibier, vous ne serez plus jamais la même personne après sa lecture. Lire Guillaume Guéraud c’est comme se livrer à une expérience hors du commun : c’est le Bear Grylls de l’écriture, le Robert Rodriguez du verbe, le Jude Law des auteurs. Plus de morts que de vivants se lit d’une traite : efficace et terrifiant c’est un vortex de l’angoisse et on en réclamerait bien encore quelques pages si les doses d’adrénaline et de stupéfaction n’étaient pas déjà à leur maximum.

★★★★★

Par un matin glacial de février, quelques collégiens se retrouvent devant leur établissement scolaire, attendant le début des cours. Une grippe circule en ce moment, la plupart sont cloués au lit avant les vacances de février mais d’autres n’auront pas cette chance…Soudain les incidents se succèdent dans l’établissement : un élève saigne du nez plus que la normale, une autre a les lèvres bien bleues, une touffe de cheveux tombe à terre, des boutons apparaissent et puis tout va très vite : virus de la mort ? Qui sera le prochain a être touché ? Qui s’en sortira vivant ? Qui est l’incubateur ?

Curieusement je m’attendais à lire une histoire de morts-vivants mais tout fut plus réaliste et terre-à-terre que je ne le pensais. Comme je l’ai dit au guide du Musée de la Torture à Amsterdam à la fin de la visite : « c’était délicieusement atroce ». Ce roman est tout aussi captivant qu’un bon film d’horreur. Guillaume Guéraud possède ce talent : celui de ne pas rentrer dans des descriptions trop alambiquées et donc à être concis en nous laissant avec LE détail qui va nous perturber et faire travailler notre imagination. Nos peurs sont travaillées au corps : la peur de mourir, celle de perdre l’être aimé, sentir l’odeur des morts, se rendre compte que l’instinct de survie ne suffit plus pour rester vivant. Ce virus provoque des morts auxquelles on s’attend le moins et l’effet de surprise agrippe à la gorge : il devient difficile de déglutir lorsqu’on a la vision d’un cou qui s’ouvre en deux, d’un ventre qui explose littéralement, de dents qui se déchaussent ou de débris d’os qui se mêlent au sang.

Remarquablement écrit, j’ai trouvé que l’association de la neige et du sang était d’une esthétique sublime qui marque très bien la différence entre le concept de vie et celui de mort. Il est particulièrement appréciable au début du roman, de savoir qu’une fois le portail fermé après le début des cours : l’horreur va commencer (hinhin). Ces adolescents sont pris au piège, ils ne le savent pas encore alors que le lecteur lui, réalise tout de suite. La fin m’a déconcertée – c’est que j’ai un soupçon d’optimisme alors que Guillaume Guéraud ne nous en laisse AUCUN en réalité. Qui plus est il nous prévient avec le titre Plus de morts que de vivants. : c’est une affirmation et non pas une question 🙂 N’ayez pas peur vous serez délicatement surpris.
Maintenant que je suis à court de qualificatifs, je vous laisse découvrir l’improbable Guillaume Guéraud.

Plus de morts que de vivants, Guillaume Guéraud (Rouergue) – collection Doado
en librairie depuis le 4 mars 2015
9782812608612 – 13.70€
à partir de 13 ans

mourraipasgibierJe mourrai pas gibier (Rouergue) – collection Doado
en librairie depuis janvier 2006
9782841567171 – 7.10€
à partir de 14 ans
★★★★★

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Afterworlds – Scott Westerfeld

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Il y avait longtemps que Bob n’avait pas lu un bon gros pavé (670 pages bien tassées), qui lui a pris un certain temps mais qui va être aussi un peu compliqué à commenter…car il s’agit d’un livre dans un livre ! Voici donc le tout nouveau roman de Scott Westerfeld, découvert notamment grâce à la série Uglies, qui était particulièrement réussie.

