Son
0

Aux origines…

Non, nous ne remonterons pas aux origines de Noël alors qu’il ne vous reste que quelques jours pour choisir quels livres mettre sous le sapin. 🎄 Mais peut-être serez-vous tentés par ces albums tendres et drôles qui vous feront découvrir la vérité sur les fantômes ou la création d’une drôle de bête qui ressemble à l’être humain…

La vérité sur les fantômes

On raconte beaucoup de choses sur les fantômes…et vous avez sans doute vous-même plein d’idées sur la question ! Mais tout ce que vous croyez est loin d’être vrai comme va nous le raconter ce petit fantôme qui lève le voile sur les mystères qui les entourent. Ainsi, contrairement aux idées reçues, les fantômes ne portent pas que du blanc, adorent faire peur mais ont parfois la pétoche eux aussi, peuvent être tristes, aimer la glace à la fraise, sortir pique-niquer quand il fait beau ou regarder un film par temps de pluie…

Ne seraient-ils pas comme nous, ces fantômes, finalement ? Lisa Blumen nous offre un album frais et malicieux qui joue avec les mots et les attributs du mythe fantomatique. On avait adoré découvrir son style dans Trafic à la fosse aux griffes (Kilowatt, 2017), quel plaisir de retrouver son dessin tout en rondeurs, au feutre et au crayon de couleurs. Ses petits fantômes aux jambes qui dépassent de sous les draps sont drôles, farceurs, rêveurs, mélancoliques, trouillards et surtout véritablement vivants ! On se laisse embarquer dans ce jeu de cache-cache qui brouille la frontière entre le réel et l’imaginaire pour se terminer sur une résolution finale qui donne la clé du mystère…ou bien l’épaissit encore plus ? Un album tendre et amusant !

La vérité sur les fantômes, Lisa Blumen (Le rouergue)
disponible depuis le 28 octobre 2020
9782812621215 – 16€
à partir de 5 ans

Une drôle de bête

Il y a longtemps, si longtemps que personne ne s’en souvient, le Dabba d’en haut et son frère le Dabba d’en bas, qui créèrent le ciel et la terre et toutes les créatures qui y vivent, eurent l’idée d’une toute nouvelle bête. Une fois créée avec une poignée de terre et l’eau du marigot, les deux Dabba demandent aux autres créatures qui existent déjà ce qu’elles en pensent. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils ne sont pas bien convaincus par cette drôle de bête : pas assez de poils, pas de griffes ou de cornes, bref, rien ne va…

Dans cette histoire qui revisite le mythe des frères Prométhée et Epiméthée, Martine Laffon, qui n’en est pas à sa première exploration de la mythologie, nous raconte avec beaucoup d’humour et d’intelligence la naissance de l’Homme. Et si le texte était déjà truculent en lui-même, on glousse d’autant plus avec les illustrations hilarantes de Delphine Durand, qui nous régale encore une fois de créatures tantôt réalistes, tantôt loufoques mais aux airs toujours ahuris, grognons ou rieurs. Les Dabba ont une allure improbable, tout comme cet Om qui ne semble pas bien mesurer la chance qui lui est offerte, mais leur envie de réussir cette nouvelle bête est aussi attendrissante que touchante. Un album malicieux et foisonnant, des créatures attachantes, pour un conte des origines qui ne cesse de nous fasciner : une réussite !

Une drôle de bête, Martine Laffon, illustré par Delphine Durand (Les fourmis rouges)
disponible depuis le 10 novembre 2020
9782369021308 – 17€
à partir de 4 ans
Son
0

Toucher du doigt ses rêves

Un roman et une pièce de théâtre qui commencent de la même manière : un recruteur européen à la recherche des talents de demain dans des pays d’Afrique…et des garçons qui n’ont qu’un seul rêve en tête : jouer avec les plus grands ! Y parviendront-ils ?

