Son
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J’ai 14 ans et ce n’est pas une bonne nouvelle – Jo Witek

Alors qu’elle rentre du collège pour les vacances scolaires, Efi retrouve avec joie ses amies et sa famille au village, comme n’importe quelle adolescente. Mais ses résultats scolaires exemplaires ou la vie à la ville n’intéressent pas les siens. Car Efi est désormais nubile : elle est bonne à marier. Son rêve de continuer ses études pour devenir ingénieure n’a alors plus aucune importance car son destin est désormais entre les mains de son père…puis de son futur mari.

J’ai 14 ans et ce n’est pas une bonne nouvelle : sous ce titre qui interpelle se découvre un texte qui ne nous laisse pas indifférents. Jo Witek aborde ici le sujet des mariages forcés, le lot de bien trop nombreuses jeunes filles de par le monde. Bien qu’issue d’une famille relativement pauvre et traditionnaliste, Efi a pu aller au collège, apprendre, s’éduquer, et rêver d’apporter le progrès dans son village où l’électricité n’est pas courante, le Wi-Fi impossible à capter et les médecins bien trop loin pour espérer des consultations. Elle revient donc chez elle avec la fraîcheur et l’insouciance de celle qui pense seulement retrouver son enfance. Mais elle a désormais 14 ans et ne peut plus porter ses vêtements confortables, parler à n’importe qui ou se comporter…comme n’importe quelle adolescente ! Les retrouvailles sont ainsi vite ternies et Efi réalise lentement ce que tout le monde sait sauf elle : elle va devoir se marier. Elle n’est désormais plus qu’une transaction marchande entre sa famille et celle de son futur époux qui est bien plus vieux qu’elle ! En dépit de son consentement et de ses rêves, Efi doit se soumettre et, malgré ses nombreuses tentatives de fuite, épouser l’homme qu’on lui a choisi.

Un roman court mais tout en émotion, dont la force réside dans cette universalité voulue par l’autrice, le lieu où se déroule l’histoire n’étant jamais précisé. Efi est l’incarnation d’une jeune fille moderne et optimiste qui se heurte au poids de l’archaïsme et des traditions séculaires qui brisent des vies. Sans aucun soutien – hormis celui silencieux et inattendu d’un très beau personnage que je vous laisserai découvrir – elle ne va pouvoir compter que sur elle-même et ses propres ressources pour aller à l’encontre de ce terrible destin. Un roman sensible et édifiant qui se fait la voix des millions de jeunes filles qui sont encore aujourd’hui mariées de force et privées de leur liberté. Nécessaire !

J’ai 14 ans et ce n’est pas une bonne nouvelle, Jo Witek (Actes Sud Junior)
collection Ado
disponible depuis le 3 février 2021
9782330145217 – 13,50€
à partir de 13 ans
Son
1

L’arrivée des capybaras – Alfredo Soderguit

Au poulailler, la vie est tranquille. Chacun sait ce qu’il a à faire et tout va pour le mieux. Jusqu’au jour où arrivent de la rivière les capybaras, de gros rongeurs qui cherchent refuge alors que la saison de chasse vient de s’ouvrir. Si les poules acceptent de les accueillir à côté de leur poulailler, c’est sous certaines conditions et la plus importante est de rester à distance ! Il faudra que le danger menace l’un des habitants du poulailler pour que les capybaras ne soient pas considérés comme une menace…

La peur de l’étranger, la recherche d’un refuge par temps troublé, l’entraide et le partage, l’ouverture à l’autre, l’union face à un plus grand danger et la liberté : des thèmes souvent abordés en littérature jeunesse qui trouvent dans cet album une résonnance encore plus grande. Grâce à un texte simple et dépouillé, Alfredo Soderguit nous offre une histoire à lire aussi dans ses illustrations, qui apportent une lecture plus subtile, à la fois drôle et décalée. Le texte est même parfois inexistant, laissant toute la narration au soin de l’image, suffisante, jusqu’à cette chute malicieuse qui nous promet de tout recommencer.

