Son
0

À la recherche de Mrs Wynter – Eric Senabre

Fan de la série des années 60 « Talons hauts et veste de tweed », Medhi est aussi fou amoureux de son actrice principale, Beryl Doncaster. Sauf que celle-ci a trois fois son âge, qu’elle vit en Angleterre et qu’elle a disparu du feu des projecteurs voilà bien des années. Mais pour un amoureux transi, rien n’est impossible et Medhi va se lancer avec sa meilleure amie Julia sur les traces de la belle interprète de Mrs Wynter…

Pour celles et ceux qui avaient adoré Star Trip, vous allez assurément tomber sous le charme de ce nouvel opus « pop culture » d’Eric Senabre, qui fait d’ailleurs un petit clin d’œil à ce précédent roman. (Saurez-vous le trouver ? 😉 ) Pour les autres, nul doute que cette quête romantique aussi hasardeuse que drôle vous plaira tout autant ! En seulement quelques pages, le personnage de Medhi devient tout de suite notre meilleur ami : sa naïveté, son humour et sa fougue nous le rendent absolument sympathique. Quel.le adolescent.e n’a jamais rêvé de rencontrer son idole, de s’imaginer une histoire d’amour ou d’amitié aussi épatante que totalement irréalisable ? Eh bien, grâce à Medhi, nos espoirs reviennent ! Si vous n’avez pas de nouvelles de Bob d’ici la rentrée, c’est donc qu’il est parti à la recherche d’Orlando Bloom (eh oui ! adolescente époque Seigneur des anneaux, ici !).

En tous cas, avec À la recherche de Mrs Wynter, Eric Senabre nous offre une comédie romantique trépidante et enlevée. Le mélange de farfelu et de flegme tout à fait britanniques est l’occasion de scènes hilarantes et improbables, de dialogues savoureux dont Eric Senabre a le secret, et qui font tout le sel de ce roman absolument idéal pour l’été. La chute ne vous surprendra pas, elle est à l’instar de toutes les bonnes comédies romantiques, mais il est tellement agréable de se laisser emporter dans ce tourbillon d’émotions et de drôlerie ! Un beau coup de cœur pour ce roman, qui est aussi un très bel hommage de l’auteur à Diana Rigg, l’actrice principale de Chapeau melon et bottes de cuir décédée en 2020 et que les plus jeunes d’entre vous auront plutôt connue en Reine des épines dans Game of Thrones. Si vous avez envie de passer un excellent moment de lecture et de pouffer dans votre barbe sans vergogne, allez vite vous procurer À la recherche de Mrs Wynter ! ❤️

À la recherche de Mrs Wynter, Eric Senabre (Didier Jeunesse)
disponible depuis le 7 juillet 2021
9782278100477 – 15,90€
à partir de 12 ans
Image
2

D’or et d’oreillers – Flore Vesco

Mme Watkins a trois filles… et lorsque l’on a trois enfants de sexe féminin en 1813, on ne pense qu’à une chose : les marier. Quelle ne fut pas donc pas son excitation lorsqu’elle appris que Lord Handerson cherchait une épouse – et surtout qu’il avait une rente de 80 000 livres, une fortune ! Sauf que ce cher Lord est un jeune homme très excentrique, il invite directement les prétendantes à passer une nuit dans son château… sans chaperon, ni parent ! Mme Watkins, bien qu’outrée par cette proposition indécente, y envoie ses trois filles ainsi qu’une gouvernante, en espérant que l’une d’elles se fera passer la bague au doigt. (Parce que bon…80 000 livres.) En arrivant au château, les jeunes femmes vont devoir toutes dormir une nuit sur un lit d’une hauteur invraisemblable. Des matelas superposés, un prince à marier ? Est-ce qu’il n’y aurait pas un petit pois dans cette histoire ? Détrompez-vous, nous ne sommes pas dans un conte de fées ! Mais dans une histoire de magie et de sorcellerie… Nulle princesse ici mais une gouvernante qui va mener l’enquête. Attention, dans cette histoire, les murs ont des oreilles !

Lisette reste bouche bée

Encore une fois, Flore Vesco ne peut pas laisser indifférente ! Cette autrice manie les mots telles une chirurgienne aguerrie. Dans ce livre, elle fait preuve encore une fois (vous pouvez lire des chroniques de ses autres romans ici et ) de délicatesse littéraire, de figures de styles filées mais toujours justes. C’est la littérature comme je l’aime : je m’émerveille de la plume de l’autrice tout en ne perdant pas l’histoire de vue, et quelle histoire !