Trois minutes de temps additionnel – Sylvain Levey

Kouam et Mafany ont quatorze ans, vivent en Guinée et passent leur temps à jouer au football. Ils rêvent de fouler un jour les pelouses sous le maillot de Manchester United. Et un jour, la chance leur sourit : une femme anglaise les recrute pour intégrer le petit club de Bradford, une première étape avant d’espérer plus grand. Malheureusement, l’arrivée en Angleterre n’est pas aussi géniale qu’ils le pensaient : il pleut tout le temps, la bouffe ne ressemble en rien à celle de leurs mères, ils se blessent, jouent mal… Et entendent des cris de singe dans le public chaque fois qu’ils sont sur la pelouse.

Si l’on découvre dans cette pièce les travers du football : le racisme d’une certaine catégorie de supporters, l’exploitation de jeunes rêveurs en quête de gloire et la marchandise qu’ils représentent – qu’ils se révèlent de vrais talents ou des déceptions, c’est surtout et avant tout un magnifique texte sur la force de l’amitié, sur la poursuite de ses rêves en dépit des embûches. Kouam et Mafany ne seront peut-être pas vos nouvelles idoles du foot mais leur parcours n’en seront pas moins satisfaisants pour eux et pour nous lecteurs. Une pièce sensible et pleine d’espoir, racontée dans une forme narrative qui apporte beaucoup de dynamisme, à lire pile-poil pendant la mi-temps. Une magnifique lettre de Sylvain Levey à son lecteur footballeur ou footballeuse conclut le livre, rappelant que le sport et la littérature ne sont jamais incompatibles.

Trois minutes de temps additionnel, Sylvain Levey (éditions Théâtrales)
collection Théâtrales Jeunesse
disponible depuis le 25 juin 2020
9782842608279 – 8€
à partir de 13 ans

ABC… – Antonio Da Silva

Jomo découvre le basketball un peu par hasard, dans son quartier pauvre de Bamako, au Mali, et en devient complètement accro ! La chance lui sourit le jour où Richard, dénicheur de talent, lui propose de s’envoler pour la France et de rejoindre l’Academy, le centre de formation créé par Tony Parker, son idole. Dès son arrivée, son talent est indéniable et son avenir sera certainement brillant ! Mais pour aller plus loin dans sa carrière, Jomo va devoir accepter de se faire aider : il ne sait pas lire. Il intègre alors un cours d’alphabétisation, qui lui permettra de s’épanouir et de rencontrer la jolie Rosa-Rose…

Le monde du basket semble un peu moins gris que celui du football dans ce roman où les adultes sont ici bien plus bienveillants que dans l’histoire de Kouam et Mafany. Jomo rencontrera même Tony Parker lui-même, véritable figure d’espoir pour le garçon ! Très vite, pourtant, le basket laisse la place à la rencontre de Jomo avec Rosa, la fille de sa prof d’alphabétisation et, non seulement le garçon va sans doute pouvoir réaliser son rêve mais aussi trouver l’amour… Un véritable parcours initiatique pour cet adolescent qui découvre une toute nouvelle vie en France. Un roman court et pourtant très dense, abordant beaucoup de sujets mais surtout marqué par un véritable sens de la surprise ! Antonio Da Silva l’avait déjà montré dans son précédent roman, Sortie 32b (dans un tout autre genre), mais il parvient à nous toucher en plein cœur avec le destin qui attend Jomo. Un roman bouleversant et, pourtant, plein d’espoir lui aussi.

ABC…, Antonio Da Silva (Le Rouergue)
collection DoAdo
disponible depuis le 2 septembre 2020
9782812620829 – 12,80€
à partir de 13 ans
Son
0

Phalaina – Alice Brière-Haquet

Angleterre, XIXe siècle. Par une nuit d’hiver, un homme trouve une étrange enfant dans la forêt. Muette, les yeux rouges, il l’accueille tout d’abord chez lui avant de la confier à un couvent londonien. Des années plus tard, Manon est toujours une petite fille bizarre, auréolée de mystères, et activement recherchée par la Fondation Humphrey. Quel est donc le mystère de ses origines ?

