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De lune et de sang – Erin Beaty

Jeune orpheline au service du maître architecte du Sanctum, une immense cathédrale à la gloire de la Lumière, Catrin, grâce à sa dextérité et sa maîtrise de l’escalade, est chargée d’en inspecter les échafaudages et les éléments de construction, à la recherche de la moindre faille. Mais lors d’une nuit d’inspection, elle est victime d’une chute et d’étranges visions. Au même moment, une jeune femme est assassinée à quelques rues de là. Lorsqu’elle découvre ce meurtre sanglant, Catrin va être entraînée dans l’enquête, aux côtés de Simon, un étranger chargé de mener l’investigation.

Entre Jack l’Eventreur et les Piliers de la Terre, Erin Beaty nous propose un roman oscillant entre fantasy et thriller. Crimes, magie, maladie mentale et amour sont au programme de ce très dense pavé à la couverture envoûtante. Malgré quelques écueils habituels du roman young adult (les longueurs – ils doivent être obligés de ne jamais faire moins de 600 pages aux Etats-Unis !! – l’héroïne parfois agaçante et la romance un peu rapide), Erin Beaty parvient à mélanger toutes ses inspirations et ses thèmes dans une histoire qui tient plutôt bien la route. En premier lieu son univers de fantasy médiévale, qui n’est pas tant décrit que ça, et qui n’en a pas tellement besoin tant les images viennent tout de suite à l’esprit grâce à une écriture très visuelle. On prend également énormément de plaisir à découvrir progressivement la magie dont Cat semble être la détentrice, une magie liée aux effets de la Lune, astre honni par la population pour ce qu’il personnifie. Mais c’est surtout l’enquête policière qui va prendre le pas dans la vie de Catrin et dans notre intérêt de lecteur.rice, surtout quand les suspects se révèlent proches d’elle. Attention cependant à quelques scènes décrites de manière presque chirurgicale, et à la nature des meurtres, qui sont terrifiantes ! (On le réservera donc aux grands ados)

Mais au-delà de l’enquête, de la romance ou de la magie, De Lune et de sang interroge surtout notre relation à la maladie mentale. Plusieurs personnages y sont confrontés d’une manière ou d’une autre et l’autrice parle d’ailleurs à la fin du roman d’une ville belge, Geel, qui lui a inspiré une ville de son propre univers, celle dont l’enquêteur Simon est originaire, un refuge pour les malades.

Il s’agit du premier tome d’une duologie, mais l’enquête étant résolue à la fin, il peut tout à fait se suffire à lui-même.

De lune et de sang, t.1, Erin Beaty, traduit par Marie Kempf (Lumen)
disponible depuis le 19 janvier 2023
9782371023864 – 17€
à partir de 15 ans
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La vie indocile d’Achille Le Guennec – Isabelle Renaud & André Mora

A l’aube des vacances d’été, Achille Le Guennec rêve d’assister au festival de métal organisé par son oncle, mais un bulletin catastrophique et un avis de redoublement risquent bien de l’en empêcher ! Et lorsque son père se fait licencier de son travail pour cause de mondialisation (il ne parle pas anglais !), c’est le chamboulement dans la famille. Avec sa petite sœur Eloïse, il est ainsi obligé de se trouver un correspondant anglais pour l’été, mais aussi de réviser toutes ses matières et, surtout, de remonter à cheval – grande tradition Le Guennec – lui qui en a une frousse bleue depuis une chute. Bref, les vacances ne s’annoncent pas super fun…

En ce froid mois de janvier, rien de tel qu’une bonne petite comédie familiale et estivale pour se donner du baume au cœur ! Et cette entrée dans la vie des Le Guennec va vous réchauffer autant les zygomatiques que l’âme ! Achille est en effet un adolescent ma foi plutôt dans la moyenne, ni en crise, ni vraiment parfait, qui rêve de guitares saturées et de la belle Corinne – qui elle ne lui accorde aucun regard. Évidemment, ses parents, et surtout son père, attendent beaucoup de lui et projettent pas mal de leurs envies sur le pauvre garçon qui n’a rien demandé. C’est donc avec une certaine mauvaise volonté et un peu d’entourloupe qu’Achille va tenter de faire sauter la corvée de correspondant et de reprise de l’équitation car, malheureusement, les révisions, il ne pourra pas y couper… Quand sa petite sœur réussit à entrer en contact avec une correspondante et que celle-ci, Alice, vient passer une semaine chez eux, Achille n’est pas au bout de ses surprises…