La quatrième de couverture indique qu’il s’agit « d’une histoire d’amour et de sorcellerie où l’on apprend ce que les jeunes filles font en secret, la nuit, dans leur lit… » Certes le sujet de l’intimité, des caresses nocturnes seules ou à deux, est abordé – avec talent ! – mais c’est réduire à peau de chagrin l’histoire. Nous passons d’une ambiance Jane Austen à une enquête intrigante et enfin à une histoire horrifique de maison hantée ! Le tout ambiance girl power avec Sadima, la gouvernante qui ne se laisse pas marcher sur les pieds. Oubliez l’histoire de la princesse au petit pois, qui n’est ici qu’une parade pour reprendre les thématiques des contes : l’amour, la magie et la peur.

Ce qui est très frustrant avec ce roman, c’est que vous en dévoiler la teneur vous donnera l’eau à la bouche, certes, mais vous divulgâchera trop l’intrigue. (Peut-être que Bob le fera mais moi je ne veux pas être responsable). Approchez, faites-moi confiance : lisez ce livre, chez vous, dans votre lit, entouré de vos oreillers et ne dormez pas sur vos deux oreilles tant que vous ne l’aurez pas terminé.

Bob en a les jambes coupées

Lisette en a déjà beaucoup dit mais je me joins à l’enthousiasme de sa lecture ! A chaque roman, Flore Vesco nous démontre une nouvelle facette de son talent et de son imaginaire pétillant et joueur qui s’amuse d’exercices de style et de jeux littéraires. C’est encore le cas avec D’or et d’oreillers. Une langue dont on se régale, un univers familier aux multiples références qui se trouve distordu pour une histoire inattendue et savoureuse. Comme Lisette, je ne saurai que vous conseiller de vous laisser envoûter par ce roman magique et sensuel !

D’or et d’oreillers, Flore Vesco (l’école des loisirs)
collection Médium+
disponible depuis le 3 mars 2021
9782211310239 – 15€
à partir de 13 ans
Galerie
2

L’affaire des fées de Cottingley – Natacha Henry

Été 1917, Angleterre. Elsie, 16 ans, s’occupe de sa cousine Frances, 9 ans, venue vivre chez elle avec sa mère, le temps que la guerre se termine. Elsie est furieuse de devoir s’occuper de sa cousine. Passionnée par la photo, elle ne rêve que d’une chose : travailler auprès d’un photographe de la région. Alors qu’un jour les deux cousines se font réprimander d’être revenues crasseuses de la rivière, Frances invente une excuse : elles ont vu des fées !

Ce roman, inspiré de faits réels, raconte l’un des plus grands canulars du XXème siècle : l’affaire des Fées de Cottingley. Deux jeunes filles vont en effet s’amuser à transformer des photos (je vous laisse découvrir comment) et le trucage va être si réussi que non seulement leurs mères vont les croire mais ces dernières décident de parler de cette révélation au monde scientifique. Si aujourd’hui nous avons l’habitude des fake news, cette plaisanterie enfantine va prendre des proportions immenses et va réussir à duper des membres très hauts placés du milieu scientifique mais pas que… même le célèbre spiritualiste Sir Arthur Conan Doyle, auteur de Sherlock Holmes, va y croire !

Au delà de l’histoire des photographies, ce roman permettra aux jeunes lecteurs de découvrir les fracas de la Première Guerre mondiale. Le père de Frances étant au front, nous avons régulièrement dans le roman des explications historiques de l’avancée de la guerre, de la vie des soldats. On se rend rapidement compte que pour certains personnages les fées deviennent l’ultime et unique échappatoire pour détourner leurs pensées de la guerre. Aujourd’hui, lorsque nous voyons les photographies nous ne comprenons pas comment autant de gens sont tombés dans le panneau ! Aux enfants sceptiques, il sera intéressant d’utiliser ce roman comme support pour discuter de notre rapport à l’image, aux effets-spéciaux.

Ce roman, qui a été écrit en collaboration avec les ayant-droit des deux soeurs, nous rappelle que les jeunes filles ne souhaitaient aucunement créer un canular, mais qu’il s’agissait simplement de deux cousines qui s’amusaient. Et ça c’est magique !

