Discussion

Trop tôt – Jo Witek

troptotEn vacances à Royan avec ses parents, Pia et sa cousine Marthe veulent grandir cet été-là, être remarquées et faire des expériences significatives dans leurs vies de jeune filles qui vont au-delà du simple fait de porter du maquillage ou de sortir entre amies…Et si c’était l’été où elles rencontraient leur grand Amour ? L’été de tous les possibles. Elles décident de forcer le destin en faisant le mur un soir pour aller en boîte de nuit. Pia va rencontrer Nathan, s’abandonner dans ses bras et perdre sa virginité sur la plage. Mais le lendemain, rien n’est plus pareil et la jeune fille va vivre une grande déception sentimentale : il a déjà une petite amie et s’est servi de Pia pour « pimenter » sa nuit…Son chagrin est immense. En rentrant chez elle, elle est inconsolable : Pia en devient même malade. Très vite elle comprend que ce n’est peut-être pas Nathan qui la rend malade :

« C’est dans cette salle obscure que j’ai réalisé que ce que je ressentais depuis des semaines n’était pas seulement une absence d’amour, mais peut-être un embryon. »

★★★★☆

Pia va bel et bien grandir mais pas comme elle aurait voulu. Lorsque les événements deviennent trop réels trop vite il est difficile de les affronter seuls. Mais comment annoncer à ses parents que l’on est plus une petite fille ? On retient un peu son souffle lors de la lecture car nous sommes autant dans la peur que Pia : les réactions de sa mère et de son père sont attendues. La pression retombe vite lorsqu’on assiste – même si c’est difficile – au soutien inconditionnel de ceux-ci. Abordé avec simplicité, ce récit décrit le parcours d’une jeune fille qui a recours à l’avortement sans tomber dans le pathos. Dédramatiser serait un terme plus juste. Jo Witek le fait toujours avec beaucoup de facilité.

« C’est un choix, un droit, c’est la moindre des choses et pourtant ce n’est pas une moindre chose. Je hais ceux qui osent penser que les femmes font cela à la légère. Je n’oublierai jamais ce jour, je le sais. Je sais aussi que désormais, j’ai un corps. Un corps avec ses désirs, ses fougues, ses blessures, ses secrets. Un corps qui m’appartient. »
Et Bob dans tout ça ?

Il a aussi beaucoup aimé ce très court mais fort roman ! Jo Witek met en effet les mots justes et nous offre un beau portrait de jeune fille devenue femme. J’ai justement beaucoup apprécié le fait que Pia est parfaitement consciente de ce qui se passe, de ce que ça signifie pour elle et son entourage, et de sa décision. Quand bien même elle peut douter, être angoissée par ce que l’on va penser d’elle, Pia reste forte et lucide. De ce fait, le roman évite le larmoyant ou le moralisme que l’on peut retrouver parfois sur cette thématique. Ce qui fait de Trop tôt un roman très réussi et très juste.

« Aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l’avortement. C’est toujours un drame, cela restera toujours un drame. » Simone Veil

Trop tôt, Jo Witek (Talents Hauts)
collection Ego
à paraître le 16 avril 2015
9782362661266 – 7€
à partir de 15 ans

Pour aller plus loin sur le thème de l’avortement

300000chaqueanneeElles sont 300 000 chaque année – discours de Simone Veil pour le droit à l’avortement (Points)
9782757814963 – 3.00€
Une introduction pas des moindres pour découvrir un pan de l’Histoire important. Un discours qu’il faut lire au moins une fois, ce qui en a découlé a marqué le début de l’émancipation sociale de la femme.

