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De lune et de sang – Erin Beaty

Jeune orpheline au service du maître architecte du Sanctum, une immense cathédrale à la gloire de la Lumière, Catrin, grâce à sa dextérité et sa maîtrise de l’escalade, est chargée d’en inspecter les échafaudages et les éléments de construction, à la recherche de la moindre faille. Mais lors d’une nuit d’inspection, elle est victime d’une chute et d’étranges visions. Au même moment, une jeune femme est assassinée à quelques rues de là. Lorsqu’elle découvre ce meurtre sanglant, Catrin va être entraînée dans l’enquête, aux côtés de Simon, un étranger chargé de mener l’investigation.

Entre Jack l’Eventreur et les Piliers de la Terre, Erin Beaty nous propose un roman oscillant entre fantasy et thriller. Crimes, magie, maladie mentale et amour sont au programme de ce très dense pavé à la couverture envoûtante. Malgré quelques écueils habituels du roman young adult (les longueurs – ils doivent être obligés de ne jamais faire moins de 600 pages aux Etats-Unis !! – l’héroïne parfois agaçante et la romance un peu rapide), Erin Beaty parvient à mélanger toutes ses inspirations et ses thèmes dans une histoire qui tient plutôt bien la route. En premier lieu son univers de fantasy médiévale, qui n’est pas tant décrit que ça, et qui n’en a pas tellement besoin tant les images viennent tout de suite à l’esprit grâce à une écriture très visuelle. On prend également énormément de plaisir à découvrir progressivement la magie dont Cat semble être la détentrice, une magie liée aux effets de la Lune, astre honni par la population pour ce qu’il personnifie. Mais c’est surtout l’enquête policière qui va prendre le pas dans la vie de Catrin et dans notre intérêt de lecteur.rice, surtout quand les suspects se révèlent proches d’elle. Attention cependant à quelques scènes décrites de manière presque chirurgicale, et à la nature des meurtres, qui sont terrifiantes ! (On le réservera donc aux grands ados)

Mais au-delà de l’enquête, de la romance ou de la magie, De Lune et de sang interroge surtout notre relation à la maladie mentale. Plusieurs personnages y sont confrontés d’une manière ou d’une autre et l’autrice parle d’ailleurs à la fin du roman d’une ville belge, Geel, qui lui a inspiré une ville de son propre univers, celle dont l’enquêteur Simon est originaire, un refuge pour les malades.

Il s’agit du premier tome d’une duologie, mais l’enquête étant résolue à la fin, il peut tout à fait se suffire à lui-même.

De lune et de sang, t.1, Erin Beaty, traduit par Marie Kempf (Lumen)
disponible depuis le 19 janvier 2023
9782371023864 – 17€
à partir de 15 ans
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La vie indocile d’Achille Le Guennec – Isabelle Renaud & André Mora

A l’aube des vacances d’été, Achille Le Guennec rêve d’assister au festival de métal organisé par son oncle, mais un bulletin catastrophique et un avis de redoublement risquent bien de l’en empêcher ! Et lorsque son père se fait licencier de son travail pour cause de mondialisation (il ne parle pas anglais !), c’est le chamboulement dans la famille. Avec sa petite sœur Eloïse, il est ainsi obligé de se trouver un correspondant anglais pour l’été, mais aussi de réviser toutes ses matières et, surtout, de remonter à cheval – grande tradition Le Guennec – lui qui en a une frousse bleue depuis une chute. Bref, les vacances ne s’annoncent pas super fun…

En ce froid mois de janvier, rien de tel qu’une bonne petite comédie familiale et estivale pour se donner du baume au cœur ! Et cette entrée dans la vie des Le Guennec va vous réchauffer autant les zygomatiques que l’âme ! Achille est en effet un adolescent ma foi plutôt dans la moyenne, ni en crise, ni vraiment parfait, qui rêve de guitares saturées et de la belle Corinne – qui elle ne lui accorde aucun regard. Évidemment, ses parents, et surtout son père, attendent beaucoup de lui et projettent pas mal de leurs envies sur le pauvre garçon qui n’a rien demandé. C’est donc avec une certaine mauvaise volonté et un peu d’entourloupe qu’Achille va tenter de faire sauter la corvée de correspondant et de reprise de l’équitation car, malheureusement, les révisions, il ne pourra pas y couper… Quand sa petite sœur réussit à entrer en contact avec une correspondante et que celle-ci, Alice, vient passer une semaine chez eux, Achille n’est pas au bout de ses surprises…

