Son
0

Mauvaises graines – Benoît Minville

Vasco, trente ans, vit de petits boulots sur la côte portugaise. Pendant les vacances d’été, il retrouve par hasard une ancienne camarade de classe, Mélissa, dont il était aussi fou amoureux. Prof de français en région parisienne, elle gère aussi le club de futsal mixte de la ville qui a vécu un gros bouleversement au printemps dernier et se trouve aujourd’hui dans la tourmente. Sur un coup de tête, Vasco lui propose de devenir le coach de l’équipe…

Après Les belles vies, quel plaisir de retrouver Vasco et son bagout, une bonne douzaine d’années plus tard, confronté à un nouveau défi de vie. Et encore plus de retrouver Benoît Minville dans le registre de la comédie sociale après l’aventure fantastique et horrifique de Héros. C’est donc au Portugal que l’histoire commence, où Vasco vivote un peu difficilement, jonglant entre son caractère de cochon et la précarité. Son projet de vie ? Pas loin du néant. Alors quand il retombe sur Mélissa, et que vient l’idée de coacher son équipe des Furyôs, ses projets prennent un tournant conséquent. D’abord parce qu’il va falloir rentrer au bercail (et retrouver sa mère), ensuite parce qu’il va falloir reprendre une formation (coach ne s’improvise pas), mais surtout parce qu’il va falloir relever une équipe de jeunes qui s’est cassé la figure bien comme il faut (et dont la moitié du groupe a tout bonnement abandonné le navire). Et, au passage, tenter peut-être de déclarer enfin sa flamme à Mélissa… Bref, notre Vasco a du pain sur la planche mais, assurément, rien ne va entamer son énergie débordante et les « mauvaises graines », c’est bien un truc qu’il connaît !

C’est LE roman de la bonne humeur pour commencer ce début d’année avec panache et optimisme. Dialoguiste génial, Benoît Minville nous régale de son écriture furieusement rythmée, drôle et d’une grande justesse d’émotion. Si le récit se concentre beaucoup sur Vasco, les jeunes de l’équipe des Furyôs prennent progressivement le lead, nous permettant ainsi de découvrir ces ados, leurs histoires personnelles et leurs espoirs, pour nous les rendre aussi attachants qu’ils vont le devenir pour leur nouveau coach. Que celles et ceux qui n’aiment pas le foot (en salle ou à l’air libre) se rassurent : malgré les nombreuses scènes de matches qui rythment le roman, celles-ci ne sont jamais inutiles et, avec toute l’intensité et la passion que Benoît Minville met dedans, elles sont ainsi le révélateur de ce qui se joue aussi en dehors du terrain entre les ados, des valeurs qui animent chacun d’entre eux et que le sport tend à leur apporter.
Mauvaises graines, c’est un roman vivant et généreux, sur la force du collectif et de l’amitié, sur la passion et l’envie de se surpasser, aux personnages profondément justes et attachants. Une véritable bouffée d’air frais ! Go, Furyôs, go !

Mauvaises graines, Benoît Minville (Sarbacane)
collction Exprim’
disponible depuis le 6 octobre 2021
9782377317158 – 17€
à partir de 13 ans
Son
0

Toucher du doigt ses rêves

Un roman et une pièce de théâtre qui commencent de la même manière : un recruteur européen à la recherche des talents de demain dans des pays d’Afrique…et des garçons qui n’ont qu’un seul rêve en tête : jouer avec les plus grands ! Y parviendront-ils ?

Trois minutes de temps additionnel – Sylvain Levey

Kouam et Mafany ont quatorze ans, vivent en Guinée et passent leur temps à jouer au football. Ils rêvent de fouler un jour les pelouses sous le maillot de Manchester United. Et un jour, la chance leur sourit : une femme anglaise les recrute pour intégrer le petit club de Bradford, une première étape avant d’espérer plus grand. Malheureusement, l’arrivée en Angleterre n’est pas aussi géniale qu’ils le pensaient : il pleut tout le temps, la bouffe ne ressemble en rien à celle de leurs mères, ils se blessent, jouent mal… Et entendent des cris de singe dans le public chaque fois qu’ils sont sur la pelouse.