Dans un style enjoué et plein d’humour, Isabelle Renaud et André Mora nous dressent le portrait d’un adolescent irrésistible, petit métalleux au cœur tout mou qui se laisse embarquer par la tornade Alice, une drôle d’anglaise qui va secouer durablement la famille Le Guennec. Vous vous en doutez, une histoire d’amour va lui tomber dessus, tout comme une redécouverte de l’équitation, notamment des techniques de dressage éthologique qui vont remettre en perspective tout ce qu’il sait de sa relation avec les chevaux et, plus largement…avec les humains. Car bien sûr, il est aussi question des relations familiales, de la pression des parents sur leurs enfants (même s’ils veulent bien faire) et de l’épanouissement de chacun. Bref, un roman léger et enthousiasmant, tout en énergie et en tendresse, qui donne envie de rester plus longuement auprès des Le Guennec.

La vie indocile d’Achille Le Guennec, Isabelle Renaud et André Mora (Syros)
disponible depuis le 12 janvier 2023
9782748531138 – 17,95€
à partir de 12 ans
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Le voleur de drap – Elodie Bouédec

Un petit garçon dort profondément, jusqu’à ce que son drap lui glisse des jambes et le réveille en frissonnant ! Quelle surprise de découvrir alors un petit fantôme qui le lui a piqué. Celui-ci s’est perdu en allant à la blanchisserie et, désormais, il ne sait plus comment rejoindre ses compagnons pour se rendre dans l’Envermonde. Le petit garçon pourra-t-il l’aider ?

D’abord réticent, ce petit garçon réveillé subitement dans la nuit va se laisser embarquer par le petit fantôme et tenter de lui venir en aide. Pour cela, il va essayer de se rappeler tous les endroits où l’on sait qu’il peut y avoir des fantômes : cimetières, manoirs mystérieux et probablement hantés, fêtes foraines endormies ou encore bois sombres… Mais nos deux compères font chou blanc et, bientôt, pointe le lever du jour, désespérant le fantôme et faisant craindre au petit garçon que ses parents ne s’inquiètent. Le petit fantôme finira-t-il par rejoindre ses amis et l’Envermonde ?

Une histoire d’amitié singulière sur fond de fantastique pour une nuit magique et hors du temps, voilà ce que nous réserve cet album d’Elodie Bouédec, non sans rappeler quelques histoires classiques de la littérature jeunesse. Ce sont surtout les illustrations qui nous interpellent et nous happent, grâce à une technique plutôt unique : le sable ! Déjà repérée avec Dans mon petit monde (chez le même éditeur, sur un texte de Sandrine Bonini), Elodie Bouédec crée des images avec du sable qu’elle teinte, photographie puis retravaille à l’ordinateur, leur donnant ainsi un grain (haha) tout particulier. Ici, dans des compositions oscillant entre l’album et la bande dessinée, ses images délicates et lumineuses dégagent une atmosphère aussi douce et mystérieuse qu’un rêve, en parfaite adéquation avec le sujet du livre. Une quête nocturne réussie !

Le voleur de drap, Elodie Bouédec (Grasset-Jeunesse)
disponible depuis le 19 octobre 2022
9782246830122 – 17,50€
à partir de 5 ans
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Les Facétieuses – Clémentine Beauvais

Un roman de Clémentine Beauvais, c’est un peu comme le Beaujolais nouveau : on l’attend toujours avec beaucoup d’impatience, un peu toujours à la même date, et on a vraiment hâte de le déguster ! Mais, surtout, on se demande quelle surprise nous attend…eh bien, sachez-le, vous n’allez pas être déçu.es !