Une histoire très forte, à la fois amusante et actuelle, servie surtout par de magnifiques illustrations au trait précis et à la palette de couleur restreinte : brun, noir et un peu de rouille. Alfredo Soderguit donne une expressivité folle à ces animaux inquiets ou terrifiés, qui nous les rendent aussi attachants qu’un peu risibles. Mais tout est juste dans cette manière de montrer l’arrivée de ces drôles d’étrangers, l’apprivoisement de l’autre ou les différentes chutes pour chaque personnage de l’histoire. Une très belle fable animalière pour évoquer le vivre ensemble, et un vrai coup de cœur graphique.

L’arrivée des capybaras, Alfredo Soderguit, traduit par Michèle Moreau (Didier jeunesse)
disponible depuis le 19 février 2020
9782278097821 – 13,90€
à partir de 4 ans
Son
1

Félines – Stéphane Servant

Chers lectrices et lecteurs de Bob & Jean-Michel, vous n’êtes pas sans savoir que nous sommes pas mal fan de Stéphane Servant par ici (même si c’est avec stupeur qu’on se rend compte qu’on ne vous a jamais parlé de Sirius, en fait !!!). Et c’est toujours en frémissant d’impatience et de plaisir que l’on découvre ses nouvelles histoires. Nous avons donc lu le tant attendu Félines.

Ceci est une histoire vraie. Et elle raconte celle de Louise, 17 ans, parmi les premières jeunes filles du pays à être atteinte de la Mutation. Son corps se transforme, se recouvre de poils comme ceux d’un félin, ses sens s’aiguisent. Elle devient une Féline, comme presque toutes les jeunes filles du monde entier, et symbolise la voix et le visage de l’un des plus grands bouleversements de notre histoire. Grâce à Stéphane Servant, qui a recueilli avec humilité son témoignage, nous connaissons enfin le douloureux combat des Félines.

Quelle claque, mes aïeux, quelle claque ! Derrière cette géniale couverture de Patrick Connan qui annonce parfaitement la couleur, Stéphane Servant nous surprend avec ce témoignage exceptionnel et passionnant de Louise. Mettant son écriture au service de la voix de cette adolescente, l’auteur change littéralement de registre et nous raconte le combat de jeunes filles pour la liberté, celle de leurs corps, de leurs dignités. Un roman résolument engagé, féministe, en parfaite résonance avec les combats du moment, où tout commence lorsqu’une jeune fille de la classe de Louise se suicide après un incident à la piscine où l’on découvre son corps recouvert de poils. Bientôt, d’autres jeunes filles se découvrent un indélicat duvet… Et plus vite encore se propage la peur de cet étrange phénomène qui se répand à travers le monde et fait s’élever au pouvoir des extrémistes qui incitent à une violence toujours plus excessive contre les Félines. C’est ainsi que Louise, jusqu’alors adolescente relativement discrète et dans le moule, rejoint la résistance et toutes ces filles prêtes à se battre pour vivre. Car la Ligue de la Lumière atteint les sommets du pouvoir et le sort qui attend les Félines est tout bonnement effroyable…

Avec Félines, Stéphane Servant continue à interroger notre monde, de la même manière qu’il a pu le faire dans Sirius. On y retrouve d’ailleurs l’importance de la famille, de l’innocence de l’enfance et, bien sûr, on ne peut échapper aux références à notre histoire récente ou plus ancienne. Grâce à une narration diablement efficace, des sujets extrêmement forts et actuels dans lesquels les adolescents ne peuvent que se reconnaître, Stéphane Servant signe là un véritable hymne à la résistance, à la féminité et à la révolte pour construire un monde plus juste, tolérant. A faire lire à TOUS les adolescents !

