Lorène Lebrun – janvier 2023

Lisette aime beaucoup les premières fois. Sa première tentative de kidnapping envers la petite souris, la première fois où elle a compris que son sourire était sa meilleure arme pour amadouer les adultes, la première fois où elle a été assez grande pour atteindre le placard à bonbon… Lorsque Lisette a vu sur Ulule un projet de naissance de maison d’édition jeunesse, son coeur a fait BOUM BADOUM. Surtout quand elle a vu ce premier album de Kim Heegyum – un condensé d’amour – qu’elle a chroniqué ici. Ni une, ni deux, elle a eu envie d’aller questionner l’éditrice sur cette nouvelle maison d’édition au nom mystérieux : les éditions Michi.

Grande interview pour une future grande maison 💙

Pourriez-vous nous raconter la naissance de Michi ?

Michi a connu plusieurs étapes dans sa création : je pensais déjà à un lieu de création pour les auteurs et artistes talentueux qui me touchent lorsque je travaillais comme éditrice pour une grande maison d’édition de BD. C’est finalement à la faveur d’un voyage au Japon que j’ai pleinement pris conscience de la nécessité de revenir vivre à Bordeaux et de concrétiser ce rêve. J’ai découvert dans ce pays des paysages enivrants et sources d’inspiration, mais j’ai aussi fait la rencontre d’un livre dans une librairie de Kanazawa qui a été un déclencheur. Ce livre s’appelait « Michi » et a été tellement marquant qu’il m’a donné l’impulsion de monter une maison d’édition qui porterait son nom. C’est un mot qui a pour moi une grande importance, puisqu’il signifie en français « chemin » et c’est bien cette idée-là qui m’intéresse dans chaque histoire. Celle de Michi s’écrit aussi avec mes deux associés : Simon et Lauriane.
Pour donner toutes ses chances à Michi, nous avons mis en place en octobre un financement participatif sur Ulule : ainsi nous pouvions faire découvrir les premiers albums de la maison d’édition qui allaient sortir en librairie quelques mois plus tard et lancer cette aventure avec autant de sérénité possible d’un point de vue financier. C’est une période compliquée dans le monde du livre et nous avons été confrontés, comme tous les éditeurs, à la forte hausse des prix du papier, ce qui s’est couplé à notre choix d’imprimer près de la France, au nord de l’Italie, pour des raisons écoresponsables. Fort heureusement, une mobilisation importante s’est mise en place et nous a très sincèrement fait chaud au cœur ! Elle nous a aussi remotivés par moments.
Le lancement en librairie d’Un hiver chez Bleuet a eu le même effet, car nous nous sommes là aussi rendu compte du soutien général et du réel sentiment de réconfort que pouvait apporter cet album. Je pense que nous ne sommes pas les seuls à nous être un peu repliés sur nous-mêmes ces dernières années et, au-delà, à connaître les aléas de la timidité et de l’anxiété : nous sommes très heureux de voir que chacun y pioche un réconfort nécessaire aujourd’hui, petits comme plus grands.

Comment est-ce que vous vous partagez les missions avec vos deux associés Simon et Lauriane ?

Nous nous répartissons les tâches selon notre domaine de compétence. De mon côté, en tant que directrice de la maison d’édition, je gère et valide l’ensemble des décisions prises. Je m’occupe autant de la recherche et du travail d’un point de vue éditorial et artistique — pour nos créations comme pour les achats de droits à l’étranger — que de la fabrication, de la communication ou des échanges avec la diffusion-distribution, par exemple.
Lauriane Dufant, pour sa part, a plutôt un rôle d’assistante éditoriale : elle m’aide dans ce travail précis sur les projets éditoriaux ainsi que pour certaines démarches administratives, me donne son avis précieux sur les projets en cours et les décisions plus générales quant à la vie quotidienne de l’entreprise.
Simon Castagné, lui, s’occupe plutôt des missions commerciales et financières puisque sa connaissance est moins portée sur le monde du livre que sur celui de la gestion d’entreprise.
C’est un très grand soulagement de se savoir soutenue par ces deux personnes qui, outre le fait que l’on soit amis depuis bien longtemps, sont des professionnels en lesquels j’ai une grande confiance. C’est un travail bien solitaire, en réalité, qu’être éditeur ou éditrice. Avoir cet appui et cette énergie, grâce à eux deux, est une très grande chance et je ne les en remercierai certainement jamais assez d’avoir cru dans ce rêve nommé Michi.

