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D’après La Traviata – Fabien Clavel

En cette rentrée littéraire, les éditions Gulf Stream sortent une nouvelle collection de romans ados intitulée « Prélude ». Celle-ci propose des romans courts, réinterprétant des opéras célèbres avec les codes du roman adolescent, pour faire découvrir la richesse du répertoire classique et montrer l’intemporalité des histoires qui y sont évoquées. Chez Bob et Jean-Michel, nous avons découvert D’après La Traviata dont on ne connaissait finalement pas grand-chose à part le titre ou quelques airs connus…

Waïla, surnommé Violetta en souvenir des fleurs de son Algérie natale, vit à Paris avec sa mère qui ne lui a jamais témoigné d’affection. Consciente de sa beauté, désireuse d’être aimée, elle adopte peu à peu des comportements destructeurs, qui vont la mettre sur le chemin du Baron. Devenue escort-girl alors qu’elle n’est même pas majeure, Violette goûte au luxe et à l’argent qui coule à flots, jusqu’à sa rencontre avec Alfredo, avec qui elle va connaître le bonheur…

Héroïne tragique par excellence, Fabien Clavel nous invite à découvrir le destin de Violetta, la Traviata, à travers une longue lettre qu’elle écrit pour Alfredo. On y découvre ses origines, ses joies, ses peines et tout ce qui l’a menée à cette vie qui ne sera que trop courte. Entre l’époque à laquelle se déroule l’histoire dans l’opéra de Verdi et la nôtre, contemporaine, les considérations sont exactement les mêmes – c’est d’ailleurs ce qui a poussé Fabien Clavel à choisir cette œuvre, comme il l’explique dans sa préface, évoquant le mouvement #metoo ou encore l’affaire Zahia. Le roman s’inscrit en effet dans une résonnance avec l’opéra de Verdi sur la condition de la femme, le pouvoir des hommes et la difficulté à sortir de la pauvreté. L’histoire, aux thèmes universels, n’en est que plus bouleversante. D’autant plus que Fabien Clavel a choisi la versification pour cette longue lettre dans laquelle Violetta se révèle : l’écriture en vers apporte ainsi une fluidité, une émotion et un lyrisme qui donnent vie à son histoire comme le ferait la musique – voilà qui tombe bien !

D’après La Traviata, Fabien Clavel (Gulf Stream)
collection Prélude
disponible depuis le 25 août 2022
9782354889814 – 13€
à partir de 14 ans
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Deux romances jeunesse pour l’été

❤ Votre romance, vous la voulez plutôt sanglante ou dansante ?

Anatomy : love story – Dana Schwartz

Bienvenue au 19ème siècle à Edimbourg. Hazel est une jeune aristocrate à l’avenir tout tracé. Promise à son cousin, son rôle est de se préparer à devenir une épouse dévouée. Mais du haut de ses 16 ans Hazel est plus intéressée par la médecine que par le mariage. Aspirante chirurgienne, elle décide de braver les interdits liés à son sexe et à sa classe sociale pour suivre en secret des cours d’anatomie. La ville entière d’Édimbourg est menacée par une maladie mortelle appelée la fièvre romaine et tout le monde la craint. Un autre fléau sévit : les voleurs de cadavres. Ils pillent les tombes pour vendre aux apprentis médecins et à l’université des dépouilles afin que les étudiants s’exercent.

Malheureusement, le subterfuge d’Hazel est rapidement mis à jour, son déguisement d’homme n’a pas trompé son entourage longtemps. Elle passe alors un marché avec le grand Dr Beecham : si elle réussie l’examen pour être médecin, l’université ouvrira ses portes aux femmes. Sauf qu’étant interdite de travaux pratiques, Hazel va vite se rendre compte qu’étudier les livres ne suffit pas – elle va avoir besoin de cadavres à disséquer.

La couverture est magnifique mais Lisette préfère vous avertir, ce n’est pas un roman d’amour. Cette fiction historique construite avec un soupçon de fantastique et d’amour reste chaste (malgré quelques baisers torrides dans un cimetière !)

Lisette vous mets en garde, en effet, la fin peut paraître un peu abrupte et change le ton du roman. Ce roman gothique est non seulement insolite mais aussi écrit dans un style intelligent, il dérange les codes. C’est une belle lecture dans laquelle on accompagne une héroïne téméraire et forte. Cette lecture est surprenante pourtant votre humble chroniqueuse est rarement surprise. 😉

Anatomy : love story,Dana Schwartz, traduit par Julie Lopez (Albin Michel)
disponible depuis le 1 juillet 2022
9782226472984 – 18,90€
à partir de 13 ans

Instructions for dancing

Evie ne croit plus en l’amour. Cette lycéenne, adepte des romances, a vu son monde s’écrouler le jour où elle a découvert que son père avait eu une liaison avant de quitter sa mère. Alors qu’elle va se débarrasser de sa bibliothèque de romans d’amour, elle rencontre une vieille dame qui lui offre un livre de danse. Quelque temps plus tard, Evie découvre qu’elle peut voir la vie amoureuses des couples qui s’embrassent… du premier baiser à la rupture.