Le mystère, c’est bien la composante principale de ce premier roman d’Alice Brière-Haquet pour les adolescents. Et c’est dans une Angleterre nimbée de fantastique qu’elle nous emmène, à l’époque des théories de Darwin et de l’intérêt porté au naturalisme et à l’étude des espèces. Mais aussi dans le Londres de Jack L’Eventreur, dont l’ombre plane toujours, menaçante. Plusieurs voix vont se croiser dans ce récit qui plante son décor progressivement, lui donnant d’abord des allures de conte. Très vite, pourtant, le nœud de l’intrigue prend corps, notamment grâce aux lettres qui s’insèrent dans le récit, celles d’un scientifique qui écrit à Darwin pour lui raconter l’étonnante et merveilleuse découverte qu’il vient de faire. Alice Brière-Haquet sait maintenir son suspense et reste volontairement avare de détails pour nous laisser le loisir de l’imaginaire, des conjectures et des soupçons. Entre le fantastique et l’enquête policière, le mystère des origines de Manon, des découvertes d’Humphrey et des agissements de la Fondation donne un roman riche et passionnant.

Mais le sujet sous-jacent à ce roman historique mâtiné de fantastique, c’est celui de la nature et de sa préservation, entrant ainsi en résonnance avec des préoccupations très actuelles. Car ce sont les travers de la recherche scientifique, du désir de comprendre, classifier et expérimenter qui sont dénoncés à travers cette volonté de mettre la main sur Manon et ses étranges origines. Mais Alice Brière-Haquet le fait habilement, nous interrogeant ainsi sur les fondements philosophiques de cette démarche mais aussi plus généralement sur notre rapport à la nature et aux êtres vivants, sur l’histoire de l’humanité qui cherche encore et toujours à utiliser, s’emparer, se servir plutôt que d’essayer de vivre en harmonie, en pleine conscience de l’autre.

Un roman très étonnant, en tous cas, qui nous emmène dans des territoires étranges, tant dans l’histoire que dans l’écriture, qui ellipse énormément de choses, qui glisse de l’humour, de la poésie, de l’horreur, des pensées animales, etc. Un roman peut-être pas si simple pour qui ne lui laisse pas la porte complètement ouverte mais qui en ouvrira bien d’autres à ceux qui se laisseront guider par les papillons de nuit ! A découvrir !

Phalaina, Alice Brière-Haquet (Le Rouergue)
collection Epik
disponible le 26 août 2020
9782812620959 – 15€
à partir de 13 ans
Son
0

Tracer – Guillaume Nail

Emjie a perdu ses parents dans un accident de voiture et vit désormais avec son oncle. Malgré l’amitié un peu folle de sa meilleure amie Nitsa et l’histoire d’amour naissante avec le nouveau, Walter, la jeune fille est incapable de faire son deuil, la tristesse prenant toute la place. Et puis, après avoir vu une émission de télé relatant le pèlerinage vers Saint-Jacques-de-Compostelle, Emjie décide de partir et de tracer, seule, sa route…

Seule ? Pas tout à fait. Car cette randonnée de l’Alsace vers l’Aubrac ne se passe pas vraiment comme prévu… D’abord, il y a Nitsa qui s’incruste, avec son babillage incessant, ses chansons de Madonna et sa folle dinguerie. L’envie de solitude en prend un coup ! Et ça, c’est sans compter les imprévus et les rencontres qui foutent en l’air un itinéraire savamment préparé, les disputes et les soirées où on oublie tout…bref, la vie ! Car le cheminement d’Emjie sur la route de Compostelle n’a absolument rien de religieux ou de spirituel mais est bien celui de la reconstruction de soi, de la résilience. Et lorsque la jeune fille se retrouve enfin seule sur les chemins du GR, c’est enfin l’occasion de se confronter à elle-même, d’apprivoiser sa peine, d’accepter la perte.

