Son
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Moi aussi je sais voler – Amy Reed

Dans le comté de Fog Harbor, on n’a pas beaucoup de choix de la vie. Ou on travaille au Big Mart, ou à la prison. Billy et Lydia sont deux adolescents qui font leur entrée en terminale après la fusion des lycées de leurs deux villes rivales. Complètement en marge de leurs congénères, ils vont se trouver et, alors que tout semble se déliter autour d’eux, apprendre à se connaître et à se pousser, l’un l’autre, hors de leurs habitudes et de leur petite vie sans histoire… ou presque !

Voilà une expérience de lecture bien singulière ! Dès les premières pages, Amy Reed nous transporte dans une Amérique alternative mais clairement inspirée de la gouvernance de Trump, où c’est un roi imbu de lui-même et inconscient qui est à la tête du pays. Alors que l’on découvre le lieu de vie de Billy et de Lydia : deux villes qui s’affrontent depuis toujours – l’une revendiquant sa rock star mondiale (et accessoirement oncle de Billy) l’autre sa série de romans de fantasy à succès (faite de dragons et de licornes) – et qui semblent tomber en décrépitude, d’étranges phénomènes vont peu à peu perturber nos personnages tout comme nos propres sensations. Et c’est sans doute la force de ce roman qui nous ballote entre l’étrangeté et le réalisme social, qui brouille la frontière entre le fantastique et le réel pour nous offrir une lecture vraiment originale et marquante.

Critique sans équivoque de l’Amérique de Trump, Moi aussi je sais voler et aussi, et surtout, le magnifique portrait de deux jeunes gens en perte de repères, qui se sentent différents et pour qui l’avenir n’existe pas en dehors de leur environnement immédiat. Malgré l’optimisme et la naïveté de Billy, auquel on s’attache dès les premiers pages, la vie ne lui fait aucun cadeau et son horizon est aussi bouché que celui de Lydia, jeune fille cynique qui garde tout en elle. Leur rencontre et leur amitié naissante va tout chambouler autour d’eux et, bien sûr, les amener à s’ouvrir et à prendre leurs propres décisions.

Une lecture très étonnante, qui rappelle certains romans de Patrick Ness dans cette étrangeté et la symbolique du propos. C’est à la fois drôle et désespérant, passionnant et oppressant mais surtout, une très belle histoire d’amitié, d’émancipation et d’acceptation de soi. A découvrir !

Moi aussi je sais voler, Amy Reed, traduit par Valérie Le Plouhinec (Albin Michel Jeunesse)
disponible depuis le 6 janvier 2021
9782226443809 – 19,90€
à partir de 14 ans
Son
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Des grands-mères en danger

Ils ne sont peut-être pas pour le même public, mais nos deux romans du jour abordent la relation d’enfants et adolescents avec leurs grands-mères, surtout quand celles-ci sont en danger… Frissons garantis !

Peur dans la neige

Fleur et son frère jumeau Julius vivent temporairement chez leur grand-mère. Une nuit, Fleur remarque de la lumière dans la forêt et, poussée par la curiosité, décide d’aller voir ce qui se trame. Qu’elle n’est pas sa surprise quand elle découvre un trésor ! Persuadée que cela pourra venir en aide à ses parents, elle s’empare du butin…provoquant une terrible réaction en chaîne…

★★★★☆

Sandrine Beau nous avait déjà bien fait flipper avec Toute seule dans la nuit ou encore Traquées ! Elle réussit encore une fois à nous embarquer avec efficacité et grelottements dans un polar bien ficelé, à destination des jeunes lecteurs. Un huis-clos aussi glaçant que la saison durant laquelle l’histoire se déroule, qui fait la part belle à des jeunes adolescents débrouillards et courageux et à une grand-mère peut-être en fauteuil roulant mais certainement pas « diminuée » ! Une mamie à la fois drôle et bravache qui fera tout aussi pour protéger ses petits-enfants. Décidément, Sandrine Beau est vraiment très forte quand il s’agit d’associer le suspense haletant du roman policier à la sensibilité des relations familiales. Idéal pour frissonner par temps de canicule ! On en redemande… 😀

Peur dans la neige, Sandrine Beau (Mijade)
collection Zone J
disponible depuis le 21 mars 2019
9782874231094 – 6€
à partir de 10 ans

 