Félines, Stéphane Servant (Le Rouergue)
collection Epik
disponible depuis le 21 août 2019
9782812618291 – 15,80€
à partir de 13 ans
Son
2

Sans foi ni loi – Marion Brunet

Garett a seize ans quand il se fait kidnapper par Ab Stenson, une dangereuse braqueuse de banques, et meurtrière, recherchée par le marshal. Bien vite, pourtant, Garett n’est pas aussi prisonnier qu’il le croit et c’est avec fascination et de son plein gré qu’il suit la fugitive dans ce qui va se révéler une aventure bien plus grande qu’il ne le pensait…

Wow ! Quand Marion Brunet dégaine le colt, ça rigole pas ! Après des récits réalistes et souvent engagés, la voilà qui nous transporte dans le Far West des cow-boys crasseux, des saloons où whisky et bagarres se mêlent aux formes généreuses des filles de joie, des attaques de train et des duels au soleil. Bref, on y retrouve tout le folklore…à une différence près : la place de la femme. Car la force du roman réside dans la figure d’Abigaïl Stenson, cette femme totalement libre, que l’on découvre à travers les yeux de Garett, qui nous fascine tout comme lui, dont le sourire est un mystère, l’histoire une légende. Il y a du Calamity Jane en Ab, on y pense forcément. Mais il y a surtout le portait d’une femme qui dérange la bien-pensance, d’une femme qui a décidé de prendre son destin en main et de vivre selon ses propres règles : celles de la liberté. Et c’est aussi l’idéal que va suivre Garett, alors qu’il découvre un véritable monde, lui qui n’était jamais allé au-delà de la propriété de son père, pasteur à la poigne de fer.

Marion Brunet nous offre là un roman fulgurant, aussi âpre que sensible, et parfaitement rythmé. Ses personnages sont furieusement justes, alors qu’on s’attache à ce duo aussi atypique que nécessaire, à cette femme absolument magnifique de détermination et à ce garçon qui va connaître une maturité précipitée. Marion Brunet nous offre une histoire sans complaisance, qui vous surprendra sans aucun doute et qui va bien au-delà du simple récit d’aventure. On se laisse emporter dans son atmosphère pleine de poussière et d’effluves d’alcool, son style nerveux et tout en tension, pour arriver à des destins de personnages, aussi complexes que touchants. On en redemande, Miss Marion ! 😉

Sans foi ni loi, Marion Brunet (PKJ)
disponible depuis le 5 septembre 2019
9782266294195 – 16,90€
à partir de 13 ans
Son
0

Le dernier sur la plaine – Nathalie Bernard

En 1860, Kwana, jeune indien comanche, voit son père, le grand chef Peta Nocona, se faire assassiner et sa mère et sa petite sœur enlever par les Texas Rangers. Dernier rescapé de sa tribu, il rejoint d’autres guerriers, avec l’espoir de se venger. Mais Kwana et les autres tribus indiennes vont devoir faire face à bien d’autres dangers car le Président Grant a décidé que rien n’arrêterait son désir de « civiliser » les plaines…

Après nous avoir fait découvrir le sort réservé aux Indiens au Canada il n’y a pas si longtemps de ça (et de manière encore plus récente dans deux thrillers plus contemporains), Nathalie Bernard continue à explorer la vie et le destin d’un peuple en nous emmenant cette fois dans les Etats-Unis de la fin du XIXe siècle, à la rencontre du dernier chef comanche libre. Car le roman est en effet inspiré librement de la vie de Quanah Parker, qui fut le fils d’un grand chef indien et d’une femme blanche, enlevée lors d’un raid. Symbole de la fin d’une ère, qui voit la fin du mode de vie des Amérindiens, privés de leurs ressources « naturelles » après l’extermination des bisons, forcés de rejoindre des réserves où ils sont privés de leurs libertés, Kwana est aussi celui d’un monde nouveau, où vont devoir cohabiter les deux facettes de ses origines.

