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Un si petit oiseau – Marie Pavlenko

En vacances, Abi est victime d’un terrible accident de la route qui lui laisse un bras en charpie. Amputée, la jeune fille doit composer avec ce handicap et laisse son ancienne vie, insupportable, derrière elle pour se murer dans son chagrin et la détestation de son nouvel état…

★★★★☆

Il y a deux ans, Marie Pavlenko nous faisait nous gondoler avec Déborah et sa loose légendaire. Cette année, autant vous dire qu’on se marre moyen moyen avec ce nouveau roman qui commence durement, et sanglantement. Imagine, t’as 20 ans et toutes tes dents, tu rêves de devenir véto… Bon, t’as quand même été larguée par ton copain deux semaines plus tôt, ça va peut-être pas fort. Et là, bim, tu te retrouves avec le bras amputé jusqu’à l’épaule. Tu passes des mois à l’hosto, tes parents en profitent pour déménager et quand tu reviens, tu peux gentiment te terrer dans ta chambre, te gaver d’antidouleurs et attendre que le temps passe à te morfondre sur ton état et sans voir personne. Car tu es devenue moche, inutile, un vrai poids pour ta famille. D’ailleurs ta sœur en a marre et te le fait sentir, ton père fait le mariole pour essayer de te faire rire, ta mère plaque tout pour s’occuper exclusivement de toi, et ta tante folle-dingue essaye tant bien que mal de te remonter le moral. Ouais, bon, dis comme ça, ça a l’air horrible comme vie. Et sans doute que ça l’est ! Essayez donc de faire des choses avec un seul bras quand vous en avez toujours eu deux ! Et puis, petit à petit, Abi sort de sa coquille… Ça commence par une petite sortie chez le coiffeur, et puis au parc…et puis avec quelqu’un, quelqu’un d’autre qu’un membre de sa famille… Ce quelqu’un, c’est Aurèle, un passionné de zoziaux qui parviendra peut-être à inciter Abi à déployer ces ailes… (C’est beau, hein ?)

Encore une fois, Marie Pavlenko parvient à trouver le ton juste, sait instiller la touche d’humour, de légèreté ou de totale déconnade quand il le faut, sans jamais minimiser les émotions et les sentiments de son personnage, son rapport à ce nouveau corps, sa gravité, ses doutes et ses peines. On sent un véritable amour pour Abi et sa famille – la relation mère/fille est d’ailleurs touchante, et est un peu dans la continuité de celle de Je suis ton soleil. Et suivre Abi dans ce chemin vers l’acceptation de son nouveau soi, de sa perte, dans sa (re)découverte des autres, est une expérience absolument bouleversante. Un si petit oiseau est une petite pépite de douceur et d’émotion à découvrir comme à l’éclosion d’un petit volatile qui sort de son œuf. Prenez-en soin et il vous le rendra bien. 🙂

Un si petit oiseau, Marie Pavlenko (Flammarion)
disponible depuis le 2 janvier 2019
9782081443846 – 17,50€
à partir de 13 ans
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Timide – Elodie Perrotin

Avec ce tout premier album à La Palissade, Elodie Perrotin a complètement ému Bob, qui s’est retrouvé dans le personnage de cette jeune fille timide qui nous raconte son histoire. 🙂

Timidejpeg_Page_01« Mon personnage est très léger et peut facilement se froisser. Si on lui pose des questions il essaiera de se faire le plus petit possible pour s’effacer dans le papier parce qu’ il a peur de parler. Il est timide, il n’a pas beaucoup confiance en lui, et beaucoup de trémolos dans sa voix.
Dans ce livre on ne l’entendra pas, mais on lira ses phrases et ses dessins qui, peut-être te parleront ? » (Présentation du livre par l’auteure).

★★★★★

Oui, Elodie, tes phrases et tes dessins m’ont beaucoup parlé ! Tout comme toi, j’ai été un petit morse, tout mimi, tout timide, qui essayait de se rendre invisible pour ne pas être interrogé, qui rougissait comme une pivoine dès qu’on prononçait son nom et qui admirait tous ces grands un peu exubérants, qui n’avaient pas l’air de se soucier plus que ça du regard des autres.

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Non seulement tes mots m’ont parlé, les situations dont tu parles m’ont rappelé celles que j’ai également vécues mais tes images, Elodie, ajoutent encore plus de force à ton récit introspectif, au partage de ton histoire qui va résonner dans tous les petits cœurs de timides et qui leur permettra sans doute de dédramatiser ce sentiment et, tout comme toi et moi aujourd’hui, de le maîtriser et de l’accepter.

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Sous cette très belle couverture – j’adore ces petites mèches de cheveux qui forment le titre – se cachent en effet des illustrations de grande qualité. On commence d’ailleurs avec une très belle illustration de la timidité : une petite fille à moitié coupée par la page de titre, cherchant sans doute à se cacher sous les pages pour disparaître de honte. Peu de couleurs sur les pages, du gris, du jaune, du rouge, du bleu, et un graphisme simple, épuré, en parfaite adéquation avec le texte. Un superbe album à mettre entre toutes les mains, celles des petits mais aussi, et surtout, des grands !

Merci Elodie pour cette très belle ode à la timidité et aux timides ! 😀

Timide, Elodie Perrotin (La Palissade)
disponible depuis le 11 avril 2016
9791091330282 – 13,50€
à partir de 7 ans
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Il ou elle ?

