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La tête ne sert pas qu’à retenir les cheveux – Sabine Panet et Pauline Penot

9782364747265

Après Le cœur n’est pas un genou que l’on peut plier, Sabine Panet et Pauline Penot nous proposent une nouvelle évocation de la famille Bocoum.

Awa Bocoum a 16 ans et apprivoise son corps de femme avec difficulté. Lorsqu’elle rencontre une gynécologue, elle apprend qu’elle a été excisée. Elle n’a jamais entendu ce mot et face à cette pratique d’un autre temps, c’est la colère qui la gagne. Puis la volonté de protéger ses petites sœurs.

★★★★☆

Je n’avais pas lu le précédent roman sur la famille Bocum et, s’il y a sans doute des choses qui m’ont échappé, cela ne m’a pas gênée dans cette lecture. Les personnages sont en effet réintroduits succinctement mais suffisamment clairement pour que l’on s’y retrouve tout de suite. 😉
Après un mariage forcé qui a finalement capoté, Awa se découvre une douleur à l’entrejambe. Une consultation au Planning familial va lui apprendre ce qui lui donne tant de souffrance : on lui a coupé une partie de son sexe. C’est une révélation pour elle, tant dans la découverte de son propre corps, presque taboue jusqu’alors, mais aussi sur les pratiques ancestrales qui touchent les filles africaines. Son dégoût et sa révolte sont immédiats, la colère contre sa mère, contre sa famille qui lui a caché ce qu’ils lui ont fait. Mais, surtout, c’est la peur que cela arrive à sa plus jeune sœur, Amayel, qui vient d’avoir un an.
Très bien écrit, le roman évoque avec justesse et précision les mutilations génitales féminines. Il est intéressant d’avoir les deux points de vue : celui des médecins et celui des femmes africaines pour qui il est important d’être excisée afin de s’intégrer correctement à la société. On comprend ainsi le poids des traditions et comme il semble difficile de s’en défaire. J’ai trouvé le sujet très bien traité, tout comme les sentiments d’Awa sur le sujet, combien il lui est difficile d’en parler avec les femmes de sa famille, tous les mauvais souvenirs que cela ravive.
Le roman ne s’attache pas qu’à l’excision, même si c’est le cœur du livre. Beaucoup d’autres sujets sont évoqués, notamment le racisme ou les préjugés, les clichés. Sur ceux-là, c’est la petite sœur d’Awa, Ernestine, qui est concernée. Une jeune fille pétillante et dynamique qui rêve de cinéma. Les passages qui la concernent sont souvent très drôles, pleins de situations délirantes qui font un peu retomber la pression du roman et qui nous permettent de rire entre des événements un peu plus durs. A ce niveau-là, le rythme est très bien dosé, et malgré le sujet grave dont il est question, on garde du roman une impression tout de même positive et énergisante.
La famille Bocoum est sans aucun doute une famille à laquelle on s’attache et qu’on aimerait retrouver régulièrement. Une famille forte et étonnante, entre tradition et modernité, entre pleurs et rires.

La tête ne sert pas qu’à retenir les cheveux, Sabine Panet et Pauline Penot (Thierry Magnier)
collection Grand format
disponible le 26 août 2015
9782364747265 – 14€
à partir de 13 ans

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The Heroic Legend of Arslân – Hiromu Arakawa

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Une fois n’est pas coutume, Bob vous parle d’un manga ! Parce que oui, il sait aussi lire à l’envers (il est pas un peu fort, Bob, quand même ? 🙂 )

Entre l’Orient et l’Occident se trouve le royaume de Parse, sur lequel règne d’une main de fer le terrible roi Andragoras. A son grand regret, son fils Arslan est frêle et incapable de manier correctement une arme. Lors de ses 14 ans, le jeune héritier est contraint d’accompagner son père à la guerre, afin de repousser les envahisseurs venus de Lusithanie, le royaume voisin.

★★★★☆

Adapté d’une célèbre saga japonaise de fantasy de Yoshiki Tanaka, Les Chroniques d’Arslân (publié en France chez Calmann-Lévy), ce manga nous emmène dans un royaume fictif qui n’est pas sans rappeler celui de la Perse (au cas où le nom ne vous aurait pas mis la puce à l’oreille), où s’affrontent deux puissances aux religions distinctes. La Lusithanie est en effet un royaume monothéiste qui veut imposer sa foi aux autres, tandis que Parse vénère plusieurs divinités et pratique l’esclavage. Le cœur de ce premier tome s’intéresse surtout à une immense bataille où un nombre impressionnant de guerrier est en jeu. La bataille d’Atropathènes, qui va marquer un tournant décisif dans la toute-puissance de Parse. Et dans la vie du jeune Arslan qui, jusqu’alors, ne connaissait que les murs de son palais et les entraînements un peu ratés avec son maître d’épée.

