Son
1

Orphelins 88 – Sarah Cohen-Scali

Allemagne, juillet 1945. Un garçon erre dans les décombres avant d’être recueilli par des soldats américains. On le nomme Josh et on l’envoie dans un orphelinat où, avec de nombreux autres enfants victimes de la guerre, il va devoir panser ses blessures et découvrir sa véritable identité.

★★★★☆

Dans Max, Sarah Cohen-Scali nous faisait découvrir le programme Lebensborn, depuis sa création par Himmler à sa réalisation avec Max, le tout premier enfant né de l’eugénisme nazi. Un roman exceptionnel, aussi passionnant que glaçant, aussi puissant que dérangeant (LISEZ-LE!). Orphelins 88 débute là où Max s’arrête, à la fin de la guerre, avec la question de « que sont devenus les enfants du programme Lebensborn ? ». Car Josh est un garçon issu de ce programme, mais avec une histoire toute particulière dont lui-même n’a pas toutes les clés. Son bras gauche est tatoué, comme celui des Juifs. L’est-il lui-même ou n’est-ce qu’une grossière erreur ? Car son bras droit, lui, ne cherche qu’à se tendre dans un salut nazi devenu un réflexe. Est-il un vrai allemand ou l’un de ces enfants germanisés ? Des questions qui vont petit à petit trouver des réponses alors que Josh, l’un de premiers à avoir rejoint l’orphelinat, voit affluer tout un tas d’autres enfants qui ont vécu des traumatismes terribles.

Particulièrement documenté, Orphelins 88 s’intéresse donc à ce qui se passe pour les populations à la fin de la guerre. Car il n’y a pas que les embrassades et les fêtes de la libération et la guerre ne se termine pas au 8 mai 1945. Il y a aussi, et surtout, tous ces gens jetés sur les routes, qui se retrouvent dans des camps de déplacés, tous ces Juifs libérés des camps qui cherchent à rentrer chez eux, en Pologne ou ailleurs, et subissent des pogroms, tous ces enfants devenus orphelins qui deviennent candidats à l’adoption et à l’immigration. Des sujets drôlement d’actualité, non ? Roman de l’après, donc, auquel le rythme rend bien compte de la torpeur dont chacun s’éveille – ou pas, de la lente reconstruction de soi et de la difficulté à imaginer comment vivre après ça.

La force du roman de Sarah Cohen-Scali réside avant tout dans ses personnages, Josh en tête, bien sûr, que le conditionnement et la perte de mémoire rend particulièrement déchirant. Mais il y a aussi Ida, la directrice de l’orphelinat, qui veille chaque nuit dans le hall pour accueillir les nouveaux arrivants ; Wally, le GI noir américain qui devient le premier « ami » de Josh, et qui nous permet aussi de connaître la situation des soldats noirs à cette époque ; Halina, jeune fille juive revenue en Allemagne après sa libération des camps car sa maison en Pologne était occupée par ses anciens voisins qui l’ont chassée ! ; Beate et son étrange accoutrement, qui erre dans la ville… Sans doute que le fait qu’ils soient tous inspirés de témoignages ou de personnes réelles rend l’émotion encore plus forte.

Si Orphelins 88 n’atteint pas le même niveau que Max – quelques longueurs qui donnent l’impression que ça tourne en rond et, après le choc reçu à la lecture de Max, il me semblait difficile d’atteindre le même degré de violence, d’horreur, d’aboutissement – il n’en reste pas moins une lecture passionnante, forte et émouvante.