La maison des oiseaux

Pour Zoé, harcelée par sa cousine, ses camarades et incomprise par ses parents, sa grand-mère est sa seule amie et elle se réfugie dès que possible chez elle, à la maison des Oiseaux. Mais mamie perd la tête, et les parents de Zoé décident de la placer dans une maison de retraite. Inimaginable pour Zoé comme pour sa grand-mère, qui souhaite mourir chez elle. Alors Zoé décide de fuguer, et d’emmener sa grand-mère avec elle pour retrouver un oncle qu’elle croyait disparu…

★★★★☆

Les secrets de famille sont au programme du nouveau roman d’Allan Stratton ! Mais c’est surtout la relation fusionnelle entre une adolescente et sa grand-mère atteinte de démence qui nous touche, et la difficulté pour Zoé de faire entendre sa voix tant elle est écrasée par une cousine horrible et des parents que la précarité obnubile au point de ne pas voir le mal-être de leur propre fille. La solitude de l’adolescence et la solitude de la vieillesse se mêlent alors, ne trouvant aucune échappatoire et aucun soutien familial, à moins de retrouver cet oncle dont personne ne parle jamais et qui, selon les paroles de la grand-mère de Zoé, se serait occupé d’elle, lui… Le roman devient passe alors par la case road-trip, et montre toute les difficultés rencontrées – et le courage ! – d’une jeune fille qui ferait tout pour donner à sa grand-mère la fin qu’elle mérite. Un roman bouleversant, aux thématiques fortes et rugueuses, comme sait si bien les faire Allan Stratton.

La maison des oiseaux, Allan Stratton, traduit par Sidonie Van den Dries (Milan)
disponible depuis le 29 mai 2019
9782745995872 – 15,90€
à partir de 13 ans
Son
3

Partis sans laisser d’adresse – Susin Nielsen

On vous le dit et redit tous les deux ans : IL FAUT LIRE SUSIN NIELSEN. ❤ Comment faites-vous pour (sur)vivre sans ses livres dans vos vies, hein ? Alors que nous, on se languit de ses personnages, de son univers canadien, de son ton pince-sans-rire et de ses histoires truculentes… chaque nouvelle lecture d’un roman de Susin est une petite bulle en dehors du temps, un moment unique !
Chronique garantie sans objectivité aucune !!!

Félix Knutsson, bientôt 13 ans, se retrouve au commissariat. Pour expliquer ce qu’il y fait en ce 27 novembre, veille d’un événement capital, le garçon revient au moment où sa mère, Astrid, a perdu travail, petit copain et appartement, et où ils se sont retrouvés tous les deux à vivre dans un vieux Combi Volkswagen « emprunté ». La situation était pourtant censée être temporaire…

★★★★★

Après l’amour que je portais déjà très très fort à Ambrose et à Henry, je ne pensais pas trouver un personnage aussi fort, et pourtant ! Félix est un garçon profondément attachant, avec ses petites bizarreries qui font toujours le sel des ados et préados imaginés par Susin Nielsen, et qui rappelle un petit peu les fameux Ambrose et Henry. (D’ailleurs, je suis plus que ravie et profondément émue de retrouver Henry dans ce nouveau roman). ❤ Avec Partis sans laisser d’adresse, Susin Nielsen évoque la question de la précarité et, toujours, la relation familiale, ici celle d’une mère célibataire et de son fils. Astrid est une femme orgueilleuse qui n’est pas capable de garder un travail et d’accepter de se faire aider quand elle en a besoin. Par peur d’être séparée de son fils, elle demande à Félix de ne rien dire à son nouveau collège, l’idée étant de retrouver vite un travail et un logement décent. Mais tout ne se passe pas toujours aussi facilement et les semaines, les mois, passent et vivre dans un mini-van n’est plus si cool… Mais Félix a peut-être la solution : il a été sélectionné pour participer à l’émission junior de Qui, Que, Quoi, Quand ?, un jeu télévisé dans lequel il peut remporter jusqu’à 25 000$ !

