Son
0

Le jour où je suis mort, et les suivants – Sandrine Beau

Lenny, Saphir, Biscotte et Esteban sont quatre garçons en prise avec un mal-être qu’ils tentent de dissimuler, de cacher à leur entourage ou au contraire de dire, d’exprimer, bien que personne ne semble comprendre. Tous les quatre sont, ou ont été, victimes de violences sexuelles.

Il y a quelques années, Sandrine Beau traitait déjà avec beaucoup de justesse le sujet des regards, des paroles ou des gestes déplacés d’un adulte sur une jeune adolescente dans La porte de la salle de bain. Dans ce nouveau roman, elle réussit encore une fois à se faire la voix de ces quatre garçons abusés dans leur enfance ou leur adolescence par des adultes. Lecture difficile et bouleversante par son sujet, d’autant plus avec le premier chapitre qui nous fait découvrir Lenny et ses tentatives de mettre fin à ses jours, chaque protagoniste va nous livrer son histoire à travers leur infinie détresse, leur honte, leur dégoût de soi, leur incompréhension ou leur haine, et, pour certains, leur résilience. Roman à quatre voix, tout ne nous est pas raconté de la même manière, parfois en « je », une autre fois sous forme de journal intime, ou encore par l’un des garçons devenu adulte, permettant ainsi d’écouter chacun à son propre rythme, nous révélant quand il le souhaite, quand il se sent prêt, ce qui lui est arrivé. Une libération de la parole qui trouvera tout son sens lors d’une salutaire journée de lycée.

« Ça n’arrive pas aux garçons ce genre de choses ». Sujet tabou qui persiste, à cause de ce que la société attend encore et toujours d’un garçon, Sandrine Beau montre l’emprise, l’abus de pouvoir, que ces adultes – souvent des proches – ont sur ces jeunes, rendant la dénonciation encore plus difficile. Et jamais, jamais, Sandrine Beau ne tombe dans le pathos ou le glauque. Elle nous rend les émotions, les cheminements de pensée, les vérités de chacun, avec subtilité et finesse. Elles n’en sont pas moins graves ou poignantes pour autant, mais on peut véritablement saluer l’intelligence de l’écriture et du scénario. Un roman court, tout en tension, qu’on lit d’un seul souffle. Percutant, sensible et assurément indispensable.

Le jour où je suis mort, et les suivants, Sandrine Beau (Alice jeunesse)
collection Tertio
disponible depuis le 8 octobre 2020
9782874264368 – 12€
à partir de 13 ans
Son
0

Des grands-mères en danger

Ils ne sont peut-être pas pour le même public, mais nos deux romans du jour abordent la relation d’enfants et adolescents avec leurs grands-mères, surtout quand celles-ci sont en danger… Frissons garantis !

Peur dans la neige

Fleur et son frère jumeau Julius vivent temporairement chez leur grand-mère. Une nuit, Fleur remarque de la lumière dans la forêt et, poussée par la curiosité, décide d’aller voir ce qui se trame. Qu’elle n’est pas sa surprise quand elle découvre un trésor ! Persuadée que cela pourra venir en aide à ses parents, elle s’empare du butin…provoquant une terrible réaction en chaîne…

★★★★☆

Sandrine Beau nous avait déjà bien fait flipper avec Toute seule dans la nuit ou encore Traquées ! Elle réussit encore une fois à nous embarquer avec efficacité et grelottements dans un polar bien ficelé, à destination des jeunes lecteurs. Un huis-clos aussi glaçant que la saison durant laquelle l’histoire se déroule, qui fait la part belle à des jeunes adolescents débrouillards et courageux et à une grand-mère peut-être en fauteuil roulant mais certainement pas « diminuée » ! Une mamie à la fois drôle et bravache qui fera tout aussi pour protéger ses petits-enfants. Décidément, Sandrine Beau est vraiment très forte quand il s’agit d’associer le suspense haletant du roman policier à la sensibilité des relations familiales. Idéal pour frissonner par temps de canicule ! On en redemande… 😀

Peur dans la neige, Sandrine Beau (Mijade)
collection Zone J
disponible depuis le 21 mars 2019
9782874231094 – 6€
à partir de 10 ans

 