Dans un style enjoué et plein d’humour, Isabelle Renaud et André Mora nous dressent le portrait d’un adolescent irrésistible, petit métalleux au cœur tout mou qui se laisse embarquer par la tornade Alice, une drôle d’anglaise qui va secouer durablement la famille Le Guennec. Vous vous en doutez, une histoire d’amour va lui tomber dessus, tout comme une redécouverte de l’équitation, notamment des techniques de dressage éthologique qui vont remettre en perspective tout ce qu’il sait de sa relation avec les chevaux et, plus largement…avec les humains. Car bien sûr, il est aussi question des relations familiales, de la pression des parents sur leurs enfants (même s’ils veulent bien faire) et de l’épanouissement de chacun. Bref, un roman léger et enthousiasmant, tout en énergie et en tendresse, qui donne envie de rester plus longuement auprès des Le Guennec.

La vie indocile d’Achille Le Guennec, Isabelle Renaud et André Mora (Syros)
disponible depuis le 12 janvier 2023
9782748531138 – 17,95€
à partir de 12 ans
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Magic Charly, t.3 – Justice soit faite ! – Audrey Alwett

Chers lecteurs,

Voici le final envoûtant de la série Magic Charly. Vous aviez lu mon enthousiasme lors de ma lecture du tome 1. Et bien, ce dernier tome est aussi EXTRAORDINAIRE que les deux précédents. C’est le cœur serré que j’ai fermé la dernière page de cette incroyable trilogie. Cette chronique est garantie sans aucun spoiler – c’est à peine si je vous raconte l’histoire en réalité, tellement j’ai aimé me replonger dans l’univers et l’inventivité de l’autrice, sans aucune attente.

Petit retour en arrière sur la fin du tome 2 et quelques mots sur le tome 3.

Dans le deuxième tome, Audrey Alwett nous laissait en plein cliffhanger. Nous terminions l’histoire avec le sinistre juge Dendelion devenant une allégorie de la Justice, l’Allégorie de la mort qui serait le frère de Sapotille et notre jeune Charly était passé dans un autre monde… De quoi ouvrir ce nouveau tome avec beaucoup d’attentes et de questions.

Dans ce troisième tome… Les pannes de magie se multiplient à Thadam. Sapotille et Césaria essayent de rallier les troupes pour préparer une attaque contre le juge. Pendant ce temps, Charly a retrouvé sa grand-mère et apprend à développer sa magie intuitive tout en cherchant un moyen de retourner dans son monde.

Mettez votre plus beau sapeur, prenez une pâtisserie de Dame Mélisse pour terminer cette trilogie en beauté ! Le merveilleux y est partout : magie, émotions, amour, amitié, concours de magie, humour, le tout avec les mêmes personnages truculents (à quand un livre sur Dame Carasse ?) qui évoluent pour notre plus grand plaisir. Vous ne pouvez pas rester indifférent à cette lecture, cette série mettra des étincelles dans votre coeur.

La magie ici est politique, au coeur d’une lutte de pouvoir, elle ne sauve personne. Elle n’empêche pas les larmes, les indignations et son lot de surprises ! Vous l’aurez compris, ce troisième tome est à la hauteur de toute la série. C’est un très beau voyage, une histoire humaine, bouleversante, qui invite à la réflexion (sur le pouvoir, le consentement..) tout en offrant des puissants moments d’émotions.

Vous aimez la magie ? Lisez cette série. Vous aimez Harry Potter ? Lisez cette série. Vous aimez Terry Pratchett ? Lisez cette série. Vous aimez lire ? Lisez cette série.

