Galerie
3

Missouri 1627 – Jenni Hendriks et Ted Caplan

Veronica est l’élève parfaite : belle, brillante, très populaire, elle vient d’être admise dans une prestigieuse fac américaine. Une jeune fille bien sous tout rapport, qui n’a jamais créé de vagues ni de soucis à ses parents catholiques. Alors quand elle découvre qu’elle est enceinte, alors qu’ils avaient pris toutes leurs précautions avec son petit ami… son monde s’écroule. Raconter à sa famille qu’elle a eu des relations sexuelles n’est vraiment pas au programme, sinon ils l’obligeraient à se marier et à garder l’enfant. Elle doit donc avorter de manière discrète. Sauf que l’état le plus proche qui accepte qu’une mineure se fasse avorter, sans accord parental, est à 1627 km de chez elle. Ne pouvant s’y rendre seule, elle se tourne vers la seule personne au courant de sa situation (par malchance) son ancienne meilleure amie Bailey, devenue une punk à la réputation très sulfureuse et pas fréquentable. Les voilà en route pour un road trip qui s’annonce effréné !

Missouri 1627 est une comédie sur l’avortement très bien ficelée, complètement loufoque parfois, dont on parcourt les pages comme les deux héroïnes parcourent les kilomètres. Fluide, rapide, efficace. Les chapitres sont notamment nommés Kilomètre 0, Kilomètre 92, etc et s’enchaînent tels des épisodes de série (on pensera à Sex Education) avec un style très imagé et beaucoup de dialogues succulents. Ce n’est donc pas une surprise de découvrir que les auteurs sont scénaristes et que le livre a déjà été adapté : Unpregnant sorti en 2020.

Veronica et Bailey sont deux filles que tout opposent. Durant des années, Veronica n’a pas adressé la parole à Bailey, ne voulant pas abimer l’image de perfection qu’elle donne aux autres, en côtoyant quelqu’un qui se moque autant des conventions. Pourtant Bailey est là, tandis que Veronica est incapable de mettre dans la confidence ses « vraies » amies et leur fait croire qu’elle passe un week-end en amoureux avec Kévin, son petit ami parfait.

Ce road trip est chargé de remises en question, de disputes, de légèreté, de conversations autour de l’éducation et du jugement des autres. Quel est le prix pour la popularité de Veronica si elle doit faire cet avortement en cachette ? Mais l’aventure est aussi au rendez-vous avec des rencontres hasardeuses, des courses-poursuites, un lancé de furet, une visite dans un strip-club. Le voyage n’est pas de tout repos ! Pas le temps de se reposer, surtout que Bailey veut faire de ce week-end une aventure qui va marquer leur vie.

🏆 Mention spéciale pour le personnage de Kevin, pur exemple de masculinité toxique, petit ami collant, dangereux, détestable qui revient toujours tel un zombie dont l’on n’arrive pas à se débarrasser.

Missouri 1626, une comédie sur l’avortement ? Oui mais pas que ! Le fil rouge de ce roman reste la liberté d’être et d’aimer qui l’on souhaite sans avoir peur du jugement des autres et surtout de faire ce que l’on veut de son corps. Les auteurs, avec humour, arrivent à ne pas banaliser pour autant l’avortement et de faire de ce roman une très belle histoire d’amitié !

Missouri 1627, Jenni Hendriks et Ted Caplan, traduit par Sidonie Van den Dries (Bayard)
disponible depuis le 24 février 2021
9791036303685 – 15,90€
à partir de 14 ans
Son
0

Si tu vois le Wendigo – Christophe Lambert

Dans l’Amérique des années 1950, en plein été, David et son ami Bobby Lee s’ennuient et s’amusent dans leur quartier parfait où rien ne se passe jamais. Mais un soir, alors qu’ils s’apprêtent à rentrer, ils voient une femme hagarde, complètement nue, la bouche en sang, se diriger vers eux… Il s’agit de leur voisine, Ruth Bannerman, qui fait une crise de somnambulisme selon son mari. Si Bobby Lee oublie vite l’incident, David, lui, n’y parvient pas et, bientôt, l’étrangeté s’invite dans sa vie…

