Son
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Les Errantes – Jo Witek

Suzanne est une streameuse de jeux vidéo à la recherche de la célébrité. Saskia une jeune artiste lettone qui rêve d’être exposée dans une galerie. Et Anne-Lise une adolescente de bonne famille à la spiritualité exacerbée. Toutes trois vivent au sixième étage d’un bel immeuble haussmannien et ne se connaissent pas réellement. Jusqu’à ce qu’elles soient la proie d’étranges phénomènes qui vont leur demander de s’unir pour se sortir de ce qui va vite devenir un véritable enfer mental…

Le talent de Jo Witek n’est plus à démontrer : aussi à l’aise dans le thriller que dans le contemporain ou même l’album et le documentaire, nous voici cette fois dans le domaine de l’épouvante. Un genre qu’on adore tout particulièrement ici ! Dans ce roman à trois voix, préparez-vous à quelques nuits blanches et à interroger votre santé mentale. Alors que l’on fait connaissance avec nos trois jeunes filles aux caractères, aux histoires et aux intérêts diamétralement opposés, l’étrange fait peu à peu son entrée dans leurs vies, remettant en cause leurs certitudes, percutant leur réalité. Mais ces voix étranges, ces cauchemars trop prégnants ou ces apparitions fantomatiques dont elles vont être les victimes vont aussi et surtout les rassembler et les amener à considérer une amitié dont elles n’avaient pas forcément envie au premier abord. Une sororité qui se construit, donc, en dépit de leurs différences et de leurs angoisses. D’autant plus que les fantômes qui les hantent ont sans doute bien plus à voir avec elles qu’elles ne le pensent…

Mais la force du roman de Jo Witek n’est pas seulement dans cette angoisse glissante, elle est aussi dans ces très beaux portraits de jeunes femmes, et surtout dans ce que ces scènes de terreur disent réellement. Car, à mesure que l’histoire avance, que les jeunes filles font face et tentent de comprendre, ce sont d’autres histoires qui viennent se révéler, des histoires terribles, des histoires de femmes qui ont été brisées. Et c’est là toute l’ingéniosité du récit (et l’un des traits caractéristiques d’une bonne histoire d’horreur) qui, en plus de nous faire frissonner, nous dévoile des destins et des réalités sociales fortes. L’épouvante pour provoquer une réflexion féministe : on dit oui !

Les Errantes, Jo Witek (Actes Sud Junior)
disponible depuis le 17 août 2022
9782330167868 – 16,50€
à partir de 13 ans
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Des albums sourires pour cette rentrée

Au programme deux albums assez différents mais qui ont des valeurs communes : l’imagination et des illustrations malicieuses et enfantines !

Le livre des arbres & plantes qui restent à découvrir

Connaissez-vous le célèbre palmier à moustaches ? Le chaussettier appelé aussi le saule pleureur à chaussettes ? Non ? Et le malpolinier, cet arbre qui ne peut pas s’empêcher de vous tirer la langue dès que vous avez le dos tourné ? Si ces plantes ne vous sont pas familières, peut-être n’avez-vous pas ouvert assez grand les yeux lors de votre dernière balade en forêt…

Le grand, le fort, l’irrésistible Olivier Tallec nous offre pour la rentrée un imagier surréaliste célébrant la nature, mais surtout l’imaginaire, à travers des arbres et des plantes inventés, aux caractéristiques bien singulières : le peuplier-couverture, le pin brosse à dents ou encore l’arbre-glace. Cet album est une invitation pour les enfants à imaginer à leurs tours des arbres extraordinaires. Les dessins sont plein de malice et d’impertinence, c’est ludique et réjouissant à souhait.

