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Pour la beauté du geste !

Nos deux héroïnes du jour ont en commun la réalisation d’exploits sportifs remarquables. Traverser les Etats-Unis d’ouest en est en courant, grimper sur le plus haut sommet du monde : ça vous en bouche un coin, hein ? Heureusement, ces incroyables efforts qui nous font déjà suer sont littéraires et, s’ils vous laisseront peut-être pantelants après votre lecture, vous en ressortirez en revanche sans courbatures et avec deux modèles d’une jeunesse engagée ! Prêts ? Partez !

A en perdre haleine – Deb Caletti

Un soir, après être allée chercher un burger, Annabelle décide de tout laisser en plan, et se met à courir. Elle ne s’arrêtera pas avant d’avoir atteint Washington, la capitale, soit l’exact opposé de sa position sur la carte. Accompagnée par son grand-père qui la suit en camping-car, Annabelle court car elle a quelque chose à dire, un combat à mener.

Et ce combat, on le découvrira au fur et à mesure des révélations qu’Annabelle nous confiera. On le devine en filigrane, une tragédie a frappé la vie de l’adolescente et la course devient sa façon de réagir, de se sortir de ce statut de victime qu’on lui attribue depuis lors, de faire passer un message, d’accepter, peut-être, ce qui lui est arrivé, et de trouver une forme d’apaisement. Le roman nous tient en haleine, de la même manière qu’Annabelle travaille son souffle pour tenir un marathon de près de cinq mois. La façon de toucher du doigt le cœur du sujet, avant qu’Annabelle ne le repousse, est parfois un peu agaçant pour le lecteur, mais participe à l’attachement pour cette héroïne qui n’a pas conscience d’inspirer, que son message peut aller au-delà de sa propre expérience. De jolies rencontres émaillent l’aventure d’Annabelle, mettent en perspective son histoire et montrent l’intérêt grandissant du grand public pour son combat. Deb Caletti nous offre un roman sensible, aux réflexions sociétales fortes, même si parfois un peu trop appuyées (les attentes de la société sur la façon dont « doivent être » les filles, par exemple, sont clairement indispensables, mais ce n’est pas toujours amené très subtilement). Engagé et inspirant !

A en perdre haleine, Deb Caletti, traduit par Maud Desurvire (PKJ)
disponible le 3 septembre 2020
9782266292962 – 18,50€
à partir de 14 ans

8848 mètres – Silène Edgar

Mallory a quinze ans et est la plus jeune alpiniste à tenter l’ascension de l’Everest. Avec son père, ils s’entraînent depuis toujours et, cette fois, ils se lancent dans cette incroyable aventure. Avec leur équipe, ils se préparent, évaluent les risques et découvrent ce parcours d’ascension qui ne ressemble à rien de ce qu’ils avaient fait jusqu’à présent…

Et Mallory va découvrir bien plus que le « simple » exploit sportif de gravir le sommet de l’Everest du haut de son adolescence. Car l’Everest, ce n’est pas n’importe quelle montagne. Alors que la jeune fille doit composer entre l’attention portée à sa santé, son oxygène et le froid capable de la tuer, elle est aussi malgré elle une curiosité qui pousse les médias à s’intéresser à son périple, lui demandant l’effort supplémentaire de réaliser des interviews. Silène Edgar nous invite ainsi à découvrir la manière dont se prépare une telle ascension, entre passages très descriptifs du trajet, de la façon dont tout cela s’organise, et des moments plus introspectifs qui nous emmènent aux côtés de Mallory et de la révélation que va être l’Everest pour elle. Car si, au départ, il s’agissait surtout de réaliser cet exploit avec son père, gravir l’Everest c’est aussi découvrir tout ce que cela recouvre : la pollution importante à quelques mètres du sommet et les effets du réchauffement climatique, la mort inéluctable au moindre faux pas, et la philosophie bouddhiste autour de la montagne. Un parcours initiatique qui va ainsi bien au-delà de l’exploit sportif pour se découvrir soi et le monde qui nous entoure. Un roman tout aussi engagé que le précédent, sur la préservation de la nature, avec une héroïne toute aussi attachante et déterminée.

8848 mètres, Silène Edgar (Casterman)
collection Ici/maintenant
disponible depuis le 10 juin 2020
9782203064317 – 16€
à partir de 12 ans
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Amanda et les amis imaginaires – A.F Harrold

 

Rudger est le meilleur ami d’Amanda et son seul défaut est de ne pas réellement exister. Amanda Shuffleup : drôle de fillette, à l’imaginaire débordant passe qui le plus clair de son temps à s’amuser avec Rudger jusqu’au jour où un terrible accident chamboule tout…

★★★★☆

amandaamisimaginairesUn sacré petit roman !  Après l’accident d’Amanda, Rudger commence à s’estomper et pour continuer à vivre, il se doit de retrouver un autre enfant qui croirait suffisamment en lui. Très vite, la solitude gagne ce bonhomme qui part à la recherche de sa vie imaginée par Amanda. Un personnage imaginaire peut-il survivre sans son créateur ? Ce roman possède cette dimension terrifiante où un être tente de subsister dans un monde où tout est contre lui. Vous ne serez pas au bout de vos surprises lorsque vous rencontrerez Monsieur Butor qui a la réputation de hanter les mondes imaginaires. Sinistre, on raconte qu’il les mangerait…C’est brillant, dramatique et drôle. Les illustrations d’Emily Gravett ajoutent une force supplémentaire à cet ouvrage qui est déjà d’une belle originalité. Si vous connaissez le dessin animé Foster, la maison des amis imaginaires (oui, ici nous aimons Gulli et Cartoon Network), vous trouverez de petites similitudes qui raviront votre goût pour l’onirique, la fantaisie et où vous développerez un attachement certain aux personnages qui sont choux : Rudger est si gentil que la perspective de lui faire un câlin vous décrochera un sourire. Amanda est spirituelle et le fait qu’elle ne soit qu’une enfant provoque des situations farfelues nécessaires à l’histoire.

On peut tout de même se questionner sur la santé mentale de cette fillette. Ne faites pas « OHHH », je sais que tout le monde se pose la question. Elle va bien. Je vous le promets. On se dit que ses parents doivent être des gens horribles pour qu’une enfant soit poussée à l’extrême dans ses retranchements…mais il s’avère que sa maman est une femme tout à fait réconfortante, posée, délicieuse et son instinct maternel ne lui impose pas d’emmener sa fille consulter un psychiatre. Elle préfère jouer le jeu de son enfant, tout simplement. N’est-ce pas pendant l’enfance que l’imaginaire se doit de ne pas être brisé par un autre que soi-même ?

Amanda et les amis imaginaires, A.F Harrold & Emily Gravett (illustratrice)
(Seuil Jeunesse)
disponible depuis le 1er octobre 2015
9791023504088 – 15€
à partir de 10 ans