Si l’on découvre dans cette pièce les travers du football : le racisme d’une certaine catégorie de supporters, l’exploitation de jeunes rêveurs en quête de gloire et la marchandise qu’ils représentent – qu’ils se révèlent de vrais talents ou des déceptions, c’est surtout et avant tout un magnifique texte sur la force de l’amitié, sur la poursuite de ses rêves en dépit des embûches. Kouam et Mafany ne seront peut-être pas vos nouvelles idoles du foot mais leur parcours n’en seront pas moins satisfaisants pour eux et pour nous lecteurs. Une pièce sensible et pleine d’espoir, racontée dans une forme narrative qui apporte beaucoup de dynamisme, à lire pile-poil pendant la mi-temps. Une magnifique lettre de Sylvain Levey à son lecteur footballeur ou footballeuse conclut le livre, rappelant que le sport et la littérature ne sont jamais incompatibles.

Trois minutes de temps additionnel, Sylvain Levey (éditions Théâtrales)
collection Théâtrales Jeunesse
disponible depuis le 25 juin 2020
9782842608279 – 8€
à partir de 13 ans

ABC… – Antonio Da Silva

Jomo découvre le basketball un peu par hasard, dans son quartier pauvre de Bamako, au Mali, et en devient complètement accro ! La chance lui sourit le jour où Richard, dénicheur de talent, lui propose de s’envoler pour la France et de rejoindre l’Academy, le centre de formation créé par Tony Parker, son idole. Dès son arrivée, son talent est indéniable et son avenir sera certainement brillant ! Mais pour aller plus loin dans sa carrière, Jomo va devoir accepter de se faire aider : il ne sait pas lire. Il intègre alors un cours d’alphabétisation, qui lui permettra de s’épanouir et de rencontrer la jolie Rosa-Rose…

Le monde du basket semble un peu moins gris que celui du football dans ce roman où les adultes sont ici bien plus bienveillants que dans l’histoire de Kouam et Mafany. Jomo rencontrera même Tony Parker lui-même, véritable figure d’espoir pour le garçon ! Très vite, pourtant, le basket laisse la place à la rencontre de Jomo avec Rosa, la fille de sa prof d’alphabétisation et, non seulement le garçon va sans doute pouvoir réaliser son rêve mais aussi trouver l’amour… Un véritable parcours initiatique pour cet adolescent qui découvre une toute nouvelle vie en France. Un roman court et pourtant très dense, abordant beaucoup de sujets mais surtout marqué par un véritable sens de la surprise ! Antonio Da Silva l’avait déjà montré dans son précédent roman, Sortie 32b (dans un tout autre genre), mais il parvient à nous toucher en plein cœur avec le destin qui attend Jomo. Un roman bouleversant et, pourtant, plein d’espoir lui aussi.

ABC…, Antonio Da Silva (Le Rouergue)
collection DoAdo
disponible depuis le 2 septembre 2020
9782812620829 – 12,80€
à partir de 13 ans
Son
0

Pour la beauté du geste !

Nos deux héroïnes du jour ont en commun la réalisation d’exploits sportifs remarquables. Traverser les Etats-Unis d’ouest en est en courant, grimper sur le plus haut sommet du monde : ça vous en bouche un coin, hein ? Heureusement, ces incroyables efforts qui nous font déjà suer sont littéraires et, s’ils vous laisseront peut-être pantelants après votre lecture, vous en ressortirez en revanche sans courbatures et avec deux modèles d’une jeunesse engagée ! Prêts ? Partez !

A en perdre haleine – Deb Caletti

Un soir, après être allée chercher un burger, Annabelle décide de tout laisser en plan, et se met à courir. Elle ne s’arrêtera pas avant d’avoir atteint Washington, la capitale, soit l’exact opposé de sa position sur la carte. Accompagnée par son grand-père qui la suit en camping-car, Annabelle court car elle a quelque chose à dire, un combat à mener.

Et ce combat, on le découvrira au fur et à mesure des révélations qu’Annabelle nous confiera. On le devine en filigrane, une tragédie a frappé la vie de l’adolescente et la course devient sa façon de réagir, de se sortir de ce statut de victime qu’on lui attribue depuis lors, de faire passer un message, d’accepter, peut-être, ce qui lui est arrivé, et de trouver une forme d’apaisement. Le roman nous tient en haleine, de la même manière qu’Annabelle travaille son souffle pour tenir un marathon de près de cinq mois. La façon de toucher du doigt le cœur du sujet, avant qu’Annabelle ne le repousse, est parfois un peu agaçant pour le lecteur, mais participe à l’attachement pour cette héroïne qui n’a pas conscience d’inspirer, que son message peut aller au-delà de sa propre expérience. De jolies rencontres émaillent l’aventure d’Annabelle, mettent en perspective son histoire et montrent l’intérêt grandissant du grand public pour son combat. Deb Caletti nous offre un roman sensible, aux réflexions sociétales fortes, même si parfois un peu trop appuyées (les attentes de la société sur la façon dont « doivent être » les filles, par exemple, sont clairement indispensables, mais ce n’est pas toujours amené très subtilement). Engagé et inspirant !