En dépit de la gravité du sujet, le roman n’a rien de plombant, et ne tombe jamais dans le pathos ! Tracer est au contraire un roman lumineux, porté par une héroïne certes aux prises avec des émotions difficiles et compliquées, mais démontrant surtout une force et une volonté qui vont la porter jusqu’au bout de son projet, et de sa recherche d’un peu de bonheur perdu. Le ton est donné : simple, direct, à fleur de peau. Si Guillaume Nail réussit à évoquer la douleur de la perte avec autant de sensibilité que de rudesse, il parvient également à nous offrir des scènes très drôles autant que de jolis instants de grâce à travers des rencontres humaines que l’on n’oublie pas. Le chemin d’Emjie est parfois semé d’embûches, mais il est toujours porté par l’espoir, par l’objectif qu’elle s’est fixé, et par la volonté de parvenir à se sentir à nouveau vivante.

Tracer, Guillaume Nail (Le Rouergue)
collection DoAdo
disponible depuis le 5 février 2020
9782812619212 – 13,50€
à partir de 13 ans
Son
0

De l’art de dessiner…

Dessiner, c’est quand même pas facile ! Bob en est la preuve vivante. Pourtant, nos deux illustratrices du jour nous montrent que tout est possible avec un trait, un rond, une couleur ou même une tâche sur la page… Vous y croyez, vous ? 🙂

Le livre des erreurs

Ça commence comme une erreur de débutant : on a fait un œil plus grand que l’autre. Crotte ! Bon, on remet à niveau mais là, les yeux sont vachement énormes. On cercle avec des lunettes et bim, ça marche. Sauf qu’après, le cou est trop long et les coudes trop pointus… Bref, on ne fait que des erreurs ! Heureusement que Corinna est là pour nous aider à utiliser toutes ces bourdes pour imaginer ensuite une histoire et, surtout, dessiner une image qui va ne faire que grossir et se nourrir de toutes ces tâches d’encre, de tous ces gribouillis et autres ratages !

Avec simplicité, Corinna Luyken nous offre un texte rassurant sur la créativité et l’imagination, ou comment, à partir d’une erreur, on peut tout transformer ! Loin d’être un manuel de dessin, il apporte néanmoins des petites astuces qu’on sera bien contents de pouvoir réutiliser ! Mais surtout, le trait de Corinna Luyken est d’une finesse pleine de douceur alors que se construit sous nos yeux une scène étonnante et merveilleuse. Des dessins au noir sur de grands fonds blancs, avec seulement quelques touches de couleurs. C’est drôle, intelligent et ingénieux ! Et ce n’est pas grave du tout, si on fait une erreur…

Le livre des erreurs, Corinna Luyken (Kaléidoscope)
disponible depuis le 25 septembre 2019
9782877676120 – 14€
à partir de 5 ans

Kaléidoscopages

Avec cette même envie de créativité, d’imagination et de liberté d’interprétation de l’image, Delphine Perret nous invite à découvrir toute la richesse de ce qu’offrent les traits, les points, les tâches, etc. Un album comme un imagier dans lequel nous sont proposées différents interprétations de ce que peut être in zigouigoui (nom savant, cherchez pas) ou une tâche, de toutes les lectures possibles d’une image. Et à travers cette belle manière de nous interroger sur le sens, Delphine Perret nous montre aussi tout ce qu’il est possible de faire avec des éléments de dessin tout simple ! (Dessinateurs en herbe, à vous de vous en emparer !)

Très justement sélectionné pour la Pépite albums au dernier Salon du livre et de la presse jeunesse à Montreuil (il ne l’a pas eue si vous avez un peu suivi la chose), Kaléidoscopages est un livre à mettre entre toutes les mains, petites et grandes. Delphine Perret nous offre un jeu de perception avec une bonne dose d’humour et nous invite elle-aussi à exercer notre regard, à prendre un crayon et à entraîner notre imagination !