Quand on lui propose d’écrire un texte de théâtre, Clémentine Beauvais – autrice déprimée suite à des échecs personnels et professionnels – s’intéresse soudainement à l’un des grands mystères de notre Histoire : les marraines la bonne fée. En effet, en se demandant qui pouvait bien être la marraine de Louis XVII, Clémentine trébuche et commence alors une enquête sur ces personnalités quasi oubliées qui ont disparu en même temps que la magie dans notre monde…

Bob a reçu le don de grâce (ou de graisse ?)…

Pour cette nouvelle rentrée, Clémentine Beauvais délaisse le roman et la fiction pour nous embarquer dans un essai aussi merveilleux que facétieux… Nous voici donc embarqués dans une enquête douce-dingue sur le sort des marraines la bonne fée, qui officiaient depuis des siècles sur les bambins royaux et de la grande noblesse. En bonne universitaire, Clémentine Beauvais s’attèle donc à la longue phase de recherches, émaillée de belles trouvailles ou au contraire de sérieuses déceptions, pour nous raconter comment les marraines la bonne fée ont progressivement disparu après la Révolution française et, par voie de conséquence, comment à disparu la magie. Mais au-delà de l’énigme historique, c’est l’occasion également de découvrir Clémentine Beauvais dans son quotidien d’autrice fraîchement revenue de Grande-Bretagne où elle travaillait jusqu’à présent, ses amis ses amours ses emmerdes (comme dit la chanson), jusqu’à l’entrée progressive du mystère dans sa vie.

Encore une fois, Clémentine Beauvais nous éblouit par son imagination extravagante et sa maîtrise d’une narration qui nous happe dès les premières pages. Et ce alors même qu’il s’agit d’un essai (vous en avez lu beaucoup, vous, qui étaient aussi passionnants que ça ?) ! Vous serez libres, à la fin du livre, de croire ou ne pas croire à la conclusion de son enquête mais posez-vous quelques minutes et réfléchissez un peu à ce que vous pensez savoir du monde… Clémentine Beauvais a peut-être raison…

Alors le monde ne serait pas régi par les reptiliens et les Illuminati… ?

…et Lisette celui de l’esprit ! (ou pas)

Facétie : action, parole ou écrit qui a quelque chose de bouffon, de burlesque ; plaisanterie, farce, espièglerie nous dit la célèbre fée Larousse. Clémentine Beauvais est une autrice malicieuse, si vous ne le saviez pas encore, ce livre vous le prouvera ! Elle signe avec ce roman une autofiction déroutante. Entre enquête, fiction et conte merveilleux, Clémentine brouille les pistes. Elle joue avec les codes et la forme, comme elle l’avait fait dans son précédent roman Âge Tendre. Encore une fois, elle nous époustoufle ! On ne sait pas déjouer le vrai du faux. Elle s’amuse à mettre en scène sa vie, sa famille et d’autres auteurs de chez Sarbacane. Coucou Julia, coucou Aylin ! Mais surtout elle va mener l’enquête sur la disparition des marraines la bonne fée, pourquoi ont-elles disparu ? Elle taquine nos certitudes historiques, insère des extraits de livre d’Histoire plus vrais que nature. On en viendrait à douter de notre passé.

Malgré mon émerveillement devant la faculté de l’autrice à se renouveler, il a un infime-mini-rikiki-chouïa bémol. J’ai trouvé les derniers chapitres un peu dense. Digne d’une grande universitaire mais du haut de mes couches-culotte, c’était moins magique – tout en restant brillant (comme une baguette magique !).

Lisette a envie de rester dans la comparaison vinicole de Bob, pour dire que Clémentine Beauvais nous offre un excellent millésime ! Tel un grand champagne, c’est souple, vif et pétillant ; ça nous laisse un joli goût littéraire en bouche.

Bonne fée
Allez les enfants, venez découvrir Pierre Bourdieu et les inégalités sociales sous fond de magie !

Les Facétieuses, Clémentine Beauvais (Sarbacane)
collection Exprim’
disponible depuis le 24 août 2022
9782377317318 – 17€
à partir de 13 ans
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Gamine – Emmanuelle Rey

Judith a seize ans, fait de la natation en club avec sa meilleure amie, et ne rêve que d’avoir un petit copain intéressant. En boîte, elle rencontre Colin, mature, sûr de lui et qui s’intéresse à elle. Mais il a 32 ans, et peu importe s’il a le double de son âge (même si elle lui a – un peu ! – menti) car elle est enfin amoureuse !

