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Une vieille histoire – Susie Morgenstern et Serge Bloch

« Mémé, est-ce que tu aimerais être jeune encore une fois ? Elle n’a pas besoin de réfléchir pour répondre. Sans aucune hésitation, elle dit : Non, j’ai eu mon tour d’être jeune et maintenant c’est mon tour d’être vieille. J’ai eu ma part de gâteau et mon ventre est plein. » C’est l’histoire d’une petite vieille, si occupée toute sa vie qu’elle n’a pas vu le temps passer.

Hey toi ! Oui toi qui me lis. Tu connais l’histoire de la vieille dame ? Mais si. La vieille dame qui prend TOUT son temps aux courses, qui paye avec des pièces de 10 centimes en prenant son temps… Celle que tu as vu passer devant toi en soufflant, avec des gestes lents. La vielle dame qui t’a impatienté dirons-nous poliment. Une vieille histoire c’est le récit de cette grand-mère.

« Elle voit sa peau fripée. Elle sent ses os fragiles, ses muscles épuisés. Jeune, elle pouvait cacher sa mauvaise humeur avec son rouge à lèvres, son fond de teint, sa belle robe ; mais maintenant, elle est contente de montrer son visage décoré de milles histoires, cent milles poèmes, cinq cent mille soucis et une bonne poignée de plaisanterie. »

L’album alterne entre des illustrations du présent et des souvenirs. Le présent de Mémé il est surtout composé de bribes du passé. Ses rêveries l’emportent dans les prémices de son premier amour, sa joie d’avoir construit une famille, les souvenirs de guerre. Serge Bloch (que l’on connaît pour la série Max et Lili) alterne des pages en noir et blanc et d’autres en couleurs. Comme si le passé et le présent se mélangeaient, comme si quand on vieillissait, en réalité le présent était essentiellement composé de fantômes. Les illustrations sont douces, simples, nostalgiques. Cette grand-mère, c’est peut-être la nôtre.

Susie Morgenstern invite avec une grande humanité et une belle dose d’amour à se pencher sur ce qui fait une vie. Elle parle certes de la vieillesse, du temps qui passe, de la nostalgie mais elle ouvre surtout un dialogue. Régulièrement des questions sont posées entre deux souvenirs au lecteur. Il est interpellé sans relâche : « Et toi, qu’est-ce qui est écrit sur ton visage ? As-tu déjà eu de mauvais jours ? Es-tu seul, des fois ? », tissant ainsi des liens forts, par-delà les générations. Ce qui nous relie surtout, ce sont les histoires, les émotions. Une manière de questionner les enfants sur la vie.

Attention cependant ici pas de regret, pas de « c’était mieux avant », la vie se fane, les couleurs s’éteignent doucement car c’est ainsi que va le monde. La vieille femme ne regrette pas sa jeunesse, elle parle avec tendresse de sa vie et nous rappelle la joie de vivre tout simplement.

Une vieille histoire, Susie Morgnestern, illustré par Serge Bloch (Sarbacane)
disponible depuis le 3 novembre 2021
9782377316502 – 13,90€
à partir de 6 ans
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Âge tendre – Clémentine Beauvais

Comme tous les élèves de France, Valentin doit effectuer son service civique obligatoire avant son passage en seconde. Malheureusement, ses vœux ne sont pas respectés et il se retrouve dans un centre pour personnes âgées atteintes de démence qui reconstitue les époques d’enfance de ses pensionnaires, et le tout au cœur du Pas-de-Calais ! Voilà Valentin plongé dans les années 60-70, période dont il ne connaît absolument rien, et qui, dès les premiers jours de son « serci » se retrouve avec une mission prétendument simple…qu’il va faire complètement capoter ! Niveau d’angoisse : 9/10 !

🎶 Bob chante du Françoise Hardy

Quel plaisir de retrouver Clémentine Beauvais dans ce roman résolument pop, drôle et original ! Une originalité qui passe tout d’abord par la forme, peut-être un peu rigide et difficile d’entrée au premier abord : un rapport de stage ! Car dans cette France dirigée par une présidente (la même que celle des Petites reines ?) où tous les élèves de 3e doivent faire soit un service civique, soit l’armée, ils doivent aussi rédiger un rapport de « serci » qui comptera dans leur note de bac et montrera à quel point le dispositif les a préparé à tout plein de choses utiles pour leur avenir. Ainsi, entre les premières consignes, les conseils de rédaction et les présentations un peu guindées de Valentin, l’attachement semble compliqué. Mais très vite, on découvre que Valentin a bien dépassé son quota de pages allouées et son journal de « serci » va très vite prendre toute la place, attisant par la même occasion notre affection pour ce garçon un peu coincé, un peu bizarre, un peu angoissé, complètement à l’ouest mais surtout très drôle malgré lui ! Et nous voilà embarqués dans cette histoire où la jeunesse insouciante découvre ce qu’est la vieillesse et notamment la perte de mémoire. Vous le pensez bien, Valentin va évoluer au fil de son travail à l’unité Mnémosyne, ces établissements fictifs controversés dans lesquels sont reconstituées les époques de jeunesse des patients. Et on le constatera grâce aux « notes rétrospectives » glissées au fur et à mesure du rapport, dans lesquelles Valentin revient sur ses commentaires initiaux.