Magic Charly, t.3 – Justice soit faite !, Audrey Alwett,(Gallimard jeunesse)
disponible depuis le 3 novembre
9782075138383 – 17.50€
à partir de 12 ans
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Les Facétieuses – Clémentine Beauvais

Un roman de Clémentine Beauvais, c’est un peu comme le Beaujolais nouveau : on l’attend toujours avec beaucoup d’impatience, un peu toujours à la même date, et on a vraiment hâte de le déguster ! Mais, surtout, on se demande quelle surprise nous attend…eh bien, sachez-le, vous n’allez pas être déçu.es !

Quand on lui propose d’écrire un texte de théâtre, Clémentine Beauvais – autrice déprimée suite à des échecs personnels et professionnels – s’intéresse soudainement à l’un des grands mystères de notre Histoire : les marraines la bonne fée. En effet, en se demandant qui pouvait bien être la marraine de Louis XVII, Clémentine trébuche et commence alors une enquête sur ces personnalités quasi oubliées qui ont disparu en même temps que la magie dans notre monde…

Bob a reçu le don de grâce (ou de graisse ?)…

Pour cette nouvelle rentrée, Clémentine Beauvais délaisse le roman et la fiction pour nous embarquer dans un essai aussi merveilleux que facétieux… Nous voici donc embarqués dans une enquête douce-dingue sur le sort des marraines la bonne fée, qui officiaient depuis des siècles sur les bambins royaux et de la grande noblesse. En bonne universitaire, Clémentine Beauvais s’attèle donc à la longue phase de recherches, émaillée de belles trouvailles ou au contraire de sérieuses déceptions, pour nous raconter comment les marraines la bonne fée ont progressivement disparu après la Révolution française et, par voie de conséquence, comment à disparu la magie. Mais au-delà de l’énigme historique, c’est l’occasion également de découvrir Clémentine Beauvais dans son quotidien d’autrice fraîchement revenue de Grande-Bretagne où elle travaillait jusqu’à présent, ses amis ses amours ses emmerdes (comme dit la chanson), jusqu’à l’entrée progressive du mystère dans sa vie.

Encore une fois, Clémentine Beauvais nous éblouit par son imagination extravagante et sa maîtrise d’une narration qui nous happe dès les premières pages. Et ce alors même qu’il s’agit d’un essai (vous en avez lu beaucoup, vous, qui étaient aussi passionnants que ça ?) ! Vous serez libres, à la fin du livre, de croire ou ne pas croire à la conclusion de son enquête mais posez-vous quelques minutes et réfléchissez un peu à ce que vous pensez savoir du monde… Clémentine Beauvais a peut-être raison…

Alors le monde ne serait pas régi par les reptiliens et les Illuminati… ?

…et Lisette celui de l’esprit ! (ou pas)

Facétie : action, parole ou écrit qui a quelque chose de bouffon, de burlesque ; plaisanterie, farce, espièglerie nous dit la célèbre fée Larousse. Clémentine Beauvais est une autrice malicieuse, si vous ne le saviez pas encore, ce livre vous le prouvera ! Elle signe avec ce roman une autofiction déroutante. Entre enquête, fiction et conte merveilleux, Clémentine brouille les pistes. Elle joue avec les codes et la forme, comme elle l’avait fait dans son précédent roman Âge Tendre. Encore une fois, elle nous époustoufle ! On ne sait pas déjouer le vrai du faux. Elle s’amuse à mettre en scène sa vie, sa famille et d’autres auteurs de chez Sarbacane. Coucou Julia, coucou Aylin ! Mais surtout elle va mener l’enquête sur la disparition des marraines la bonne fée, pourquoi ont-elles disparu ? Elle taquine nos certitudes historiques, insère des extraits de livre d’Histoire plus vrais que nature. On en viendrait à douter de notre passé.

Malgré mon émerveillement devant la faculté de l’autrice à se renouveler, il a un infime-mini-rikiki-chouïa bémol. J’ai trouvé les derniers chapitres un peu dense. Digne d’une grande universitaire mais du haut de mes couches-culotte, c’était moins magique – tout en restant brillant (comme une baguette magique !).

Lisette a envie de rester dans la comparaison vinicole de Bob, pour dire que Clémentine Beauvais nous offre un excellent millésime ! Tel un grand champagne, c’est souple, vif et pétillant ; ça nous laisse un joli goût littéraire en bouche.