L’affaire des fées de Cottingley, Nathacha Henry (Rageot)
disponible le 26 août 2020
9782700263756 – 13€
à partir de 10 ans
Son
0

Phalaina – Alice Brière-Haquet

Angleterre, XIXe siècle. Par une nuit d’hiver, un homme trouve une étrange enfant dans la forêt. Muette, les yeux rouges, il l’accueille tout d’abord chez lui avant de la confier à un couvent londonien. Des années plus tard, Manon est toujours une petite fille bizarre, auréolée de mystères, et activement recherchée par la Fondation Humphrey. Quel est donc le mystère de ses origines ?

Le mystère, c’est bien la composante principale de ce premier roman d’Alice Brière-Haquet pour les adolescents. Et c’est dans une Angleterre nimbée de fantastique qu’elle nous emmène, à l’époque des théories de Darwin et de l’intérêt porté au naturalisme et à l’étude des espèces. Mais aussi dans le Londres de Jack L’Eventreur, dont l’ombre plane toujours, menaçante. Plusieurs voix vont se croiser dans ce récit qui plante son décor progressivement, lui donnant d’abord des allures de conte. Très vite, pourtant, le nœud de l’intrigue prend corps, notamment grâce aux lettres qui s’insèrent dans le récit, celles d’un scientifique qui écrit à Darwin pour lui raconter l’étonnante et merveilleuse découverte qu’il vient de faire. Alice Brière-Haquet sait maintenir son suspense et reste volontairement avare de détails pour nous laisser le loisir de l’imaginaire, des conjectures et des soupçons. Entre le fantastique et l’enquête policière, le mystère des origines de Manon, des découvertes d’Humphrey et des agissements de la Fondation donne un roman riche et passionnant.

Mais le sujet sous-jacent à ce roman historique mâtiné de fantastique, c’est celui de la nature et de sa préservation, entrant ainsi en résonnance avec des préoccupations très actuelles. Car ce sont les travers de la recherche scientifique, du désir de comprendre, classifier et expérimenter qui sont dénoncés à travers cette volonté de mettre la main sur Manon et ses étranges origines. Mais Alice Brière-Haquet le fait habilement, nous interrogeant ainsi sur les fondements philosophiques de cette démarche mais aussi plus généralement sur notre rapport à la nature et aux êtres vivants, sur l’histoire de l’humanité qui cherche encore et toujours à utiliser, s’emparer, se servir plutôt que d’essayer de vivre en harmonie, en pleine conscience de l’autre.

Un roman très étonnant, en tous cas, qui nous emmène dans des territoires étranges, tant dans l’histoire que dans l’écriture, qui ellipse énormément de choses, qui glisse de l’humour, de la poésie, de l’horreur, des pensées animales, etc. Un roman peut-être pas si simple pour qui ne lui laisse pas la porte complètement ouverte mais qui en ouvrira bien d’autres à ceux qui se laisseront guider par les papillons de nuit ! A découvrir !

Phalaina, Alice Brière-Haquet (Le Rouergue)
collection Epik
disponible le 26 août 2020
9782812620959 – 15€
à partir de 13 ans
Son
0

À la recherche de Jack – Mel Darbon

Rosie aime Jack. Mais Rosie est une jeune fille trisomique et Jack un garçon qui ne contrôle pas sa colère. Lors d’un épisode particulièrement violent, Jack est envoyé dans un autre établissement. Une situation d’autant plus difficile pour Rosie que son père lui cache les lettres que Jack lui envoie. L’aime-t-il encore ? Pense-t-il à elle ? Rosie est dévastée et, lorsqu’elle découvre enfin les cartes postales de son amoureux et son adresse, elle n’a plus qu’une idée en tête : le rejoindre !

Rares sont les héros handicapés dans les romans, et encore plus rares quand ils sont trisomiques. Même s’ils sont parfois au cœur de l’histoire, comme dans celle d’Erin Lange (pour les plus récentes), ce ne sont pas toujours eux qui nous racontent la leur. Et c’est sans doute l’une des plus grandes forces de ce roman que de nous faire entrer dans la vie et la tête de Rosie, 16 ans, trisomique, et qui se traduit par un style bousculant, naïf, plein d’humanité.