Orphelins 88, Sarah Cohen-Scali (Robert Laffont)
collection R
disponible depuis le 20 septembre 2018
9782221218853 – 15,90€
à partir de 13 ans
Son
0

Le garçon au sommet de la montagne – John Boyne

Chez Bob & Jean-Michel, on aime beaucoup John Boyne, ses romans étonnants et plein d’humour, mais également ceux avec, en toile de fond, la guerre. Qu’il s’agisse de la Grande Guerre (avec Mon père est parti à la guerre – on retrouvera d’ailleurs Alfie cité dans ce nouveau roman) ou de la Seconde Guerre mondiale (avec le désormais incontournable Garçon en pyjama rayé). John Boyne s’intéresse à nouveau à cette dernière, et au destin d’un petit garçon qui, au contact du Führer, va transformer sa nature profonde…

9782070669967,0-3235213

Peu avant la Seconde Guerre mondiale, Pierrot mène une vie insouciante à Paris avec son meilleur ami Anshel. Lorsque sa mère meurt de la tuberculose, il est envoyé auprès de sa tante, en Allemagne, dans une maison en haut de la montagne. Il s’agit du Berghof, la résidence secondaire d’Hitler, où sa vie va complètement changer…

★★★★☆

Pierrot est un garçon franco-allemand. Son père était un soldat allemand durant la Grande Guerre et, s’il en est revenu vivant, son esprit était lui totalement détruit et Pierrot ne l’aura presque pas connu puisqu’il se tue sous un train lorsqu’il n’a que quatre ans. C’est sa mère, française, qui s’occupe de lui jusqu’à sa mort, emportée par la tuberculose. Pierrot n’a que sept ans ! Malgré la grande amitié qui le lie à Anshel, un garçon juif muet avec qui il communique via la langue des signes – leur langue des signes – un deuxième conflit de grande ampleur s’annonce et, bientôt, la mère d’Anshel ne peut faire autrement que d’envoyer Pierrot dans un orphelinat. C’est à Orléans qu’il est envoyé, une grande maison tenue par deux sœurs un peu vieilles filles avec lesquelles il restera peu de temps. Sa tante Beatrix, la sœur de son père, le retrouve et l’invite à vivre avec elle près de Berchtesgaden, dans les Alpes bavaroises, dans une grande maison au sommet de la montagne, où se rendent occasionnellement Monsieur et Madame. Monsieur, c’est Adolf Hitler, et Madame, Eva Braun. Pierrot découvre alors un tout nouveau monde, au loin de l’histoire qui se joue sur le reste de la carte de l’Europe…

Avec cette histoire, John Boyne continue son exploration de la guerre et nous propose encore une fois un récit d’une grande intensité, sans doute pas aussi étonnant et terriblement naïf que Le garçon en pyjama rayé, mais qui nous interroge sur la nature humaine et la déconcertante facilité avec laquelle l’embrigadement peut changer un être. Car, au contact d’Hitler, Pierrot va lentement se transformer sous nos yeux, passant de jeune garçon doux et serviable à un petit nazillon avide de pouvoir. La transition, progressive et se déroulant pourtant dans un endroit profondément reculé, est très représentative de ce qui va se passer en Allemagne sous le joug d’Hitler. Et alors que Pierrot – devenu Pieter – gagne la confiance et l’amour du Führer, il va assister à un certain nombres de réunions et découvrir l’horreur de ce qui se trame en Europe… Avec une réflexion finale sur la culpabilité, Le garçon au sommet de la montagne est à nouveau un roman fort et passionnant de John Boyne, qui complète admirablement son œuvre sur la guerre. Une très belle lecture ! 🙂

Le garçon au sommet de la montagne, John Boyne, traduit par Catherine Gibert (Gallimard jeunesse)
disponible le 9 juin 2016
9782070669967 – 13€
à partir de 11 ans
Son
0

Le joueur de flûte de Hamelin

Noël est la période propice à la lecture et à l’écoute de contes et ça tombe bien car c’est également la période où les éditeurs s’en donnent à cœur joie ! Aujourd’hui, Bob vous parle de deux livres parus en même temps, qui s’intéressent au conte du Joueur de flûte de Hamelin, inspiré d’une légende qui se déroula en 1284. Deux versions différentes, tant dans le texte que dans l’illustration. Mais avant tout, petit rappel de l’histoire :