Darcy Patel a 18 ans et vient de décrocher un juteux contrat d’édition pour son premier roman Afterworlds. Elle met alors l’université entre parenthèse pour s’installer à New York et devenir un véritable écrivain, comme elle en a toujours rêvé. Lizzie, le personnage inventé par Darcy, découvre « l’envers du décor », le monde où se rendent les fantômes, lorsqu’une attaque terroriste dans l’aéroport où elle se trouve l’oblige à se faire passer pour morte…

★★★☆☆

Le roman se compose de deux histoires entremêlées : celle de Darcy, auteur dans le « monde réel » et celle de Lizzie, l’héroïne du roman écrit par Darcy (fans de Jane Austen, c’est pour vous !). Chaque chapitre passe ainsi de l’une à l’autre. Le procédé est plutôt chouette et permet d’alterner entre chaque histoire tout en distillant un suspense réussi.
Le roman commence tout d’abord avec Darcy Patel, jeune auteure de 18 ans qui a reçu un contrat très juteux pour publier son livre Afterworlds. Très vite, la jeune fille se rend à New York, où elle retrouve son agent, découvre son éditeur et les soirées consacrées aux auteurs « young adults ». Durant tout son séjour à New York, elle va devoir retravailler l’écriture de son roman selon les demandes non seulement des éditeurs mais aussi du service marketing et, surtout, entamer la suite de son roman. Tout un processus éditorial qui va non seulement stresser notre jeune auteure mais également l’aider à grandir et à s’émanciper.
Intercalée à l’histoire de Darcy se trouve celle de son héroïne, Lizzie, qui commence sur les chapeaux de roue avec une scène d’ouverture digne des meilleurs films d’action : une attaque terroriste dans un aéroport. Coincée, Lizzie appelle les secours qui, dans l’absence de portes de sortie, lui conseillent de faire la morte. Et elle le fait si bien qu’elle va se retrouver dans « l’envers du décor », l’endroit où vont les fantômes avant de rejoindre l’enfer. Elle y rencontre Yamaraj, un jeune homme « psychopompe » (guide des âmes), qui va lui révéler sa nouvelle nature et, bien évidemment, devenir son amoureux…
Pour être honnête, j’ai beaucoup plus aimé l’histoire de Darcy et tout le processus lié à la création littéraire et éditoriale (ce doit être mon côté bibliothécaire), même s’il y a de grandes différences entre l’édition aux États-Unis et celle en France. L’histoire d’Afterworlds est une romance fantastique un peu lue et relue, même si la mythologie hindoue qui y est associée apporte une touche exotique plutôt chouette. Mais il est possible que le lectorat ciblé par ce roman soit plus sensible à l’histoire de Lizzie qu’à celle de Darcy, pleine de jargon éditorial et d’une love-story peu conventionnelle. En plus, vu le pavé, il y a des chances que certains lecteurs sautent les passages qui les intéressent moins pour ne s’attacher qu’à une seule histoire. Je dois aussi avouer que, au vu du slogan de couverture, je m’attendais à un roman un peu plus « science-fictionnesque », alors que pas du tout, il s’agit d’un roman tout à fait ancré dans la réalité. On pourrait alors se demander : quel intérêt de raconter deux histoires totalement indépendantes dans un même livre ? Peut-être est-ce une façon pour Scott Westerfeld de montrer que l’écriture d’un roman est longue et complexe ? Ou alors de dire aux jeunes auteurs, lancez-vous et réalisez vos rêves ! Le lecteur sera libre de choisir. En tous cas, j’ai trouvé ce roman vraiment très intéressant sur l’écriture d’un livre et les questions et réécritures auxquelles un auteur doit se confronter pour voir un jour son œuvre publiée. Selon moi, il aurait pu se consacrer uniquement à Darcy mais les ados y trouveront peut-être à redire… 🙂

Afterworlds, Scott Westerfeld (Pocket Jeunesse)
en librairie le 5 mars 2015
9782266256285 – 18,90 €
à partir de 14 ans

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Et plus encore – Patrick Ness

Nous sommes en 2015 et, après quelques vacances bien méritées, Bob et Jean-Michel reviennent et vous souhaitent une excellente nouvelle année, et notamment en matière de lectures ! 😉 Et s’ils étaient en repos, ils n’ont en revanche pas oublié de lire un petit peu, pour vous proposer leurs premières chroniques de l’année !

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Un garçon se noie dans l’océan, seul et désespéré. Il meurt. Puis il se réveille, nu, assoiffé, blessé, mais vivant. Comment est-ce possible ? Et quel est cet endroit désert dans lequel il s’est levé ? Est-il en enfer ? Ou bien n’est-il pas mort ? Autant de questions auxquelles le jeune homme va devoir trouver des réponses…