Et si vous n’en avez pas assez, Delphine Perret a sorti en même temps une variation sur l’arbre, tiré d’une des pages du précédent : C’est un arbre. Vous verrez que cette affirmation ne tiendra pas longtemps et, sous la forme d’un récit, on découvre tout ce que peut être un arbre : un abri pour les oiseaux, du papier pour les livres, du bois pour la cheminée, etc. Jusqu’à boucler la boucle (mais on ne vous dit pas comment !). Une très jolie variation pour les plus jeunes au travail imaginé dans Kaléidoscopages.

Kaléidoscopages, Delphine Perret (Le Rouergue)
disponible depuis le 2 octobre 2019
9782812618789 – 15€
à partir de 5 ans
C’est un arbre, Delphine Perret (Le Rouergue)
disponible depuis le 2 octobre 2019
9782812618765 – 12€
à partir de 3 ans
Son
1

Félines – Stéphane Servant

Chers lectrices et lecteurs de Bob & Jean-Michel, vous n’êtes pas sans savoir que nous sommes pas mal fan de Stéphane Servant par ici (même si c’est avec stupeur qu’on se rend compte qu’on ne vous a jamais parlé de Sirius, en fait !!!). Et c’est toujours en frémissant d’impatience et de plaisir que l’on découvre ses nouvelles histoires. Nous avons donc lu le tant attendu Félines.

Ceci est une histoire vraie. Et elle raconte celle de Louise, 17 ans, parmi les premières jeunes filles du pays à être atteinte de la Mutation. Son corps se transforme, se recouvre de poils comme ceux d’un félin, ses sens s’aiguisent. Elle devient une Féline, comme presque toutes les jeunes filles du monde entier, et symbolise la voix et le visage de l’un des plus grands bouleversements de notre histoire. Grâce à Stéphane Servant, qui a recueilli avec humilité son témoignage, nous connaissons enfin le douloureux combat des Félines.

Quelle claque, mes aïeux, quelle claque ! Derrière cette géniale couverture de Patrick Connan qui annonce parfaitement la couleur, Stéphane Servant nous surprend avec ce témoignage exceptionnel et passionnant de Louise. Mettant son écriture au service de la voix de cette adolescente, l’auteur change littéralement de registre et nous raconte le combat de jeunes filles pour la liberté, celle de leurs corps, de leurs dignités. Un roman résolument engagé, féministe, en parfaite résonance avec les combats du moment, où tout commence lorsqu’une jeune fille de la classe de Louise se suicide après un incident à la piscine où l’on découvre son corps recouvert de poils. Bientôt, d’autres jeunes filles se découvrent un indélicat duvet… Et plus vite encore se propage la peur de cet étrange phénomène qui se répand à travers le monde et fait s’élever au pouvoir des extrémistes qui incitent à une violence toujours plus excessive contre les Félines. C’est ainsi que Louise, jusqu’alors adolescente relativement discrète et dans le moule, rejoint la résistance et toutes ces filles prêtes à se battre pour vivre. Car la Ligue de la Lumière atteint les sommets du pouvoir et le sort qui attend les Félines est tout bonnement effroyable…

Avec Félines, Stéphane Servant continue à interroger notre monde, de la même manière qu’il a pu le faire dans Sirius. On y retrouve d’ailleurs l’importance de la famille, de l’innocence de l’enfance et, bien sûr, on ne peut échapper aux références à notre histoire récente ou plus ancienne. Grâce à une narration diablement efficace, des sujets extrêmement forts et actuels dans lesquels les adolescents ne peuvent que se reconnaître, Stéphane Servant signe là un véritable hymne à la résistance, à la féminité et à la révolte pour construire un monde plus juste, tolérant. A faire lire à TOUS les adolescents !

Félines, Stéphane Servant (Le Rouergue)
collection Epik
disponible depuis le 21 août 2019
9782812618291 – 15,80€
à partir de 13 ans
Son
2

Duos improbables !