Au début du mois sont parus au Rouergue plusieurs titres à destination de la jeunesse sur une thématique commune : le genre et, surtout, la liberté d’être soi. Aujourd’hui, Bob vous en présente deux : un album et un roman. 🙂

Buffalo belle – Olivier Douzou

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Enfant, Annabelle préférait les fusils et les cow-boys aux poupées et à la marelle et s’amusait à interchanger les « il » et les « elle ». En grandissant, ces jeux ont trouvé leur sérieux et Annabelle a commencé à s’interroger sur sa véritable identité…

★★★★☆

Dans cet album pour les plus grands, Olivier Douzou traite du genre en jouant avec inventivité sur celui de la grammaire. Un texte sous forme d’exercice de style, pas si simple, où les mots se finissant habituellement en « il » sont remplacés par des « elle » et inversement. Une gymnastique intellectuelle qui, une fois comprise, nous révèle un texte plein de poésie et toute l’ambiguïté et l’incertitude d’une enfant à la recherche de son identité sexuelle. Les très belles illustrations au fusain, brutes, graphiques, achèvent de nous transporter dans ce texte libre et sans tabou. Un poème tout en « je » de Buffalo Belle termine cet album unique et indispensable.

Pour en savoir plus sur l’album, le Rouergue propose sur leur site une interview de l’auteur.

Buffalo belle, Olivier Douzou (Rouergue)
disponible depuis le 2 mars 2016
9782812610554 – 12€
à partir de 10 ans
Je suis qui je suis – Catherine Grive

9782812610585,0-3163132

Depuis toujours, Raph’ a un gros chagrin, quelque chose qui l’empêche de se sentir bien. C’est l’été, Raph’ passe son temps à fouiller les boîtes aux lettres de ses voisins, et lors d’une sortie avec son copain Bastien, Raph’ rencontre Sarah avec qui l’ado sympathise. C’est peut-être le début de la disparation de son chagrin ?

★★★☆☆

Si Rahp’ ne parvient pas à nommer ce chagrin qui l’habite, nous découvrons petit à petit de quoi il retourne. C’est avec une certaine finesse que Catherine Grive nous parle de cette difficulté à comprendre ce que l’on est au fond de soi. Raph’ est-elle un garçon ? Est-il une fille ? Il nous faut aussi à nous lecteur une bonne cinquantaine de pages pour comprendre si Raph’ est un garçon ou une fille de naissance, l’auteur ne nous donnant que peu d’indices. Alors que l’été avance et que Raph’ trouve en Sarah une véritable amie, son chagrin va petit à petit se dénouer et la jeune fille lui apporter de l’espoir. Dommage que la fin de l’histoire soit un peu rapide ! Néanmoins, Je suis qui je suis est un roman sensible, construit autour de non-dits, et un beau portrait d’adolescence en quête de construction de son identité sexuelle.

Je suis qui je suis, Catherine Grive (Rouergue)
collection DoAdo
disponible depuis le 2 mars 2016
9782812610585 – 9,20€
à partir de 13 ans
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Petite – Anne Cortey & Audrey Calleja

Une deuxième collaboration pour Anne Cortey et Audrey Calleja : elles avaient déjà mis leur talent en commun pour un album paru chez Autrement en 2010 Mange ta chambreElles reviennent avec douceur et volupté pour nous offrir un délice de lecture : Petite.

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Une fillette prénommée « Petite » se réveille au beau milieu d’une prairie, constate sa petitesse et exprime son souhait d’être à hauteur de montagnes. Au contact d’une colonie de fourmis, elle va pénétrer dans un tunnel bien sombre, elle fait face à l’inconnu, à un trou bien trop étroit pour avancer. C’est bien la première fois que sa taille l’incommode…le tunnel finit par s’élargir tout au bout et une maison suspendue au-dessus du sol par des nœuds. Elle est sur le point de partir, la petite arrive à y entrer juste avant son envolée.

★★★★☆

Que de compliments à faire sur cet album !
La légèreté du crayonné d’Audrey Calleja semble animer le décor, les éléments semblent s’envoler grâce à leur superposition. Les motifs qu’elle nous offre sont admirables : son style épuré remplit de poésie une page dans son intégralité. Les détails sont si parfaitement ordonnés que je me suis demandée s’il n’y avait pas une touche feng-shui dans ces pages parce qu’on s’y sent si bien 🙂

Et le texte alors, quelles idées dégage t-il ? On peut y voir de nombreuses significations : je pense que c’est avant tout un message décomplexé sur l’acceptation de soi, ou plus simplement une fillette qui gagne en maturité, qui grandit ou encore une histoire sur la différence : il faudrait peut-être qu’un jour, je grandisse comme les autres. L’enfance bien tranquille va subitement devenir un tourment : l’adolescence vient juste après. Grandir effraie, que va t-on trouver dans cette période adolescente à part complications, craintes et inconnu ? La Petite est bien obligée d’en passer par là : la prairie est haute je me faufile dans la masse.

Un tour de force que les représentations des auteurs :
Ainsi je suis dans la vie de prairie : le quotidien
Le soleil luit, le jardin se réveille et s’agite après de longs mois de repos : entrée dans l’adolescence, la puberté

L’araignée bienveillante qui aide la petite à détacher les noeuds de la maison n’est-elle pas le symbole de la parentalité ? Vraiment, cet album parle tout seul, lire entre les lignes devient un jeu d’enfant. Mais la plus jolie pensée à la lecture de cet album c’est que le monde devient bien plus joli et simple lorsque l’on sait s’aimer tel que l’on est.

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Petite, Anne Cortey (texte) & Audrey Calleja (illustrations)
(A Pas de loups)
disponible depuis le 25 novembre 2015
9782930787152 – 16€
à partir de 5 ans