Un hiver chez Bleuet est un album conçu avec l’illustratrice coréenne Heegyum Kim, comment avez-vous découvert cet album ?

Comme beaucoup, j’ai découvert le travail d’Heegyum sur les réseaux sociaux (car, oui, je fais partie de ses quelques 120 000 abonnés !). Je suivais régulièrement ses publications, cependant une part de moi restait très attachée aux illustrations qu’elle avait réalisées uniquement au crayon de couleur bleu mettant en scène un ours qui prenait son temps. Après avoir commandé l’une de ses illustrations via sa boutique Etsy, j’ai pris mon courage à deux mains pour lui demander si elle avait déjà réfléchi à un livre autour de cet ours. Cette idée lui a beaucoup plu, mais elle avait du mal à imaginer une histoire à partir des illustrations déjà réalisées, alors nous en avons discuté pour lui proposer quelques idées. Est ensuite venue la première version de l’histoire (pour l’anecdote, écrite en coréen puis traduite en anglais de son côté, pour ensuite être traduite et retravaillée en français du nôtre) que nous avons beaucoup améliorée au fil de nos échanges en anglais, avant de parvenir à la version française proposée dans le livre. Ce travail si soigné a pu être possible grâce aux très belles propositions de traduction mais aussi d’écriture de Lauriane, puisque le rythme et la grammaire en anglais changent du tout au tout quand on en vient au français, nécessitant de nombreux remaniements. De la même manière, nous avons avancé petit à petit du côté du chemin de fer et nous pensions à l’origine intégrer bien plus d’illustrations préalablement dessinées par Heegyum. Finalement, la plupart d’entre elles ont été retravaillées ou sont complètement inédites dans l’ouvrage, et nous sommes très heureux de pouvoir présenter en France, mais aussi à l’étranger, ces illustrations qui mêlent si bien douceur, parti-pris artistique et travail traditionnel.

Quel est votre plus grand rêve pour Michi ?

C’est une vaste question ! Je pense que notre plus grand rêve est étonnamment terre à terre : réussir à survivre économiquement pour pouvoir, justement, rêver à de nouveaux projets et se faire plaisir en créant des livres qui nous font battre le cœur, en les regardant grandir et en dénichant dans le monde entier les titres jeunesse que l’on aimerait tant partager avec le lectorat français. Chaque année sera un nouveau grand rêve, pour nous. Mais je dois dire que si un enfant, d’ici 30 ans, cite l’un de nos titres comme un album marquant de sa jeunesse, je pense que ce sera pour moi le moment où j’aurai obtenu tout ce que je souhaitais pour Michi.

Quels sont vos vœux pour cette année 2023 ?

Que le prix du papier baisse enfin ? Non, bien sûr nos vœux sont bien plus profonds (mais quand même, on aurait bien besoin qu’il baisse, si quelqu’un nous entend) !
Nous espérons sincèrement que nos parutions trouveront leur lectorat, avec des lecteurs et lectrices qui les aimeront autant que nous. Que notre développement nous permette, un jour, de pouvoir contacter certains artistes dont le travail nous éblouit et que nous ne pouvons pas encore approcher, au vu de notre petite taille. Nous faisons également le souhait d’avancer à notre rythme, ce qui n’est pas toujours chose facile, surtout quand on sait que, comme beaucoup d’éditeurs indépendants, nous avons tous les trois un emploi à côté de notre activité pour Michi. Et nous faisons non pas le vœu mais la promesse de toujours être fiers des albums que nous publierons, en 2023 comme au-delà.

Comment on dit en japonais Bob et Jean-Michel vous êtes les meilleurs ?

「ポプ と ジャン・ミシェル」 は  さいこう ですよ。Bobu to Jan Misheru wa saikō desu yo !

Les premières parutions

* Un hiver chez Bleuet – Editions Michi, 2023 (Album – à partir de 4 ans – 9782494354005)
* La souris qui devint Roi – Editions Michi, sortie prévue en mars 2023 (Album – à partir de 4 ans – 9782494354012)

Un grand merci à Lorène pour le temps qu’elle nous a consacré ! On espère que l’interview vous plaira et vous a donné envie de découvrir cette nouvelle maison d’édition jeunesse. N’hésitez pas à découvrir leurs premiers albums dans votre librairie préférée ou en bibliothèque ! Vive Michi !