J’ai aimé Rosie pour le réalisme de sa représentation : l’intensité de ses émotions, la façon de s’ouvrir aux autres sans aucun filtre, sa ténacité, son envie d’être indépendante, de réussir à faire toute seule, de se montrer forte tout en sachant sa différence et les réactions qu’elle peut provoquer chez les autres. Mais plus encore, c’est l’universalité de l’histoire de Rosie : elle veut retrouver son amoureux. Qu’importe son handicap, elle essayera coûte que coûte d’atteindre son but. Si tout paraît « facile » au premier abord dans la fuite de Rosie, avec tous ces londoniens sympathiques et aidants, les choses se gâtent lors d’une malheureuse rencontre et le roman se transforme alors en thriller. A ce moment-là, Mel Darbon crée une atmosphère qui fonctionne parfaitement : on a peur de ce qui pourrait arriver à Rosie tout en priant pour que ça n’arrive pas. C’est la partie la plus sombre du roman mais c’est sans aucun doute celle qui permet au roman d’être bien dosé en terme de « romance impossible » et de nous tenir en haleine vraiment jusqu’au bout. Rosie retrouvera-t-elle Jack ?

À la recherche de Jack est un roman véritablement unique par son personnage et son sujet audacieux, l’universalité de son histoire d’amour. Mais surtout, il est unique pour la place qu’il donne à ce personnage handicapé, souvent invisibilisé dans nos sociétés (et ce sur bien des plans, et notamment celui de l’amour ou de la sexualité).
Rosie est une héroïne que l’on n’oubliera pas ! ❤

À la recherche de Jack, Mel Darbon, traduit par Lili Sztajn (Hélium)
disponible depuis le 11 septembre 2019
9782330124540 – 16€
à partir de 13 ans
Son
0

Les orphelins de métal – Padraig Kenny

Christopher est un jeune orphelin qui travaille pour M. Absalom, un inventeur malhonnête, qui crée des robots. Ces derniers sont désormais courants en Angleterre, où ils sont tantôt serviteurs, tantôt mains d’œuvre. Pourtant, il y a des règles à la création de ces robots et notamment celle de ne pas les faire ressembler à des « authentiques » êtres humains. Le jour où Christopher est enlevé par des mystérieux inconnus, ses amis robots, Lapoigne, Jack, Manda et Rob, accompagnés d’Estelle, jeune fille qui fabrique de la peau, se lancent à sa recherche et vont découvrir de nombreux secrets…

★★★★★

Bienvenue dans une Angleterre uchronique où, après la Grande Guerre, les robots sont aussi naturels dans notre paysage que les grille-pains. Un univers régi par les lois de la mécanique qui interdisent aux inventeurs de donner vie à des robots de taille adulte ou de leur insuffler une âme. Si tout cela vous fait penser aussi bien à Pinocchio que Le Magicien d’Oz ou encore aux lois de la robotique d’Asimov, c’est normal ! Avec de telles inspirations, Padraig Kenny nous offre un conte absolument fascinant et passionnant qui pose la question de ce qu’est l’humanité. Autant vous l’annoncer tout de suite : vous allez être complètement tourneboulés par ces petits robots d’une redoutable candeur et d’une profonde sensibilité malgré leur absence d’âme et leurs cœurs faits de rouages et de métal.

Un roman d’aventures mené tambour battant, qui nous emmène à la découverte de cet univers où s’affrontent inventeurs de légende, terribles secrets et risques inconsidérés, et où l’amitié reste la plus grande valeur pour tous ces petits robots. Des personnages touchants, drôles et loyaux, qui nous font reconsidérer les notions de bien et de mal. De nombreux passages, comme la tentative de M. Absalom de vendre Jack à un couple qui vient de perdre son enfant ; l’arrivée à Havrefer, cette cité où se rassemblent tous les robots qui attendent d’être réparés par Cormier, le plus grand inventeur de tous les temps désormais reclus par le chagrin ; ou encore la découverte de Christopher de sa véritable nature, sont tout simplement émouvants et nous interrogent sur tout ce que peut impliquer une invention aussi extraordinaire que ces robots dotés d’intelligence. Deuil, espoir ou encore mémoire sont alors des concepts susceptibles de trouver une toute nouvelle vie dans cet univers…

Un roman riche et captivant sur la nature humaine, une galerie de personnages bouleversants et une magnifique histoire d’amitié, de loyauté et d’acceptation de l’autre. C’est vraiment très très beau ! ❤

Les orphelins de métal, Padraig Kenny, traduit par Julie Lafon (Lumen)
disponible depuis le 4 avril 2019
9782371021693 – 15€
à partir de 10 ans
Son
0