On le dit tout le temps aussi, mais le talent de Susin Nielsen, c’est véritablement de savoir doser à la perfection la mesure d’humour qu’il faut à une histoire somme toute pas si marrante. On rit. On éclate de rire, même. (Mais bon, je suis bon public quand il s’agit de prouts). Et puis on chiale à moitié, aussi. De tristesse ou de compassion. Mais de bonheur aussi. Parce que c’est ça aussi, les romans de Susin Nielsen. Une émotion pas possible, qui te fait passer du rire aux larmes en quelques phrases bien troussées. Une incarnation sensible et sincère des personnages – même chez Astrid, qu’on pourrait détester à plus d’un titre et qui déborde pourtant d’amour – et une histoire qui sait mêler l’extraordinaire à la dure réalité sans nier les difficultés, la gêne ou la souffrance, tout en choisissant de nous rappeler la force de l’amitié et de l’entraide. Un roman d’une formidable richesse, qui nous laisse le cœur gonflé de joie : d’avoir rencontré Félix, d’avoir passé un moment de plus dans l’imagination de Susin Nielsen, et de savoir qu’il y a toujours de l’espoir. ❤

Partis sans laisser d’adresse, Susin Nielsen, traduit par Valérie Le Plouhinec (hélium)
disponible depuis le 3 avril 2019
9782330120566 – 14,90€
à partir de 12 ans
Son
1

Lectures d’été #1

Les vacances sont sans doute le meilleur moment pour lire, lire et lire ! 😀 Le comble, c’est que Bob n’a (presque) lu que des histoires avec tout ce qu’on imagine derrière le mot « vacances » : des voyages, des îles paradisiaques, des personnages eux aussi en vacances… Petit tour d’horizon de nos derniers bons moments de lecture.

Catégorie #plages

Vendredi ou les autres jours

C’est avec délice que l’on suit les nouvelles aventures de Robinson et Vendredi sur leur caillou perdu au milieu de l’océan, où leur solitude est mise à rude épreuve… En effet, pirates et autres évangélisateurs ne cessent de débarquer alors qu’ils entament une partie de crabe-caillou ou dégustent une bonne petite bière de banane. Nos deux compères rivalisent alors d’imagination pour se débarrasser de ces importuns… Un savoureux recueil de nouvelles imaginées par Gilles Barraqué, où se mêlent habilement humour et sensibilité, légèreté et profondeur. Des dialogues facétieux, des héros qui célèbrent l’enfance, le jeu et la joie de vivre et des illustrations délicates d’Hélène Rajcak, ce petit livre bleu océan vous transportera sur cette île généreuse et inventive !

Vendredi ou les autres jours , Gilles Barraqué, illustré par Hélène Rajcak (MeMo)
collection Polynie
disponible depuis le 24 mai 2018
9782352893738 – 10€
à partir de 10 ans
Pëppo

Des parents absents, une grande sœur qui se casse en laissant 2 bébés – Colette et Georges – sur les bras d’un lycéen pas très porté sur les études, qui vit dans un vieux camping pourri des années 80 avec un oncle alcolo et un Argentin musico… Bienvenue dans la vie pas toute rose de Pëppo ! Mais il y a la plage, les petits vols, les commerçants sympas qui donnent les invendus, les petites entreprises qui se créent avec rien, les bébés hyper attachants, et puis Marie-Lola, un prénom moche, des bagues aux dents et des bourrelets mais un sourire magnifique. Séverine Vidal ravit notre petit cœur avec ce roman complètement barré et pourtant plein de tendresse et d’humanité ! Une comédie douce-amère que l’on a du mal à quitter tant on finit par s’attacher à toute cette tribu de marginaux rassemblés autour de Pëppo, le plus inoubliable d’entre tous.

Pëppo, Séverine Vidal (Bayard)
disponible depuis le 6 juin 2018
9782747090711 – 13,90€
à partir de 13 ans
La sirène & la licorne

On termine avec une jolie histoire d’amour entre deux jeunes filles égratignées par la vie. Lili détonne dans sa banlieue, où paillettes et licornes sont tolérées jusqu’au moment où on la surprend embrassant une fille. Pour l’éloigner du harcèlement dont elle est victime, ses parents l’envoient en Charentes chez sa tante. Elle y fait la rencontre de Cris, ancienne championne de voile, qui cache autant de blessures qu’elle. L’amitié cède bientôt la place à l’amour, mais comment faire confiance, s’exprimer ou se livrer après avoir subi autant ? Erin Mosta évoque la reconstruction et l’homosexualité avec beaucoup de justesse et de naturel, et nous offre deux très beaux personnages.