A en perdre haleine, Deb Caletti, traduit par Maud Desurvire (PKJ)
disponible le 3 septembre 2020
9782266292962 – 18,50€
à partir de 14 ans

8848 mètres – Silène Edgar

Mallory a quinze ans et est la plus jeune alpiniste à tenter l’ascension de l’Everest. Avec son père, ils s’entraînent depuis toujours et, cette fois, ils se lancent dans cette incroyable aventure. Avec leur équipe, ils se préparent, évaluent les risques et découvrent ce parcours d’ascension qui ne ressemble à rien de ce qu’ils avaient fait jusqu’à présent…

Et Mallory va découvrir bien plus que le « simple » exploit sportif de gravir le sommet de l’Everest du haut de son adolescence. Car l’Everest, ce n’est pas n’importe quelle montagne. Alors que la jeune fille doit composer entre l’attention portée à sa santé, son oxygène et le froid capable de la tuer, elle est aussi malgré elle une curiosité qui pousse les médias à s’intéresser à son périple, lui demandant l’effort supplémentaire de réaliser des interviews. Silène Edgar nous invite ainsi à découvrir la manière dont se prépare une telle ascension, entre passages très descriptifs du trajet, de la façon dont tout cela s’organise, et des moments plus introspectifs qui nous emmènent aux côtés de Mallory et de la révélation que va être l’Everest pour elle. Car si, au départ, il s’agissait surtout de réaliser cet exploit avec son père, gravir l’Everest c’est aussi découvrir tout ce que cela recouvre : la pollution importante à quelques mètres du sommet et les effets du réchauffement climatique, la mort inéluctable au moindre faux pas, et la philosophie bouddhiste autour de la montagne. Un parcours initiatique qui va ainsi bien au-delà de l’exploit sportif pour se découvrir soi et le monde qui nous entoure. Un roman tout aussi engagé que le précédent, sur la préservation de la nature, avec une héroïne toute aussi attachante et déterminée.

8848 mètres, Silène Edgar (Casterman)
collection Ici/maintenant
disponible depuis le 10 juin 2020
9782203064317 – 16€
à partir de 12 ans
Son
0

♫ Tout au bout de mes rêves… ♫

Les deux romans que Bob vous présente aujourd’hui n’ont absolument rien à voir et pourtant… Deux romans portés par des narrateurs garçons, deux romans où les rêves (et les cauchemars !) sont le moteur de leurs histoires, deux romans aux ambiances à la limite de l’étrange… Allez au bout de vos rêves avec Jean-Jacques Goldman et Bob & Jean-Michel, c’est cadeau ! ♫

Même pas en rêve

Timéo entre en seconde et à l’internat en même temps. Surpris une nuit à rêver un peu trop intensément de la jolie Aliénor, il devient le souffre-douleur de ses compagnons de chambrée. Heureusement, il peut compter sur Louis, ténébreux et mystérieux, sur qui toutes les émotions semblent couler alors que Tim est complètement aux prises des siennes. Une amitié forte et étonnante, bientôt renforcée par des événements qui vont interroger Tim sur son nouvel ami…

★★★★☆

Difficile de survivre dans le milieu hostile du lycée quand on est un garçon craintif de nature, et particulièrement pessimiste. Timéo est la tête de turc parfaite et les autres l’ont bien compris. Il va pourtant trouver une aide inattendue mais ô combien précieuse avec Louis, dont toutes les filles sont amoureuses et à qui personne ne cherche des noises. Un passé mystérieux, renforcé par une présence paternelle qui fait rêver – le père de Louis est un brillant chercheur à l’origine de la spectrine, une sorte de drogue capable de faire oublier tous les mauvais souvenirs – et une absence totale de peur, Louis est un véritable héros pour Tim qu’un rien angoisse. Et puis le harcèlement continue et les événements s’enchaînent… Un premier roman de Vivien Bessières très prometteur sur la force de l’amitié et le harcèlement, bien sûr, mais avec aussi une ambiance proche du thriller qui nous interroge sur les traumatismes et l’acceptation d’une réalité qu’on voudrait oublier ou supprimer de son esprit. Un roman juste, parfois cruel mais surtout sensible sur l’adolescence. A découvrir !