Cell. 7 : la mort vous regarde – Kerry Drewery

97820122057890-3385832

Une couverture métallisée, un œil qui vous regarde… Non, ce n’est pas la nouvelle saison de Secret Story, quoique, remplacez la maison par une prison et vous obtiendrez Cell.7, un nouveau genre de téléréalité…

Dans une Angleterre futuriste, le système judiciaire a évolué : la peine de mort a été rétablie et chaque citoyen peut voter pour ou contre l’exécution des prisonniers. Martha Honeydew a seize ans et elle est la première adolescente à entrer dans le couloir de la mort. Son crime : avoir assassiné Jackson Paige, une star de la téléréalité appréciée de tout le monde. Désormais, ce sont 2 millions de citoyens qui vont juger la jeune femme…

★★★☆☆

Martha Honeydew va passer sept jours, passant de cellules en cellules (une différente chaque jour), scrutée par les caméras et les millions de gens vivant dans cette Angleterre de science-fiction où les riches vivent séparés des pauvres et où règne une justice dite démocratique. « Mort = Justice », c’est le nom de l’émission de télé la plus populaire du pays où, chaque jour, est proposé un récapitulatif de ce qui se passe dans le couloir de la mort, où l’on voit évoluer les condamnés de cellule en cellule jusqu’à la Cell.7, celle de la chaise électrique. Mais c’est aussi dans cette émission que sont dévoilés les votes du public qui détermineront le sort des condamnés : il suffit de voter par téléphone ou sur Internet, moyennant quelques £, of course, ce qui, vous pensez bien, n’est pas à la portée de toutes les bourses…

Justice et corruption, univers de la téléréalité qui cache de bien sombres secrets, culpabilité et innocence, autant de thématiques développées dans ce roman bien ficelé qui multiplie les points de vue : celui de Martha, dans le couloir de la mort, qui clame haut et fort son crime ; Eve, son assistante juridique, dont le métier est en voie de disparition, qui pense qu’il y a bien plus derrière ce crime que ce que Martha dit ; et d’autres qui se révèlent au fur et à mesure de l’histoire. Il y a également l’émission « Mort = Justice » retransmise chaque jour dans le livre, et qui est peut-être son seul écueil puisqu’il n’est pas si simple de rendre à l’écrit ce qu’on nous décrit à l’écran (en tous cas, ces parties-là m’ont semblé moins faciles à lire et souvent répétitives : description du générique, des transitions, etc.). Malgré un univers finalement assez classique (les pauvres d’un côté victimes d’injustices et les riches de l’autre qui ont tout pouvoir) Kerry Drewery dresse le portrait d’une société terrifiante et nous interroge, plus que sur la peine de mort, sur le sens même de la justice. Un roman qui n’est pas sans rappeler un épisode de l’excellente série Black Mirror (mais je ne vous dit pas en quoi ou vous en perdriez la surprise) et qui, avec rythme et de bons ressorts, parvient à nous happer jusque la dernière page. Il semblerait que Cell.7 soit le premier tome d’une trilogie mais je trouve que, même si certains éléments peuvent appeler à une suite, il se suffit aussi à lui-même. Une lecture vraiment intéressante. 🙂

Cell. 7 : la mort vous regarde, Kerry Drewery, traduit par Christophe Rosson (Hachette romans)
disponible depuis le 28 septembre 2016
9782012205789 – 18€
à partir de 14 ans
Son
0

Les Zarnak – Julian Clary et David Roberts

9782368360699,0-3281108

Spot et Sally sont deux hyènes qui s’ennuient ferme dans leur savane africaine. Lorsqu’un couple de touristes est malencontreusement avalé par un crocodile, les deux animaux décident de prendre leur place. Ils deviennent alors Amelia et Fred Zarnak, petit banlieusards londoniens et s’installent donc en Angleterre à la place du couple humain. Spot et Sally vivent alors comme les humains, ont un travail, font les courses, puis des enfants…