Le livre des arbres & plantes qui restent à découvrir, Olivier Tallec (Actes Sud Junior)
disponible depuis le 1 septembre 2021
9782330154585 – 17€
à partir de 3 ans

Kate Moche

Kate subit les moqueries et se fait appeler Kate Moche à l’école. Les andouilles de la cour de récréation disent qu’elle n’est pas très maligne et maladroite. Pourtant elle s’en moque et garde toujours le sourire ! Quand Kate se regarde dans le miroir, elle voit beaucoup des choses incroyables dans son reflet…

Le texte d’Antoine Dole, écrit dans un style poétique, nous montre l’importance de s’aimer. Kate se voit comme une doctoresse dévouée pour ses jouets, une experte en guimauve, une sportive haut niveau… Kate est courageuse, charismatique, visonnaire ! Une belle histoire qui montre que le regard que l’on porte sur soi est beaucoup plus important que tous ce que les autres peuvent dire de nous ! Kate croit en elle. Elle croit en ses pouvoirs magiques et cette confiance laisse les « andouilles » de son école pantois. De nombreux enfants sont un jour confrontés à des remarques déplaisantes et la conclusion de ce livre est la meilleure qui soit : l’ignorance.

Habituée aux dessins humoristiques et colorés de Magali Le Huche, c’est toujours un plaisir que d’observer les détails des pages des métiers : une tasse éléphant, trois brigands cachés, des bonbons à croquer. Les illustrations se savourent à chaque page. La palette de couleur incarne parfaitement Kate, son imagination, sa confiance en soi et sa joie de vivre.

Simple et efficace, cet album pétillant est à recommander en cette rentrée pour rappeler que toutes les Kate de la terre peuvent devenir qui elles veulent !

Kate Moche, Antoine Dole, illustré par Magali Le Huche (Actes Sud Junior)
disponible depuis le 1 septembre 2021
9782330154561 – 14,90€
à partir de 6 ans
Son
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J’ai 14 ans et ce n’est pas une bonne nouvelle – Jo Witek

Alors qu’elle rentre du collège pour les vacances scolaires, Efi retrouve avec joie ses amies et sa famille au village, comme n’importe quelle adolescente. Mais ses résultats scolaires exemplaires ou la vie à la ville n’intéressent pas les siens. Car Efi est désormais nubile : elle est bonne à marier. Son rêve de continuer ses études pour devenir ingénieure n’a alors plus aucune importance car son destin est désormais entre les mains de son père…puis de son futur mari.

J’ai 14 ans et ce n’est pas une bonne nouvelle : sous ce titre qui interpelle se découvre un texte qui ne nous laisse pas indifférents. Jo Witek aborde ici le sujet des mariages forcés, le lot de bien trop nombreuses jeunes filles de par le monde. Bien qu’issue d’une famille relativement pauvre et traditionnaliste, Efi a pu aller au collège, apprendre, s’éduquer, et rêver d’apporter le progrès dans son village où l’électricité n’est pas courante, le Wi-Fi impossible à capter et les médecins bien trop loin pour espérer des consultations. Elle revient donc chez elle avec la fraîcheur et l’insouciance de celle qui pense seulement retrouver son enfance. Mais elle a désormais 14 ans et ne peut plus porter ses vêtements confortables, parler à n’importe qui ou se comporter…comme n’importe quelle adolescente ! Les retrouvailles sont ainsi vite ternies et Efi réalise lentement ce que tout le monde sait sauf elle : elle va devoir se marier. Elle n’est désormais plus qu’une transaction marchande entre sa famille et celle de son futur époux qui est bien plus vieux qu’elle ! En dépit de son consentement et de ses rêves, Efi doit se soumettre et, malgré ses nombreuses tentatives de fuite, épouser l’homme qu’on lui a choisi.

Un roman court mais tout en émotion, dont la force réside dans cette universalité voulue par l’autrice, le lieu où se déroule l’histoire n’étant jamais précisé. Efi est l’incarnation d’une jeune fille moderne et optimiste qui se heurte au poids de l’archaïsme et des traditions séculaires qui brisent des vies. Sans aucun soutien – hormis celui silencieux et inattendu d’un très beau personnage que je vous laisserai découvrir – elle ne va pouvoir compter que sur elle-même et ses propres ressources pour aller à l’encontre de ce terrible destin. Un roman sensible et édifiant qui se fait la voix des millions de jeunes filles qui sont encore aujourd’hui mariées de force et privées de leur liberté. Nécessaire !