Même pas en rêve, Vivien Bessières (Le Rouergue)
collection DoAdo
disponible depuis le 6 février 2019
9782812617546 – 12,80€
à partir de 14 ans

 

Tant que durent les rêves

Nathan a dix-huit ans et se prépare pour les championnats de France de natation. Il est pressenti pour intégrer l’équipe de France aux prochains JO et ne rêvent d’ailleurs que de ça… Mais depuis quelques temps, une petite voix instille le doute en lui et la peur de ne pas réussir. Cette voix, cette « Bête » comme il la surnomme, prend tellement de place qu’un jour, Nathan assiste impuissant à un phénomène plus qu’étrange…

★★★☆☆

Après avoir déjà fait du sport le thème (entre autres) de son précédent roman, Vivant (dont certains remarqueront peut-être les clins d’œil dans ce nouveau texte), Roland Fuentès continue à explorer la relation de ses personnages à une discipline sportive, à la façon dont elle les forge, aussi bien dans les qualités positives que dans les doutes, les moments de faiblesse ou de découragement. Ici, ce doute prend une forme totalement inattendue pour chavirer dans une ambiance très proche des nouvelles fantastiques du 19e siècle, où le héros assiste avec stupéfaction à un basculement de la plus grande étrangeté. Une expérience étonnante que Nathan va partager avec d’autres personnages du roman, qui vont tous être confrontés à la possible destruction de leur rêve… Petite mention pour Alicia, autrice en herbe, qui permet à Roland Fuentès de faire un parallèle intéressant entre l’écriture et le sport, où le degré de travail, de pratique et de persévérance ne sont peut-être pas si différents ? Un roman dans lequel on se laisse flotter et emporter doucement par le courant, dont les personnages nous invitent à croire en nos rêves et à nous dépasser pour les réaliser.

Tant que durent les rêves, Roland Fuentès (Syros)
disponible depuis le 7 février 2019
9782748526189 – 16,95€
à partir de 12 ans
Son
1

L’espoir sous nos semelles – Aurore Gomez

Après on long silence radio dont nous sommes bien désolées, Bob & Jean-Michel reprend du service et…été oblige, on vous invite à cliquer sur le petit visuel à droite pour découvrir notre sélection d’ouvrages à emporter avec vous en vacances ! 😀

***

Pour sauver sa famille de la pauvreté, Juno s’inscrit au « trek du Pownal », une course en montagne de 1000 kilomètres, suivie par les internautes, où s’affrontent 30 concurrents. Au bout de cette course : une rondelette somme d’argent pour le vainqueur.

★★★★☆

Après la mort de sa mère et de sa grande sœur, prodige de l’alpinisme, le père de Juno est tombé dans la dépression, délaissant travail et famille. La jeune fille a du abandonner ses études pour subvenir aux besoins de ses frère et sœur, et travaille à la conserverie locale. Lorsqu’elle découvre une publicité pour le fameux trek de Pownal, il ne lui faut pas longtemps pour décider de tenter sa chance. Commence alors pour elle une aventure tant sportive qu’humaine.

Roman d’aventure psychologique, on pense forcément à Hunger Games pour le côté 30 ados en liberté dans une course contre la montre. Pourtant, la comparaison s’arrête là : point de meurtres ou de dangers vicieux. Seule la nature et les autres concurrents sont susceptibles de mettre des bâtons dans les roues de Juno. Car, si elle n’a jamais montré de facultés particulières pour la marche en montagne, sa détermination est forte et la porte vers l’avant. C’est d’ailleurs le grand point fort de ce roman que ce personnage, cette jeune fille qui chemine vers une vie meilleure. On s’attache instantanément à elle, à ses blessures, à son courage et à sa profonde humanité. On se laisse embringuer dans cette marche de l’espoir, où Juno se retrouve face à elle-même, se lie avec d’autres concurrents, s’attire l’animosité de certains ou doit composer avec la stratégie de ceux qui veulent gagner coûte que coûte.
Et là où Aurore Gomez réussit à nous transporter encore plus, c’est dans le récit de ce trek, sur cette île fictive en pleine nature, où tout est savamment dosé. Randonner dans des espaces sauvages ou balisés n’est pas facile, et l’autrice parvient à amener le danger là où il faut et quand il faut, et tient son suspense jusqu’à la fin de la course. Mais celle-ci n’est pas une fin en soi, et c’est toute la finesse des relations tissées au fil de l’épreuve qui vont apporter de toutes nouvelles perspectives à l’endurante et battante Juno. Un excellent premier roman !