★★★★☆

Et si des animaux prenaient la place des humains ? Le remarquerions-nous ? Car la capacité d’adaptation de Spot et Sally est spectaculaire ! Il faut dire qu’à force de voir des touristes dans leur savane, ils comprenaient plutôt bien l’anglais…il ne restait qu’à cacher sa queue (l’élément indispensable pour ne pas être repéré) et savoir se mouvoir sur les pattes arrière et le tour est joué ! Une fois en Angleterre, d’ailleurs, personne ne semble voir la supercherie, on constate seulement que les Zarnak sont particulièrement joyeux : ils rient tout le temps ! Le couple est très apprécié des voisins, Fred est concepteur de blagues pour une compagnie qui fabrique des caramels et Amelia vend des chapeaux qu’elle fait elle-même. Bref, le couple d’amis idéal ! Sauf peut-être pour Mr McPafûte, un vieux bonhomme solitaire qui regarde les Zarnak d’un mauvais œil. Et ça ne s’arrange pas lorsque Fred et Amelia deviennent les heureux parents de deux mignonnes petites hyènes : Zack et Zoé. Mais le pire est à venir lorsque, en jouant, Zoé révèle malencontreusement sa queue, sous le regard stupéfait de sa meilleure amie humaine Minnie…et celui de Mr McPafûte qui repeignait son toit…

Large-6eaf8d5c-3d23-4254-940e-fc2909ce3ebb

Je ne vous dis rien de plus sur ce roman totalement déjanté, dans la plus pure veine du roman humoristique anglais pour la jeunesse, où les situations rocambolesques se succèdent pour le plus grand plaisir des jeunes lecteurs. Les illustrations de David Roberts sont géniales et sa représentation des hyènes habillées en humain absolument savoureuse. Des tronches tout le temps hilares, du dynamisme et parfois un peu d’angoisse accompagnent le texte fou de Julian Clary. Un texte qui est bien sûr une réflexion sur la tolérance, l’acceptation de la différence, mais qui fait également la part belle à de l’aventure, de l’émotion et, surtout, de bonnes scènes d’humour ! On appréciera d’ailleurs les blagues Carambar (oui, je l’ai dit !) de Fred Zarnak tout au long du récit. Une famille originale et décapante, qu’on découvre avec beaucoup de plaisir et qu’on a hâte de retrouver dans une nouvelle aventure tout aussi drôle et décalé ! 🙂

Les Zarnak, Julian Clary, illustré par David Roberts, traduit par Natalie Zimmermann (ABC Melody)
collection Melokids
disponible depuis le 2 juin 2016
9782368360699 – 11,90€
à partir de 8 ans
Son
0

Le mystère Blackthorn – Kevin Sands

9782747057844,0-3233892

1665, Londres. Christopher Rowe a 14 ans et est apprenti chez l’apothicaire Benedict Blackthorn, qui lui apprend depuis quatre ans les secrets de fabrication des remèdes et potions. Mais depuis quelques semaines, une menace pèse sur la ville : une secte occulte assassine des apothicaires. Et l’étau semble se resserrer autour du maître de Christopher…

★★★★★

Si vous aimez les intrigues trépidantes et les énigmes, Le mystère Blackthorn est fait pour vous ! Ce premier roman de Kevin Sands est une vraie réussite. On se laisse emporter dans l’histoire avec une étonnante facilité et on arrive au bout des 500 pages sans s’en rendre compte ! Et pour ceux qui n’aimeraient pas trop les romans historiques, celui-ci devrait vous réconcilier avec le genre : point de descriptions à n’en plus finir des us et coutumes ou de la politique de l’Angleterre du XVIIe siècle. Pas d’histoire prétexte pour nous évoquer la vie des enfants à cette époque. Il y a bien évidemment tous ces éléments historiques, indispensables à la cohérence, mais l’auteur nous les distille de façon admirable, en parfaite adéquation avec son récit, et sans aucun ennui. Nous sommes dans une véritable enquête où codes secrets et mystères divins vont donner du fil à retordre à notre jeune héros. 😛

Christopher est un jeune orphelin qui a eu la chance de trouver un apprentissage auprès d’un apothicaire renommé. Quatre ans à son service lui ont permis de s’instruire, d’apprendre à connaître et reconnaître les ingrédients utiles à la confection de remèdes ou de poisons et d’appréhender le futur métier d’apothicaire. C’est également à cette période qu’il rencontre Tom, le fils du boulanger, et son meilleur ami depuis qu’il lui a catapulté des fruits pourris sur la tête. Un ami qui ne sera pas inutile lorsque les choses vont se corser pour Christopher et une amitié qui apporte aussi la touche d’humour du roman.