Comme dans ses précédents romans, Nathalie Bernard nous offre un récit extrêmement prenant et passionnant, qui nous transporte littéralement sur le dos d’un mustang lancé au galop, à savourer l’immensité des grandes plaines et des territoires comanches. Récit d’aventure surtout, on suit le jeune Kwana dans cette incessante bataille pour protéger les siens et cette culture à laquelle on veut leur faire renoncer. Si les éléments biographiques sont là, forcément, la construction de l’histoire, découpée selon les différents « noms » de Kwana et vue à travers ses propres yeux, la rend particulièrement émouvante. L’écriture sensible et sans manichéisme de Nathalie Bernard, que l’on appréciait déjà dans ses précédents romans, confirme son talent de raconteuse d’histoires.
Si vous n’êtes pas encore convaincu, espérons que la magnifique couverture de Tom Haugomat, dont les couleurs et l’ambiance révèlent parfaitement le sentiment de lecture, le fera. 🙂

Le dernier sur la plaine, Nathalie Bernard (Thierry Magnier)
disponible depuis le 28 août 2019
9791035202729 – 14,80€
à partir de 13 ans
Son
3

Sauvages – Nathalie Bernard

Jonas vient d’avoir 16 ans. Il lui reste très exactement soixante jours avant de retrouver enfin sa liberté. Dans ce pensionnat perdu au beau milieu du Canada, Jonas n’est qu’un numéro parmi d’autres, à qui on demande d’être obéissant, productif et discipliné. Il doit donc encore tenir deux petits mois à faire croire aux prêtres et aux sœurs qui gèrent le pensionnat qu’ils ont réussi leur mission : tuer l’Indien dans l’enfant qu’il était à son arrivée au pensionnat.

★★★★☆

L’année dernière, Nathalie Bernard publiait un premier roman chez Thierry Magnier : Sept jours pour survivre, un thriller glaçant et angoissant qui se déroulait au Canada et évoquait déjà le destin des amérindiens, et en particulier des femmes amérindiennes. (On ne vous en dira pas plus mais on vous invite fortement à découvrir ce roman !)

Cette année, nous sommes toujours au Canada, mais cette fois dans les années 1950, en plein cœur d’un thriller historique qui nous conduit dans le passé terrible et honteux du pays : les pensionnats autochtones. Cela ne vous parle peut-être pas et pourtant, jusqu’en 1996, il existait des institutions qui « accueillaient » (comprendre « arrachaient à leurs familles ») des enfants amérindiens afin de les scolariser, certes, mais surtout de les évangéliser et les assimiler. L’idée y était de « tuer l’Indien dans l’enfant ». Charmant, n’est-ce pas ? Les conditions de vie y étaient déplorables et les sévices endurés par les enfants tout aussi abominables. C’est donc dans cette dure réalité historique que s’ancre le récit de Nathalie Bernard qui parvient avec brio à ne pas en faire qu’un roman dénonciateur basé sur des témoignages réels mais aussi un thriller efficace et un récit passionnant.

Et cela tient sans doute à la fluidité de l’écriture de Nathalie Bernard, et à ce personnage, Jonas, qui porte admirablement le récit. Un cheminement vers la liberté qui passe par de bien trop nombreuses épreuves pour ce garçon qui ne rêve que de retrouver ses racines, et par une chasse à l’homme au cœur des forêts québécoises, où la mort n’a jamais été aussi proche. Un roman émouvant, éprouvant, magnifique et captivant qui ne vous laissera certainement pas en ressortir indemne.

Sauvages, Nathalie Bernard (Thierry Magnier)
disponible depuis le 29 août 2018
9791035201852 – 14,50€
à partir de 14 ans
Son
1

Tous les bruits du monde – Sigrid Baffert

Italie, 1905. Pour venger son honneur, Graziella s’apprête à tuer son ex-fiancé Anthelmo. Enceinte jusqu’aux yeux, elle le regarde en épouser une autre, avant de viser son cœur… Condamnée pour ce meurtre, Graziella se retrouve en prison et attend son jugement, jusqu’au jour où un tremblement de terre lui offre la fuite. Une vie nouvelle s’offre à elle, mais les démons du passé ne sont jamais loin…