Force est de constater qu’on arrive à vous présenter des romans ou des albums avec des thématiques souvent proches. Cette fois, si les histoires de nos deux romans n’ont pas grand-chose en commun (quoique !), ils nous proposent en revanche tous deux des duos assez improbables… 😛

Nos mains en l’air

Dans la famille de Victor, on est braqueurs de père en fils. Sauf que Victor, c’est pas vraiment son truc. Il est plutôt gentil, et vient même en aide aux victimes de traumatismes. De son côté, Yaël est une toute jeune ado sourde, orpheline vivant chez une tante richissime et détestable. Lorsque Victor est envoyé cambrioler la maison de Yaël, la rencontre est totalement inattendue et va les mener à quitter leurs familles respectives…

★★★★☆

De cette rencontre aussi étonnante qu’improbable va débuter un road-trip d’Angers jusqu’à la Bulgarie où nos deux héros vont apprendre à se connaître et à se dépasser. Le talent de Coline Pierré réside dans la justesse de son ton, et dans la tendresse qu’elle met à chaque fois dans ses histoires et ses personnages. Il faut du temps à Victor pour apprivoiser la jeune Yaël, qui ne se laisse pas abattre par son handicap, mais l’inverse est également vrai, et la relation qui se noue entre les deux jeunes gens est lumineuse, spéciale, et donne toute sa saveur à ce roman aussi drôle que sensible. Une très belle réflexion sur la famille, le dépassement de soi, et une magnifique histoire d’amitié.

Nos mains en l’air, Coline Pierré (Le Rouergue)
collection DoAdo
disponible depuis le 1er mai 2019
9782812618000 – 14,80€
à partir de 13 ans

 

Et la Lune, là-haut

Alistair est un génie des maths. Son rêve : aller sur la Lune. Mais Alistair n’a jamais mis les pieds hors de son appartement, où il vit seul avec sa mère. S’il est incollable sur les sciences (de l’astronomie au décryptage des émotions), il est en revanche complètement démuni lorsque sa mère décède, le laissant totalement seul. Il se décide alors à sortir et est tout de suite repéré par Yaro, un jeune sans-papiers qui flaire le bon pigeon…

★★★★☆

Nous passons un cran au-dessus dans l’improbable avec le duo Alistair-Yaro et leur histoire aussi rocambolesque que délirante ! Pourtant, et comme chez Coline Pierré, les choses sont loin d’être marrantes : la relation toxique entre Alistair et sa mère, le passé d’immigré de Yaro et toutes les embûches qu’ils vont rencontrer au cours de leur drôle de périple… Car malgré tout cela, et en dépit de la volonté de Yaro de juste crécher au sec quelques jours et se barrer ensuite, comme nous, il ne peut que s’attacher à ce drôle de zozo incapable de savoir ce que l’on fait lorsqu’une personne décède (la mettre dans le canapé n’est pas une bonne idée, par exemple). Muriel Zürcher réussit avec beaucoup d’humour et d’humanité à nous emporter dans ce compte à rebours décalé vers la réalisation des rêves d’Alistair et de Yaro.

Et la lune, là-haut, Muriel Zürcher (Thierry Magnier)
disponible depuis le 22 mai 2019
9791035202507 – 14,50€
à partir de 13 ans
Son
2

Le royaume de la Pierre d’Angle, t.1 L’art du naufrage – Pascale Quiviger

Après deux ans de navigation avec son équipage, le prince Thibault décide de retourner à Pierre d’Angle, son royaume natal. Le retour est long, entre escales protocolaires et tempêtes, passagère clandestine et orphelin à sauver. Jusqu’au jour où Thibault apprend que son père est mort. Il n’a que quelques jours pour venir réclamer la couronne ou cette dernière échoira à son frère Jacquard, aussi sombre et comploteur que lui est juste et bon.