Bonne fée
Allez les enfants, venez découvrir Pierre Bourdieu et les inégalités sociales sous fond de magie !

Les Facétieuses, Clémentine Beauvais (Sarbacane)
collection Exprim’
disponible depuis le 24 août 2022
9782377317318 – 17€
à partir de 13 ans
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Gamine – Emmanuelle Rey

Judith a seize ans, fait de la natation en club avec sa meilleure amie, et ne rêve que d’avoir un petit copain intéressant. En boîte, elle rencontre Colin, mature, sûr de lui et qui s’intéresse à elle. Mais il a 32 ans, et peu importe s’il a le double de son âge (même si elle lui a – un peu ! – menti) car elle est enfin amoureuse !

Après le poignant Comme deux frères (qu’on n’avait pas eu l’occasion de commenter ici mais qu’on vous conseille grandement) sur la disparition et la culpabilité, Emmanuelle Rey revient chez Didier Jeunesse avec un roman qui s’intéresse aux relations toxiques et notamment à l’emprise. Je ne vous divulgue rien, on le sait très rapidement ! D’autant plus que le texte est très court, ce qui participe d’ailleurs à la qualité de ce roman, raconté du point de vue de Judith, et qu’on lit en totale apnée. Car la relation de Judith avec Colin devient très vite dérangeante, faite de règles et d’excuses dont on comprend très vite qu’elles vont mettre la jeune fille sous l’emprise de cet homme pas si beau, pas si intéressant, pas si puissant, mais qui va la manipuler à sa guise. Malgré les mises en garde de sa meilleure copine, ou même de sa famille, mais aussi de sa propre conscience que tout n’est pas « normal », Judith s’enfonce un peu plus dans cette relation qui n’a plus rien de magique et qui la met dans des situations parfois inconfortables ou dangereuses.

L’écriture d’Emmanuelle Rey, sans artifices, où tout est dit sans suggestions ou fioritures, est terriblement efficace. L’empathie pour Judith est totale et la sensation de retenir notre souffle jusqu’au bout, jusqu’au dernier mot, n’en est sans doute pas une ! (On a bien expiré une fois arrivé à la fin, soyez prévenu.es !) Un roman intense et bouleversant. On aime aussi cette très belle couverture d’Emmanuel Polanco, qui s’accorde parfaitement au texte.

Gamine, Emmanuelle Rey (Didier Jeunesse)
disponible le 14 septembre 2022
9782278120918 – 13,50€
à partir de 14 ans
Son
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D’après La Traviata – Fabien Clavel

En cette rentrée littéraire, les éditions Gulf Stream sortent une nouvelle collection de romans ados intitulée « Prélude ». Celle-ci propose des romans courts, réinterprétant des opéras célèbres avec les codes du roman adolescent, pour faire découvrir la richesse du répertoire classique et montrer l’intemporalité des histoires qui y sont évoquées. Chez Bob et Jean-Michel, nous avons découvert D’après La Traviata dont on ne connaissait finalement pas grand-chose à part le titre ou quelques airs connus…

Waïla, surnommé Violetta en souvenir des fleurs de son Algérie natale, vit à Paris avec sa mère qui ne lui a jamais témoigné d’affection. Consciente de sa beauté, désireuse d’être aimée, elle adopte peu à peu des comportements destructeurs, qui vont la mettre sur le chemin du Baron. Devenue escort-girl alors qu’elle n’est même pas majeure, Violette goûte au luxe et à l’argent qui coule à flots, jusqu’à sa rencontre avec Alfredo, avec qui elle va connaître le bonheur…

Héroïne tragique par excellence, Fabien Clavel nous invite à découvrir le destin de Violetta, la Traviata, à travers une longue lettre qu’elle écrit pour Alfredo. On y découvre ses origines, ses joies, ses peines et tout ce qui l’a menée à cette vie qui ne sera que trop courte. Entre l’époque à laquelle se déroule l’histoire dans l’opéra de Verdi et la nôtre, contemporaine, les considérations sont exactement les mêmes – c’est d’ailleurs ce qui a poussé Fabien Clavel à choisir cette œuvre, comme il l’explique dans sa préface, évoquant le mouvement #metoo ou encore l’affaire Zahia. Le roman s’inscrit en effet dans une résonnance avec l’opéra de Verdi sur la condition de la femme, le pouvoir des hommes et la difficulté à sortir de la pauvreté. L’histoire, aux thèmes universels, n’en est que plus bouleversante. D’autant plus que Fabien Clavel a choisi la versification pour cette longue lettre dans laquelle Violetta se révèle : l’écriture en vers apporte ainsi une fluidité, une émotion et un lyrisme qui donnent vie à son histoire comme le ferait la musique – voilà qui tombe bien !