★★★★☆

Si vous n’avez jamais lu Patrick Ness, ne lisez pas plus loin cet article et filez directement vous procurer l’excellente trilogie du Chaos en marche ou le superbe Quelques minutes après minuit. Si vous en avez déjà lu, alors vous connaissez la puissance de la plume de ce raconteur d’histoires étonnant. Dans ce nouveau roman, Patrick Ness montre encore à quel point ses histoires possèdent une force et une originalité toutes particulières. Il faut dire qu’il sait comment nous mettre tout de suite dans le bain (sans mauvaise jeu de mot !) avec une scène d’ouverture terrible : la noyade d’un garçon. Et sa mort. Son réveil dans un environnement étrange mais pas inconnu va alors lancer toute l’intrigue du roman et nous questionner, comme le héros, sur le réel et l’irréel de cette histoire. Patrick Ness distille son suspens avec beaucoup de talent, on ne peut s’empêcher de continuer à tourner les pages, alternant entre les souvenirs de Seth, notre héros, quand il était encore vivant, et ce qui se passe après sa mort… Pourtant, il ne se passe pas tant de choses que ça malgré le nombre de pages (si vous cherchez de la science-fiction avec un peu d’action, passez votre chemin) et c’est bien toute l’introspection du personnage qui nous intéresse. Car cette expérience traumatisante va être pour lui le moyen de réfléchir à son existence, de comprendre les événements de son passé… à moins que rien de tout cela n’ait existé ? Cette question de la réalité va être la plus importante de l’histoire car les événements vont pousser Seth à reconsidérer toute sa vie…et sa mort. Autant vous dire que ce roman ne vous laissera pas indifférent et va vous amener à vous questionner sur le sens de la vie. N’est-ce pas là le propre d’une bonne lecture ? Passionnante et enrichissante ? En tous cas, laissez-vous tenter par ce titre, Et plus encore va vous subjuguer…et bien plus encore ! (ouais, bon, elle était facile, celle-là !)

Et plus encore, Patrick Ness (Gallimard)
en librairie depuis le 28 novembre
9782070661701 – 19,50 €
à partir de 14 ans

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La dose – Melvin Burgess

Melvin Burgess et moi, c’est un amour qui date depuis Billy Elliot alors autant vous dire que les noces de diamant c’est pour bientôt. Imaginez mon état mental lorsque j’ai su qu’une nouveauté était prévue à la Rentrée…Je l’ai lue et je n’en ai pas laissé une miette. Je vous dresse le tableau de ce thriller époustouflant :

LaDoseLa récession dure depuis de nombreuses années et le chômage et la pauvreté dominent chez les jeunes. Alors que leur avenir est incertain, une drogue révolutionnaire appelée « le Raid » déferle sur Manchester. Elle offre une vie rêvée et tous les possibles pendant sept jours puis accorde une mort inévitable. Une rock star, Jimmy Earle meurt sur scène en concert après avoir ingéré cette drogue et l’anarchie se fait sentir chez des centaines de fans présents ce soir-là. Parmi eux : Adam et sa petite amie Lizzy. En pleine manifestation, les Zélotes (un mouvement d’utopistes qui combattent les inégalités sociales) lancent par poignées du Raid à la foule, incitant les jeunes à les ingérer. De fil en aiguilles, Adam finira par avaler cette drogue et regretta son geste peu après…

★★★★★

Il n’est jamais facile de conseiller un livre de Melvin Burgess : ses romans sont emprunts d’une certaine violence qui fait écho à notre société actuelle et souvent, ça déplaît. Après avoir conseillé Junk à sa fille de 17 ans, une maman indignée m’avait prévenue que si sa fille se droguait par la suite, ce serait ma faute. « Mais madame… » lui ai-je répondu en posant ma pipe à crack. « …un livre de cet acabit a pour but de bouleverser son lecteur, l’emporter dans un monde qui n’est pas le sien le temps de quelques heures sans vanter les mérites de l’héroïne, bien au contraire. » Melvin et moi on est rien que des incompris. Qu’à cela ne tienne, je considère Junk come un excellent livre et je peux vous assurer que La dose est aussi addictif !
Sombre et envoûtant, il se lit d’une traite : l’adrénaline est omniprésente et les personnages sont vraiment effrayants, presque autant que cette société en pleine anarchie. Ce thriller dystopique est source de réflexions : quel sens donner à la vie ? Est-il utile de se sacrifier pour une cause ? Doit-on nécessairement se révolter contre un système ? On ressort haletant à la fin de cette lecture…Si jamais vous avez apprécié la série Breaking Bad, vous aimerez sans complexe La dose. Je vous encourage à découvrir ce grand auteur.
Au fait : je n’ai pas de pipe à crack.

La dose
Melvin Burgess
coll. Scripto, Gallimard Jeunesse
sorti le 11 septembre
9782070655854 – 14,90€
à partir de 15 ans

Le site de l’auteur – http://melvinburgess.net

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