L’espoir sous nos semelles, Aurore Gomez (Magnard)
disponible depuis le 10 avril 2018
9782210965263 – 15,90€
à partir de 12 ans
Son
8

Vivant – Roland Fuentès

9782748525328,0-4698383

Pour les vacances de Pâques, huit amis se retrouvent dans un gîte près de Marseille. Au programme : révisions, sport et détente pour être fin prêts pour les examens. C’est Lucas qui a invité Elias, un inconnu pour les autres, mais qui attire leurs regards et leur curiosité durant tout le séjour. Jusqu’au moment où l’un des amis, Mattéo, se saisit d’un couteau et transforme ces vacances en combat à mort.

★★★☆☆

Le roman s’ouvre sur une course poursuite dans les calanques entre deux jeunes hommes. Mattéo, armé d’un couteau, poursuit avec rage Elias. Mattéo, c’est le leader charismatique du groupe de copains étudiants, celui qui pourrait devenir sportif professionnel, qui organise le programme des vacances, qui sort avec la belle Salomé. Elias, lui, est manœuvre sur un chantier et ne connaît dans le groupe que Lucas, qui l’a invité. On ne sait pas vraiment qui il est, d’où il vient, mais son incroyable gentillesse, sa curiosité et son attitude paisible, naïve, interpellent les autres jeunes, certains se sentent mal à l’aise, d’autres ne voient que de la perfection. En tous cas, Elias ne laisse personne indifférent. Et Mattéo encore moins que les autres ! Mais qu’est-ce qui pousse le sportif à ce coup de folie ? C’est bien la question que tous les protagonistes se posent… et nous avec !

Avec Vivant, Roland Fuentès nous propose un thriller psychologique haletant et fascinant. Sa construction, alternant les chapitres de course poursuite et les souvenirs de chaque jeune sur ce qui a sans doute amené à cette folle cavalcade, amène un vrai suspense tandis que se révèlent petit à petit les événements, le déchaînement de violence. Sans vous en dire trop sur ce que l’histoire dévoile des personnages et de leurs motivations, Vivant c’est une réflexion sur notre rapport à l’autre et principalement à « l’étranger », à ce qu’il laisse à voir de lui et à ce qu’il nous montre de nous, ce qu’il provoque en nous, le meilleur comme le pire… C’est aussi une réflexion sur le groupe et comment un élément étranger, justement, peut faire basculer l’équilibre de chacun et du collectif. Et c’est aussi une évocation du sport et de ses valeurs que l’on rencontre assez peu en littérature, où Roland Fuentès met en lumière l’effort, le travail, l’art presque, que demande la performance sportive mais aussi la question de vie, de survie, qu’elle peut représenter pour certains. La dédicace qui figure au début du roman n’est d’ailleurs pas anodine…

S’il est difficile de dire que Vivant est « trop bien », c’est parce que le roman nous laisse avec un drôle de sentiment, celui d’avoir été bousculé, d’avoir posé dans notre esprit les petites pierres de la réflexion à entamer ou à poursuivre sur notre façon d’accueillir les autres, notre aptitude à la tolérance. Un roman profondément humain !

Vivant, Roland Fuentès (Syros)
disponible le 11 janvier 2018
9782748525328 – 14,95€
à partir de 13 ans
Son
0

Jusqu’ici, tout va bien – Gary D. Schmidt

9782211217132,0-4442925

1968. Après avoir perdu son travail, le père de Doug Swieteck emmène toute sa famille à Marysville, une petite ville dans laquelle il espère trouver un nouveau travail. Doug n’est pas particulièrement enchanté : la ville est nulle, il fait trop chaud, la nouvelle maison est un trou à rat, son frère est un crétin fini, son autre frère au Vietnam et son père traîne trop avec Ernie Eco à boire des coups. Seul le sourire de sa mère le maintient à flot…jusqu’à sa rencontre avec les oiseaux d’Audubon…