J’ai 14 ans et ce n’est pas une bonne nouvelle, Jo Witek (Actes Sud Junior)
collection Ado
disponible depuis le 3 février 2021
9782330145217 – 13,50€
à partir de 13 ans
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La vie, c’est mortel ! – Claire Lecœuvre et Charlotte Gastaut

Depuis la nuit des temps l’homme se questionne sur la mort. Qu’est-ce que c’est ? Comment supporter la perte de ses proches ? L’homme a-t-il toujours redouté la mort ? Est-ce que toutes les civilisations possèdent des rituels ? Lesquels ? Et les animaux ? Dans de très nombreuses cultures, la mort n’est qu’une partie de la vie et on la célèbre. Triste, la mort ? Pas toujours !

Le premier chapitre s’ouvre sur une question légitime et ô combien intéressante : comment sait-on que l’on est mort ? En réalité, la loi française a statué sur une définition officielle de la mort que depuis une soixantaine d’années. Le saviez-vous ? Pour être mort, il faut répondre à trois critères : l’absence totale de conscience, la fin de tous les réflexes et l’absence de respiration. Le ton est donné ! Chaque chapitre aborde une thématique précise qui permet de couvrir une large palette : l’immortalité, notre rapport à la mémoire, à notre vie sur Internet (quid des comptes Facebook après le décès de la personne ?) et même l’utilisation des pesticides dans les cimetières. On pourra apprendre par exemple que, dans le zoroastrisme, on continue de fêter 30 ans plus tard l’anniversaire de la mort d’une personne avec des grands banquets. Une manière de rester éternel dans le cœur des proches.

 

La vie, c’est mortel ! aborde des sujets parfois encore tabous mais également indispensables. Pour alléger le propos, nous pouvons compter sur les illustrations de la talentueuse Charlotte Gastaut qui apportent légèreté, poésie et fantaisie. D’après des anthropologues, le fait d’être en contact régulier avec la mort, de l’intégrer comme une partie de la vie, rend les gens plus vivants et heureux. A l’inverse, cacher la mort aux enfants et éviter d’en parler pourrait entraîner des traumatismes. Vous savez donc ce qu’il vous reste à faire 🙂 La mort est un vaste sujet qui continuera de faire couler beaucoup de larmes et d’encre !

La vie, c’est mortel !, Claire Lecœuvre, illustré par Charlotte Gastaut (Actes Sud Junior)
disponible depuis le 7 octobre 2020
9782330141615 – 17,50€
à partir de 10 ans
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Frida Kahlo : non à la fatalité – Elsa Solal

Brisée, corsetée dans le plâtre et l’acier, paralysée, amputée, Frida Kahlo a souffert toute sa vie. Cette artiste mexicaine dont le visage est connu dans le monde entier est devenue une icône féministe, le symbole de l’artiste, de la liberté amoureuse mais aussi du courage. Dans ce court texte, Elsa Solal nous peint le combat acharné que cette artiste hors du commun a mené contre la souffrance et le handicap, sans jamais cessé de peindre ni d’aimer.

La mort a toujours talonné Frida, à 6 ans elle contracta la poliomyélite. Malgré les “Frida la boiteuse” et autres quolibets, elle décide de se battre, de poursuivre ses études (elle veut devenir médecin) et de croquer la vie à pleines dents. Viendra l’accident de bus célèbre qui la cloua au lit. Colonne vertébrale et bassin brisés, cette acharnée, avec l’aide de sa famille, transforma son lit en atelier d’artiste et installa un miroir au-dessus de son lit afin de faire des autoportraits. Frida renaîtra artiste.