La sirène & la licorne, Erin Mosta (Rageot)
disponible depuis le 20 juin 2018
9782700259162 – 15,50€
à partir de 13 ans
Son
3

La sauvageonne – Anne Schmauch

Fleur vit dans une station-essence avec son frère Kilian, prodige du violon, sa mère qui gère la boutique et son père, pompiste et garagiste. Mais depuis de nombreuses années, la station n’attire plus personne et il est difficile de s’en sortir… Fleur et son frère ne rêvent que d’une chose : se tirer de là et monter à Paris, d’autant plus que Kilian a la possibilité de passer le concours du Conservatoire. Le jour où un malfrat vient s’échouer chez eux avec une valise pleine de billets, Fleur et Kilian décident de prendre la tangente…

★★★★☆

Première incursion d’Anne Schmauch dans le roman adolescent après l’excellent Mémé Dusa dans la collection Pépix, l’autrice quitte le registre de l’humour pour un texte beaucoup plus sombre et survolté, sur la quête de liberté de deux adolescents. On commence dans un cadre étonnant : celui d’une station-service perdue dans la cambrousse, entre Laon et Maubeuge, où la vie de Fleur se limite à une montagne de pneus d’un côté et à une odeur tenace d’essence de l’autre avec un père macho et tyrannique entre les deux. Vous aussi ça vous donnerait envie de vous tirer, non ? Quand l’opportunité se présente, si le vent de la liberté souffle très fort, tout comme la promesse d’une vie dorée, Fleur, son frère et leur copain de vacances et d’enfance Rodrigue se retrouvent finalement dans un environnement sans doute aussi gris et empuanti qu’avant : un vieil immeuble crado de Bagnolet avec vue plongeante sur l’autoroute A3. Gaz d’échappements et bruits de circulation ne vont pas les empêcher de continuer à croire à l’impossible. Sauf que ! Dépenser des billets volés, surtout des grosses coupures, c’est pas simple. Et quand on a jamais eu autant d’argent entre les mains, difficile de faire comme si un billet de 500 c’était la routine. On essaye de se faire à cette nouvelle vie qui commence et on fait également des rencontres. La plus marquante étant celle avec un petit groupe de graffeurs qui tente de survivre grâce à des petites combines sur l’autoroute. Et on se retrouve à nouveau dans un environnement totalement inédit, parallèle, invisible… C’est en fait l’une des grandes forces de ce roman que ces lieux inhabituels, habités de personnages bizarres, fantomatiques, terrifiants et, parfois, amicaux. L’autre force de La sauvageonne, c’est sa galerie de personnages, depuis la bagarreuse Fleur jusqu’aux rôles secondaires, dont l’épaisseur malgré leur nombre rend le texte particulièrement bien tenu. Enfin, Anne Schmauch maîtrise parfaitement son action, et ses scènes d’action, pour un rendu aussi brutal qu’efficace. Vaut mieux pas lui chercher des noises à la petite Fleur ! 😛

La sauvageonne, Anne Schmauch (Sarbacane)
collection Exprim’
disponible depuis le 2 mai 2018
9782377311002 – 15,50€
à partir de 14 ans
Son
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Un garçon nommé Noël – Matt Haig

Il y a deux ans, Matt Haig nous avait offert un roman exceptionnel de génialitude avec Humains. Aujourd’hui, il revient avec un roman pour les plus jeunes que l’on vous invite à offrir à tous les enfants de 10 ans pour les fêtes de Noël ! 😀

97823300661160-3538589

Nicolas vit en Finlande avec son père Joël, bûcheron. Pauvres, le jeune garçon n’a pour toute possession qu’un traîneau gravé de son surnom « Noël » (car il est né ce jour-là) et une poupée fabriquée dans un navet. Lorsqu’un chasseur se présente dans leur cabane pour proposer à Joël une mission royale, c’est l’occasion de rêver d’une vie meilleure. La mission proposée par le roi : ramener une preuve de l’existence de Lutinbourg, la ville magique des lutins.

★★★★☆

Et c’est ainsi que le père de Nicolas le laisse seul dans leur cabane en plein milieu de la forêt. Jusqu’à l’arrivée de sa terrible tante censée le garder durant l’absence de Joël et qui le force à dormir dehors dans la neige. Après d’horribles moments passés avec elle et ne voyant pas revenir son père, Nicolas décide de partir lui aussi et de tenter de trouver Lutinbourg, et son père. Sur le chemin, Nicolas va faire la rencontre d’un renne blessé qu’il va nommer Eclair et qui va l’accompagner dans son périple. Mais bientôt, l’épuisement les gagne et, sans le concours d’un petit être, Nicolas et Eclair auraient pu mourir… Et c’est ainsi que le jeune garçon et son compagnon se réveillent dans le village de Lutinbourg, accueillis par le Père Topo et Tite Nouch. Mais contrairement à la légende qui parle de lutins toujours joyeux, Nicolas découvre bien vite que quelque chose cloche…