D’après La Traviata, Fabien Clavel (Gulf Stream)
collection Prélude
disponible depuis le 25 août 2022
9782354889814 – 13€
à partir de 14 ans
Son
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Les Errantes – Jo Witek

Suzanne est une streameuse de jeux vidéo à la recherche de la célébrité. Saskia une jeune artiste lettone qui rêve d’être exposée dans une galerie. Et Anne-Lise une adolescente de bonne famille à la spiritualité exacerbée. Toutes trois vivent au sixième étage d’un bel immeuble haussmannien et ne se connaissent pas réellement. Jusqu’à ce qu’elles soient la proie d’étranges phénomènes qui vont leur demander de s’unir pour se sortir de ce qui va vite devenir un véritable enfer mental…

Le talent de Jo Witek n’est plus à démontrer : aussi à l’aise dans le thriller que dans le contemporain ou même l’album et le documentaire, nous voici cette fois dans le domaine de l’épouvante. Un genre qu’on adore tout particulièrement ici ! Dans ce roman à trois voix, préparez-vous à quelques nuits blanches et à interroger votre santé mentale. Alors que l’on fait connaissance avec nos trois jeunes filles aux caractères, aux histoires et aux intérêts diamétralement opposés, l’étrange fait peu à peu son entrée dans leurs vies, remettant en cause leurs certitudes, percutant leur réalité. Mais ces voix étranges, ces cauchemars trop prégnants ou ces apparitions fantomatiques dont elles vont être les victimes vont aussi et surtout les rassembler et les amener à considérer une amitié dont elles n’avaient pas forcément envie au premier abord. Une sororité qui se construit, donc, en dépit de leurs différences et de leurs angoisses. D’autant plus que les fantômes qui les hantent ont sans doute bien plus à voir avec elles qu’elles ne le pensent…

Mais la force du roman de Jo Witek n’est pas seulement dans cette angoisse glissante, elle est aussi dans ces très beaux portraits de jeunes femmes, et surtout dans ce que ces scènes de terreur disent réellement. Car, à mesure que l’histoire avance, que les jeunes filles font face et tentent de comprendre, ce sont d’autres histoires qui viennent se révéler, des histoires terribles, des histoires de femmes qui ont été brisées. Et c’est là toute l’ingéniosité du récit (et l’un des traits caractéristiques d’une bonne histoire d’horreur) qui, en plus de nous faire frissonner, nous dévoile des destins et des réalités sociales fortes. L’épouvante pour provoquer une réflexion féministe : on dit oui !

Les Errantes, Jo Witek (Actes Sud Junior)
disponible depuis le 17 août 2022
9782330167868 – 16,50€
à partir de 13 ans
Galerie
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Deux romances jeunesse pour l’été

❤ Votre romance, vous la voulez plutôt sanglante ou dansante ?

Anatomy : love story – Dana Schwartz

Bienvenue au 19ème siècle à Edimbourg. Hazel est une jeune aristocrate à l’avenir tout tracé. Promise à son cousin, son rôle est de se préparer à devenir une épouse dévouée. Mais du haut de ses 16 ans Hazel est plus intéressée par la médecine que par le mariage. Aspirante chirurgienne, elle décide de braver les interdits liés à son sexe et à sa classe sociale pour suivre en secret des cours d’anatomie. La ville entière d’Édimbourg est menacée par une maladie mortelle appelée la fièvre romaine et tout le monde la craint. Un autre fléau sévit : les voleurs de cadavres. Ils pillent les tombes pour vendre aux apprentis médecins et à l’université des dépouilles afin que les étudiants s’exercent.