« Très tôt une décision intérieure s’est forgée, elle ne se laissera pas rompre par l’adversité. Nulle fatalité ne viendra à bout de sa détermination à vivre comme les autres malgré sa situation, maladie, handicap, polio. Mais cela exige une sorte de discipline, inflexible, de force hors du commun. Les regrets, la rancoeur, elle les chasse vite comme les moustiques à coups de journal ou de savate. Funambule au-dessus du vide, elle ne peut se permettre trop d’écarts d’âme. »

Elsa Solal nous offre un portrait courageux et optimiste, avec un style poétique et flamboyant, elle nous fait entendre les pensées et même l’humour de Frida ! Ce court texte se focalise essentiellement sur le chemin qu’a fait l’artiste sur sa relation à son corps, mais nous parcourons également sa relation avec sa famille et son grand amour avec l’ogre Diego Rivera. Nous sommes loin d’une biographie traditionnelle, pour les aficionado de Frida Khalo, qui souhaitent la découvrir en images, le célèbre film Frida réalisé par Julie Taymor avec Salma Hayek est à voir – mais ce texte vient apporter une nouvelle perspective à ce parcours de vie.

L’autrice avait envie de porter un message d’espoir, de raconter à tous comment on peut surmonter la douleur physique, la maladie ou le handicap. Qui mieux que la grande artiste mexicaine pouvait incarner le miracle de la vie ? Frida Kahlo est une icône qui incarne la résilience, la force, le féminisme et également le désir de vivre. Ce merveilleux récit, nous fait entendre le rire et la joie de l’artiste qui combat la fatalité du handicap avec panache ! ❤️ Frida Kahlo

Frida Kahlo : non à la fatalité, Elsa Solal (Actes Sud Junior)
collection Ceux qui ont dit non
disponible depuis le 14 octobre 2020
9782330137304 – 9€
à partir de 12ans
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Avec le monstre du placard, ça déménage ! – Antoine Dole et Bruno Salamone

Voilà déjà un moment que le monstre a élu domicile dans le placard de la chambre et il serait temps qu’il déménage… Il a tellement pris ses aises que le petit garçon ne peut plus ranger ses affaires ! Il faudrait le reloger, mais où ? Ensemble, le monstre du placard et le garçon vont chercher, tester des endroits improbables pour trouver un nouvel habitat à cette grosse boule de poil ! Le sac à main de maman ? C’est pas bête, on y trouve des bonbons ! Mais il est trop encombré. Le journal intime de la grande sœur ? Impossible le monstre va être contaminé par une bisoutite aigüe et va vouloir faire plein de bisous ! Beurk ! Pas facile de trouver une nouvelle planque !

Amusantes, inconfortables, enfantines, les possibles cachettes du monstre du placard feront rire les enfants (et les adultes !). A chaque double page, c’est une nouvelle combine que l’on découvre pour notre plus grand plaisir. Cet album est la troisième histoire où l’on peut retrouver ce montre toujours aussi espiègle et tendre. En effet, ce duo d’artiste avait déjà dévoilé auparavant dans deux albums que Le monstre du placard existe et je vais vous le prouver ! et nous avait appris Comment élever le monstre du placard. Nul besoin d’avoir lu les albums précédents, même si le jeune lecteur aura certainement envie de découvrir comment le monstre s’est retrouvé dans le placard !

Les illustrations au trait griffonné de Bruno Salamone proposent un monstre, imposant certes, mais tellement adorable que l’on a envie de l’avoir en peluche ! Des mini-monstres se cachent un peu partout dans les dessins pour le plus grand plaisir des enfants qui adoreront les dénicher. Loin des monstres terrifiants, comme ceux que peuvent souvent imaginer les enfants sous leurs lits, ce monstre de chambre est le compagnon de jeu parfait, l’ami imaginaire idéal pour faire des bêtises !

Un album qui dédramatise la peur du monstre avec le rire, Antoine Dole arrive à mêler avec justesse le quotidien des enfants et leur imaginaire débordant. On en redemande !