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Comment un petit garçon pauvre comme Nicolas peut-il devenir le célèbre gros monsieur que l’on connaît sous le nom de Père Noël ? C’est tout l’enjeu de cette tendre et magique histoire imaginée par Matt Haig et magnifiquement mise en image par Chris Mould. Un univers de neige et de créatures fantastiques qui nous invite à croire en l’impossible, qui nous montre tout le pouvoir de la bonté, de la bienveillance et de la gentillesse, le crédo des lutins et de celui qui se découvrira la vocation de Père Noël. On se laisse emporter dans cette belle histoire, on sent le vent glacé de la Finlande nous fouetter le visage en enfourchant Eclair, on tremble avec Nicolas dès que l’histoire se corse et on se laisse enivrer par la magie de Noël… Un roman à déguster avec un chocolat chaud et un plaid sur les genoux pendant les longues soirées d’hiver… ☕

Un garçon nommé Noël, Matt Haig, illustré par Chris Mould, traduit par Valérie Le Plouhinec (Hélium)
disponible depuis le 5 octobre 2016
9782330066116 – 13,90€
à partir de 10 ans
Son
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Le fils de l’Ursari – Xavier-Laurent Petit

Xavier-Laurent Petit s’inspire du monde actuel et des gens que l’on rencontre au détour d’une vie dans nombre de ses romans. Avec Le fils de l’Ursari, il continue cette exploration dans un roman encore une fois d’une grande qualité.

9782211230070,0-3389135

Ciprian est le fils d’un Ursari, un combattant légendaire capable de défier un ours. Avec sa famille, ils se produisent sur les places des villages dans les pays de l’Est. Mais ils sont détestés là-bas et un jour, ils sont contraints de fuir… Deux hommes, Zlot et Lazlo, leur proposent de devenir riches, à Paris, là où l’argent coule à flot, où l’on devient riche sans s’en rendre compte. Bien malgré eux, Ciprian et sa famille se retrouvent alors dans un camion, direction la France…

★★★★★

Chaque jour, nous voyons ces femmes, bébés dans les bras, déambuler dans le métro en demandant quelques pièces. Depuis la vitre du train, on aperçoit des bidonvilles aux portes de Paris… C’est de l’autre côté des grillages que Xavier Laurent-Petit nous emmène dans ce roman fort et bouleversant. Où l’on découvre la famille de Ciprian, son père qui combat les ours et dont la fierté remonte jusqu’aux lettres de protection délivrées par l’empereur Sigismond au XVe siècle ; sa mère gardienne du feu ; son frère Dimetriu qui emprunte tout ce dont ils ont besoin pour manger ; sa sœur Vera qui chante et danse pour attirer le public. Lorsque tout ce monde arrive en France, la fierté doit être oubliée et à chacun est attribué un nouveau métier : ferrailleur pour le père ; nourrice itinérante pour Vera ; gardienne de distributeurs de billets pour la mère et emprunteur de portefeuilles pour Dimetriu et Ciprian, son apprenti. Malgré l’argent qu’ils rapportent chaque soir, la vie se révèle bien plus difficile que ce qu’on leur avait promis. Et bientôt, les véritables ennuis commencent… Du côté de Ciprian, pourtant, il y a un peu de lumière. C’est au jardin du Luxembourg que tout va se jouer, lorsque le garçon découvre ce jeu étrange avec des pièces blanches et des pièces noires…

Est-ce l’espoir qui s’épanouit pour le garçon ? C’est en tous cas l’un des messages du roman de Xavier-Laurent Petit. A travers l’odyssée de la famille de Ciprian, qui dépeint les conditions des Roms dans notre pays et le trafic insurmontable dont ils sont victimes, on découvre « l’envers du décor ». Le destin de Ciprian, qui va trouver une voie d’échappatoire, apporte la note d’espoir pour sa famille et les autres, même si ce chemin est semé d’embûches. Mais il pourra compter sur l’aide de personnages presque mythologiques tant leurs caractéristiques lui sont étonnantes. Car la force de ce roman, c’est aussi le regard de Ciprian sur le monde, son absence d’éducation scolaire en fait un naïf tout voltairien, et apporte une touche d’humour bienvenue. L’écriture de Xavier-Laurent Petit, pleine d’émotions, finit de nous transporter dans ce roman où l’on passe du rire aux larmes, de la tradition ancestrale, presque magique, d’un monde oublié, à la dure et cruelle réalité de la pauvreté et du trafic d’êtres humains en France. Un roman bouleversant et éclatant, à mettre entre toutes les mains !