Malheureusement, le subterfuge d’Hazel est rapidement mis à jour, son déguisement d’homme n’a pas trompé son entourage longtemps. Elle passe alors un marché avec le grand Dr Beecham : si elle réussie l’examen pour être médecin, l’université ouvrira ses portes aux femmes. Sauf qu’étant interdite de travaux pratiques, Hazel va vite se rendre compte qu’étudier les livres ne suffit pas – elle va avoir besoin de cadavres à disséquer.

La couverture est magnifique mais Lisette préfère vous avertir, ce n’est pas un roman d’amour. Cette fiction historique construite avec un soupçon de fantastique et d’amour reste chaste (malgré quelques baisers torrides dans un cimetière !)

Lisette vous mets en garde, en effet, la fin peut paraître un peu abrupte et change le ton du roman. Ce roman gothique est non seulement insolite mais aussi écrit dans un style intelligent, il dérange les codes. C’est une belle lecture dans laquelle on accompagne une héroïne téméraire et forte. Cette lecture est surprenante pourtant votre humble chroniqueuse est rarement surprise. 😉

Anatomy : love story,Dana Schwartz, traduit par Julie Lopez (Albin Michel)
disponible depuis le 1 juillet 2022
9782226472984 – 18,90€
à partir de 13 ans

Instructions for dancing

Evie ne croit plus en l’amour. Cette lycéenne, adepte des romances, a vu son monde s’écrouler le jour où elle a découvert que son père avait eu une liaison avant de quitter sa mère. Alors qu’elle va se débarrasser de sa bibliothèque de romans d’amour, elle rencontre une vieille dame qui lui offre un livre de danse. Quelque temps plus tard, Evie découvre qu’elle peut voir la vie amoureuses des couples qui s’embrassent… du premier baiser à la rupture.

En voulant comprendre d’où viennent ces visions, les pas d’Evie vont la conduire dans un studio de danse. Elle fera la rencontre d’X, qui deviendra son séduisant partenaire pour un concours. Oui, au bout d’une leçon, elle se retrouve à participer à un concours de danse- tout va très vite dans ce livre !

La danse et la musique sont des jolies couleurs de fond qui accompagnent Evie dans sa vie de lycéenne. Cependant, le roman se concentre principalement sur son quotidien avec son groupe d’amis, sa vie de famille, ses interrogations et sa dualité entre les sentiments qu’elle éprouve pour X, pour cet amour naissant et le remariage de son père.

Il faudrait aussi mentionner l’humour, les dialogues qui se dégustent comme des bonbons qui piquent, les personnages attachants… Evie et X : un duo qui va faire roucouler de nombreuses lectrices !

Ce livre est une romance qui se joue des romance ! Au programme : de la danse, un brin de fantasy et surtout beaucoup d’amour : amour familial, amical et amoureux. Ce livre est une comédie dramatique, ici on aime les histoires qui finissent mal, et qu’il est agréable d’être submergée par des émotions contradictoires.💃

Instructions for dancing, Nicola Yoon, traduit par Laurence Bouvard (Bayard)
disponible depuis le 8 juin 2022
9791036332746 – 17,90€
à partir de 12 ans
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Juliette et le géant feuillu – Christophe Mauri

Chez les Hidalf détester les Pompous c’est une histoire de famille, c’est aussi évident que les enfants n’aiment pas les légumes. Sauf que Juliette d’Airain adore les légumes et n’a rien contre le jeune Roméo Pompous… Alors qu’elle cherchait de nouvelles rimes pour la célèbre chanson « Oust Oust Pompous », son petit coeur a battu plus fort… ce qui a provoqué un événement extraordinaire. Le marronnier du jardin a commencé à pousser, pousser, sans s’arrêter !

Juliette, comme son frère Mathieu Hidalf (une des séries jeunesses les plus drôles que Lisette a eu l’opportunité de lire), n’a pas froid aux yeux et décide de s’aventurer dans l’arbre magique avec trois lucioles Papi, Pêche et Crac. S’ensuit une escapade tendre et pleine de fantaisie où Juliette va retrouver Roméo.

