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Cell. 7 : la mort vous regarde – Kerry Drewery

97820122057890-3385832

Une couverture métallisée, un œil qui vous regarde… Non, ce n’est pas la nouvelle saison de Secret Story, quoique, remplacez la maison par une prison et vous obtiendrez Cell.7, un nouveau genre de téléréalité…

Dans une Angleterre futuriste, le système judiciaire a évolué : la peine de mort a été rétablie et chaque citoyen peut voter pour ou contre l’exécution des prisonniers. Martha Honeydew a seize ans et elle est la première adolescente à entrer dans le couloir de la mort. Son crime : avoir assassiné Jackson Paige, une star de la téléréalité appréciée de tout le monde. Désormais, ce sont 2 millions de citoyens qui vont juger la jeune femme…

★★★☆☆

Martha Honeydew va passer sept jours, passant de cellules en cellules (une différente chaque jour), scrutée par les caméras et les millions de gens vivant dans cette Angleterre de science-fiction où les riches vivent séparés des pauvres et où règne une justice dite démocratique. « Mort = Justice », c’est le nom de l’émission de télé la plus populaire du pays où, chaque jour, est proposé un récapitulatif de ce qui se passe dans le couloir de la mort, où l’on voit évoluer les condamnés de cellule en cellule jusqu’à la Cell.7, celle de la chaise électrique. Mais c’est aussi dans cette émission que sont dévoilés les votes du public qui détermineront le sort des condamnés : il suffit de voter par téléphone ou sur Internet, moyennant quelques £, of course, ce qui, vous pensez bien, n’est pas à la portée de toutes les bourses…

Justice et corruption, univers de la téléréalité qui cache de bien sombres secrets, culpabilité et innocence, autant de thématiques développées dans ce roman bien ficelé qui multiplie les points de vue : celui de Martha, dans le couloir de la mort, qui clame haut et fort son crime ; Eve, son assistante juridique, dont le métier est en voie de disparition, qui pense qu’il y a bien plus derrière ce crime que ce que Martha dit ; et d’autres qui se révèlent au fur et à mesure de l’histoire. Il y a également l’émission « Mort = Justice » retransmise chaque jour dans le livre, et qui est peut-être son seul écueil puisqu’il n’est pas si simple de rendre à l’écrit ce qu’on nous décrit à l’écran (en tous cas, ces parties-là m’ont semblé moins faciles à lire et souvent répétitives : description du générique, des transitions, etc.). Malgré un univers finalement assez classique (les pauvres d’un côté victimes d’injustices et les riches de l’autre qui ont tout pouvoir) Kerry Drewery dresse le portrait d’une société terrifiante et nous interroge, plus que sur la peine de mort, sur le sens même de la justice. Un roman qui n’est pas sans rappeler un épisode de l’excellente série Black Mirror (mais je ne vous dit pas en quoi ou vous en perdriez la surprise) et qui, avec rythme et de bons ressorts, parvient à nous happer jusque la dernière page. Il semblerait que Cell.7 soit le premier tome d’une trilogie mais je trouve que, même si certains éléments peuvent appeler à une suite, il se suffit aussi à lui-même. Une lecture vraiment intéressante. 🙂

Cell. 7 : la mort vous regarde, Kerry Drewery, traduit par Christophe Rosson (Hachette romans)
disponible depuis le 28 septembre 2016
9782012205789 – 18€
à partir de 14 ans
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De la part du diable – Aina Basso

9782364747791

Norvège, XVIIe siècle. Issue d’une famille aristocratique de Copenhague, Dorothe, seize ans, épouse un homme plus âgé qu’elle. Elle le suit dans une province de Norvège où son travail l’a affecté : il doit instruire les procès en sorcellerie. Elen a le même âge et vit dans un petit village avec sa mère et ses nombreux frères. Sa mère, guérisseuse et libre des hommes, lui transmet son savoir et ses dons. Jusqu’au jour où les procès en sorcellerie prennent de l’ampleur et qu’Elen soit contrainte de quitter sa maison pour sauver sa mère…