★★★★★

Pour ceux à qui manquait un grand roman d’aventure : voici Tous les bruits du monde ! Un destin de femme, une histoire d’amour gâchée, un honneur à laver plus important que la vie elle-même, une malédiction, des éléments qui se déchaînent, des traversées en bateau et des découvertes fabuleuses, il se passe tout cela, et bien plus encore dans le nouveau roman de Sigrid Baffert, qui nous transporte dans l’Italie et la France du début du XXème siècle. On notera d’ailleurs tout le travail de documentation pour ce roman historique où des événements réels côtoient les inventions de l’époque et quelques grandes figures des début du cinéma. Des détails et des clins d’œil qui n’éclipsent certainement pas l’aventure palpitante de Graziella et de son frère Baldassare qui vont tous deux fuir leur Italie natale pour rejoindre la France, où ils espèrent non seulement échapper aux représailles de leur départ mais également retrouver leur frère aîné, Tommaso, disparu mystérieusement voilà des années… Mais si la chance semble sourire à cette fratrie qui accueillera très vite l’enfant illégitime et non désiré de Graziella, le passé et le danger sont clairement à leurs trousses.

Un roman captivant, porté par une plume sensible et exigeante, qui, au-delà de l’aventure et de l’histoire d’une vengeance familiale, aborde aussi des thèmes beaucoup plus rares dans ce genre mais qui offrent de passionnantes explorations de l’humain : l’amour maternel, ou plutôt ici son absence ; la surdité et comment, voilà plus d’un siècle, on traitait les jeunes sourds ; et l’exil, grande question d’actualité s’il en est. Les personnages sont admirables dans leur construction, à commencer par Graziella, aussi vulnérable que déterminée, en proie à un conflit autant physique qu’émotionnel et Baldassare, le frère funambule, véritable soutien pour sa sœur, qui navigue entre l’espoir et le pragmatisme. Et puis César, le frère d’Anthelmo, un personnage diablement angoissant, qui étend son ombre menaçante sur tout le roman…

Tous les bruits du monde, c’est le souffle de la liberté, la richesse d’une époque, des personnages, et toute l’émotion d’un grand roman d’aventure.

Tous les bruits du monde, Sigrid Baffert (Milan)
disponible depuis le 22 août 2018
9782745997685 – 15,90€
à partir de 13 ans
Son
3

La sauvageonne – Anne Schmauch

Fleur vit dans une station-essence avec son frère Kilian, prodige du violon, sa mère qui gère la boutique et son père, pompiste et garagiste. Mais depuis de nombreuses années, la station n’attire plus personne et il est difficile de s’en sortir… Fleur et son frère ne rêvent que d’une chose : se tirer de là et monter à Paris, d’autant plus que Kilian a la possibilité de passer le concours du Conservatoire. Le jour où un malfrat vient s’échouer chez eux avec une valise pleine de billets, Fleur et Kilian décident de prendre la tangente…

★★★★☆

Première incursion d’Anne Schmauch dans le roman adolescent après l’excellent Mémé Dusa dans la collection Pépix, l’autrice quitte le registre de l’humour pour un texte beaucoup plus sombre et survolté, sur la quête de liberté de deux adolescents. On commence dans un cadre étonnant : celui d’une station-service perdue dans la cambrousse, entre Laon et Maubeuge, où la vie de Fleur se limite à une montagne de pneus d’un côté et à une odeur tenace d’essence de l’autre avec un père macho et tyrannique entre les deux. Vous aussi ça vous donnerait envie de vous tirer, non ? Quand l’opportunité se présente, si le vent de la liberté souffle très fort, tout comme la promesse d’une vie dorée, Fleur, son frère et leur copain de vacances et d’enfance Rodrigue se retrouvent finalement dans un environnement sans doute aussi gris et empuanti qu’avant : un vieil immeuble crado de Bagnolet avec vue plongeante sur l’autoroute A3. Gaz d’échappements et bruits de circulation ne vont pas les empêcher de continuer à croire à l’impossible. Sauf que ! Dépenser des billets volés, surtout des grosses coupures, c’est pas simple. Et quand on a jamais eu autant d’argent entre les mains, difficile de faire comme si un billet de 500 c’était la routine. On essaye de se faire à cette nouvelle vie qui commence et on fait également des rencontres. La plus marquante étant celle avec un petit groupe de graffeurs qui tente de survivre grâce à des petites combines sur l’autoroute. Et on se retrouve à nouveau dans un environnement totalement inédit, parallèle, invisible… C’est en fait l’une des grandes forces de ce roman que ces lieux inhabituels, habités de personnages bizarres, fantomatiques, terrifiants et, parfois, amicaux. L’autre force de La sauvageonne, c’est sa galerie de personnages, depuis la bagarreuse Fleur jusqu’aux rôles secondaires, dont l’épaisseur malgré leur nombre rend le texte particulièrement bien tenu. Enfin, Anne Schmauch maîtrise parfaitement son action, et ses scènes d’action, pour un rendu aussi brutal qu’efficace. Vaut mieux pas lui chercher des noises à la petite Fleur ! 😛