★★★★★

Si vous ne connaissez pas les romans de Gary D. Schmidt, il est temps de vous y mettre ou vous rateriez des moments de lectures absolument exceptionnels ! Après nous avoir régalé avec La guerre des mercredis (on en a pas parlé ici, on a honte, mais Bob l’a lu super tard…genre il y a 2-3 mois alors on se rattrape maintenant) et le jeune Holling Hoodhood (eh ouais, ça arrive !) qui découvrait Shakespeare avec une prof qui le détestait tout en rencontrant ses idoles du baseball, c’est à l’un des copains de Holling que l’on s’intéresse dans ce nouveau roman : Doug.

Doug n’a pas la vie facile et, si on le suspectait déjà dans La guerre des mercredis, on le découvre enfin avec cette histoire qu’il nous raconte. Alors que les hommes s’apprêtent à marcher sur la Lune et que la guerre au Vietnam fait rage, le garçon emménage dans une nouvelle ville, la « stupide Marysville » et doit composer avec un père violent et un frère qui lui fait toutes les crasses possibles. Etiqueté « voyou » à cause de cela, il se retrouve mêlé à des bagarres au collège, dans le viseur du principal et dans le collimateur du prof de sport qui a servi au Vietnam. Pourtant, malgré la stupidité de la ville, Doug va faire deux rencontres décisives : Lil’, tout d’abord, une fille au caractère bien trempé, dont le père est l’épicier de la ville qui va lui donner un petit boulot pour le samedi après-midi ; et Mr Powell, le bibliothécaire de la bibliothèque qui n’ouvre que le samedi et qui détient des originaux des Oiseaux d’Amérique d’Audubon. Cette rencontre avec les peintures du naturaliste vont considérablement ébranler toutes les certitudes du garçon et révéler des talents dont il ne soupçonnait rien ! Mais l’histoire de Doug est loin de se contenter de cela et c’est tout ce qui fait la qualité de ce roman : la richesse de son histoire, des rencontres que fait Doug, de ses passions pour le baseball (Bob n’a personnellement rien capté à tous les trucs sur le baseball mais, en bon ami pour Doug, il a hoché la tête en connaisseur), pour le dessin, les oiseaux et tout ce qui est beau dans la vie, sa difficulté à composer avec son père et ses frères, notamment quand l’aîné rentre du Vietnam changé, à faire évoluer le regard des autres sur lui et sur les préjugés que les gens ont sur sa famille… Une richesse des thèmes (et il en manque par rapport à ce que je vous ai déjà dit) qui pourrait être fouillis et qui pourtant donne une incroyable cohérence à cette tranche de vie adolescente.

Gary D. Schmidt est un auteur à découvrir absolument : on ne s’ennuie pas un seul instant, grâce à Doug, plein d’humour et de spontanéité, qui nous fait rire, nous émeut et nous fait passer par tout un tas d’émotions ; aux nombreux personnages qui gravitent autour de lui et sont particulièrement fouillés et intelligemment écrits ; à tous ce que les histoires, celles avec un grand H ou celles que l’on vit au quotidien, apportent à un adolescent et construisent ce qu’il deviendra, qu’elles soient sombres ou pleines d’espoir. Un roman d’une grande intelligence, passionnant, terriblement drôle, et lumineux. Un vrai coup de cœur ! ❤

Jusqu’ici, tout va bien, Gary D. Schmidt, traduit par Caroline Guilleminot (École des loisirs)
collection Médium
disponible depuis le 4 octobre 2017
9782211217132 – 18€
à partir de 13 ans
Son
0

De nos propres ailes – Kinga Wyrzykowska

9782747067522,0-3754864

L’équipe de volley du lycée Saint-Exupéry gagne son dernier match et, avec lui, une place pour la Coupe Heaven, qui sera disputée sur l’île de La Désirade, dans les Antilles. Aux anges, les filles de l’équipe font éclater leur joie, jusqu’à ce que l’une d’elle, Tina, se casse l’épaule à la sortie du RER. C’est Gladys, la nouvelle, qui la remplacera. Mais les filles ne sont pas prêtes à laisser Tina sur le carreau et à s’envoler sans elle. Elles vont alors organiser une cagnotte pour lui payer son billet d’avion : elles ont trois mois pour rassembler 1000€. Et tout semble aller comme sur des roulettes…jusqu’à ce que l’enveloppe avec l’argent disparaisse…