★★★★★

Et ceci n’est que le début de l’histoire, car ces 480 pages de fantasy sont aussi riches que passionnantes ! Premier tome d’une saga qui en comptera quatre (et on a du bol car ils sont déjà tous écrits et paraîtront donc très vite jusqu’au printemps 2020), tous les ingrédients du genre sont réunis : un jeune prince qui doit se battre pour sa couronne ; une belle esclave en fuite promise à une grande destinée ; des jeux de pouvoirs ; une île mystérieuse et débordant de secrets ; et un soupçon de malédiction ? Là vous vous demandez sûrement : « ok, alors si ça ressemble à ce qu’on connaît déjà, pourquoi c’est aussi bien ? » Et je vous réponds : parce que c’est rudement bien écrit et que, même si on retrouve tous les motifs propres à la fantasy, on ne sait jamais ce qui nous attend vraiment et on se laisse complètement emporter par cet univers et cette histoire passionante.

Pascale Quiviger réussit à nous happer dès les premières scènes du roman. Une écriture fluide, poétique et intelligente, qui ne s’embarrasse pas de fioritures ampoulées comme c’est souvent le cas en fantasy, et qui joue beaucoup sur l’humour. Même dans des situations terribles, certains dialogues sont tout bonnement savoureux et pince-sans-rire. Il est ainsi tout à fait possible d’éclater de rire avant de revenir à des affaires plus sérieuses. Vous vous laisserez alors embarquer dans un récit captivant et intrigant, aux côtés de personnages diablement attachants. Thibault, en tête, bien sûr, car on ne résiste jamais à un prince droit dans ses bottes – même s’il cache quelques secrets. Mais aussi Ema, l’esclave en fuite qui, par son intelligence et son courage, va susciter le respect de tous ces marins évidemment misogynes (vous savez bien qu’une femme sur un bateau, ça porte malheur). Un couple de héros non seulement féministes mais surtout égalitaires, et ça c’est rare. Les seconds rôles ne sont clairement pas en reste, depuis les marins aux personnalités aussi différentes qu’étonnantes (fan de l’amiral Dorec, personnellement), que les présumés « méchants » de l’histoire qui vont sans doute avoir beaucoup à nous révéler dans les tomes suivants…

L’art du naufrage est le premier tome prometteur d’une saga de fantasy où l’aventure et les mystères nous tiennent déjà sacrément en haleine. Embarquez à bord de l’Isabelle, et voguez avec l’équipage de Thibault jusqu’au royaume de Pierre d’Angle, vous ne serez assurément pas déçus du voyage ! ❤

Le royaume de la Pierre d’Angle, t.1 L’art du naufrage, Pascale Quiviger (Le Rouergue)
collection Epik
disponible depuis le 10 avril 2019
9782812618048 – 16,90€
à partir de 13 ans
Son
0

Au cœur de la nature…

Vous êtes plutôt savane ou forêt ? Nos deux albums du jour nous font voyager dans la nature, aux côtés de majestueux éléphants, ou à la poursuite d’une rivière. Deux univers graphiques pour deux albums documentaires qui se lisent comme une histoire…

L’éléphant

Après La baleine bleue et L’ours polaire, Jenni Desmond continue de nous fasciner et de nous émerveiller à travers ses portraits d’animaux aussi majestueux que menacés. Entre l’Afrique et l’Asie, nous suivons ce petit garçon qui, en prenant un livre dans sa bibliothèque, découvre tous les secrets des éléphants. Les éléments documentaires sont passionnants, éclairants et sont parfois évoqués judicieusement par des analogies simples et à hauteur d’enfant. Si les documentaires ou les albums sur les éléphants sont légion, celui-ci se démarque assurément par ses illustrations absolument magnifiques ! Les peintures de Jenni Desmond sont à la fois scientifiquement réalistes et riches d’émotion. Et elles sont merveilleusement mises en valeur dans cet album de très grande qualité. Un ouvrage indispensable, duquel se dégage une grande tendresse, pour rappeler que les éléphants sont en danger et qu’il est nécessaire de les protéger.