Comme le célèbre drame Shakespearien ces deux enfants devraient se détester. Sauf qu’ici point d’histoire d’amour mais le temps d’une aventure ils s’affranchissent de la bêtise des parents. Juliette n’oserait jamais désobéir mais son père n’a-t-il pas dit (en parlant de sa femme) que parfois les adultes racontaient d’énormes bêtises et qu’il ne fallait surtout pas les écouter ? Dès lors Juliette se fera un plaisir d’obéir à son père en faisant tout le contraire de ce qu’il recommande !

Cette courte histoire a l’allure d’un conte. Ici point de haricot magique ou de bon gros géant mais un arbre qui devient la scène de théâtre. Ce livre s’adresse à un public plus jeune que la série des Mathieu Hidalf, l’humour de Christophe Mauri est toujours présent et quelques ingénieuses inventions feront briller les yeux des enfants tels deux gouttes de oust-oust. Les illustrations de Lucie Durbiano sont très délicates et l’illustration page 69 fera rêver plus d’un enfant (ça vous rend curieux ?).

Pour conclure, c’est une belle lecture pour les jeunes lecteurs. La grande fan de Mathieu Hidalf que je suis reste sur sa faim, elle aurait aimé ENCORE plus d’humour, ENCORE plus de création ! Donc elle va relire sa saga d’amour. Christophe Mauri ❤️ forever !

Juliette et le géant feuillu, Christophe Mauri, illustré par Lucie Durbiano (Gallimard Jeunesse)
disponible depuis le 19 mai 2022
9782075158091 – 12,90€
à partir de 7 ans
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Scarlett et Browne, t1 : Récits de leurs incroyables exploits et crimes – Jonathan Stroud

Scarlett sait que le secret d’une hors-la-loi, c’est sa rapidité. Voyager léger, n’avoir ni attache, ni allégeance. Elle pille une ville, passe à la suivante. Dans cette Angleterre post-apocalyptique tout a été anéanti par des catastrophes naturelles. La nature est peuplée de monstres mais les villes ne sont pas des endroits sécurisées pour autant. La rencontre avec l’étrange Albert Browne va changer le cours de l’existence de Scarlett… et la transformer en véritable course-poursuite.

Western sanglant, univers hostile, aventures prenantes, mystères, pouvoirs surnaturels… ce roman ne laisse absolument aucun répit ! Attention aux coeurs sensibles, certaines scènes (de manière très sporadique) sont dignes de scènes d’horreurs. Véritable page-turner ce roman de Jonathan Stroud, l’auteur de la Trilogie de Bartiméus et de Lockwood & Co, nous offre un premier tome très percutant ! Il s’agit d’une immense course poursuite, un concentré d’action, de combat, de vol à mains armée. Cependant, ce shot d’adrénaline interroge également sur la liberté, la sécurité et par dessus-tout la tolérance.

L’univers de ce roman se découvre petit à petit, au fil de l’avancé des personnages. L’auteur nous dévoilera les dangers, les lois qui peuplent ce nouveau monde, les religions qui s’y développent. Albert est à l’image de la découverte de ce royaume, il n’est pas aussi inoffensif qu’il n’y paraît au premier regard. Scarlett va vite découvrir que ce garçon naïf cache de sombres secrets qui mettent leurs vies en danger !

Ce duo improbable fonctionne très bien, et de nombreux mystères sur leurs passés et sur leurs personnalités restent à découvrir. On imagine Scarlett comme une jeune Calamity Jane, sans foi ni loi qui refuse de se plier aux règles d’une société arbitraire. Albert serait un mélange de Sheldon (Big Bang Theory) et de Eleven de Stranger things (mais j’en dis déjà trop…). J’espère que la suite des aventures sera centrée sur le développement des personnages plus que sur l’univers hostile.

Pour conclure, ce roman est une aventure explosive dans un monde combinant Far West et une Angleterre post-apocalyptique inondée. Une aventure palpitante dans un nouveau monde inventif qui s’adressera à des très bons lecteurs.

Scarlett et Browne, Tome 1 : récit de leurs incroyables exploits et crimes , Jonathan Stroud, traduit par Laetitia Devaux (Gallimard jeunesse)
disponible depuis le 1 avril 2022
9782075158992 – 17,50 €
à partir de 16 ans