★★★★☆

Elles sont six filles dans l’équipe de volley, six meilleures amies depuis des années dont le rêve est de participer à la coupe Heaven. Toutes différentes, dans leurs origines, leurs centres d’intérêts ou leurs personnalités, Julie, Morgane, Nejma, Milena, Tina et Andrea n’en sont pas moins hyper soudées. Une véritable équipe. Gladys, c’est la nouvelle à l’air un peu pataud qui se retrouve toujours sur le banc de touche. Une situation qu’elle ne vit pas très bien. Jusqu’au bête accident de Tina, qui va rendre son épaule inutilisable et donc ses chances de participer à la coupe Heaven aux Antilles. Mais pour Gladys, c’est enfin une place au sein de l’équipe… Encore qu’il faudrait qu’elle soit acceptée par les autres filles, peu désireuses de la voir prendre la place de Tina.

Avec De nos propres ailes, Kinga Wyrzykowska explore l’adolescence et l’amitié dans le microcosme d’une équipe sportive. Entre la difficulté à s’intégrer dans un groupe constitué depuis longtemps, la jalousie, les rêves ou l’agacement, et les situations familiales de chacune, ce sont toutes les préoccupations adolescentes que l’on retrouve dans ce « roman de copines » (ou de filles), bien loin pourtant des poncifs du genre. Exit les histoires d’amour mièvres ou les mesquineries futiles, l’auteure insiste ici sur la psychologie de ses personnages, sur les désirs et les failles de chacune. Cela rend le roman passionnant, bien qu’un chouïa difficile au début car c’est aussi un roman choral, où chacune prend la parole à tour de rôle, parfois en même temps, et que Kinga Wyrzykowska ne nous a pas facilité la tâche pour s’y retrouver. Mais après un petit temps où on se demande « mais c’est laquelle déjà qui a les parents polonais sympas ? » (qui ont l’air aussi de faire des trucs à manger trop bons, dixit le ventre de Jean-Michel) ou bien « la fille placée en famille d’accueil, c’est bien Tina ? », on finit par s’attacher à chacune des filles et à se demander comment leurs relations vont évoluer et comment leur collecte d’argent va aboutir. Car bientôt arrive la partie suspense du roman, et le vol de la cagnotte va attiser considérablement les tensions au sein du groupe fragilisé, risquant à tout moment de tout faire exploser…

De nos propres ailes est un très bon roman, qui fait la part belle à ses personnages de jeunes filles finement campées, et à un ton juste au plus proche de ces adolescentes qui n’ont pas peur de dire ce qu’elles pensent et qui risquent bien de laisser la situation leur échapper… A découvrir !

De nos propres ailes, Kinga Wyrzykowska (Bayard Jeunesse)
disponible depuis le 4 janvier 2017
9782747067522 – 14,90€
à partir de 13 ans
Son
1

Le complexe du papillon – Annelise Heurtier

9782203102286,0-3169392

A la rentrée, Mathilde remarque une fille incroyablement belle. C’est Cézanne, une ancienne camarade de classe jusque-là plutôt banale qui, au retour de l’été, est devenue la plus belle plante du collège. Invitée au mariage de la sœur de sa meilleure amie Louison, et désireuse de séduire Jim qui y sera également, Mathilde veut à tout prix perdre du poids pour rentrer dans le robe bleue magnifique vue au centre commercial et être aussi jolie que Cézanne…

★★★☆☆

Annelise Heurtier s’attaque souvent à des sujets audacieux dans ces livres, ce que j’aime tout particulièrement chez elle. Ici, c’est un sujet un peu plus rebattu qu’elle aborde : l’anorexie. Malgré ce thème souvent lu en roman jeunesse, elle prend le parti de s’intéresser plutôt à l’anorexie mentale, et pas seulement physique. Ainsi, point de poncifs ou de scènes difficiles, mais plutôt une lente descente aux enfers pour Mathilde qui, de jeune fille sportive (elle fait de l’athlétisme, on imagine aisément un corps souple et musclé : a priori, un très beau corps !) souhaite avoir un corps de mannequin et plus particulièrement un « thigh gap » (l’espace entre les deux cuisses quand on sert les jambes), rendu populaire par la it-girl Cara Delevingne (vue récemment dans l’adaptation ciné de La face cachée de Margo). Tout ça pour plaire à un garçon et ressembler à une fille de sa classe dont la transformation a été spectaculaire durant l’été ! Quand on repense à sa propre adolescence (ou même maintenant que nous sommes plus grandes à voir chaque jour des affiches de publicité), on se met sans difficulté dans la peau de Mathilde, avec l’envie nous aussi, parfois, de ressembler à ces si belles filles à qui le monde semble réussir. Un complexe dont il est bien difficile de se débarrasser…