★★★★☆

A travers le destin de deux jeunes filles que tout semble opposer, Aina Basso nous transporte à une époque importante et pourtant méconnue de l’histoire norvégienne… Une histoire qui en rappelle pourtant beaucoup d’autres de la même période à travers l’Europe et au-delà, où les femmes étaient accusées de sorcellerie par jalousie, peur, ou car trop libres.
Le récit est alterné entre Dorothe et Elen, parfois entrecoupé d’étranges moments où le fantastique et le mythe prennent le pas sur l’histoire. Un procédé qui invite à se plonger totalement dans ce roman fascinant et très bien écrit. J’ai beaucoup aimé l’histoire de chacun des personnages, entre Dorothe, jeune fille qui voudrait rester enfant et qui est contrainte de faire un bon mariage, sa peur d’être mariée à celui qu’elle surnomme « l’homme grave » et sa solitude une fois arrivée dans un pays où elle ne parle pas la langue ; et Elen, seule fille d’une ribambelle d’enfants conçus de pères différents, ravie de sa liberté, de la vie qu’elle mène avec sa mère, de leur lien particulier, jusqu’au jour où arrive un petit frère, un bébé monstrueux dont elle est persuadée qu’il a été échangé à la naissance pour paraître si laid et maléfique. Bien sûr, leurs destins vont finir par se rejoindre, pour le meilleur mais surtout pour le pire… Je ne vous en dirais cependant pas plus là-dessus au risque de vous gâcher le roman… 🙂
Les scènes figurant les procès, au cœur de ce roman, sont, elles, très documentées, et particulièrement dures. L’auteure décrit avec précision plusieurs moments clés de cette chasse aux sorcières et nous montre ainsi toute l’horreur de cette période – un épilogue documentaire vient d’ailleurs compléter le récit. De la part du diable est un roman passionnant sur l’histoire de la Norvège, ses croyances anciennes et ses légendes, porté par deux héroïnes touchantes et où la justice ne triomphe pas toujours… Une très belle découverte !

De la part du diable, Aina Basso (Thierry Magnier)
disponible depuis le 14 octobre 2015
9782364747791 – 16€
à partir de 13 ans

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Justice pour Louie Sam – Elizabeth Stewart

9782364745087,0-2240182

Lundi, Bob et Jean-Michel étaient au Salon du livre jeunesse. Ils ont rencontré plein de monde trop sympa, ils ont vu plein de livres trop cools, ils n’en ont pas acheté beaucoup (ils ont été raisonnables) mais en attendant de découvrir leurs avis sur leurs achats, Bob avait lu un roman ado qu’il souhaitait vous présenter… 🙂

Territoire de Washington, 1884. En se rendant à l’école, George Gillies et ses frères découvrent le cadavre de leur voisin dans sa maison en feu. Le coupable est très vite désigné : Louie Sam, un jeune Indien qui était dans les parages. Il n’en faut pas plus pour que les hommes du village se mettent en tête de rendre justice eux-mêmes, au mépris des lois et de la vérité. Pourtant, George Gillies va vite se rendre compte que celui qu’ils pensaient coupable ne l’était peut-être pas…

★★★★☆

Captivant, ce roman tiré d’une histoire vraie est un nouveau témoignage des exactions menées par les colons sur les populations indiennes en Amérique. Une postface de l’auteur vient d’ailleurs compléter certaines informations du roman. Ici, Elizabeth Stewart nous propose le récit de George qui, comme tous les habitants de son village, est méfiant envers les Indiens. Il participe d’ailleurs au raid organisé par les colons pour capturer Louie Sam, jusqu’au moment où des détails lui sautent aux yeux, ébranlant ses croyances. Mais qui prêterait attention à un adolescent de 15 ans qui semble sympathiser à la cause indienne ? Ou, plutôt, qui voudrait le croire ? Car, au fur et à mesure de son enquête, George se heurte à des personnages qui le menacent et il ne parvient même pas à trouver le soutien du shérif. Qui, alors, pourra donner justice à Louie Sam ? Le roman est vraiment passionnant, il parvient à être à la fois une enquête, une représentation de la mentalité de l’époque (d’autant plus dans un territoire politiquement incertain) et un roman initiatique. George est un personnage auquel on s’attache très vite et dont on admire le courage, pour tenir tête à des hommes souvent menaçants et dangereux. Même si j’ai eu parfois l’impression qu’il avait l’air beaucoup plus jeune, à la façon dont il nous raconte les événements. Justice pour Louie Sam n’en reste pas moins un très bon roman, profond, qui nous amène à réfléchir sur le courage et la justice. Il est d’autant plus agréable qu’il se lit quasiment d’une traite !

