Son
0

Après l’apocalypse

Nos deux romans du jour explorent le genre du post-apocalyptique, soit ce qui se passe après que le monde se soit effondré suite à une catastrophe de grande ampleur. Si les causes et les conséquences ne sont pas les mêmes, tous les deux sont en revanche diablement efficaces ! ☢

RC 2722 – David Moitet

Oliver a grandi dans un abri souterrain après le grand effondrement qui a vu la disparition de l’humanité. Un jour, alors qu’il doit effectuer une maintenance dans l’un des niveaux les plus dangereux de l’abri, il découvre des traces de pas laissant à penser que quelqu’un est sorti… Comment est-ce possible alors que la surface est irrespirable et radioactive ? Oliver n’est clairement pas au bout de ses surprises, surtout quand son père décède mystérieusement et que son frère est condamné à l’exil…

David Moitet imagine un effondrement causé par la sècheresse, le réchauffement climatique qui voit les paysages français changer radicalement et se transformer en déserts. Jusqu’à ce que les populations, manquant d’eau, soient contraintes de trouver refuge ailleurs… Une épidémie – tiens donc ! – et la misère plus tard, seuls quelques privilégiés pourront avoir une place dans ces abris souterrains… La quête de vérité d’Oliver nous dévoilera à la fois le passé de cette France qui connaîtra les réfugiés climatiques et ce qui se passe réellement à la surface. Le scénario est assez classique mais, comme toujours avec David Moitet, le rythme est bien dosé, efficace, la lecture fluide et on s’attache immédiatement à ses personnages. Seul le « méchant » est sans doute découvert trop tard pour avoir un retournement crédible, mais Oliver et Tché, que je vous laisse découvrir, forment un duo explosif ! Un roman entre Fallout et Mad Max qui nous tient en haleine jusqu’au bout !

RC 2722, David Moitet (Didier Jeunesse)
disponible depuis le 23 septembre 2020
9782278098392 – 15,90€
à partir de 13 ans

Bpocalypse – Ariel Holzl

Samsara est une lycéenne et vit à Concordia, où tout un tas de dangers l’attendent à tous les coins de rue : fantômes, animaux mutants et autres joyeusetés laissées par l’Apocalypse huit ans plus tôt. Mais avec sa batte de base-ball et ses talismans, la route vers le lycée est habituellement plutôt calme. Alors que cette rentrée avec ses amis Danny et Yvette les verra choisir un stage, une nouvelle les secoue : la ville lève la quarantaine de l’ancien parc public où vivent des mutants qui arrivent justement dans leur classe !

Autre ambiance avec Ariel Holzl qui nous offre un décor et des créatures dignes de films d’horreur. Ici, l’apocalypse c’est une comète qui s’est écrasée sur la Terre, apportant avec elle des contaminations et mutations qui se sont attaquées autant à la faune et la flore qu’aux êtres humains. Concordia est la seule ville encore debout, bien qu’aux nombreux quartiers bouclés et aux dangers aussi terrifiants que différents. L’ouverture d’une nouvelle partie de la ville est un véritable événement et va susciter autant la méfiance que la peur et le rejet. Et c’est là que Samsara se révèle être un personnage tout en nuances, une héroïne aux croyances bien arrêtées qui va devoir composer entre son rêve d’intégrer la Milice pour aller exploser du mutant et la réalité de ce nouveau monde dans lequel elle vit (et qui lui révèlera là aussi bien des secrets et vérités inattendues). L’intrigue est peut-être un peu longue à démarrer, ne sachant tout d’abord pas trop où on nous emmène mais l’univers original, un peu punk et beaucoup déjanté, nous accroche, tout comme les thèmes finalement très universels de l’acceptation de la différence et des mauvaises décisions que l’on prend au nom d’une cause que l’on croit juste. A découvrir, d’autant plus à l’école des loisirs qui ne nous avait pas habitué au genre !

Bpocalypse, Ariel Holzl (L’école des loisirs)
collection Médium +
disponible depuis le 7 octobre 2020
9782211310161 – 17€
à partir de 13 ans
2

Plus de morts que de vivants – Guillaume Guéraud

plusmortsvivantsPour commencer cet article je ne peux que vous encourager à lire en guise d’amuse-bouche livresque l’extraordinaire Je mourrai pas gibier, vous ne serez plus jamais la même personne après sa lecture. Lire Guillaume Guéraud c’est comme se livrer à une expérience hors du commun : c’est le Bear Grylls de l’écriture, le Robert Rodriguez du verbe, le Jude Law des auteurs. Plus de morts que de vivants se lit d’une traite : efficace et terrifiant c’est un vortex de l’angoisse et on en réclamerait bien encore quelques pages si les doses d’adrénaline et de stupéfaction n’étaient pas déjà à leur maximum.

★★★★★

Par un matin glacial de février, quelques collégiens se retrouvent devant leur établissement scolaire, attendant le début des cours. Une grippe circule en ce moment, la plupart sont cloués au lit avant les vacances de février mais d’autres n’auront pas cette chance…Soudain les incidents se succèdent dans l’établissement : un élève saigne du nez plus que la normale, une autre a les lèvres bien bleues, une touffe de cheveux tombe à terre, des boutons apparaissent et puis tout va très vite : virus de la mort ? Qui sera le prochain a être touché ? Qui s’en sortira vivant ? Qui est l’incubateur ?

Curieusement je m’attendais à lire une histoire de morts-vivants mais tout fut plus réaliste et terre-à-terre que je ne le pensais. Comme je l’ai dit au guide du Musée de la Torture à Amsterdam à la fin de la visite : « c’était délicieusement atroce ». Ce roman est tout aussi captivant qu’un bon film d’horreur. Guillaume Guéraud possède ce talent : celui de ne pas rentrer dans des descriptions trop alambiquées et donc à être concis en nous laissant avec LE détail qui va nous perturber et faire travailler notre imagination. Nos peurs sont travaillées au corps : la peur de mourir, celle de perdre l’être aimé, sentir l’odeur des morts, se rendre compte que l’instinct de survie ne suffit plus pour rester vivant. Ce virus provoque des morts auxquelles on s’attend le moins et l’effet de surprise agrippe à la gorge : il devient difficile de déglutir lorsqu’on a la vision d’un cou qui s’ouvre en deux, d’un ventre qui explose littéralement, de dents qui se déchaussent ou de débris d’os qui se mêlent au sang.

Remarquablement écrit, j’ai trouvé que l’association de la neige et du sang était d’une esthétique sublime qui marque très bien la différence entre le concept de vie et celui de mort. Il est particulièrement appréciable au début du roman, de savoir qu’une fois le portail fermé après le début des cours : l’horreur va commencer (hinhin). Ces adolescents sont pris au piège, ils ne le savent pas encore alors que le lecteur lui, réalise tout de suite. La fin m’a déconcertée – c’est que j’ai un soupçon d’optimisme alors que Guillaume Guéraud ne nous en laisse AUCUN en réalité. Qui plus est il nous prévient avec le titre Plus de morts que de vivants. : c’est une affirmation et non pas une question 🙂 N’ayez pas peur vous serez délicatement surpris.
Maintenant que je suis à court de qualificatifs, je vous laisse découvrir l’improbable Guillaume Guéraud.

Plus de morts que de vivants, Guillaume Guéraud (Rouergue) – collection Doado
en librairie depuis le 4 mars 2015
9782812608612 – 13.70€
à partir de 13 ans

mourraipasgibierJe mourrai pas gibier (Rouergue) – collection Doado
en librairie depuis janvier 2006
9782841567171 – 7.10€
à partir de 14 ans
★★★★★