Annelise Heurtier décrit avec beaucoup de justesse et de sensibilité l’état de Mathilde, sa volonté de passer d’une moche chenille à un magnifique papillon et l’engrenage terrible dans lequel elle tombe, à quel point il est si facile de ne pas se rendre compte quel danger cela représente… Cet aspect-là est vraiment très bien traité, sans jugement mais avec tous les outils de réflexion nécessaires pour le lecteur.
J’ai seulement regretté la rapidité de la fin, la facilité avec laquelle Mathilde abandonne son crush pour Jim (qui, de toute manière, n’est pas particulièrement présent et pour lequel on se demande bien ce qui plaît à notre héroïne) et la résolution du deuil qui frappait aussi Mathilde. Je n’ai pas beaucoup parlé de cet aspect-là de l’histoire, qui a pourtant son importance, puisque la mort de la grand-mère de Mathilde et l’incapacité de sa mère à en parler vont aussi faire partie des raisons du mal-être de la jeune fille, de la maladie. Il n’en reste pas moins un très beau roman, accessible et bien écrit. 🙂

Le complexe du papillon, Annelise Heurtier (Casterman)
disponible depuis le 6 avril 2016
9782203102286 – 12,90€
à partir de 12 ans
Son
2

Ma mère, le crabe et moi – Anne Percin

GetBlob.ashx

Bob et Jean-Michel adorent les textes d’Anne Percin. Qu’elle soit drôle (on est tous fan de Maxime de Comment (bien) rater ses vacances) ou moins. Alors on avait particulièrement hâte de lire son nouveau texte… 😀

Tania a 14 ans et vit avec sa mère dans un petit village près de Clermont-Ferrand. Passionnée de loups-garous, elle tient un blog gothique tandis que celui de sa mère est plutôt « Lectures & confitures ». Et puis un jour, Tania apprend que sa mère a un cancer du sein. Une maladie qui va peu à peu changer leurs vies à toutes les deux, ainsi que la relation qu’elles entretiennent…

★★★★★

Bon, je vous la fais courte : Bob a A-DO-RÉ ! Décidément, Anne Percin sait comment parler aux lecteurs. Le personnage de Tania, qui s’adresse très directement à nous, est savoureux. On s’attache instantanément à elle et à son humour d’ado qui se la joue un peu rebelle. J’ai beaucoup aimé le style très direct, très oral qui sert à merveille cette histoire qui peut sembler au premier abord un peu sérieuse (on parle de cancer du sein, de chimiothérapie, de vivre avec une personne considérablement malade et affaiblie quand on a 14 ans) mais qui fait la part belle à l’humour. Je vous avoue que j’ai plusieurs fois éclaté de rire lors de ma lecture (je vous mets l’eau à la bouche en vous disant qu’il y a une scène de piscine tout à fait extraordinaire). Alors attention, Anne Percin ne traite pas le sujet à la rigolade, hein, mais c’est la relation entre Tania et sa mère, la volonté de la jeune fille de soutenir sa maman dans son combat en lui donnant le sourire qui fait que les deux vont surmonter cette épreuve avec le plus de positivisme possible. Il y a une belle émotion dans cette relation, dans ce désir de Tania d’être là pour sa mère quoi qu’il advienne, sans se soucier de ce que les autres pensent, des conseils débiles ou de la pitié des gens. Mais le roman ne se limite pas à ça, car on suit également Tania dans sa vie au collège, avec ses amis, dans sa préparation du cross départemental… Des petits moments de la vie quotidienne qui disent aussi de grandes choses : de l’amour au dépassement de soi. Un coup de cœur pour Bob ! Merci Anne pour ce très beau moment de tendresse, d’humour et d’espoir. 🙂

Ma mère, le crabe et moi, Anne Percin (Rouergue)
collection DoAdo
disponible le 16 septembre 2015
9782812609299 – 11,70€
à partir de 13 ans