La sauvageonne, Anne Schmauch (Sarbacane)
collection Exprim’
disponible depuis le 2 mai 2018
9782377311002 – 15,50€
à partir de 14 ans
Son
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Polynies : une nouvelle collection de romans chez MeMo !

Vous connaissez sans aucun doute le travail des éditions MeMo et de leurs magnifiques albums où l’on retrouve des auteurs et illustrateurs comme Mélanie Rutten ou Emilie Vast pour les plus contemporains, ou encore Remy Charlip ou Maurice Sendak pour ceux un peu plus anciens… Cette année, les éditions MeMo lancent leur toute première collection de romans, Polynies, dirigée par Chloé Mary (ancienne éditrice à l’école des loisirs), qui proposera des romans à partir de 7 ans et jusqu’à l’adolescence. Couvertures à rabats, tranches colorées, on y retrouvera tout le soin que la maison apporte déjà à ses albums. En janvier sont parus les deux premiers romans de la collection, à destination des plus jeunes, que l’on vous présente ici, et autant vous dire qu’on a hâte de découvrir la suite ! 😛 Pour en savoir plus sur la collection et découvrir déjà de nombreux bonus, rendez-vous sur le blog dédié ou bien sur l’édition numérique des Nouvelles de Polynies.

Truffe et Machin

9782352893646, 0-4693737Aujourd’hui, Truffe et Machin, les deux frères lapins, s’ennuient. Rien à faire et aucune idée pour se lancer dans une aventure trépidante ! Alors qu’ils errent le long de l’ancienne voie ferrée, Truffe a soudain le début d’une idée, mais le ventre gargouillant de son frère la lui fait oublier et les deux lapins se mettent alors à la recherche de cette idée qu’ils imaginent merveilleuse…

★★★★☆

« Retrouver l’idée perdue » est la première des histoires de Truffe et Machin, qui en compte trois. Entre jeux d’enfants et idées saugrenues, Emile Cucherousset nous fait découvrir avec un style vif et plein d’humour le petit monde de deux lapins jamais bien loin de leur maman et de leur terrier. Un univers tout en douceur et en couleurs que les illustrations de Camille Jourdy complètent à merveille, faisant partie intégrante des histoires. On se laisse emporter dans ces petits bouts de vie plein de fantaisie et de bonheur. Une première lecture sans doute plus exigeante que les autres, mais qui ravira les amateurs d’histoires tendres et colorées.

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Truffe et Machin, Emile Cucherousset, illustré par Camille Jourdy (MeMo)
collection Petite Polynie
disponible depuis le 18 janvier 2018
9782352893646 – 8€
à partir de 7 ans
La petite épopée des pions

9782352893653, 0-4693736Sacha habite dans un coffret de bois avec d’autres Sacha noirs et blancs. Parfois, La Main le sort de cette boîte pour le déplacer sur un damier, avant de le ranger soigneusement à sa place. Mais le Géant-Monde, qui s’étire bien au-delà de son coffret attire Sacha et, bientôt, le petit pion ne rêve plus que d’une chose : sentir le vent de la liberté sur son bois.