Une comédie d’apprentissage tendre et subtile, émaillée de références aux sixties, pleine d’humour et de gloussements, qui offre aussi de très beaux moments d’émotion, de réflexions sur la mémoire et le deuil. Clémentine Beauvais parvient à nous surprendre à chaque nouveau roman et, cette fois encore, on en ressort enchanté !

📚 Lisette a envie de faire un stage dans le 59

Âge Tendre est un récit sensible et loufoque qui bouleverse et agrandit un peu le coeur. La forme de ce texte sous forme de vrai-faux rapport de stage / journal intime a conquis le coeur d’étudiante de Lisette. Le lecteur découvrira Valentin qui se dévoile au contact des pensionnaires de l’unité Mnémosyne, son évolution se retrouve même dans l’écriture, une prouesse stylistique ! Clémentine Beauvais réussit avec brio à nous embarquer dans les années 60 dans cet établissement hors du commun où tout est minutieusement reconstitué pour ressembler à un village de cette époque. On y contrôle tout : la pluie, les couleurs des murs et aussi la musique qui passe ! (La reconstitution de ce lieu est remarquable et n’est pas sans rappeler le merveilleux film de La Belle époque réalisé par Nicolas Bedos). Valentin, si sensible, va trouver dans ce lieu un certain réconfort mais attention à ne pas oublier la vrai vie ! Clémentine Beauvais évoque joliment cet âge tendre où l’on se rend compte que la vie est plus nuancée : oui on peut mentir à un résident pour qu’il ne souffre pas, oui parfois l’amour est comme dans les chansons : fou et ne dure pas toute la vie.

Ce roman plaira à tous les garçons et les filles de tout âge. Il vous donnera envie de réécouter François Hardy, d’aller faire un câlin à votre grand-mère en lui demandant de vous raconter son histoire, de regarder les couples qui se tiennent la main avec beaucoup d’amour et d’être heureux tout simplement.

Âge tendre, Clémentine Beauvais (Sarbacane)
collection Exprim’
disponible depuis le 19 août 2020
9782377314652 – 17€
à partir de 13 ans
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Je t’aimerai toujours – Robert Munsch et Camille Jourdy

Je t’aimerai toujours nous conte l’histoire d’une mère qui berce son enfant de mots tendres. Au fil des pages, le bébé grandit, devient enfant, puis un adolescent, puis un adulte sans que jamais ne le quitte cette berceuse et, avec elle, l’amour inconditionnel de sa mère.

Cet album est un immense classique, surtout aux États-Unis, paru en 1986 qui a fait fondre de nombreux coeurs de parents et d’enfants. Je suis très heureuse que ce livre puisse avoir une nouvelle vie avec les illustrations très tendres de Camille Jourdy. Le précédent album fait aujourd’hui oeuvre de mémoire, nous pouvons notamment y apercevoir, à l’intérieur, un baladeur à cassette et une cuvette de toilette sur la couverture. Véridique ! Ce livre très simple nous raconte la persistance de l’amour parental, à travers les changements apportés par le temps. Cet amour indéfectible, ici représenté par la comptine, est surtout porté par les illustrations de Camille Jourdy avec fourmillement de détails de vie, la tendresse des couleurs, le mouvement des corps.

Difficile de parler de l’amour d’un parent pour son enfant sans trop de niaiserie coulante rose bonbon. Le texte nous parle de cet amour en tout simplicité ; au-delà de la fatigue, des inquiétudes, du confinement, du stress inhérent au rôle de parent. Un livre que les adultes aussi bien que les enfants se plairont à lire et à relire.

Je t’aimerai toujours, Robert Munsch, illustré par Camille Jourdy, traduit par Ilona Meyer (Les éditions des Eléphants)
disponible depuis le 19 mars 2020
9782372730716 – 13,50€
Dès la naissance