Justice pour Louie Sam, Elizabeth Stewart (Thierry Magnier)
en librairie depuis le 20 août
9782364745087 – 18,50 €
à partir de 13 ans

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Les anges de l’abîme – Magnus Nordin

9782812607165, 0-2347206

Petite pause dans les idées cadeaux de Noël pour Bob, avec la critique d’un des romans ados en lice pour la Pépite 2014. Il n’a pas gagné, mais il me faisait de l’œil depuis un temps suffisamment certain pour que je me lance enfin dans ce petit pavé. J’espère que vous avez les tripes bien accrochées. 😉

Alice fait sa rentrée dans un nouveau lycée. Elle se rapproche très vite de sa prof de suédois, Molly Zetterholm, et rejoint bientôt un groupe un peu particulier et complètement secret : les Anges de l’abîme. Leur mission : rendre la justice aux jeunes victimes de prédateurs sexuels.

★★★☆☆

Âmes sensibles s’abstenir ! Ce polar nordique de Magnus Nordin nous déroule une sordide affaire de pédophilie et de maltraitance. Je vous le dis tout de suite car, de toute manière, ça commence d’entrée avec une scène de disparition de jeune fille suivie, trois ans plus tard, par une opération commando des Anges de l’abîme. Il ne faut donc à l’auteur que quelques pages pour nous mettre tout de suite dans le bain et c’est un bain plutôt glacé ! J’ai trouvé l’histoire plutôt bien menée, entre la découverte progressive de chacun des personnages du groupe secret (tous victimes d’actes de maltraitance ou de sévices sexuels) et leurs opérations qui, très vite, ne deviennent qu’une seule grosse enquête. Car il nous faut peu de temps pour comprendre que la petite ville de Fjärlunda est le théâtre d’un vaste réseau pédophile. Si l’auteur ne nous perd pas un seul instant dans son récit (j’avoue m’être laissée emportée et avoir eu du mal à m’arrêter), un lecteur de polar averti verra sans aucun doute les choses venir et ne sera pas forcément surpris (cela a été mon cas). Mais cela n’enlève rien au plaisir de lecture. Là où le roman pêche, c’est peut-être justement dans son récit et ce qu’il dénonce. L’auteur nous propose en début de roman la célèbre citation de Nietzsche : « Celui qui combat des monstres doit prendre garde à ne pas devenir monstre lui-même ». Et c’est bien ce que font nos jeunes héros : combattre ces monstres qui attirent les adolescentes pour les violer (la méthode ici donnée dans le roman : sur le net, en se faisant passer pour des garçons cools de l’âge des proies qu’ils traquent). Et pour cela, ils usent de méthodes criminelles (enlèvement, torture psychologique), récoltent les preuves et envoient le tout à la police. Jusque là, on peut encore comprendre et même avoir de l’empathie pour ces justiciers de l’ombre. Après tout, nous sommes tous à un moment donné tellement révoltés par une situation ou un événement que nous aimerions avoir les moyens ou les armes pour réparer cette injustice. C’est humain. Pourtant, ici, je trouve que la réflexion sur la vengeance, l’auto-justice, est assez maigre. Peut-être manque-t-il une morale. En tous cas, et la fin du roman en est un parfait exemple, il me semble difficile de se faire un jugement sur ce que l’on a lu. Et je crois que l’auteur a oublié de nous donner sa propre définition du monstre. Je ne sais pas comment sera ressenti ce roman par les ados, mais la crudité de certaines scènes et cet épilogue sont d’une froideur à nous hérisser les poils sur les bras.

Les anges de l’abîme, Magnus Nordin (Rouergue)
collection DoAdo Noir
en librairie depuis le 8 octobre
9782812607165 – 14,90 €
à partir de 15 ans