Après le poignant Comme deux frères (qu’on n’avait pas eu l’occasion de commenter ici mais qu’on vous conseille grandement) sur la disparition et la culpabilité, Emmanuelle Rey revient chez Didier Jeunesse avec un roman qui s’intéresse aux relations toxiques et notamment à l’emprise. Je ne vous divulgue rien, on le sait très rapidement ! D’autant plus que le texte est très court, ce qui participe d’ailleurs à la qualité de ce roman, raconté du point de vue de Judith, et qu’on lit en totale apnée. Car la relation de Judith avec Colin devient très vite dérangeante, faite de règles et d’excuses dont on comprend très vite qu’elles vont mettre la jeune fille sous l’emprise de cet homme pas si beau, pas si intéressant, pas si puissant, mais qui va la manipuler à sa guise. Malgré les mises en garde de sa meilleure copine, ou même de sa famille, mais aussi de sa propre conscience que tout n’est pas « normal », Judith s’enfonce un peu plus dans cette relation qui n’a plus rien de magique et qui la met dans des situations parfois inconfortables ou dangereuses.

L’écriture d’Emmanuelle Rey, sans artifices, où tout est dit sans suggestions ou fioritures, est terriblement efficace. L’empathie pour Judith est totale et la sensation de retenir notre souffle jusqu’au bout, jusqu’au dernier mot, n’en est sans doute pas une ! (On a bien expiré une fois arrivé à la fin, soyez prévenu.es !) Un roman intense et bouleversant. On aime aussi cette très belle couverture d’Emmanuel Polanco, qui s’accorde parfaitement au texte.

Gamine, Emmanuelle Rey (Didier Jeunesse)
disponible le 14 septembre 2022
9782278120918 – 13,50€
à partir de 14 ans
Son
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D’après La Traviata – Fabien Clavel

En cette rentrée littéraire, les éditions Gulf Stream sortent une nouvelle collection de romans ados intitulée « Prélude ». Celle-ci propose des romans courts, réinterprétant des opéras célèbres avec les codes du roman adolescent, pour faire découvrir la richesse du répertoire classique et montrer l’intemporalité des histoires qui y sont évoquées. Chez Bob et Jean-Michel, nous avons découvert D’après La Traviata dont on ne connaissait finalement pas grand-chose à part le titre ou quelques airs connus…

Waïla, surnommé Violetta en souvenir des fleurs de son Algérie natale, vit à Paris avec sa mère qui ne lui a jamais témoigné d’affection. Consciente de sa beauté, désireuse d’être aimée, elle adopte peu à peu des comportements destructeurs, qui vont la mettre sur le chemin du Baron. Devenue escort-girl alors qu’elle n’est même pas majeure, Violette goûte au luxe et à l’argent qui coule à flots, jusqu’à sa rencontre avec Alfredo, avec qui elle va connaître le bonheur…

Héroïne tragique par excellence, Fabien Clavel nous invite à découvrir le destin de Violetta, la Traviata, à travers une longue lettre qu’elle écrit pour Alfredo. On y découvre ses origines, ses joies, ses peines et tout ce qui l’a menée à cette vie qui ne sera que trop courte. Entre l’époque à laquelle se déroule l’histoire dans l’opéra de Verdi et la nôtre, contemporaine, les considérations sont exactement les mêmes – c’est d’ailleurs ce qui a poussé Fabien Clavel à choisir cette œuvre, comme il l’explique dans sa préface, évoquant le mouvement #metoo ou encore l’affaire Zahia. Le roman s’inscrit en effet dans une résonnance avec l’opéra de Verdi sur la condition de la femme, le pouvoir des hommes et la difficulté à sortir de la pauvreté. L’histoire, aux thèmes universels, n’en est que plus bouleversante. D’autant plus que Fabien Clavel a choisi la versification pour cette longue lettre dans laquelle Violetta se révèle : l’écriture en vers apporte ainsi une fluidité, une émotion et un lyrisme qui donnent vie à son histoire comme le ferait la musique – voilà qui tombe bien !