Le fils de l’Ursari, Xavier-Laurent Petit (École des loisirs)
collection Médium
disponible le 24 août 2016
9782211230070 – 15,80€
à partir de 13 ans
Son
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Talitha running horse – Antje Babendererde

9782747040136,0-2688152

Talitha, jeune lakota métisse, vit seule avec son père dans une caravane au cœur d’une réserve indienne. Malgré sa pauvreté et l’absence de sa mère, elle se sent plutôt heureuse. Son bonheur s’élargit lorsqu’elle rencontre la famille Thunderhawk, qui possède un élevage de chevaux Apaloosas. Elle se prend notamment d’affection pour un poulain, qu’elle baptise Stormy, et tombe amoureuse de Neil, le fils de la famille. Mais lorsque la caravane de son père est détruite, la vie de Talitha bascule…

★★★☆☆

Si vous ne connaissez pas les romans d’Antje Babendererde, vous manquez de beaux romans sur les cultures amérindiennes. L’auteure est en effet passionnée par les peuples natifs d’Amérique du Nord, principalement des États-Unis, et tous ses romans s’attachent à faire découvrir ces différentes tribus. Ici, nous suivons donc Talitha, une métisse qui n’a pas la vie facile, notamment à cause des problèmes de racisme qu’elle rencontre (sa mère est blanche, son père lakota) mais aussi de sa situation : son père est au chômage et ne vit que de petits boulots et « services ». Sa famille la plus proche, sa tante et son cousin Marlin, se sont détournés des traditions indiennes et se moquent ouvertement de Talitha et de son père, leur rendant la vie dure. Heureusement, Talitha peut compter sur sa meilleure amie et sur sa nouvelles amitié avec les chevaux et la famille Thunderhawk. Bien sûr, tout ne se passera pas comme sur des roulettes et, entre les moments de la vie de tous les jours de Talitha, rythmée par le collège et les fêtes traditionnelles lakotas, et les tensions familiales ou locales, le roman nous emporte dans différentes directions.

Talitha running horse est un beau portrait de jeune fille optimiste, rêveuse et courageuse. J’ai beaucoup aimé cette découverte de la culture lakota, entre les traditions et les histoires qui restent importantes pour chacun et leur conciliation avec la vie actuelle. Roman social assurément, Antje Babendererde n’est cependant pas dans la dénonciation des conditions de vie dans les réserves indiennes – le lecteur se fait cette constatation tout seul – mais plutôt de nous emmener à la rencontre de peuples qui nous sont peu ou pas connus. Tout cela avec les ingrédients d’une bonne histoire : de l’amour, des péripéties, de la tension dramatique, de l’espoir, des déceptions, etc. Un roman bien écrit qui se lit avec beaucoup de plaisir. 🙂

Talitha running horse, Antje Babendererde, traduit par Vincent Haubtmann (Bayard Jeunesse)
disponible depuis le 22 octobre 2015
9782747040136 – 15,90€
à partir de 13 ans

Son
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La pyramide des besoins humains – Caroline Solé

9782211221979,0-2644791

Vous avez peut-être vu sur les réseaux sociaux d’étranges publicités pour un nouveau jeu de télé-réalité : La pyramide des besoins humains ? Vous vous êtes interrogés pour savoir de quoi il retournait ? Eh bien, aujourd’hui, date de lancement du jeu, Bob et Jean-Michel vous révèlent TOUT sur cet événement qui va rythmer vos journées et vos soirées ! 😛

Christopher vit sur un bout de carton, dans les rues de Londres. Entre la mendicité et la survie, le jeune homme finit par s’inscrire à une étrange émission de télé-réalité : la pyramide des besoins humains, qui part du principe que l’ensemble des besoins humains peut être classé en cinq catégories. Ils sont 15 000 candidats et, dans un mois, il n’en restera plus qu’un. Christopher pense n’être qu’un numéro parmi tant d’autres… Pourtant, la célébrité n’attend que lui…