Je ne vous révèle rien d’autre sur cette histoire passionnante, qui nous emmène dans le monde captivant des apothicaires et, plus largement, des alchimistes, à la découverte de secrets qu’il vaudrait parfois mieux garder précieusement. Kevin Sands propose dans son roman une véritable immersion dans le métier de l’apothicaire, et on appréciera toutes les explications des symboles, les précis d’alchimie ou les codes à déchiffrer qui parsèment le récit. Des personnages attachants, une histoire haletante et bien menée, telle une chasse au trésor, Kevin Sands réussit un excellent premier roman ! 😀

Le mystère Blackthorn, Kevin Sands, traduit par Pascale Jusforgues (Bayard Jeunesse)
disponible le 11 mai 2016
9782747057844 – 15,90€
à partir de 10 ans
Son
4

Les garçons ne tricotent pas (en public) – T.S. Easton

Saint-Jean-Michel-des-Eaux, attention les yeux ! Ce livre a sans doute l’une des couvertures les plus atroces (je ne peux pas la regarder plus de 0,005 secondes sans avoir envie de me crever les yeux), les plus improbables, les plus « mais…mais…pourquoi ???? » (euh…sérieusement, Nathan, POURQUOI ???) mais ne vous y fiez pas et essayez de faire abstraction, de coller du papier journal dessus, de la couvrir avec du papier opaque comme vos manuels de cours en 6e, car vous passeriez quand même à côté d’un très très bon moment de lecture, parole de Bob. 🙂

9782092559161,0-3155289Ben Fletcher, après avoir volé une bouteille de Martini Rosso et renversé à vélo la dame qui fait traverser les petits, est désormais placé sous contrôle judiciaire. Dans le cadre de sa mise à l’épreuve, il est contraint de s’inscrire à une activité manuelle, et à cause d’un malentendu, il se retrouve dans le cours de tricot ! L’horreur ! Ben accepte cependant de jouer le jeu, tant que personne en dehors du groupe de tricot n’est au courant. Et il découvre bien vite que le tricot, ce n’est pas si mal et qu’il est quand même vachement doué…

★★★★★

Comment cacher à vos amis un peu cons et à votre père archétype de la virilité que vous vous adonnez à une « activité de fille » et, pire, « de vieille » ? C’est bien là tout le problème de Ben, 16 ans, pas trop doué avec les filles (mais vachement amoureux de Megan, et de sa prof Melle Swallow et puis la mère de Megan est pas mal non plus…) ni vraiment en rien, d’ailleurs, qui se fait harceler occasionnellement par la terreur du lycée, et qui vivait sa vie plutôt tranquillement jusqu’à l’incident qui lui a valu des ennuis avec la justice. Ben va inventer pas mal de mensonges, qui vont le mettre dans des situations précaires, surtout quand le tricot se révèle une activité qui le passionne et pour laquelle il est vraiment très doué. Doué au point de participer à des compétitions locales puis de plus en plus importantes… De mensonges en mensonges, Ben s’enlise et tout pourrait bien vite tourner au vinaigre…

Pour notre plus grand plaisir, les stratégies de Ben conduisent à des moments improbables, cocasses et parfois totalement débiles. Écrit sous la forme d’un journal intime, T.S. Easton (qui est aussi l’auteur d’une dystopie dont on vous a parlé) nous brosse le portrait d’un adolescent absolument attachant. Je me suis amusée du début à la fin et j’ai éclaté de rire à de nombreuses reprises. Les dialogues sont géniaux, les nombreux personnages – même parfois un peu stéréotypés – offrent une galerie particulièrement comique et l’histoire, même s’il est loin d’y avoir de l’action, propose des tas de rebondissements plus savoureux les uns que les autres. On ne s’ennuie vraiment pas et on passe un moment super agréable avec Ben et sa vie tout de même bien compliquée à lutter malgré lui contre les préjugés. Si vous avez lu Susin Nielsen, Ben m’a pas mal fait penser à certains de ses personnages, une espèce de nerd embrigadé dans des trucs improbables, héros du quotidien. J’ai ressenti exactement le même plaisir qu’à la lecture de Moi, Ambrose, roi du scrabble, par exemple. Et ça fait plutôt du bien ce genre d’histoire bien écrite (et bien traduite), pleine d’humour et de bonne humeur. Maintenant, j’ai envie de me mettre au tricot ! 😛

Les garçons ne tricotent pas (en public), T.S. Easton, traduit par Anne Delcourt (Nathan)
disponible depuis le 10 mars 2016
9782092559161 – 15,95€
à partir de 13 ans