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La lune est à nous – Cindy Van Wilder

9782367404776,0-4360363

Max a 17 ans et emménage en Belgique suite à la séparation de ses parents. Déjà en surpoids et harcelé pour cette raison, il ne sait pas comment révéler à sa famille qu’il est gay. Olive, elle, est noire, grosse et s’assume complètement grâce à son compte Instagram, « Curvy Grace », qui compte de nombreux fans. Mais lorsqu’on lui propose de rejoindre une chaîne YouTube, les choses dérapent et Olive va être confrontée à la pire méchanceté. Heureusement, les chemins d’Olive et de Max vont se croiser…

★★★★☆

La première fois que Max rencontre Olive, celle-ci se prépare à réaliser le Swimsuit challenge pour son compte Instagram, un défi qui consiste à se renverser un seau d’eau en maillot de bain pour une œuvre de charité. Mais un père de famille n’apprécie pas tellement de voir une grosse noire s’exhiber devant ses enfants au milieu d’un parc public et le lui fait savoir à grand renfort d’insultes racistes, grossophobes et de gestes agressifs. Sans compter ceux qui regardent, avides de conflit et de photos ou vidéos croustillantes à poster sur les réseaux sociaux. C’est dans cette posture que Max, mal dans sa peau, voit cette fille et, dans leurs deux regards se lit une compréhension mutuelle. Leur amitié n’en sera pour autant pas si simple à construire car Olive va très vite se retrouver la cible d’un harcèlement d’une grande violence, sur Internet mais aussi au bahut. Malgré ses amis au lycée ou au Dépôt, le lieu de rassemblement des jeunes avec des convictions, Olive va devoir affronter cette haine quasi seule tandis que Max va tout faire pour l’aider même s’il a ses propres problèmes à la maison et avec son difficile coming out

Avec ce roman très contemporain, Cindy Van Wilder donne la parole à deux adolescents qui ont rarement la chance d’être au premier rang dans les histoires. A travers Olive et Max, elle se fait la voix de l’acceptation de soi et des autres, du droit à la différence et à l’amour de soi. Le personnage d’Olive est ainsi parfaitement écrit : une jeune fille qui a appris à aimer ses formes et à inviter les autres, ses fans sur Instagram, à s’accepter tel qu’ils sont et à voir la beauté partout où elle est, même si elle ne correspond pas à ce que la société attend des jeunes gens et aux images dans les publicités et les magazines. Une apparente force qui se fissure aussi vite qu’il fut long d’accepter son corps trop gros ou trop noir pour les autres. Celui de Max, plus renfermé, plus replié sur lui-même n’en est pas moins d’une grande sensibilité, entre haine de soi et volonté de montrer au monde qui il est vraiment. J’ai beaucoup aimé toute la justesse de l’écriture de Cindy Van Wilder, qui n’hésite pas à dire les choses comme elles sont sans s’encombrer du politiquement correct, quitte à nous bousculer. J’ai aimé les représentations de la famille, de la difficulté à communiquer avec des parents adoptifs, à accepter la séparation de ses parents ou à compter sur son petit frère pour briser sa solitude. Il y a de véritables moments de beauté dans les relations que Max et Olive entretiennent avec leur famille ou leurs amis, notamment ceux du Dépôt, dont les causes vont des droits LGBT jusqu’au féminisme tout en s’amusant en organisant des événements ludiques ou artistiques. Un lieu d’une importance capitale dans le roman pour nos deux personnages.

Je vous laisse donc découvrir La Lune est à nous et ses émotions en montagnes russes où la solidarité, l’acceptation de soi et des autres, la bienveillance sont les maîtres mots de ce roman sensible et nécessaire. 🙂

La lune est à nous, Cindy Van Wilder (Scrinéo)
disponible depuis le 14 septembre 2017
9782367404776 – 17,90€
à partir de 12 ans
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Les garçons ne tricotent pas (en public) – T.S. Easton

Saint-Jean-Michel-des-Eaux, attention les yeux ! Ce livre a sans doute l’une des couvertures les plus atroces (je ne peux pas la regarder plus de 0,005 secondes sans avoir envie de me crever les yeux), les plus improbables, les plus « mais…mais…pourquoi ???? » (euh…sérieusement, Nathan, POURQUOI ???) mais ne vous y fiez pas et essayez de faire abstraction, de coller du papier journal dessus, de la couvrir avec du papier opaque comme vos manuels de cours en 6e, car vous passeriez quand même à côté d’un très très bon moment de lecture, parole de Bob. 🙂

9782092559161,0-3155289Ben Fletcher, après avoir volé une bouteille de Martini Rosso et renversé à vélo la dame qui fait traverser les petits, est désormais placé sous contrôle judiciaire. Dans le cadre de sa mise à l’épreuve, il est contraint de s’inscrire à une activité manuelle, et à cause d’un malentendu, il se retrouve dans le cours de tricot ! L’horreur ! Ben accepte cependant de jouer le jeu, tant que personne en dehors du groupe de tricot n’est au courant. Et il découvre bien vite que le tricot, ce n’est pas si mal et qu’il est quand même vachement doué…

★★★★★

Comment cacher à vos amis un peu cons et à votre père archétype de la virilité que vous vous adonnez à une « activité de fille » et, pire, « de vieille » ? C’est bien là tout le problème de Ben, 16 ans, pas trop doué avec les filles (mais vachement amoureux de Megan, et de sa prof Melle Swallow et puis la mère de Megan est pas mal non plus…) ni vraiment en rien, d’ailleurs, qui se fait harceler occasionnellement par la terreur du lycée, et qui vivait sa vie plutôt tranquillement jusqu’à l’incident qui lui a valu des ennuis avec la justice. Ben va inventer pas mal de mensonges, qui vont le mettre dans des situations précaires, surtout quand le tricot se révèle une activité qui le passionne et pour laquelle il est vraiment très doué. Doué au point de participer à des compétitions locales puis de plus en plus importantes… De mensonges en mensonges, Ben s’enlise et tout pourrait bien vite tourner au vinaigre…

Pour notre plus grand plaisir, les stratégies de Ben conduisent à des moments improbables, cocasses et parfois totalement débiles. Écrit sous la forme d’un journal intime, T.S. Easton (qui est aussi l’auteur d’une dystopie dont on vous a parlé) nous brosse le portrait d’un adolescent absolument attachant. Je me suis amusée du début à la fin et j’ai éclaté de rire à de nombreuses reprises. Les dialogues sont géniaux, les nombreux personnages – même parfois un peu stéréotypés – offrent une galerie particulièrement comique et l’histoire, même s’il est loin d’y avoir de l’action, propose des tas de rebondissements plus savoureux les uns que les autres. On ne s’ennuie vraiment pas et on passe un moment super agréable avec Ben et sa vie tout de même bien compliquée à lutter malgré lui contre les préjugés. Si vous avez lu Susin Nielsen, Ben m’a pas mal fait penser à certains de ses personnages, une espèce de nerd embrigadé dans des trucs improbables, héros du quotidien. J’ai ressenti exactement le même plaisir qu’à la lecture de Moi, Ambrose, roi du scrabble, par exemple. Et ça fait plutôt du bien ce genre d’histoire bien écrite (et bien traduite), pleine d’humour et de bonne humeur. Maintenant, j’ai envie de me mettre au tricot ! 😛

Les garçons ne tricotent pas (en public), T.S. Easton, traduit par Anne Delcourt (Nathan)
disponible depuis le 10 mars 2016
9782092559161 – 15,95€
à partir de 13 ans