Si l’histoire se déroule dans les années 50, elle nous est en réalité racontée par un David beaucoup plus vieux, une soixantaine d’années plus tard. Déjà gamin, il aimait écrire des histoires, des petites nouvelles fantastiques et, désormais, le voilà un écrivain célèbre qui revient sur un souvenir inoubliable de son passé. L’hommage à Stephen King est bel et bien là et ne vous quittera pas tout le long du roman, où l’on sent l’influence du romancier américain. Ainsi, après cette rencontre un peu effrayante avec Ruth qui ouvre le roman, nous allons suivre David dans son questionnement sur ce qui a pu arriver à sa voisine et, par la même occasion, l’adolescent va se découvrir des sentiments pour une femme bien plus âgée que lui. S’il est compliqué de vous dire s’il s’agit d’un roman fantastique ou d’une histoire d’amour impossible, Si tu vois le Wendigo est en tous cas un roman à l’atmosphère particulière, qui ne nous laisse pas indifférent. Dans cette Amérique fantasmée des années 1950, où l’accès au rêve américain semble être à portée de mains, David va découvrir peu à peu que tout n’est pas aussi beau et aseptisé que ce lotissement tout neuf dans lequel il vit et où tout le monde se connaît. Le vernis se craquèle, tout comme l’insouciance de notre héros, et le Wendigo, cette étrange créature dont il fait bientôt la connaissance, apporte une dimension décalée et étrange qui interrogera David autant que le lecteur.

Christophe Lambert nous offre ici un roman à l’atmosphère fascinante et nous emmène dans des territoires littéraires complètement différents au fur et à mesure que l’on tourne les pages : chronique douce-amère d’une adolescence à une époque révolue (et parfaitement documentée, les petits détails sont un régal !), récit fantastique qui apporte une touche d’angoisse, thriller intense à la résolution mortelle. Envoûtant !

Si tu vois le Wendigo, Christophe Lambert (Syros)
disponible depuis le 11 février 2021
9782748527254 – 16,95€
à partir de 13 ans
Son
0

Moi aussi je sais voler – Amy Reed

Dans le comté de Fog Harbor, on n’a pas beaucoup de choix de la vie. Ou on travaille au Big Mart, ou à la prison. Billy et Lydia sont deux adolescents qui font leur entrée en terminale après la fusion des lycées de leurs deux villes rivales. Complètement en marge de leurs congénères, ils vont se trouver et, alors que tout semble se déliter autour d’eux, apprendre à se connaître et à se pousser, l’un l’autre, hors de leurs habitudes et de leur petite vie sans histoire… ou presque !

Voilà une expérience de lecture bien singulière ! Dès les premières pages, Amy Reed nous transporte dans une Amérique alternative mais clairement inspirée de la gouvernance de Trump, où c’est un roi imbu de lui-même et inconscient qui est à la tête du pays. Alors que l’on découvre le lieu de vie de Billy et de Lydia : deux villes qui s’affrontent depuis toujours – l’une revendiquant sa rock star mondiale (et accessoirement oncle de Billy) l’autre sa série de romans de fantasy à succès (faite de dragons et de licornes) – et qui semblent tomber en décrépitude, d’étranges phénomènes vont peu à peu perturber nos personnages tout comme nos propres sensations. Et c’est sans doute la force de ce roman qui nous ballote entre l’étrangeté et le réalisme social, qui brouille la frontière entre le fantastique et le réel pour nous offrir une lecture vraiment originale et marquante.

Critique sans équivoque de l’Amérique de Trump, Moi aussi je sais voler et aussi, et surtout, le magnifique portrait de deux jeunes gens en perte de repères, qui se sentent différents et pour qui l’avenir n’existe pas en dehors de leur environnement immédiat. Malgré l’optimisme et la naïveté de Billy, auquel on s’attache dès les premiers pages, la vie ne lui fait aucun cadeau et son horizon est aussi bouché que celui de Lydia, jeune fille cynique qui garde tout en elle. Leur rencontre et leur amitié naissante va tout chambouler autour d’eux et, bien sûr, les amener à s’ouvrir et à prendre leurs propres décisions.

Une lecture très étonnante, qui rappelle certains romans de Patrick Ness dans cette étrangeté et la symbolique du propos. C’est à la fois drôle et désespérant, passionnant et oppressant mais surtout, une très belle histoire d’amitié, d’émancipation et d’acceptation de soi. A découvrir !

Moi aussi je sais voler, Amy Reed, traduit par Valérie Le Plouhinec (Albin Michel Jeunesse)
disponible depuis le 6 janvier 2021
9782226443809 – 19,90€
à partir de 14 ans
Son
0

Pour la beauté du geste !