Dans la ville de Hamelin, l’avarice de ses habitants les poussent à se débarrasser de leurs chats pour ne pas avoir à les nourrir. Évidemment, les rats en profitent pour s’inviter dans les maisons. Le maire propose alors une somme de mille pièces d’or à qui parviendra à les débarrasser de cette peste. C’est ainsi qu’un joueur de flûte se présente et, grâce à un air de musique, parvient à faire fuir les rats. Mais le maire n’est pas prêt à payer le joueur de flûte pour si peu d’effort… La vengeance du joueur de flûte sera alors terrible…

Le conte vu par Kochka

9782916899473,0-3011168

Le texte de Kochka est une adaptation d’après le conte des frères Grimm. Si vous avez déjà lu d’autres contes adaptés par l’auteure, vous connaissez la qualité de son écriture, sensible et accessible. Les illustrations d’Alice Bruneau, dans l’esprit de l’époque du conte, sont également un hommage aux peintres flamands Brueghel (le vieux et le jeune), et sont en parfaite relation avec l’histoire qui nous est racontée. Malgré la cruauté du conte, je trouve que l’ensemble délivre une impression de douceur, où la moralité tient à l’avarice des habitants. De belles images, une neige omniprésente et des tons très doux qui nous font nous pelotonner près du feu.

LeJoueurDeFluteDeHamelin_Page_04_BLOG

Le joueur de flûte de Hamelin, Kochka d’après les frères Grimm, illustré par Aline Bureau (Père Castor-Flammarion)
disponible depuis le 14 octobre 2015
9782916899473 – 13,50€
à partir de 6 ans

☙☙☙☙☙

Le conte vu par Thomas Baas

9782330056018,0-2760801

Dans l’adaptation réalisée par Thomas Baas, l’histoire s’attarde plus longuement sur l’arrivée des rats et la difficulté de les faire partir. Un choix qui ajoute au côté sombre du conte, d’autant plus que les illustrations de Thomas Baas sont aussi noires que la nuit. On sent très vite les frissons nous parcourir l’échine ! A la différence également de l’album précédent, l’illustrateur a choisi d’ancrer son récit dans un univers plus proche du nôtre : les vêtements, la ville, les boutiques, la nuit de Noël, tout cela nous amène à penser que l’histoire s’est déroulée il n’y a pas si longtemps. Une version quelque peu différente de celle réalisée par Kochka, et bien plus sombre, ce qui ajoute au côté terrifiant de ce conte où des enfants disparaissent pour ne plus jamais revenir dans leur foyer… On vous laisse choisir celle que vous souhaitez offrir à vos enfants ! 😀

baas-2

Le joueur de flûte de Hamelin, Thomas Baas (Actes Sud junior)
disponible depuis le 7 octobre 2015
9782330056018 – 16,90€
à partir de 6 ans

Son
0

La guerre de 14 n’a pas eu lieu – Alain Grousset

En 1914, l’attentat de Sarajevo échoue. La guerre est évitée mais la suspicion règne à travers l’Europe. Deux murs infranchissables, lignes de défense entre la France et l’Allemagne, sont construits. Cent ans plus tard, en 2014, la ligne Maginot et la ligne Siegfried sont toujours là et la France et l’Allemagne vivent repliées sur elles-mêmes. Constance, une jeune femme aux idées de paix, va se retrouver au centre d’une mission d’espionnage qui va lui faire traverser les frontières…