Avec le monstre du placard, ça déménage !, Antoine Dole, illustré par Bruno Salamone (Actes Sud Junior)
disponible depuis le 21 octobre 2020
97823301409841 – 15,90€
à partir de 3 ans
Son
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Les derniers des branleurs – Vincent Mondiot

Chloé, Gaspard et Minh Tuan sont les losers officiels du lycée, moqués aussi bien par leurs camarades que par leurs professeurs… du moins quand ils sont présents en classe. Car leur spécialité, c’est aussi sécher, même si le bac est au bout de l’année, glander et fumer. Quand une des profs les traite de « branleurs », titre certainement pas démérité, un petit sursaut d’orgueil les incite à – peut-être – tenter de faire la nique (#expressiondevieux) à ceux qui croient qu’ils sont destinés à rien. Et peut-être que Tina va pouvoir les aider à se sortir les doigts…

Depuis la bonne petite claque qu’était Nightwork, on attend à chaque fois le nouveau texte de Vincent Mondiot avec impatience. On ne va pas se mentir, l’entrée dans le roman a été un peu compliquée… Principalement à cause d’une forme assez déconcertante : les notes de côté de pages (eh ouais, même pas en bas !). Et il y en a beaucoup ! Tout le temps ou presque. Pour préciser une référence culturelle, qui est le personnage cité, un lieu, une habitude, une caractéristique…bref, un peu tout et n’importe quoi. Ce qui ne facilite pas la fluidité de lecture et que je vous déconseillerai pourtant de ne pas lire car elles apportent vraiment un petit truc en plus, le petit truc qui fait que le roman n’est pas un énième roman sur le lycée ou l’adolescence. Alors oui, il a fallu m’accrocher… et puis, finalement, ce trio de losers a eu raison de cette drôle de forme grâce à la tendresse incroyable qu’on finit par avoir pour eux. Et c’est pourtant pas gagné parce qu’ils font vraiment tout pour que ce ne soit pas le cas ! Vulgaires, sans beaucoup de centres d’intérêts dans la vie à part les mangas et la branlette (sauf pour Chloé qui trouve les premiers nazes et la seconde dégueu’), sans aucune perspective d’avenir à l’horizon, ils sont aussi désespérants que tous ces ados que vous regardez en levant les yeux au ciel. Ouais mais ils sont attachants quand même. Parce que même s’ils ont des conversations sans queue ni tête, très – très – peu politiquement correctes, leur envie de sortir de la case attribuée, leur envie de se comprendre, de se trouver, est irrésistible et touchante. Et puis on se marre ! Certains dialogues sont tordants de réalisme et, oui, on finit par se laisser totalement attendrir par ce petit groupe disparate et pourtant soudé.

Au début du roman, et dans les remerciements, il est dit que cela aurait pu être le roman de l’année 2020, s’il n’y avait pas eu la situation que vous savez. Alors oui, peut-être que la scolarité et cette dernière année du bac tel qu’on le connaît n’aura pas été vécue ainsi par tous les adolescents et que l’histoire de Chloé, Gaspard et Minh Tuan relève de l’uchronie, mais Les derniers des branleurs, c’est indubitablement le roman qui raconte l’adolescence d’aujourd’hui, qui le fait avec un humour corrosif et cru, mais avec surtout beaucoup de tendresse.

Et pour les fans de Vincent Mondiot, sachez qu’une petite surprise vous attend si vous aviez aimé Rattrapage. 😀

Les derniers des branleurs, Vincent Mondiot (Actes Sud Junior)
disponible depuis le 10 juin 2020
9782330136963 – 16,80€
à partir de 15 ans
Son
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Rattrapage – Vincent Mondiot

Elle, c’est la fille populaire du lycée, « la blonde au cul bandant ». Lui, c’est le mec moche, plein d’acné jusque sur la raie des fesses, dont elle et ses copains se sont foutus de la gueule pendant toute l’année scolaire. Jusqu’à ce qu’il tente de se suicider et fasse le reste de sa scolarité ailleurs. Alors on a plus parlé de lui, jusqu’à ce qu’elle le voit, le jour du rattrapage du bac.