★★★★☆

Haha, vous l’aurez donc compris : La pyramide des besoins humains est en réalité un roman ! (Et donc non, nous ne changeons pas notre ligne éditoriale pour parler télévision !) Un roman extrêmement réaliste qui s’attache à un personnage très marginal : un jeune ado, probablement même pas majeur, qui, après une fugue, se retrouve à arpenter les rues de Londres et à vivre sous les porches, dans un carton détrempé. Christopher, à travers les mots très justes de Caroline Solé, nous décrit son mode de vie, ou plutôt de survie, dans un Londres très différent de ce qu’on lit le plus souvent. Un Londres peuplé de sans-abris, où le danger est partout, dans la pluie comme dans les hommes. Il nous livre ainsi ses réflexions sur son existence : son enfance, sa famille, ses rêves, ses compagnons de route…tout ce qui constitue son existence. J’ai été tout de suite touchée par ce personnage qui nous raconte tout cela avec une étonnante lucidité.

Une affiche (fictive, donc !) de la campagne du jeu.

Une affiche (fictive, donc !) de la campagne du jeu.

Et au-delà de cette tranche de vie, Caroline Solé s’intéresse aussi à ce jeu de télé-réalité et à ce qui en découle : l’impact de réseaux sociaux et de la célébrité sur notre rapport aux autres. Car Christopher, comme chacun des joueurs de ce jeu, va tenter de parvenir en finale, même s’il doute fortement d’y arriver. Et il va devoir rivaliser d’imagination pour passer chaque pallier des besoins humains à remplir. On ne reste pas indifférents à l’analyse que Christopher porte sur le jeu, qui nous pousse ainsi à nous interroger nous aussi sur nos besoins fondamentaux.
Un roman original, fin et très actuel.

La pyramide des besoins humains, Caroline Solé (École des loisirs)
collection Médium
en librairie le 27 mai 2015
9782211221979 – 12,80€
à partir de 13 ans

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La chanson du nez cassé – Arne Svingen

Le saviez-vous ? Les auteurs norvégiens sont talentueux.

nezcasseBart a 13 ans et vit dans un immeuble insalubre avec sa mère, femme en surpoids qui a la fâcheuse tendance à boire un peu trop. Au collège il fait tout ce qu’il peut pour passer inaperçu parce qu’allez expliquer à vos camarades qu’on a une mère qui ne travaille pas, qui ne fait quasiment jamais les courses et qu’on habite dans un repère miséreux ? Difficile. Bart fait de la boxe pour faire plaisir à sa mère mais ce qu’il aime vraiment c’est chanter, il adore l’opéra et en écoute sur son vieil mp3 mais ça, c’est son jardin secret…il ira quand même confier sa passion à Ada, son amie. Mais les filles on les connait, ça répète tout et comme par hasard Bart est sollicité pour le spectacle de fin d’année. Chantera t-il devant tout un public ?

★★★★★

J’ai tellement aimé ce roman, je ne sais par où commencer, les personnages sont si extraordinaires !
Bart est un chouette ado, il a certes une vie difficile mais il y a du rose dans son quotidien : sa grand-mère est adorable, elle prend soin de lui et de sa maman au tant qu’elle peut. Il est copain avec Geir, un junkie très gentil mais paumé qui lui prodigue de bons conseils, lui apprend à boxer et à faire du vélo – ce qui est assez compensateur lorsqu’on a pas de père. C’est agréable de voir Bart développer une amitié avec Ada, son amie, une fille de sa classe qui a une odeur de « melon cantaloupe ». Ce jeune homme m’a impressionnée à plusieurs reprises : il collectionne les photos de tueurs en série (un fait original) et il cherche éperdument son père, un dénommé « John Jones » (un fait qui arrache une larme) mais je ne dirais rien concernant l’issue de cette quête… Il a même organisé une opération nettoyage dans son immeuble , incitant ses habitants à vivre dans un endroit meilleur, non mais quel brave gosse ! Sachez que ce roman est rempli de phrases qui résonnent encore dans nos têtes après les avoir lues, des morceaux de philosophie à peine dissimulés dans une histoire poétique.
« Mais d’où viennent les grands-mères ? On croirait qu’elles ont été inventées pour venir à bout de toutes les difficultés. »

La chanson du nez cassé, Arne Svingen (Magnard Jeunesse)
en librairie depuis le 10 octobre
9782210960077 – 12,90€
à partir de 10 ans