L’éléphant, Jenni Desmond, traduit par Ilona Meyer (Éditions des éléphants)
disponible depuis le 21 mars 2019
9782372730785 – 14€
à partir de 5 ans
 

Par ici !

Avec Par ici, c’est un texte mystérieux et malicieux d’Olivier Douzou qui nous emporte et qui débute dès la couverture ! D’un tout petit filet d’eau commence à se dessiner un ruisseau, puis on dévale des montagnes, on bute contre des rochers, des affluents nous rejoignent et puis on grossit, grossit, jusqu’à n’avoir plus de bords. C’est le périple de cette rivière que l’on suit, de sa source jusqu’à la mer où elle se jette. S’il nous faut un petit moment avant de comprendre qui nous parle dans cette histoire, c’est peut-être aussi à cause des illustrations foisonnantes et humoristiques qui se transforment presque en « cherche et trouve », où toute la vie – humaine, animale et végétale – qui entoure notre rivière se déroule en même temps. Un voyage du minuscule au gigantesque qui permet d’aborder la vie d’une rivière avec simplicité. Gros coup de cœur pour les images de Benoît Audé qui regorgent de détails, de petites tranches de vies très drôles et qui nous invitent à revenir encore et encore à ce très bel album tout en fraîcheur.

Par ici !, Olivier Douzou, illustré par Benoît Audé (Le Rouergue)
disponible depuis le 6 mars 2019
9782812617539 – 15€
à partir de 5 ans
Son
1

Dix – Marine Carteron

Dix. C’est le nombre de participants à une émission de télé-réalité novatrice qui se déroulera dans un manoir perdu sur une île. Sept adolescents, entourés de trois adultes, vont participer à une sorte d’escape game littéraire où le but du jeu n’est pas seulement de résoudre l’énigme…mais de s’en sortir vivant !

★★★★☆

Quand ils nous promettent un « clin d’œil sanglant » aux Dix petits nègres d’Agatha Christie, les éditions du Rouergue ne mentent pas sur la marchandise ! Marine Carteron reprend la trame de ce célèbre roman pour nous proposer une histoire de vengeance moderne. Certains ne seront donc peut-être pas surpris par le déroulé du récit, les autres auront le plaisir de découvrir et assister à un huis-clos macabre et malsain dans lequel tous les personnages ont des choses à se reprocher. Mais tout le monde s’accordera sur l’efficacité du récit et le rythme – des chapitres courts et des changements de personnages qui s’enchaînent – qui ne nous fait pas lâcher le roman !

Amateurs d’hémoglobines, vous serez servis ! Marine Carteron rivalise d’imagination – tout en s’inspirant de contes et de mythes, éléments importants de cette histoire – pour décrire les tourments de ces dix coupables. Des descriptions sans fard, qui risquent de vous donner quelques renvois, soyez-en avertis ! En tous cas, et sans vous révéler la teneur des raisons du supplice de ces dix personnages aux types très marqués, il est captivant de découvrir peu à peu ce dont ils sont tous coupables, la façon dont chacun essaye de se dédouaner de ses crimes ou de vivre avec cette culpabilité. Marine Carteron est vraiment très forte pour nous tenir en haleine et nous inciter à tourner les pages jusqu’à connaître le fin mot de son histoire (même si c’est l’heure de dodo depuis longtemps !).

Dix est un roman sans complaisance, pour les tortionnaires, bien sûr, mais aussi pour ceux qui ont laissé faire. Cru et cruel, le roman aborde des thématiques actuelles très fortes et, en ce sens, la libre adaptation fonctionne très bien. On prend un certain plaisir – un peu coupable, ok – à se délecter du châtiment réservé à tous ces personnages retors que vous allez vite trouver détestables. Alors, vous vous laissez tenter ?

Dix, Marine Carteron (Le Rouergue)
collection DoAdo Noir
disponible depuis le 20 mars 2019
9782812617324 – 14,80€
à partir de 14 ans