★★★★☆

Monologue puissant et nécessaire, c’est la voix de celle qui a harcelé que l’on découvre. Cette fille qui était la reine du lycée et qui s’est bien amusée avec ses amis populaires à prendre des photos, faire des vidéos ou simplement dire des méchancetés sur ceux qui n’étaient pas de leur bande, tous ceux qui sont moches, bizarres, geek, ont des baskets troués, des yeux de poisson, etc. Jusqu’à s’acharner sur ce garçon aux cheveux gras, aux noms de groupes débiles tipp-exés sur son sac à dos, à l’acné galopante qui le leur a jamais rien fait et qui, un jour, s’est ouvert les veines en plein cours de philo. Ce jour de rattrapage où elle le croise, c’est celui de sa dernière chance : de se tirer de ce lycée dont elle ne veut plus entendre parler, et de laisser ce souvenir terrible derrière elle. Mais pas facile de tirer un trait pour celle qui croyait que ce n’était qu’un jeu, que c’était pas bien méchant. Pour celle qui s’en veut, qui se demande s’il la hait, qui voudrait dire pardon, qui cherche à se « rattraper ».

Un texte très fort, du point de vue du harceleur, qui s’intéresse aussi à l’effet de groupe, à cette idée que tout ça, c’est juste pour rire, et qu’ils n’ont qu’à pas être moches, les autres, en fait. Que tout ça c’est leur faute ! Toute cette difficulté à comprendre que non, rien de tout ça n’est normal, que personne n’est moche, gros ou trop bonne. Et que personne n’a à souffrir de cela. Une réflexion sur la culpabilité, bien sûr, mais aussi sur la recherche d’absolution. Et comme toujours dans ces textes courts de la collection « D’une seule voix », c’est non seulement percutant, mais aussi tout en nuances. Un indispensable !

Rattrapage, Vincent Mondiot (Actes Sud Junior)
collection D’une seule voix
disponible depuis le 3 avril 2019
9782330121006 – 9,80€
à partir de 13 ans
Son
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Ah l’amour !

Aujourd’hui, c’est l’amour et tous ses tracas qui unit nos deux romans.

Ce soir je le fais / Ce soir je le quitte

Ce soir, à la soirée organisée par Emma, Simon et elle ont tous deux un plan. Pour Emma, c’est le soir où elle quittera Loïc, qu’elle ne supporte plus. Pour Simon, c’est celui où il se déclarera enfin à Méline et couchera avec elle…

★★★★★

Vous connaissiez sans doute la collection Boomerang pour les plus jeunes, avec ses textes recto-verso. Voici le premier à destination des ados ! Et pour une première, quoi de mieux que cette éternelle et passionnante question du désir, de l’amour ? C’est Cathy Ytak qui se prête au jeu avec ces deux histoires racontant la même nuit, du point de vue de deux personnages qui ont tout à jouer ce soir-là. Comme toujours, Cathy Ytak est d’une exquise justesse dans sa description des élans du corps et du cœur. Toute sa sensibilité et sa finesse s’expriment dans ces textes courts mais ô combien appropriés. Le récit tête-bêche fonctionne à merveille et on espère que le concept sera à nouveau proposé pour les ados !

Ce soir, je le fais / Ce soir, je le quitte , Cathy Ytak (Le Rouergue)
collection DoAdo
disponible depuis le 26 septembre 2018
9782812616549 – 8,50€
à partir de 13 ans

Mon âme frère

Les notes de Camille sont en chute libre. Convoquée au lycée avec ses parents, la sentence finit par tomber : privée de sortie, de téléphone et, surtout, de retrouver Yanis, son petit ami. La jeune fille finit par craquer…

★★★★☆

Même s’il peut se lire indépendamment, Mon âme frère est plus ou moins la suite de Oublier Camille, où nous découvrions les prémices de l’histoire entre Camille et Yanis du point de vue du garçon. Histoire d’amour, toujours, où Camille va s’interroger sur sa relation avec Yanis, le roman évoque aussi et surtout la pression exercée par les parents sur l’avenir de leur enfant. C’est vraiment l’idée du chemin tracé par les adultes qui est au cœur du récit et des réflexions de cette jeune fille qui ne sait plus quoi faire pour se sortir de ce qu’on attend d’elle et cherche sa vérité. Gaël Aymon parle avec réalisme et sensibilité de la difficulté à trouver sa place, à faire entendre sa voix et à résister à la pression sociale ou familiale. Un roman qui explore avec acuité les relations entre filles et garçons, également, à travers l’histoire d’amour de Camille et Yanis.