A ma source gardée, Madeline Roth

Son
2

Pour qui tu m’as prise ? – Isabelle Rossignol

Pauline est folle amoureuse de David, au grand désespoir de son amie Camille. Car Pauline a des étoiles plein les yeux tout le temps alors que David ne semble même pas la remarquer… D’ailleurs, David n’est pas tellement intéressé par les filles ou l’idée d’avoir une petite amie. Il attend le jour où ça viendra sans s’en soucier plus que ça… Sauf que son pote Mathieu accumule les conquêtes et ne cesse de chambrer David sur son absence d’intérêt pour la gente féminine. Il va alors le pousser dans les bras de Pauline…

★★☆☆☆

Attention, livre choc ! La lecture de ce nouveau roman de la collection Ego ne vous laissera probablement pas indifférent car il aborde un sujet vraiment difficile : le viol (oui, autant vous le dire tout de suite car même s’il n’apparaît qu’à la fin, on se doute plus ou moins que c’est ce qui va se passer). Prenons d’abord la forme : nous avons quatre personnages, dans cette histoire, dont les interventions sont matérialisées comme dans une pièce de théâtre, si ce n’est que nous n’avons que les pensées des personnages, ou la retranscription des conversations qu’ils ont entre eux. C’est plutôt original et agréable à la lecture. Pour le fond, je suis un peu plus sceptique. J’ai bien aimé le début, dans lequel on découvre petit à petit nos personnages, leurs qualités et leurs défauts. Je trouve que la pression qui s’exerce à l’adolescence sur l’amour et la sexualité est très bien rendue, surtout sur les garçons. Car Mathieu est du genre à emballer les filles et David, lui, pense plutôt que ce n’est pas grave ou important de ne pas être actif sexuellement à 17 ans. Et il a raison ! Malgré les piques et les moqueries lancées par Mathieu, David se sent bien dans sa peau et attendra le moment qui lui conviendra pour sortir avec une fille… Sauf qu’un jour, Mathieu finit par le convaincre de tenter sa chance avec une fille : Pauline, qui le dévore des yeux chaque matin devant le lycée. Mais comment fait-on pour sortir avec une fille ? Et comment fait-on une fois qu’on est avec elle, prêt à se lancer ? Si David ne sait pas à qui poser ses questions, heureusement, Internet est là. Et c’est la pornographie qui va devenir son professeur d’éducation sexuelle… Alors le jour où David sort enfin avec Pauline, il a tout prévu (grâce à l’aide de Mathieu) et tout semble bien se dérouler, il croit même tomber un peu amoureux d’elle, jusqu’au moment où tout bascule… Difficile de tout vous dire sans vous raconter tout le livre, mais si j’avais bien accroché au début, aux questions des ados sur l’amour, la sexualité, j’ai très vite déchanté. J’ai trouvé le basculement de David, plutôt sûr de lui sur sa sexualité au début, très rapide à partir du moment où il regarde du porno. La scène qui conduit au viol notamment, m’a semblée pleine de contradictions, peut-être aussi à cause de la confusion qui règne dans l’esprit du garçon. Il est clair que la fin du livre met mal à l’aise et qu’on ne ressort pas de cette lecture complètement indemne. C’est d’ailleurs très difficile de « noter » un livre pareil. Néanmoins, je trouve que contrairement à d’autres livres de la même collection qui répondent bien au cahier des charges (faire réfléchir le lecteur sur le sujet), Pour qui tu m’as prise est moins évident sur ce qui est dénoncé, en dehors du viol, je veux dire : est-ce le porno et son accès facile sur le net ou bien plutôt le fait que les ados ne trouvent personne avec qui parler de sexualité (hormis les amis et on sait bien que personne n’est expert chez nos copains à cet âge-là) ? Bon, c’est peut-être mon côté convaincue que l’éducation sexuelle est super importante à réaliser auprès des ados qui parle, mais tout de même, j’ai eu l’impression qu’il manquait quelque chose pour véritablement inciter les jeunes à réfléchir, pour leur faire prendre le recul nécessaire à cette réflexion. Car il y a véritablement beaucoup de choses dans ce roman, et des choses graves qui ont besoin d’accompagnement… Bref, je pourrais discourir avec vous de tout ce qui est évoqué dans ce roman, mais je n’en ai pas la place… Néanmoins, je serais ravie de pouvoir en discuter si vous le souhaitez et si vous l’avez lu !