En voulant comprendre d’où viennent ces visions, les pas d’Evie vont la conduire dans un studio de danse. Elle fera la rencontre d’X, qui deviendra son séduisant partenaire pour un concours. Oui, au bout d’une leçon, elle se retrouve à participer à un concours de danse- tout va très vite dans ce livre !

La danse et la musique sont des jolies couleurs de fond qui accompagnent Evie dans sa vie de lycéenne. Cependant, le roman se concentre principalement sur son quotidien avec son groupe d’amis, sa vie de famille, ses interrogations et sa dualité entre les sentiments qu’elle éprouve pour X, pour cet amour naissant et le remariage de son père.

Il faudrait aussi mentionner l’humour, les dialogues qui se dégustent comme des bonbons qui piquent, les personnages attachants… Evie et X : un duo qui va faire roucouler de nombreuses lectrices !

Ce livre est une romance qui se joue des romance ! Au programme : de la danse, un brin de fantasy et surtout beaucoup d’amour : amour familial, amical et amoureux. Ce livre est une comédie dramatique, ici on aime les histoires qui finissent mal, et qu’il est agréable d’être submergée par des émotions contradictoires.💃

Instructions for dancing, Nicola Yoon, traduit par Laurence Bouvard (Bayard)
disponible depuis le 8 juin 2022
9791036332746 – 17,90€
à partir de 12 ans
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Taxonomie de l’amour – Rachael Allen

Il faut savoir deux choses sur Spencer : il a le syndrome de la Tourette et il est tombé fou amoureux de sa voisine Hope, qui vient d’emménager à côté de chez lui. Spencer sent tout de suite qu’elle est spéciale : Hope aime escalader les arbres, adore les anecdotes bizarres sur des sujets inutiles, et surtout, elle ne se moque pas de lui et de ses tics moteurs et vocaux. À ses côtés, il a l’impression de faire enfin partie du monde qui l’entoure. Les deux adolescents vont grandir l’un à côté de l’autre, oscillant entre amour et amitié. Malheureusement pour Spencer, la vie n’est pas aussi simple que les taxonomies qu’ils s’amusent à créer…

Si vous imaginez suivre les aventures d’un garçon qui crie des injures à cause de ce syndrome, passez votre chemin ! Spencer a des gestes involontaires, des tics nerveux (reniflements, haussements d’épaule) et des tics sonores (parfois il répète le dernier mot d’une phrase). Passé ce syndrome, c’est un adolescent curieux, passionné par les insectes, qui essaye de prendre sa place dans le monde. Il va y réussir, petit à petit, notamment grâce à son amitié avec Hope et un surprenant talent pour la lutte. Talent qui apparaît à force de se faire maltraiter par d’autres garçons et par son frère Dean, le beau grand frère à qui tout réussit.

Au début du roman, les personnages paraissent stéréotypés, comme une série télévisée (le beau garçon, le sportif…) mais au fil du roman, on va se rendre compte qu’ils ont tous des failles, des histoires dysfonctionnelles. On prend plaisir à suivre l’évolution d’Hope et de Spencer à travers le temps, car le roman les suit de 13 à 19 ans. Un temps de l’adolescence fort en émotions.

Taxonomie de l’amour est une excellente lecture, qui sous son air de romance, en réalité nous parle de différence, des liens familiaux et de deuil. La passion du protagoniste pour la taxonomie, un système de classification des êtres vivants, l’invite à en créer lui-même concernant les personnes qui l’entourent. On pourra ainsi découvrir par exemple une « Taxonomie des filles qui m’empêchent de me concentrer sur mes devoirs de maths », très drôle. Ces schémas apportent de la légèreté dans des situations parfois émouvantes.

Un roman parfait pour les adolescents qui souhaitent une histoire d’amour hors des cases et qui prouve que les relations humaines ne se résument pas à une classification scientifique !

Taxonomie de l’amour, Rachael Allen (Bayard)
disponible le 8 juillet 2020
9782747095051 – 14,90€
à partir de 14 ans
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Adèle & les noces de la Reine Margot – Silène Edgar

Silène Edgar revient avec un roman qui pulvérise Max Gallo, remet en place Stéphane Bern et bouleverse les codes de la lecture plaisir.

