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Point de fuite – Marie Colot et Nancy Guilbert

Mona prépare son concours d’entrée à l’école des Beaux-Arts et passe un temps considérable avec son groupe d’artistes dans les musées où ils continuent de s’exercer. Et puis elle rencontre ce garçon, beau et merveilleux, dont elle tombe follement amoureuse. Mais bien vite, son amoureux si prévenant lui fait couper les ponts avec son meilleur ami Marin, l’éloigne progressivement de sa famille, lui fait rater son concours… La lumineuse Mona ressemble soudainement à cette « Femme qui pleure », un tableau de Picasso qui l’a toujours fascinée.

Vous l’aurez compris, Marie Colot et Nancy Guilbert racontent dans ce roman l’emprise. Et pour ce faire, nous allons entendre la voix de nombreux personnages : Mona, bien sûr, jeune fille passionnée et promise à un bel avenir qui se ternit en peu de temps ; son meilleur ami Marin, garçon engagé qui soutient Mona dans tous ses projets ; puis Ycare, ce fameux amoureux dont on sent tout de suite la fascination étrange qu’il éprouve pour Mona. Viendront ensuite d’autres personnages, Lya, Esther ou encore Cassien que je vous laisse le plaisir de découvrir car ils ont tous les trois des histoires passionnantes qui font toutes écho à celle de Mona. Car au-delà de la relation de Mona avec son tyran, il est question plus généralement de la violence, celle faite aux femmes mais pas que !

Si j’ai eu un peu de mal à entrer dans le roman dans les premières pages, notamment à cause des passages d’Ycare, Marie Colot et Nancy Guilbert ont finalement réussi à m’embarquer. Grâce au rythme provoqué par les changements de voix, grâce à un retournement plutôt inattendu. Et surtout parce qu’elles parviennent à faire un roman qui ne tombe jamais dans le glauque ou le voyeurisme facile. L’écriture est subtile, toute en pudeur, et c’est plutôt appréciable pour un roman sur un tel sujet. Pas de sensationnel, pas de listes d’horreurs mais une compréhension progressive des mécanismes de l’emprise, de la difficulté à en reconnaître les signes (pour Mona comme pour les autres) et à intervenir et venir en aide. C’est le réalisme, saisissant, de cette histoire qui nous touche, mais également les personnages et la façon dont ils vont tous finir par être liés dans une dernière partie salutaire.

Si vous aviez aimé Je te plumerai la tête qui évoquait la manipulation au sein de la famille, vous serez assurément sensibles à Point de fuite.

Point de fuite, Marie Colot et Nancy Guilbert (Gulf Stream)
collection Électrogène
disponible le 8 octobre 2020
9782354887919 – 18€
à partir de 14 ans
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Jusqu’ici, tout va bien – Gary D. Schmidt

9782211217132,0-4442925

1968. Après avoir perdu son travail, le père de Doug Swieteck emmène toute sa famille à Marysville, une petite ville dans laquelle il espère trouver un nouveau travail. Doug n’est pas particulièrement enchanté : la ville est nulle, il fait trop chaud, la nouvelle maison est un trou à rat, son frère est un crétin fini, son autre frère au Vietnam et son père traîne trop avec Ernie Eco à boire des coups. Seul le sourire de sa mère le maintient à flot…jusqu’à sa rencontre avec les oiseaux d’Audubon…

★★★★★

Si vous ne connaissez pas les romans de Gary D. Schmidt, il est temps de vous y mettre ou vous rateriez des moments de lectures absolument exceptionnels ! Après nous avoir régalé avec La guerre des mercredis (on en a pas parlé ici, on a honte, mais Bob l’a lu super tard…genre il y a 2-3 mois alors on se rattrape maintenant) et le jeune Holling Hoodhood (eh ouais, ça arrive !) qui découvrait Shakespeare avec une prof qui le détestait tout en rencontrant ses idoles du baseball, c’est à l’un des copains de Holling que l’on s’intéresse dans ce nouveau roman : Doug.