★★★☆☆

Roman d’uchronie par excellence, Alain Grousset nous propose une version de ce qu’aurait été notre vie si la Grande Guerre n’avait pas eu lieu. Et, selon lui, notre vie ne serait pas bien différente de celle du début du XXe siècle… Intriguant, non ? Nous suivons donc Constance, une jeune femme d’origine alsacienne, à une époque où l’Alsace et la Lorraine ne font pas partie de la France et où les droits des femmes sont quasi inexistants. Ses connaissances de l’allemand et de l’alsacien vont rapidement la mener à Paris, où elle va être engagée par les services secrets français, afin de dérober les secrets du nucléaire aux allemands, car la bombe menace… Espionnage et aventures sont au rendez-vous dans ce roman…un peu trop court ! L’histoire est plutôt facile et se laisse lire, mais j’ai trouvé « l’univers » assez peu développé, on a juste l’impression d’être au début du siècle dernier et pas dans un futur parallèle. Du coup, je n’ai pas beaucoup ressenti l’uchronie en tant que telle et le style d’Alain Grousset ne m’a pas plus emballée que ça. Toujours du fait d’un nombre de pages assez réduit, les événements sur la fin s’enchaînent très rapidement, finissent avec un happy end un peu facile et un épilogue du même acabit. C’est dommage car l’idée est bonne, Alain Grousset nous fait réfléchir sur l’enfermement, l’état actuel de notre monde et à l’égalité hommes-femmes, qui n’est pas si évidente, même de nos jours et même dans notre pays ! De bonnes idées, donc, et un roman qui se lit bien, mais qui aurait mérité d’être un peu plus étoffé…

9782081331358,0-2290436
La guerre de 14 n’a pas eu lieu, Alain Grousset (Flammarion)
en librairie le 27 août
9782081331358 – 13 €
à partir de 12 ans

Son
0

Abaton : au-delà de la peur – Christian Jeltsch & Olaf Kraemer

9782889082407, 0-2275651

Aujourd’hui, je vous propose de découvrir le premier tome d’une série qui va faire grand bruit ! Et je remercie chaudement les éditions La Joie de lire pour cette géniale découverte ! Et sans plus attendre…le résumé !

Trois adolescents, Edda, Linus et Simon, se rencontrent lors d’un camp d’aventure aux abords de Berlin. Ils ont été sélectionnés grâce à une rédaction sur la façon dont ils imaginent un futur idéal. Mais rapidement, ils vont se rendre compte que des choses étranges se déroulent dans ce camp…et lorsqu’ils le quittent une nuit pour suivre Linus dans les tunnels du métro, tout va changer dans leur vie ! Car ils découvrent d’étranges peintures sur les murs du métro, une sorte de roue solaire hypnotique, qui va les embarquer dans une aventure où la peur est le maître mot, une aventure dans laquelle l’histoire de l’Allemagne n’est jamais très loin…

★★★★★

Wahou ! Voilà un roman qui ne nous laisse pas une seconde de répit ! Dès le prologue, se déroulant en pleine Seconde Guerre mondiale, on découvre les prémices d’un mystère qui se déploiera durant tout le roman. Très vite, on s’attache à ces ados que tout semble opposer pour tenter de comprendre avec eux cette espèce de complot gigantesque qui les touche. La construction du récit, grâce à un jeu de typographie, nous permet de suivre à la fois les aventures des 3 ados, d’un mercenaire sur leur trace, et de femmes mystérieuses qui gèrent GENE-SYS, une étrange organisation dont le but est assez obscur… Malgré la traque et le course contre la montre qui font tout le suspens de ce roman, nous avons également le temps d’entrer dans la psychologie de chacun des ados, notamment quand ils retournent dans leurs famille, pensant reprendre tranquillement leur petite vie. Premier tome d’une trilogie, Abaton est un roman véritablement haletant, qui s’intéresse au thème de l’eugénisme, et devrait plaire à tous les amateurs de thrillers et de science-fiction…

En bonus, l’éditeur vous propose un extrait du livre et découvrez également la bande-annonce :

Abaton : au-delà de la peur, Christian Jeltsch & Olaf Kraemer (La Joie de Lire)
en librairie le 18 septembre
9782889082407 – 19,90 €
à partir de 13 ans