Grande fresque épique, Hiromu Arakawa (auteur du très célèbre Fullmetal Alchemist) parvient à nous captiver dès les premières pages. Ses images sont très puissantes et dynamiques, les combats impressionnants et il y a un certain souci du détail dans les costumes des personnages. On s’attache évidemment très vite à notre jeune prince peu guerrier qui ne manque pourtant pas de courage, ainsi qu’à l’intrigue et au mystère qui sous-tend cette longue démonstration guerrière. Sans doute que ce premier volume se termine trop vite, car lorsqu’on arrive à la dernière case, on ne veut qu’une chose : découvrir la suite ! Et ça tombe bien car le 2e tome vient tout juste de sortir ! 😀
Une très belle découverte, en tous cas, à conseiller à tous les amateurs de grandes batailles et d’histoires de fantasy médiévale. A noter : une très belle édition limitée, avec une jaquette aux effets dorés, des premières pages en couleur et une interview croisée de l’auteur des romans et de la mangaka.

The Heroic Legend of Arslân, Hiromu Arakawa d’après Yoshiki Tanaka (Kurokawa)
disponible depuis le 15 mai 2015
9782368521724 – 7,65€
à partir de 13 ans

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Le dernier chant – Eva Wiseman

9782211212472,0-2552588

La semaine dernière, Jean-Michel vous emmenait à la cour de la Reine Margot, Bob, lui, vous fait découvrir aujourd’hui celle d’Espagne. (Vous avez vu comment on gère trop bien, ici ? 😛 )

Espagne, 1491. Isabel de Cardosa vient d’avoir quinze ans. Fille du médecin de la cour royale d’Espagne, elle vit de façon aisée et choyée. Jusqu’au jour où ses parents souhaitent la marier avec Luis de Carrera, un jeune homme violent et cruel. Pour marquer cette union future, ils commandent un bijou précieux : une alouette d’or dans une cage d’argent. Mais ce mariage assurera-t-il la sécurité d’Isabel ? Car à cette époque, l’Inquisition dirige la ville et traque les Juifs et les conversos, ceux qui se sont convertis récemment au christianisme. Et bientôt, il semble que la menace pèse sur la famille d’Isabel…

★★★★☆

Ce magnifique roman d’Eva Wiseman s’intéresse à l’Inquisition et à la persécution des Juifs en Espagne au XVe siècle, période que l’on connaît peut-être peu en France. De mon côté, ce n’est pas le premier que je lis sur le sujet, mais c’est celui qui m’a semblé le plus intéressant, le plus abordable et le plus juste.
Le roman se déroule sur une période assez courte, bien définie par l’auteure, mais qui couvre pourtant de nombreux événements : depuis la vie presque sans soucis d’Isabel, jeune fille bien née dont les journées sont rythmées par la dégustation de pâtisseries avec sa meilleure amie ou les balades dans le beau jardin familial, jusqu’aux tristes jours qui condamneront la famille de Cardosa à s’exiler. Parce qu’ils sont des conversos, des Juifs récemment convertis au christianisme. La découverte d’Isabel de ses véritables origines, cachées depuis toujours par ses parents, se fait progressivement et tout le récit est très bien mené, oscillant vers l’aventure et la romance. Les enjeux politiques et économiques de l’Espagne sont aussi très bien expliqués (et sans être de gros pavés descriptifs indigestes), s’intégrant parfaitement au fil de l’histoire qui prend petit à petit une dimension dramatique, jouée bien sûr par la terrifiante Inquisition. Isabel va assister à plusieurs scènes terribles et découvrir et comprendre la situation un peu mieux, de la même manière que le lecteur néophyte. Bien sûr, cela va la faire grandir, la rendre plus responsable et clairvoyante sur sa propre situation…et son avenir.
Une tranche de l’Histoire très bien écrite et mise en avant par un personnage féminin fort, peut-être un peu en avance sur son temps. Un sujet qui semble toujours d’actualité malgré les siècles écoulés. Un peu d’aventure et une jolie histoire d’amour font de ce roman une belle découverte. Et Le portrait de jeune femme de Raphaël sur la couverture, non seulement magnifique, l’illustre parfaitement.

Le dernier chant, Eva Wiseman (École des loisirs)
collection Médium
en librairie depuis le 22 avril 2015
9782211212472 – 16€
à partir de 13 ans