D’après La Traviata, Fabien Clavel (Gulf Stream)
collection Prélude
disponible depuis le 25 août 2022
9782354889814 – 13€
à partir de 14 ans
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Les Errantes – Jo Witek

Suzanne est une streameuse de jeux vidéo à la recherche de la célébrité. Saskia une jeune artiste lettone qui rêve d’être exposée dans une galerie. Et Anne-Lise une adolescente de bonne famille à la spiritualité exacerbée. Toutes trois vivent au sixième étage d’un bel immeuble haussmannien et ne se connaissent pas réellement. Jusqu’à ce qu’elles soient la proie d’étranges phénomènes qui vont leur demander de s’unir pour se sortir de ce qui va vite devenir un véritable enfer mental…

Le talent de Jo Witek n’est plus à démontrer : aussi à l’aise dans le thriller que dans le contemporain ou même l’album et le documentaire, nous voici cette fois dans le domaine de l’épouvante. Un genre qu’on adore tout particulièrement ici ! Dans ce roman à trois voix, préparez-vous à quelques nuits blanches et à interroger votre santé mentale. Alors que l’on fait connaissance avec nos trois jeunes filles aux caractères, aux histoires et aux intérêts diamétralement opposés, l’étrange fait peu à peu son entrée dans leurs vies, remettant en cause leurs certitudes, percutant leur réalité. Mais ces voix étranges, ces cauchemars trop prégnants ou ces apparitions fantomatiques dont elles vont être les victimes vont aussi et surtout les rassembler et les amener à considérer une amitié dont elles n’avaient pas forcément envie au premier abord. Une sororité qui se construit, donc, en dépit de leurs différences et de leurs angoisses. D’autant plus que les fantômes qui les hantent ont sans doute bien plus à voir avec elles qu’elles ne le pensent…

Mais la force du roman de Jo Witek n’est pas seulement dans cette angoisse glissante, elle est aussi dans ces très beaux portraits de jeunes femmes, et surtout dans ce que ces scènes de terreur disent réellement. Car, à mesure que l’histoire avance, que les jeunes filles font face et tentent de comprendre, ce sont d’autres histoires qui viennent se révéler, des histoires terribles, des histoires de femmes qui ont été brisées. Et c’est là toute l’ingéniosité du récit (et l’un des traits caractéristiques d’une bonne histoire d’horreur) qui, en plus de nous faire frissonner, nous dévoile des destins et des réalités sociales fortes. L’épouvante pour provoquer une réflexion féministe : on dit oui !

Les Errantes, Jo Witek (Actes Sud Junior)
disponible depuis le 17 août 2022
9782330167868 – 16,50€
à partir de 13 ans
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Pause estivale

C’est l’été chez Bob & Jean-Michel, et le blog se met en pause ! Bob et Lisette vous souhaitent un très bel été, de bonnes vacances si vous avez la chance d’en avoir, de chouettes lectures et, surtout, profitez-bien ! ☀️🍹🍨
Au programme chez nous, lecture et lecture…on ne change pas une équipe qui gagne !

Bel été !

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Sous-sol – Martine Pouchain

A cause d’une catastrophe à l’échelle de la planète, toute vie a été anéantie. Avec ses parents et sa sœur, Leslie s’est réfugiée dans le sous-sol de leur maison, attendant le moment où il sera possible de revenir à la surface, où les Elus comme elle et sa famille pourront reprendre possession du monde et le façonner à leur image. Mais l’attente est longue pour deux jeunes filles qui rêvent d’un avenir grandiose…

Enfermée dans le sous-sol de leur maison depuis qu’elle a quatre ans, Leslie ne se souvient pas de grand-chose du monde d’Avant. Seules les histoires racontées par son père et les horribles photos sur le mur pour se souvenir de l’apocalypse lui permettent de se rappeler, peut-être, quelques éléments de ce monde que les bombes et les virus ont dévasté. Avec sa grande sœur Amy, elles n’ont plus que quelques livres de contes, et notamment celui de Rapunzel (Raiponce), pour occuper leurs journées monotones dans cet espace confiné tandis que seul leur père remonte à la surface – avec un masque – pour cultiver leur potager dans une serre protégée. Alors que les années passent et que les filles grandissent, leur impatience de retourner En Haut se fait de plus en plus grande. Et lorsque la puberté arrive pour Amy, la fébrilité est à son comble. Mais leur père ne cesse de leur expliquer que le moment n’est pas encore venu, que le monde est toujours aux prises de loups dégénérés, et qu’il faut encore attendre. Mais combien de temps encore ? Alors qu’Amy tient tête à son père et que sa mère perd espoir, Leslie tente de garder la tête froide mais les choses ne se passent pas aussi bien que le père le voudrait…