Nos deux héroïnes du jour ont en commun la réalisation d’exploits sportifs remarquables. Traverser les Etats-Unis d’ouest en est en courant, grimper sur le plus haut sommet du monde : ça vous en bouche un coin, hein ? Heureusement, ces incroyables efforts qui nous font déjà suer sont littéraires et, s’ils vous laisseront peut-être pantelants après votre lecture, vous en ressortirez en revanche sans courbatures et avec deux modèles d’une jeunesse engagée ! Prêts ? Partez !

A en perdre haleine – Deb Caletti

Un soir, après être allée chercher un burger, Annabelle décide de tout laisser en plan, et se met à courir. Elle ne s’arrêtera pas avant d’avoir atteint Washington, la capitale, soit l’exact opposé de sa position sur la carte. Accompagnée par son grand-père qui la suit en camping-car, Annabelle court car elle a quelque chose à dire, un combat à mener.

Et ce combat, on le découvrira au fur et à mesure des révélations qu’Annabelle nous confiera. On le devine en filigrane, une tragédie a frappé la vie de l’adolescente et la course devient sa façon de réagir, de se sortir de ce statut de victime qu’on lui attribue depuis lors, de faire passer un message, d’accepter, peut-être, ce qui lui est arrivé, et de trouver une forme d’apaisement. Le roman nous tient en haleine, de la même manière qu’Annabelle travaille son souffle pour tenir un marathon de près de cinq mois. La façon de toucher du doigt le cœur du sujet, avant qu’Annabelle ne le repousse, est parfois un peu agaçant pour le lecteur, mais participe à l’attachement pour cette héroïne qui n’a pas conscience d’inspirer, que son message peut aller au-delà de sa propre expérience. De jolies rencontres émaillent l’aventure d’Annabelle, mettent en perspective son histoire et montrent l’intérêt grandissant du grand public pour son combat. Deb Caletti nous offre un roman sensible, aux réflexions sociétales fortes, même si parfois un peu trop appuyées (les attentes de la société sur la façon dont « doivent être » les filles, par exemple, sont clairement indispensables, mais ce n’est pas toujours amené très subtilement). Engagé et inspirant !

A en perdre haleine, Deb Caletti, traduit par Maud Desurvire (PKJ)
disponible le 3 septembre 2020
9782266292962 – 18,50€
à partir de 14 ans

8848 mètres – Silène Edgar

Mallory a quinze ans et est la plus jeune alpiniste à tenter l’ascension de l’Everest. Avec son père, ils s’entraînent depuis toujours et, cette fois, ils se lancent dans cette incroyable aventure. Avec leur équipe, ils se préparent, évaluent les risques et découvrent ce parcours d’ascension qui ne ressemble à rien de ce qu’ils avaient fait jusqu’à présent…

Et Mallory va découvrir bien plus que le « simple » exploit sportif de gravir le sommet de l’Everest du haut de son adolescence. Car l’Everest, ce n’est pas n’importe quelle montagne. Alors que la jeune fille doit composer entre l’attention portée à sa santé, son oxygène et le froid capable de la tuer, elle est aussi malgré elle une curiosité qui pousse les médias à s’intéresser à son périple, lui demandant l’effort supplémentaire de réaliser des interviews. Silène Edgar nous invite ainsi à découvrir la manière dont se prépare une telle ascension, entre passages très descriptifs du trajet, de la façon dont tout cela s’organise, et des moments plus introspectifs qui nous emmènent aux côtés de Mallory et de la révélation que va être l’Everest pour elle. Car si, au départ, il s’agissait surtout de réaliser cet exploit avec son père, gravir l’Everest c’est aussi découvrir tout ce que cela recouvre : la pollution importante à quelques mètres du sommet et les effets du réchauffement climatique, la mort inéluctable au moindre faux pas, et la philosophie bouddhiste autour de la montagne. Un parcours initiatique qui va ainsi bien au-delà de l’exploit sportif pour se découvrir soi et le monde qui nous entoure. Un roman tout aussi engagé que le précédent, sur la préservation de la nature, avec une héroïne toute aussi attachante et déterminée.