★★★★★

En voilà une idée inédite : faire parler et rêver les pions d’un échiquier ! Grâce à ces drôles de personnages, Audren évoque avec une grande réussite l’idée de liberté, de conformisme, de dépassement de soi. Comment pourrait-on découvrir le monde en étant un simple petit pion, incapable de se déplacer autrement que lorsqu’un coude malheureux vous fait rouler sur le tapis avant que La Main ne vous récupère ? Et le monde n’est-il pas dangereux ? N’est-ce pas plus simple de rester bien au chaud dans son coffret, où l’on sait être en sécurité, ou bien garder sa place sur l’échiquier ? Audren nous livre un texte remarquable d’imagination et que dire des illustrations en noir et blanc de Cédric Philippe, absolument superbes, qui ajoutent à l’ambiance toute particulière de cette histoire. Ses double-pages muettes vers la fin du roman insufflent une poésie et un imaginaire encore plus puissant à ce roman véritablement magique. A découvrir !

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La petite épopée des pions, Audren, illustré par Cédric Philippe (MeMo)
collection Petite Polynie
disponible depuis le 18 janvier 2018
9782352893653 – 8€
à partir de 8 ans
Son
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De beaux albums sous le sapin

Il ne reste que quelques heures pour faire vos derniers achats et chez Bob & Jean-Michel, on pense à vous pour vous donner tout plein d’idées ! Alors une dernière sélection, d’albums cette fois, à offrir à toutes sortes d’enfants et leurs toutes sortes de goûts, pour les plus petits et pour les plus grands. C’est cadeau ! 🙂

Le phare à voile

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Un gardien de phare vit tranquillement dans son édifice, prenant soin de tous les navires qui longent la côte. Mais un jour, un poisson volant s’empare de la lumière de son phare et l’emporte avec lui. Alors le gardien s’élance à sa poursuite, transformant son phare en bateau… Mais comment les bateaux vont-ils se débrouiller sans lui ?
Après nous avoir émerveillés avec son Moabi, Mickaël El Fathi récidive avec cet hommage vibrant aux phares qui guident les bateaux et à leurs gardiens. Dans ce très bel album aux couleurs véritablement magiques, il nous embarque dans son histoire telle un conte merveilleux tout en évoquant la réalité des phares et de leurs gardiens aujourd’hui. Encore une fois, on se laisse happer par la poésie de son texte et, surtout, par ses images absolument sublimes pailletées de magie. Et comme dans son précédent album, un soin tout particulier est apporté à tous les aspects du livre, depuis la page de garde jusqu’aux notes documentaires. Un délice pour les yeux !

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Le phare à voile, Mickaël El Fathi (La Palissade)
disponible depuis le 12 octobre 2017
9791091330411 – 16,50€
à partir de 5 ans
L’ours et le trappeur

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Jacques Poitier est trappeur dans les Rocheuses au XIXe siècle. Un beau jour, il entend une mélodie le long de la rivière et y découvre un ours accompagné d’un concertina. Subjugué par sa voix et malgré l’étrangeté de cette rencontre, Jacques invite l’ours, Mortimer, à l’accompagner chez lui, marquant le début d’une étonnante amitié…
Les Fourmis rouges ont le chic pour publier des albums uniques et audacieux et L’ours et le trappeur n’y déroge pas ! Cette histoire d’amitié pas banale lorgne du côté du conte, où l’animal doué de parole se heurte au monde des hommes. Une histoire dans laquelle la beauté de la musique, l’émotion suscitée, est l’élan qui pousse Jacques à emmener Mortimer de part les États-Unis pour faire découvrir cette voix incroyable, quitte à risquer la découverte de la vraie nature de Mortimer. Une nature qui, l’hiver venu, sonne la fin des « concerts » de Mortimer pour les humains et, peut-être, la collaboration entre Jacques et l’ours. Une fin qui, là encore, comme un conte, laisse planer le mystère sur la réalité de cette amitié entre l’homme et l’ours, donne toute sa saveur à cet album magnifique. Car son intérêt réside également dans de sublimes illustrations où l’illustrateur de bandes dessinées se permet de très belles pleines pages, où l’on admire son trait précis et ses douces couleurs.