Dans ce court roman aux accents post-apocalyptique dont il est bien difficile de vous parler sans vous révéler le fin mot de l’histoire, sachez en tous cas que Martine Pouchain ne manquera pas de vous rappeler ces sensations parfois étouffantes du confinement pour une mise sous tension très réussie. Le dénouement pourra vous surprendre ou pas du tout et aura peut-être un goût de trop rapide (c’est le cas pour moi) mais tout le développement de l’histoire est captivant. Car il est avant tout question de comment s’articule un groupe de personnes, une famille, dans un environnement aussi resserré et accablant, comment on grandit dans cet espace où il n’y a jamais de nouveauté, jamais de stimulation extérieure, seulement la solitude et l’entre-soi, la croyance d’un paradis qui s’ouvrira pour une poignée d’élus. C’est fascinant et glaçant, et bien plus encore lors de la résolution et de la note de l’autrice en fin d’ouvrage. Diablement efficace !

Sous-sol, Martine Pouchain (Sarbacane)
collection Exprim’
disponible depuis le 2 février 2022
9782377317219 – 16€
à partir de 13 ans
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Enterrer la lune – Andrée Poulin

Dans un petit village en Inde, Latika déteste la Lune. Car elle est la raison pour laquelle elle et toutes les autres filles et femmes de son village sont obligées d’aller dans le champ de la Honte. Elle est la raison pour laquelle sa grand-mère est alitée, pour laquelle sa tante pleure tout le temps et pour laquelle les filles ne peuvent plus aller à l’école une fois qu’elles sont devenues femmes… Alors lorsqu’un représentant du gouvernement, M. Samir, se présente dans son village, Latika est prête à briser les tabous pour concrétiser une idée qui changera sa vie.

Ce champ de la Honte, c’est celui dans lequel Latika et les autres femmes du village sont contraintes de faire leurs besoins. Car il n’existe pas de d’installations sanitaires, comme pour 4 milliards d’autres personne dans le monde (un chiffre ahurissant !). En plus du manque d’hygiène, d’intimité, les risques sont grands pour ces filles qui doivent attendre la nuit pour se soulager en secret. Comme pour sa grand-mère qui est alitée à cause d’une piqûre de scorpion dérangé pendant la nuit, ou sa tante qui a perdu son bébé à cause de la fièvre et du manque d’hygiène. Alors Latika déteste la nuit, cette Lune qui l’éclaire si faiblement pendant qu’elle doit se cacher pour accomplir un besoin qui semble si simple et évident et lui enlève sa dignité, ce champ qui est le symbole de cette honte que les femmes doivent cacher et accepter sans rien dire, cette inégalité qui la sépare des garçons, qui l’empêchera de poursuivre ses études à l’école lorsqu’elle atteindra la puberté. Pour raconter cette injustice, Andrée Poulin a choisi le vers libre, une succession de textes courts et poétiques qui disent la honte, la colère, la pudeur et la détermination de cette jeune fille courageuse et idéaliste qui profitera de la venue de M. Samir pour oser prendre la parole et demander des toilettes pour toutes les femmes de son village.

Un texte subtil et délicat merveilleusement illustré par l’illustratrice indienne Sonali Zohra. Des couleurs chatoyantes et vibrantes, avec une dominante du violet, qui illuminent complètement ce récit plein d’espoir. Un roman qui permettra également de prendre conscience de ces privilèges qui nous semblent acquis, mais ne le sont pas pour toutes et tous.

Enterrer la lune, Andrée Poulin, illustré par Sonali Zohra (Alice Jeunesse)
collection Deuzio
disponible le 10 février 2022
9782874264801 – 14€
à partir de 10 ans