8848 mètres, Silène Edgar (Casterman)
collection Ici/maintenant
disponible depuis le 10 juin 2020
9782203064317 – 16€
à partir de 12 ans
Galerie
0

L’âge des possibles – Marie Chartres

Chicago. Saul et Rachel y sont en amoureux pour faire leur Rumspringa, une parenthèse hors de la communauté amish, qui leur permettra de découvrir le monde moderne pour le rejeter en toute connaissance de cause. Temple, quant à elle, doit quitter sa petite vie casanière pour rejoindre sa sœur à Chicago, mais la peur la paralyse. Dans cette immense ville, celle qui se pose trop de questions et ceux qui devraient ne pas s’en poser vont se perdre et se trouver. Mais ils vont aussi trouver des réponses qu’ils auraient peut-être préféré ignorer…

A chaque chapitre, nous entendons une voix différente. Toutes ces voix expriment avec justesse la ferveur et le doute de l’adolescence. Le couple Saul et Rachel vont connaître, grâce à ce voyage, le monde des empressés, notre monde à nous : le métro, l’ignorance des gens, le bruit mais aussi le goût des bonbons, la ferveur de la ville, le chamboulement du désir et l’Art qui prend une grande place dans ce roman… C’est un bonheur que de parcourir avec eux la ville. L’autrice nous la fait découvrir à travers tous les sens : le goût, les odeurs, les couleurs… C’est poétique et très touchant de parcourir notre monde à travers leurs regards naïfs.

Quel plaisir de retrouver la narration de Marie Chartres qui a le goût des mots. Dans ce roman, on trouve de la poésie dans les dialogues, de la justesse de cœur mais aussi de l’élégance et de l’humour face au monde. Le duo d’amoureux m’a bouleversée dans leurs questionnements, la conscience qu’ils ont de leur éducation, leurs doutes et leur tendresse l’un envers l’autre.

« J’ai observé Rachel à la dérobée. Je savais qu’elle avait adoré la phrase que venait de prononcer cet homme. Elle est tellement attentive aux mots. Rachel est comme cela, elle aime quand l’intime surgit accidentellement, tel un animal sauvage au détour d’un virage. Elle aime, malgré tout, les joyeux petits accidents dans les phrases et les yeux des gens. Je pense qu’elle ne le sait pas, mais moi, je le sais. »

Ce roman nous transporte dans l’adolescence, cet âge des possibles où tout peut basculer, où l’on comprend que la vie a toujours plus d’imagination que nous.

Un roman touchant qui nous embarque dans ce moment d’émerveillement, de liberté, qui parlera à tout les adolescents. Il faut savoir que Bob et Lisette adorent la plume de Marie Chartres, vous pouvez retrouver les chroniques de ces précédents romans. Ce roman est à la hauteur de ses précédents, lisez-le les yeux fermés ! (Bob me dit à l’oreille que ce ne sera pas pratique… aucune imagination)

L’âge des possibles, Marie Chartres (l’école des loisirs)
collection Médium
disponible depuis le 19 août 2020
9782211309714 – 15€
à partir de 14 ans
Son
2

Sans foi ni loi – Marion Brunet

Garett a seize ans quand il se fait kidnapper par Ab Stenson, une dangereuse braqueuse de banques, et meurtrière, recherchée par le marshal. Bien vite, pourtant, Garett n’est pas aussi prisonnier qu’il le croit et c’est avec fascination et de son plein gré qu’il suit la fugitive dans ce qui va se révéler une aventure bien plus grande qu’il ne le pensait…

Wow ! Quand Marion Brunet dégaine le colt, ça rigole pas ! Après des récits réalistes et souvent engagés, la voilà qui nous transporte dans le Far West des cow-boys crasseux, des saloons où whisky et bagarres se mêlent aux formes généreuses des filles de joie, des attaques de train et des duels au soleil. Bref, on y retrouve tout le folklore…à une différence près : la place de la femme. Car la force du roman réside dans la figure d’Abigaïl Stenson, cette femme totalement libre, que l’on découvre à travers les yeux de Garett, qui nous fascine tout comme lui, dont le sourire est un mystère, l’histoire une légende. Il y a du Calamity Jane en Ab, on y pense forcément. Mais il y a surtout le portait d’une femme qui dérange la bien-pensance, d’une femme qui a décidé de prendre son destin en main et de vivre selon ses propres règles : celles de la liberté. Et c’est aussi l’idéal que va suivre Garett, alors qu’il découvre un véritable monde, lui qui n’était jamais allé au-delà de la propriété de son père, pasteur à la poigne de fer.