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L’ours et le trappeur, Christophe Swal (Les Fourmis rouges)
disponible depuis le 19 octobre 2017
9782369020851 – 15€
à partir de 6 ans
Cavale

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On l’appelle Cavale car il court tout le temps, sans jamais s’arrêter. In ne craint rien, sauf Fin, qui le poursuit. Montagne, elle, préfère rester immobile, pour échapper à Fin également. Mais quand Cavale trouve Montagne sur son chemin, il est bien obligé de s’arrêter…
Vous connaissez sans doute notre amour pour Stéphane Servant et ses univers sensibles et oniriques dans ses romans, et son humour dans ses albums. Dans Cavale, on retrouve tous ses talents au service d’une allégorie de la peur de la mort. Un texte finement ciselé d’une grande poésie, de jolies notes d’humour et d’une fulgurante beauté complètement sublimé par les illustrations subtiles de Rébecca Dautremer. Elle ajoute par ses dessins une dimension surréaliste et des touches d’humour elle aussi, à cette histoire autour de la vie, de la mort, de la peur, de l’amour et du temps qui passe. Un album magique et un magnifique coup de cœur !

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Cavale, Stéphane Servant, illustré par Rébecca Dautremer (Didier jeunesse)
disponible depuis le 25 octobre 2017
9782278085439 – 20€
à partir de 6 ans
Kado

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Le jour où ils sont arrivés, ils ont brûlé tous les villages et tué tous les habitants. Ils n’ont gardé que lui, le petit garçon qui sera offert à la Reine, le cadeau. Un rôle bien important grâce auquel il apprend à dire « Oui, ma Reine », « Tout de suite, votre Majesté ».
Avec ses mots toujours justes, à hauteur d’enfant, Thomas Scotto évoque la grande Histoire, celle de la colonisation, dans cet album poétique et, mine de rien, violent. Mine de rien car les grandes et riches peintures très colorées d’Eric Battut, tout en petits personnages, contrastent avec le sombre destin d’esclave de ce petit garçon, de Kado, le petit serviteur de la Reine. Mais c’est aussi ce qui fait toute la réussite de ce bel album sur le déracinement, cette façon dont les mots plein d’émotions de Thomas Scotto, la terrible violence de l’histoire, le bel espoir de la fin et les superbes images d’Eric Battut s’assemblent. Un album fort et sensible.

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Kado, Thomas Scotto, illustré par Éric Battut (A pas de loups)
disponible depuis le 3 novembre 2017
9782930787336 – 17€
à partir de 5 ans
Quand j’étais petite…

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Jules demande à sa maman de lui raconter des histoires de quand elle était petite. Avant d’être une maman, elle s’appelait Capucine et, quand elle était petite, elle vivait dans une maison de poupée, se rassasiait d’une framboise ou encore dormait dans une moufle !
Après avoir découvert le duo O’Leary/Morstad avec Il était une fois Lily, ce sont les toutes jeunes éditions de L’Étagère du bas qui publient leur nouvel album en France. Cette fois-ci, à travers un texte sensible et poétique, elles évoquent la relation entre une mère et son enfant, et continuent à explorer l’imaginaire à travers les souvenirs de cette maman qui était aussi petite qu’un insecte et vivait des choses extraordinaires ! Des références à certains contes bien connus viennent émailler ce joli récit aux illustrations délicates, sobrement colorées et finement rétro. De jolies illustrations en page de garde et un dos toilé complètent ce bel album en hommage au partage entre l’enfant et le parent et à la tendresse et l’amour d’une mère pour son fils.

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Quand j’étais petite…, Sara O’Leary, illustré par Julie Morstad, traduit par Cécile Provost (L’Étagère du bas)
disponible depuis le 10 novembre 2017
9782955789643 – 14,95€
à partir de 3 ans