★★★★★

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Adèle, adolescente en pleine crise décide que ses parents sont nuls et que les études sont moins importantes que le temps qu’elle peut consacrer à ses amies. Les vacances arrivent à grands pas et là…le drame. Elle doit lire un livre. Mais ce n’est pas tout : en entier ! La catastrophe absolue, la punition ultime pour Adèle qui considère la lecture comme une perte de temps. Un livre avec pour titre « La Reine Margot » de Dumas de surcroît – toutes ces tribulations historiques n’enchantent absolument pas la jeune fille qui semble lutter pour repousser l’inévitable. Mais tout va changer lorsque dans ses rêves, Adèle se retrouve à la Cour de la Reine Margot parmi une farandole de personnages dont se démarque un charmant jeune homme…Adèle se retrouve face à un choix cornélien : rester en 1572 et sacrifier sa vie de 2015 ou quitter son rêve ?

Silène Edgar a du écouter les plaintes de nombreux adolescents : « lire un livre ?! nooon tout mais pas ça ! s’te-plait maman je nettoierai le garage tous les week-ends ! » Voilà une histoire qui devrait réconcilier quelques enfants avec la lecture : cette femme sait mêler l’histoire à l’agréable qui est parfois l’ennemi numéro 1 des thèmes pour certains. Déjà, avec 14-14 qu’elle avait co-écrit avec Paul Béorn, l’association histoire + fantastique avait été plus que concluante et chacun des jeunes clients qui l’ont lu ont tous été conquis et surpris de l’avoir « dévoré ». Que tout le monde se rassure : Adèle et les noces de la Reine Margot est addictif, avec une saveur d’aisance et le luxe d’avoir un excellent livre entre les mains. Je pense que Silène Edgar ne laisse rien au hasard. Si elle a choisi de mettre en avant une adolescente en détresse émotionnelle (eh oui : ce roman aborde également le mal-être de l’adolescence) et qui n’aime pas lire, c’est une meilleure tactique que toutes celles que Jack Bauer a pu utiliser en 24. Parce que pour le vivre régulièrement en librairie : il n’y a rien de plus simple que d’intéresser un adolescent à la lecture en lui présentant un personnage qui lui aussi ne s’y intéresse pas avec lequel il trouvera quelques similitudes. Well done Silène.

Adèle & les noces de la Reine Margot, Silène Edgar (Castelmore)
en librairie depuis le 15 avril 2015
9782362311451 – 10.90€
à partir de 9 ans

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Le choix de Bérénice – Fabien Clavel

9782700246544,0-2506046

Hier, Rageot a lancé une nouvelle collection : In love. Destinée aux adolescents, elle propose des romans d’amour librement adaptés de classiques de la littérature. Et là, exit les romances mêlées de fantastique ou de créatures étranges, ce sont des romans d’amour « à l’ancienne », si j’ose dire. Le choix de Bérénice, écrit par Fabien Clavel (que je connais surtout par ses romans de fantasy), fait partie des trois premiers titres de la collection. Le pari est-il réussi ?

Arslan rencontre Bérénice lors des vacances d’été et tombe instantanément amoureux d’elle. Mais celle-ci est sous le charme de Titus, futur héritier du plus grand empire financier au monde. Lorsque Titus demande à Bérénice de l’accompagner aux États-Unis, elle ne peut se résoudre à partir sans Arslan, devenu ami du couple. Comment se dernier parviendra-t-il à dissimuler son amour pour Bérénice ?

★★★☆☆

Pour cette histoire, Fabien Clavel s’inspire de la tragédie de Racine, sobrement intitulée Bérénice. L’auteur explique qu’il a choisi cette histoire car elle l’a beaucoup touché et parce qu’il s’agissait d’une des rares tragédies où il n’y a pas de mort… On passe donc ainsi de la pièce de théâtre au roman, ce qui se ressent beaucoup dans l’écriture et plus particulièrement dans les dialogues. C’est étonnant, mais pas déplaisant. Je ne sais pas si vous avez vu le film Beaucoup de bruit pour rien, de Joss Whedon (adaptation modernisée de la pièce de Shakespeare, où tout se déroule aux États-Unis, à notre époque, mais en gardant le texte original), car j’ai trouvé que le procédé était très similaire et donnait la même impression. A la place de la Rome antique, Fabien Clavel a transposé son action aux États-Unis, dans la ville de Rome (Géorgie), où le campus remplace le palais. Et au lieu d’être rois et princesses, les personnages principaux sont tous héritiers de multinationales diverses. Mais pour ceux qui connaissent la pièce de Racine, l’intrigue est la même, et vous n’aurez pas de surprise. Pour les autres, cette lecture vous donnera probablement envie de découvrir l’œuvre originale (cela a été mon cas, je ne connaissais pas cette tragédie-là de Racine). 🙂 Mais ne vous inquiétez pas, les thématiques soulevées sont très contemporaines et se prêtent très bien à une adaptation à notre époque : les différences de classes sociales, la réussite, les traditions, le triangle amoureux… Et l’amour, bien sûr. Le roman fonctionne bien, et puis ça change de lire des histoires d’amour qui n’impliquent pas des créatures surnaturelles ou des humains surpuissants, ou dans un contexte post-apocalyptique terrible. Ou à l’hôpital. 😛
Maintenant, je serais curieuse de connaître le ressenti des lecteurs ciblés par cette nouvelle collection. Je ne sais pas comment sont traités les autres romans, mais j’ai tout de même un doute sur l’appréciation de ce texte par les ados de 14 ans et plus (tranche d’âge ciblée). L’écriture n’est pas très difficile, elle est efficace, et le texte, court et très romantique, sera sûrement plus recherché et apprécié de lecteurs un poil plus jeunes. J’attends vos retour là-dessus !