Marion Brunet nous offre là un roman fulgurant, aussi âpre que sensible, et parfaitement rythmé. Ses personnages sont furieusement justes, alors qu’on s’attache à ce duo aussi atypique que nécessaire, à cette femme absolument magnifique de détermination et à ce garçon qui va connaître une maturité précipitée. Marion Brunet nous offre une histoire sans complaisance, qui vous surprendra sans aucun doute et qui va bien au-delà du simple récit d’aventure. On se laisse emporter dans son atmosphère pleine de poussière et d’effluves d’alcool, son style nerveux et tout en tension, pour arriver à des destins de personnages, aussi complexes que touchants. On en redemande, Miss Marion ! 😉

Sans foi ni loi, Marion Brunet (PKJ)
disponible depuis le 5 septembre 2019
9782266294195 – 16,90€
à partir de 13 ans
Son
0

Le dernier sur la plaine – Nathalie Bernard

En 1860, Kwana, jeune indien comanche, voit son père, le grand chef Peta Nocona, se faire assassiner et sa mère et sa petite sœur enlever par les Texas Rangers. Dernier rescapé de sa tribu, il rejoint d’autres guerriers, avec l’espoir de se venger. Mais Kwana et les autres tribus indiennes vont devoir faire face à bien d’autres dangers car le Président Grant a décidé que rien n’arrêterait son désir de « civiliser » les plaines…

Après nous avoir fait découvrir le sort réservé aux Indiens au Canada il n’y a pas si longtemps de ça (et de manière encore plus récente dans deux thrillers plus contemporains), Nathalie Bernard continue à explorer la vie et le destin d’un peuple en nous emmenant cette fois dans les Etats-Unis de la fin du XIXe siècle, à la rencontre du dernier chef comanche libre. Car le roman est en effet inspiré librement de la vie de Quanah Parker, qui fut le fils d’un grand chef indien et d’une femme blanche, enlevée lors d’un raid. Symbole de la fin d’une ère, qui voit la fin du mode de vie des Amérindiens, privés de leurs ressources « naturelles » après l’extermination des bisons, forcés de rejoindre des réserves où ils sont privés de leurs libertés, Kwana est aussi celui d’un monde nouveau, où vont devoir cohabiter les deux facettes de ses origines.

Comme dans ses précédents romans, Nathalie Bernard nous offre un récit extrêmement prenant et passionnant, qui nous transporte littéralement sur le dos d’un mustang lancé au galop, à savourer l’immensité des grandes plaines et des territoires comanches. Récit d’aventure surtout, on suit le jeune Kwana dans cette incessante bataille pour protéger les siens et cette culture à laquelle on veut leur faire renoncer. Si les éléments biographiques sont là, forcément, la construction de l’histoire, découpée selon les différents « noms » de Kwana et vue à travers ses propres yeux, la rend particulièrement émouvante. L’écriture sensible et sans manichéisme de Nathalie Bernard, que l’on appréciait déjà dans ses précédents romans, confirme son talent de raconteuse d’histoires.
Si vous n’êtes pas encore convaincu, espérons que la magnifique couverture de Tom Haugomat, dont les couleurs et l’ambiance révèlent parfaitement le sentiment de lecture, le fera. 🙂

Le dernier sur la plaine, Nathalie Bernard (Thierry Magnier)
disponible depuis le 28 août 2019
9791035202729 – 14,80€
à partir de 13 ans
Son
0

Long way down – Jason Reynolds

Lorsqu’un type se fait flinguer dans le quartier de Will, il y a trois lois à respecter :
1 – Ne pas pleurer.
2 – Ne pas balancer.
3 – Se venger.
Quand c’est son frère qui se fait descendre, Will sait exactement ce qu’il doit faire.