9782362661129,0-2229362
Pour qui tu m’as prise ?, Isabelle Rossignol (Talents Hauts)
Collection Ego
en librairie le 4 septembre
9782362661129 – 8 €
à partir de 15 ans

Son
1

Hors de moi – Florence Hinckel

Sophie a seize ans et ne cesse de rêver à cette journée d’été merveilleuse où elle a fait l’amour pour la première fois avec un garçon. Enfermée dans son souvenir, elle ne parle presque plus, semble complètement ailleurs… Jusqu’au jour où son mutisme trouve une explication : elle est enceinte. Et elle ne désire pas du tout cet enfant qui grandit en elle…

★★★★☆

Avec beaucoup de douceur et de justesse, Florence Hinckel aborde le sujet du déni de grossesse. On assiste à la découverte de Sophie de ce bébé qui grandit dans son ventre, souvenir laissé par ce garçon inconnu qui hante ses rêves depuis des mois, la difficulté à accepter cette grossesse une fois connue, et la réaction de tous à cette nouvelle : parents, amis, camarades de classe et professeurs. Mais c’est surtout la réaction de Sophie qui est au cœur de ce roman : elle ne désire pas cet enfant, et sa détresse, énorme, ne semble être comprise par personne de son entourage. Il lui faudra rencontrer Adélaïde, une autre adolescente de son lycée à la « réputation sulfureuse », elle aussi enceinte – mais par choix – pour sortir peu à peu la tête de l’eau. Elle pourra également compter sur certaines de ses amies pour mieux vivre sa grossesse. J’ai trouvé les réflexions et les questionnements des personnages très pertinents, qu’ils soutiennent ou non les décisions de Sophie car c’est ce à quoi toute jeune fille enceinte peut être confrontée, et c’est ce qui fait la force de ce roman (ou de la collection Ego en général) : il s’agit de faire réfléchir. Au-delà de cet aspect, aussi fondamental soit-il, Hors de moi est un très beau texte, très délicat, un roman vraiment intéressant et plein d’émotions.

Pour information : Hors de moi est en fait une sorte de « préquelle » au roman L’été où je suis né (Gallimard, 2011), qui raconte l’histoire de l’enfant de Sophie, 15 ans plus tard. Je ne l’avais pas lu, et ce n’est pas du tout gênant pour la lecture de celui-ci.

9782362661112,0-2229069
Hors de moi, Florence Hinckel (Talents Hauts)
Collection Ego
en librairie le 21 août
9782362661112 – 9 €
à partir de 13 ans

Son
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Vibrations – Raphaële Frier

Clara ne se sépare jamais de son téléphone portable : elle dort même avec. Car elle ne peut s’empêcher d’attendre les messages de Sylvain, qui lui dit qu’elle est belle, qu’elle n’est pas comme les autres, qu’il a hâte de la revoir au lycée. Et Clara s’imagine plein de choses avec Sylvain. Pourtant, au lycée, c’est une autre histoire, ils ne se parlent presque pas, mangent à la cantine sans rien dire et ne se voient pas en dehors des cours. Clara désespère, et son meilleur ami, Hakim, finit par lui dire de faire attention à Sylvain, qu’il n’est pas ce qu’il semble être… Et lorsque Clara récupère par erreur le portable de Sylvain, elle va découvrir une vidéo qui va tout chambouler…

★★★★☆

Vibrations est un roman de la collection Ego, chez Talents Hauts. Si vous ne connaissez pas, il s’agit d’une collection de romans pour les ados dont le but est de faire réfléchir sur des sujets de sociétés ou des problématiques adolescentes. Et souvent, ça donne des textes très intéressants et à mettre entre toutes les mains adolescentes, voire adultes, en espérant que ça change un peu les mentalités…

Dans Vibrations, l’auteur s’attaque au racisme, au harcèlement et à la violence des ados. Le récit est court, mais suffisant pour l’histoire raconté, tout en nous laissant matière à la réflexion (c’est le but, rappelons-nous !). Les sentiments de Clara, l’héroïne, sont vraiment très bien rendus : sa passion dévorante pour un garçon beau gosse qui lui dit qu’elle est belle, sa relation avec ses parents, sa honte et sa colère quand elle découvre la vidéo « choc » sur le portable de celui dont elle rêve… Tout est à hauteur d’ados, dans la langue, l’écriture, le sujet. Bref, un titre vraiment très intéressant !

9782362661136,0-2229365
Vibrations, Raphaële Frier (Talents Hauts)
Collection Ego
en librairie le 4 septembre
9782362661136 – 7 €
à partir de 13 ans