La maison des oiseaux

Pour Zoé, harcelée par sa cousine, ses camarades et incomprise par ses parents, sa grand-mère est sa seule amie et elle se réfugie dès que possible chez elle, à la maison des Oiseaux. Mais mamie perd la tête, et les parents de Zoé décident de la placer dans une maison de retraite. Inimaginable pour Zoé comme pour sa grand-mère, qui souhaite mourir chez elle. Alors Zoé décide de fuguer, et d’emmener sa grand-mère avec elle pour retrouver un oncle qu’elle croyait disparu…

★★★★☆

Les secrets de famille sont au programme du nouveau roman d’Allan Stratton ! Mais c’est surtout la relation fusionnelle entre une adolescente et sa grand-mère atteinte de démence qui nous touche, et la difficulté pour Zoé de faire entendre sa voix tant elle est écrasée par une cousine horrible et des parents que la précarité obnubile au point de ne pas voir le mal-être de leur propre fille. La solitude de l’adolescence et la solitude de la vieillesse se mêlent alors, ne trouvant aucune échappatoire et aucun soutien familial, à moins de retrouver cet oncle dont personne ne parle jamais et qui, selon les paroles de la grand-mère de Zoé, se serait occupé d’elle, lui… Le roman devient passe alors par la case road-trip, et montre toute les difficultés rencontrées – et le courage ! – d’une jeune fille qui ferait tout pour donner à sa grand-mère la fin qu’elle mérite. Un roman bouleversant, aux thématiques fortes et rugueuses, comme sait si bien les faire Allan Stratton.

La maison des oiseaux, Allan Stratton, traduit par Sidonie Van den Dries (Milan)
disponible depuis le 29 mai 2019
9782745995872 – 15,90€
à partir de 13 ans
Son
0

La porte de la salle de bain – Sandrine Beau

9782362661334,0-2747352

Avec tous les livres de la collection Ego que nous avons chroniqué ici, vous savez désormais qu’il faut s’attendre à des sujets toujours forts et pleinement ancrés dans la société. Le nouveau roman de Sandrine Beau ne déroge pas à cette volonté de faire réfléchir, propre à Talents Hauts. 🙂

Mia, 11 ans, se réjouit de voir son corps entrer dans l’adolescence. En effet, ses seins commencent à pousser. Tous les jours, elle attend avec impatience devant le miroir de sa salle de bain de les voir grossir. Jusqu’au jour où son beau-père prend l’habitude d’entrer dans la salle de bain lorsqu’elle se douche…

★★★★★

Vous avez deviné le sujet du roman, à quelques pas de la pédophilie. Un sujet difficile à évoquer en littérature comme dans la vraie vie… C’est d’ailleurs tout le problème de Mia, qui ne parvient pas à en parler autour d’elle et qui n’arrive même pas à mettre les mots sur ce qu’il se passe, sur ce qu’elle vit. S’agit-il d’un accident, d’une coïncidence si son beau-père entre toujours au moment où elle prend sa douche ? On sent l’angoisse monter en Mia petit à petit et cette détresse que personne ne semble voir. Tout le talent de Sandrine Beau réside dans cette maîtrise de son intrigue, cette peur qui s’insinue dans notre esprit de lecteur, cette tension à découvrir la suite. Elle parvient aussi à rendre avec beaucoup de finesse les émotions de cette jeune fille de 11 ans au seuil de l’adolescence, qui était ravie de voir son corps changer, jusqu’à ce que les regards sur elle changent aussi, et notamment ceux des hommes. Je ne vous en dis pas plus sur l’histoire et sa fin (même si elle est connue dès le début), mais j’ai beaucoup aimé comment l’autrice a traité le sujet. Il n’y a pas de rage, pas de colère dans les mots de Mia, on sent même une très grande douceur (surtout au début du roman, bien sûr), ce qui nous permet d’entrer dans la problématique sans brusquerie et d’insister sur le besoin de respecter l’intimité des jeunes adolescents. L’écriture de Sandrine Beau n’en est que plus délicate et son histoire une réussite. Un texte qui pourrait d’ailleurs être lu par un public un peu plus jeune que celui ciblé d’habitude par la collection, grâce à cette écriture accessible et ce fin traitement du sujet et qui permettra, peut-être, d’inciter à dire les choses.

La porte de la salle de bain, Sandrine Beau (Talents Hauts)
collection Ego
disponible le 1er octobre 2015
9782362661334 – 7€
à partir de 12 ans