★★★★☆

Se venger. Ouaip, tu as bien lu. Dans le quartier de Will, c’est œil pour œil. Un mec qui se fait buter = un autre mec qui se fait buter = encore un autre qui se fait buter… tu vois le topo. Ce jour-là, c’est Shawn qui se fait abattre au beau milieu de la rue. Il était parti faire une course pour sa mère et BAM ! Mort. Évidemment, personne n’a rien vu. Encore moins quand c’est la flicaille qui pose la question. Pourtant, Will sait qui a tué son frère. Il n’a même pas besoin d’y réfléchir. Juste le temps de prendre un gun et le voilà en route pour sa vengeance. Dans l’ascenseur qui l’emmène au rez-de-chaussée de son immeuble, pendant les soixante secondes de la descente, Will n’a plus que cette idée en tête. Mais comme un coup du sort, la machine s’arrête à chaque étage. Et à chaque étage, quelqu’un monte. Des souvenirs, des fantômes du passé, tous assassinés, tous victimes de ces trois lois.

Une histoire terrible mise en vers par Jason Reynolds, un auteur et poète américain très prolifique que nous découvrons seulement chez nous avec cet excellent roman. On ne peut que saluer le choix d’Insa Sané (slameur et auteur que vous connaissez forcément pour sa Comédie Urbaine chez Sarbacane) pour la traduction, qui retranscrit toute la musicalité et la singularité de la poésie de Jason Reynolds. Un roman d’une grande puissance émotionnelle grâce à ce huis-clos oppressant qui laisse Will aux prises avec les fantômes de son passé, avec ses doutes, son désir de vengeance. Un huis-clos également glaçant, par les témoignages de tous ces proches assassinés, et qui nous laissera juge de l’issue de cette spirale de violence et de vengeance. Un roman social que Jason Reynolds dédie à tous les jeunes gens incarcérés aux États-Unis, qui n’ont pas su briser le cercle vicieux de leur violence quotidienne. Puissant !

Long way down, Jason Reynolds, traduit de l’anglais par Insa Sané (Milan)
disponible depuis le 3 avril 2019
9782408004736 – 15,90€
à partir de 14 ans
Son
0

Longtemps, j’ai rêvé de mon île – Lauren Wolk

Abandonnée à la naissance dans une barque à la dérive, Corneille est recueillie par Osh, qui vit sur une petite île au large du Massachussetts. Son enfance est rythmée par la pêche aux homards, aux moules et les leçons avec Miss Maggie. Mais en grandissant, la petite se pose de plus en plus de questions sur ses origines : d’où vient-elle ? Qui sont ses parents ? Pourquoi tout le monde a-t-il peur d’elle…est-ce parce qu’elle pourrait venir de l’île de Penikese où se trouvait à l’époque une léproserie ?

★★★★★

Après la belle découverte que fut La combe aux loups paru l’année dernière (terrible roman sur les préjugés et le mensonge en pleine Seconde guerre mondiale), l’école des loisirs nous fait le plaisir de continuer à explorer l’œuvre de Lauren Wolk, qui nous emmène cette fois dans les États-Unis des années 1920. Cette fois encore, nous sommes dans un décor très rural, ici insulaire, où l’on découvre la vie simple et pourtant comblée d’une petite fille élevée par un homme au passé mystérieux qui s’est délesté de son ancienne vie pour s’échouer sur une île quasi-perdue. Mais l’amour de Osh et la gentillesse de Miss Maggie ne suffisent bientôt plus à Corneille qui éprouve un véritable manque : celui de ses origines. Lorsqu’un garde champêtre s’installe sur l’île de Penikese qui fut autrefois le sanctuaire des lépreux, le désir de Corneille de connaître son passé va la pousser à s’engager dans une enquête qui risque fort de ne pas être aussi simple que cela et, surtout, plus dangereuse qu’elle ne le croit…

La particularité des romans de Lauren Wolk, c’est l’atmosphère. Un rythme lent, poétique, qui invite à prendre le temps de rentrer dans le roman. Une fois que l’on a accepté cela, on se laisse emporter par ses personnages rudement bien écrits – Corneille en tête, bien sûr, mais la relation qui la lie à Osh est absolument magnifique d’émotion et de retenue – et son histoire passionnante et documentée, depuis la recherche d’un trésor de pirate à la quête initiatique en passant par des naufrages et une rencontre terrifiante…

Longtemps j’ai rêvé de mon île est un roman émouvant et poétique, que j’ai sans doute préféré au précédent de Lauren Wolk, pour son talent à construire une atmosphère empreinte de mystères et pour cette relation si belle et si profonde qui lie Corneille à Osh. La beauté de sa couverture achèvera, j’espère, de vous convaincre de découvrir ce merveilleux roman !