Mon âme frère, Gaël Aymon (Actes Sud Junior)
collection Ado
disponible depuis le 3 octobre 2018
9782330111427 – 13,90€
à partir de 13 ans
Son
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Danse ta vie !

La rentrée littéraire est particulièrement dense et regorge de jolis textes ! Difficile cependant d’écrire sur ces livres, par manque de temps, aussi Bob & Jean-Michel vous proposent un « nouveau » format de chroniques, un peu plus resserrées (même si on gardera aussi le format habituel), pour parler d’un peu plus de livres et vous brosser un panorama plus large des livres qu’on a lu ! Par thématiques, par genres, on essayera de vous proposer des choses variées. 😀 Aujourd’hui, nous sommes d’humeur à danser !

Dancers

Anaïs, Adrien et Sanjeewa partagent le même cours de danse au lycée. La première est une ancienne gymnaste à la carrière brutalement stoppée, le deuxième est dans une colère rentrée, et le dernier est un immigré sri-lankais. Ils vont portant être rassemblés par une passion commune, la danse…puis par le sentiment amoureux.

★★★★☆

C’est avec beaucoup de finesse que Jean-Philippe Blondel évoque le triangle amoureux, bien loin des romances parfois un peu mièvres où s’affrontent le good guy et le bad boy dans le cœur de la belle. Ici, l’amour arrive par la danse et par les moments passés à exprimer un sentiment à travers une chorégraphie, un duo. L’histoire d’Anaïs et Adrien commence bien avant que n’arrive Sanjeewa et celle-ci est marquée par un drame qui les sépare et qui va permettre à Sanjeewa de se rapprocher de la jeune fille. Toute la difficulté de l’amour partagé, l’imprécision des sentiments ou l’impression d’aimer, le rapport à la confiance, des idées qui sont très subtilement amenées et nous offrent un très beau moment de lecture et d’attachement à ces personnages fort bien construits. Même s’il y a un petit goût de trop peu, notamment dans la relation d’Adrien à ses parents, j’ai aussi beaucoup aimé cette vision de la danse pas seulement vue comme un art mais aussi comme une performance, un dépassement de soi, qui apporte ainsi une véritable énergie à ce très beau roman.

Dancers, Jean-Philippe Blondel (Actes Sud junior)
collection Ado
disponible depuis le 22 août 2018
9782330108496 – 13,90€
à partir de 13 ans
La vie dure trois minutes

Il y a un an, Automne et sa famille ont accueilli Chloé tandis que ses parents sont partis à l’étranger pour leur travail. Grâce à cette dernière, Automne s’est épanouie et s’est trouvée une passion pour le tango. Mais peu avant les vacances d’été, Chloé décède dans un brutal accident de la route.

★★★☆☆

Le deuil et la lente reconstruction attendent ainsi Automne, qui a du mal à émerger de son lit, de sa chambre, alors que la rentrée arrive. Pourtant, si elle a partagé une amitié très forte avec Chloé, ce n’est pas seulement la perte qui étreint Automne mais aussi la colère, la rage, après la découverte du secret qu’elle cachait. Pour exprimer tout cela et laisser le passé derrière elle, Automne va se mettre à écrire dans un carnet et elle nous raconte alors son histoire, depuis le tout début.
Là encore, une très belle évocation de la danse, et notamment du tango, grande originalité du roman qui, si elle est d’abord la cause du malheur, devient aussi la résolution du chagrin d’Automne. Si les thèmes de l’amitié, du secret et du deuil sont très classiques, on se laisse néanmoins emporter dans cette touchante histoire de reconstruction.

La vie dure trois minutes, Agnès Laroche (Rageot)
disponible depuis le 12 septembre 2018
9782700256369 – 14,90€
à partir de 12 ans