Doug n’a pas la vie facile et, si on le suspectait déjà dans La guerre des mercredis, on le découvre enfin avec cette histoire qu’il nous raconte. Alors que les hommes s’apprêtent à marcher sur la Lune et que la guerre au Vietnam fait rage, le garçon emménage dans une nouvelle ville, la « stupide Marysville » et doit composer avec un père violent et un frère qui lui fait toutes les crasses possibles. Etiqueté « voyou » à cause de cela, il se retrouve mêlé à des bagarres au collège, dans le viseur du principal et dans le collimateur du prof de sport qui a servi au Vietnam. Pourtant, malgré la stupidité de la ville, Doug va faire deux rencontres décisives : Lil’, tout d’abord, une fille au caractère bien trempé, dont le père est l’épicier de la ville qui va lui donner un petit boulot pour le samedi après-midi ; et Mr Powell, le bibliothécaire de la bibliothèque qui n’ouvre que le samedi et qui détient des originaux des Oiseaux d’Amérique d’Audubon. Cette rencontre avec les peintures du naturaliste vont considérablement ébranler toutes les certitudes du garçon et révéler des talents dont il ne soupçonnait rien ! Mais l’histoire de Doug est loin de se contenter de cela et c’est tout ce qui fait la qualité de ce roman : la richesse de son histoire, des rencontres que fait Doug, de ses passions pour le baseball (Bob n’a personnellement rien capté à tous les trucs sur le baseball mais, en bon ami pour Doug, il a hoché la tête en connaisseur), pour le dessin, les oiseaux et tout ce qui est beau dans la vie, sa difficulté à composer avec son père et ses frères, notamment quand l’aîné rentre du Vietnam changé, à faire évoluer le regard des autres sur lui et sur les préjugés que les gens ont sur sa famille… Une richesse des thèmes (et il en manque par rapport à ce que je vous ai déjà dit) qui pourrait être fouillis et qui pourtant donne une incroyable cohérence à cette tranche de vie adolescente.

Gary D. Schmidt est un auteur à découvrir absolument : on ne s’ennuie pas un seul instant, grâce à Doug, plein d’humour et de spontanéité, qui nous fait rire, nous émeut et nous fait passer par tout un tas d’émotions ; aux nombreux personnages qui gravitent autour de lui et sont particulièrement fouillés et intelligemment écrits ; à tous ce que les histoires, celles avec un grand H ou celles que l’on vit au quotidien, apportent à un adolescent et construisent ce qu’il deviendra, qu’elles soient sombres ou pleines d’espoir. Un roman d’une grande intelligence, passionnant, terriblement drôle, et lumineux. Un vrai coup de cœur ! ❤

Jusqu’ici, tout va bien, Gary D. Schmidt, traduit par Caroline Guilleminot (École des loisirs)
collection Médium
disponible depuis le 4 octobre 2017
9782211217132 – 18€
à partir de 13 ans
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Blackwood, le pensionnat de nulle part – Lois Duncan

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Dans les nouvelles parutions de la collection Black Moon figure Blackwood, un roman qui date de 1974 et traduit pour la première fois en France afin de préparer une adaptation cinématographique actuellement en cours et produite par nulle autre que Stephenie Meyer, la maman de Twilight. Alors, prochain gros succès ou pas ? 😛

Après le remariage de sa mère, Kit est contrainte d’aller dans un pensionnat. Elle arrive à Blackwood, ancienne demeure gothique où elle étudiera avec d’autres jeunes filles. Sous la direction de Mme Duret, les filles recevront un enseignement de qualité, où les arts ont toute leur place. Mais très vite, Kit ressent un étrange malaise dans cette école…à commencer par le fait qu’elles ne sont que quatre pensionnaires…

★★★☆☆

Amateurs de mystères et de romans gothiques façon 19e siècle, ce roman est fait pour vous ! Il y a indéniablement un petit goût de vieillot dans ce roman qui a quand même 40 ans, même s’il a été remanié par son auteur il y a quelques années (ce qui a sans doute aidé pour l’adaptation ciné à venir). Si Lois Duncan a ajouté des ordinateurs et des téléphones portables (inutiles très vite) histoire de s’intégrer dans le 21e siècle, les dialogues sont quant à eux restés très old school : on imagine mal quatre adolescentes s’exprimer aujourd’hui comme elles le font dans tout le roman. Mais c’est finalement ce qui fait aussi le charme désuet de cette histoire de fantômes. On a l’impression d’être hors du temps, dans un huis-clos angoissant où la résolution ne viendra que dans les dernières pages…s’il y en a une ! (héhé, non je ne vous dis rien) Les personnages sont attachants, particulièrement Kit et Sandy, on se laisse assez vite emporter par l’ambiance et dans le mystère qui entoure cette étrange pension dont la froide Mme Duret garde bien les secrets. De quoi donner un film inquiétant… 🙂

Blackwood, le pensionnat de nulle part, Lois Duncan (Hachette)
collection Black Moon
disponible le 26 août 2015
9782012036475 – 16€
à partir de 13 ans