Longtemps, j’ai rêvé de mon île, Lauren Wolk, traduit par Marie-Anne de Béru (L’école des loisirs)
collection Medium
disponible depuis le 2 janvier 2019
9782211234481 – 16,50€
à partir de 12 ans
Son
0

Broadway Limited, t.2 Un shim sham avec Fred Astaire – Malika Ferdjoukh

C’est la fin du blog tour autour de Broadway Limited et, comme promis (mais avec un jour de retard), on vous donne notre avis sur ce tome 2 que l’on espérait depuis si longtemps ! 😀 En attendant les résultats du concours pour remporter les deux romans (il vous reste 2 petits jours, dépêchez-vous), n’hésitez pas non plus à (re)découvrir notre avis sur le premier tome ! A priori, notre chronique est sans spoilers et on vous propose de commencer la lecture avec le résumé du tome 2 par l’éditeur :

Janvier 1949. Six. Elles sont six à souffler sur leurs doigts quand le brouillard s’attarde sur New York. Avant de se réchauffer dans la cuisine de l’honorable pension Giboulée, où elles partagent aussi leurs rêves fous, leurs escarpins trop pointus et quelques pancakes joufflus. Un jour, elles seront comédiennes ou danseuses, et Broadway sera à leurs pieds. En attendant, Hadley, Manhattan, Page, Chic, Etchika et Ursula courent les théâtres, les annonces, les auditions, les cachets – New York est une ville fabuleuse à condition d’avoir des sparadraps dans son sac. Elles ont 19 ans ou à peine plus, et elles donneraient tout pour réussir, elles qui n’ont rien, en dehors de leur talent. Cela peut-il suffire dans cette Amérique d’après-guerre qui ne fait pas de cadeau ? Pas sûr. Mais si elles n’y croient pas, si elles n’y croient pas scandaleusement, qui y croira ?

★★★★★

Il nous aura donc fallu attendre trois ans pour découvrir la suite des aventures des pensionnaires de la maison Giboulée ! Et c’est avec délice que l’on se replonge dans ce New-York de la fin des années 1940 aux côtés de toutes ces jeunes filles rêvant de danse, de théâtre et de paillettes et de notre Jocelyn qui s’accoutume décidément plutôt bien à l’Amérique – ou peut-être Dido y est-elle pour quelque chose ? On appréciera d’ailleurs la scène d’ouverture, qui n’est pas sans rappeler celle du premier tome et qui ne manquera pas d’éveiller déjà une certaine curiosité à découvrir ce qui se cache dans ce nouveau roman…

Et si ça virevolte toujours autant, si ça s’amuse, s’aime et se défait, cette suite nous emmène également dans une période où la peur du communisme grandit et où les chasses aux sorcières ne sont pas loin de reprendre… Manhattan pourra vous en toucher deux mots ! Mais il y a aussi tous ces secrets, tous ces prétendants, toutes ces fêlures chez certaines, qui donnent un peu plus de mystère aux différentes intrigues… et tandis que des fils se dénouent, risquant à tout moment de définitivement éventer la surprise ou le secret, d’autres se tissent… Et c’est là encore tout le talent de Malika Ferdjoukh que de mêler l’insouciance de ces jeunes filles qui ne veulent passer leurs soirées qu’à danser à des mystères dissimulés et potentiellement dangereux… Si je dois avouer commencer à avoir une petite préférence pour l’histoire d’Hadley, une belle surprise nous attend également dans ce Shim sham avec Fred Astaire puisque l’on y découvre aussi une partie du passé d’Artemisia, surnommée le Dragon, l’une des propriétaires de la pension. Ne vous laissez donc pas subjuguer par la présence de Billie Holliday avec qui vous allez partager un verre, ou celle de cette petite miss Kelly qui fait des publicité pour des désodorisants, ou encore par celle de Fred Astaire qui pourrait bien vous proposer de danser avec lui…et soyez attentifs à tous les petits détails qui pourraient bien se révéler d’importance et dont on découvrira – on espère dans pas trop longtemps – le fin mot de l’histoire puisqu’il est déjà annoncé un tome 3 qui portera le titre d’Un thé avec Grace Kelly… Le croirez-vous si on vous dit qu’on a hâte ? 😛

Broadway Limited, t.2 Un shim sham avec Fred Astaire, Malika Ferdjoukh (L’école des loisirs)
collection Médium
disponible le 7 novembre 2018
9782211234849 – 18,50€
à partir de 13 ans