A noter : le travail de Rageot sur la maquette, qui est très aérée et qui propose un rabat vers l’intérieur, servant aussi bien de marque-page que donnant l’impression d’ouvrir un livre rempli de quelques secrets… De quoi donner envie de lire à l’intérieur, non ? 🙂

Le choix de Bérénice, Fabien Clavel (Rageot)
collection In Love
en librairie depuis le 18 mars 2015
9782700246544 – 10,50 €
à partir de 12 ans

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Tant que nous sommes vivants – Anne-Laure Bondoux

S’il y a une auteure que je souhaite serrer dans mes bras, c’est Anne-Laure Bondoux. Son prochain roman est une merveille, il a fait fondre mon coeur de pierre et c’est plutôt rare.

★★★★★

tant-que-nous-sommes-vivantsBo et Hama travaillent tous les deux dans l’usine de métallurgie de la ville et vivent d’un bel amour comme on en voit peu. A la suite d’un accident, ils sont contraints de fuir vers des terres inconnues, face à face avec la rudesse de la vie et ses épreuves.

Un roman initiatique où on assiste à la transformation des personnages, l’adversité les fait grandir et les bonheurs qu’ils connaissent les font survivre.

Une histoire qui m’a fait pensé à Billy Elliot de Melvin Burgess, sans doute pour l’aspect ouvrier de la ville, la forte présence du chômage et les combats plein d’espoir des personnages. Un bel écho en somme. Mais il y a d’autres dimensions dans ce roman : empreinte de magie et d’aventure, cette lecture nous consume et on comprend peu à peu qui est ce mystérieux narrateur qui nous conte l’histoire de Bo et Hama…Je me retiens de ne pas tout vous révéler de ce roman mais je vous donne quelques indices de lecture parce que je suis sympa : une explosion, un cabaret, un nouveau-né, la nature sauvage et hostile, 19 petits personnages, des allures de légendes et des questions fondamentales qui résonnent souvent dans ce roman, comme celle de Hama :
« Faut-il perdre une part de soi pour que la vie continue ? »

Un conte au goût métallique doublé d’une écriture presque lyrique, merci Anne-Laure Bondoux pour ce roman si bien achevé.

Et Bob aussi l’a lu !

★★★★★
Anne-Laure Bondoux est une raconteuse d’histoires incroyable ! J’avais adoré ses précédents romans (en particulier Les larmes de l’assassin) et je n’ai pas été déçue avec celui-ci, que j’attendais avec impatience ! Ce roman aux allures de conte ne vous laissera sûrement pas indifférent : on se laisse entraîner dans un univers sans nom ni temps ni histoire. La seule chose que l’on sait : c’est la guerre, passée, présente ou future. Il y a l’usine, sombre et gigantesque, nerf d’acier de cette ville où vivent Bo et Hama, deux jeunes gens unis par un amour digne d’un conte de fées. Et il y a des rumeurs lointaines, des prophéties énoncées par un vieil homme, une femme aux jambes de fer, des rêves étranges… Une atmosphère qui nous enveloppe, nous transporte de la froideur du métal au soleil de la mer, en passant par les entrailles de la terre. L’histoire de Bo et Hama se déroule sous nos yeux fascinés, le narrateur se dévoile peu à peu et le cheminement de la vie se poursuit jusqu’à la dernière page… L’on pourrait discourir encore longtemps sur ce merveilleux roman, mais je vais m’arrêter là et, comme Jean-Michel, vous inviter chaudement à lire Tant que nous sommes vivants.

Tant que nous sommes vivants
en librairie le 25 septembre
Anne-Laure Bondoux
Gallimard Jeunesse éditions
9782070653799
17 €
à partir de 13 ans

* Entretien avec Anne-Laure Bondoux suivi d’un extrait, à lire sur le site de Gallimard
* Le site de l’auteur
* Je le mentionnais plus haut –> « Billy Elliot » de Melvin Burgess à découvrir

disponible en Folio Junior à 6€