Son
2

Macha ou l’évasion – Jérôme Leroy

9782748521900,0-3360369

Macha-des-Oyats a cent sept ans et vit dans le monde de la Douceur, où la nature, le respect de l’environnement et des autres a remplacé la violence et la technologie du monde de la Fin. Un jour, de jeunes gens viennent trouver Macha, la dernière à avoir connu ce monde terrible, et lui demandent de bien vouloir raconter son histoire, celle avant la Fin et l’arrivée de la Douceur…

★★★★★

Il y a dans le monde de la Douceur cette utopie qui manque depuis un certain temps dans la littérature d’anticipation et de science-fiction, notamment pour les adolescents. Jérôme Leroy renoue avec le genre dans cette histoire où Macha, une très vieille femme, vit dans un arbre, avec une communauté de gens tous plus sympathiques les uns que les autres. Le monde de la Douceur est né dans les ZAD voilà quatre générations et, désormais, les gens y vivent de la nature, de l’échange, du partage, sans technologie (en tous cas pas celle que l’on connaît et qui est à l’origine de la fin de l’ancien monde) ou notion d’argent, de propriété… Un vrai paradis ! Une utopie parfaite.

Lorsque trois jeunes gens viennent trouver Macha pour qu’elle leur raconte son histoire, celle d’avant la Fin, et non pas celle de la naissance de la Douceur dont ils ont déjà tant de témoignages, Macha est réticente, peu désireuse de retourner dans les tréfonds de sa mémoire, dans la violence et l’horreur qu’elle a connu adolescente. Pourtant, elle le fera, et c’est bien la plus grande partie du roman qui s’intéresse à cette enfance où Macha a vécu le pire. Je ne vous en dirais pas trop sur la vie d’avant de la centenaire, qui se découvre au fur et à mesure de la lecture mais tout se déroule à Nantes, dans une belle-famille de la haute société aux idées bien arrêtées alors que, dans la France de l’époque, les attentats s’enchaînent, les ZAD se multiplient, le parti politique nationaliste du Bloc Patriotique s’approche du pouvoir… Une situation qui n’est pas sans rappeler la nôtre… L’histoire de Macha, pleine d’émotion et de rébellion, nous montre tout le changement qui aura lieu entre le monde de la Fin et la Douceur dans laquelle elle vit désormais.

Un magnifique roman dans lequel Jérôme Leroy a choisi de nous montrer un futur positif et optimiste, qui ne sera peut-être pas le nôtre mais qui nous donne envie d’y vivre et d’y croire. Une très belle façon d’évoquer la politique et les problématiques actuelles. Beaucoup d’espoir, de chaleur et de lumière dans Macha en dépit de la dureté et de la violence vécue par la jeune fille, héroïne attachante et courageuse. Un roman lumineux à mettre entre toutes les mains ! 🙂

Macha ou l’évasion, Jérôme Leroy (Syros)
disponible le 25 août 2016
9782748521900 – 16,95€
à partir de 13 ans
Son
5

Les fils de George – Manu Causse

9782362661501,0-3244157

Mardochée, 15 ans, est un garçon solitaire, duquel personne ne s’approche. Lui-même ne cherche pas à devenir ami avec les autres. En tant que membre de la communauté du Livre de George, on lui interdit de toute manière de communiquer avec les autres. Jusqu’au jour où son ami Chrysostome est retiré du lycée, et où Léo, un garçon de sa classe, l’invite au repas de fin d’année…

★★★★☆

Vous l’aurez sans doute compris : Manu Causse s’intéresse dans ce nouveau roman aux sectes. Ici, c’est une secte originaire des États-Unis qui s’est installé en France voilà des années et que les habitants tolèrent vaguement puisqu’elle n’est pas (encore ?) listée dans les sectes dangereuses. Tout le monde se contente de les regarder étrangement et, au lycée, peu nombreux sont ceux qui s’intéressent à ces garçons bizarroïdes qui débarquent chaque matin dans un break déglingué et qui ont des prénoms improbables. Pourtant, lorsque Léo invite Mardochée au repas de fin d’année – sans arrière-pensée aucune, juste dans l’esprit de camaraderie au sein d’une classe – la foi du jeune garçon commence à vaciller. Car dans le même temps, son ami Chrysostome a « disparu » et Mardochée doit préparer sa Conversion, le rite de passage obligé pour devenir un parfait fils de George…

A travers le point de vue de ces deux personnages, Mardochée à l’intérieur et Léo à l’extérieur de la secte, Manu Causse nous propose une histoire avec un sujet finalement assez peu traité en littérature jeunesse (on pense seulement à Le monde attend derrière la porte, de Pascale Maret ou Prisonnière de la Lune, de Monika Feth). Pour une première approche de ce que peut être une secte et de ses implications sur le mode de vie d’un enfant ou d’un adolescent dans ce contexte, le roman de Manu Causse est vraiment très juste et invite à une réflexion pertinente. Si la lectrice adulte aurait sans doute aimé en savoir plus sur le Livre de George, le format court de la collection Ego permet tout de même d’ouvrir le débat sur un sujet qui n’est pas toujours au cœur de l’actualité ou des préoccupations. Intéressant, percutant parfois, et bien rythmé, Les fils de George est à découvrir ! 😀

Les fils de George, Manu Causse (Talents Hauts)
collection Ego
disponible depuis le 17 juin 2016
9782362661501 – 8€
à partir de 12 ans
Discussion
6

La langue des bêtes – Stéphane Servant

Stéphane Servant, il est incroyable. C’est le genre de mec qui peut faire un album trop drôle qui parle de slip (Le Machin) et qui peut aussi raconter une fresque magique et magnifique autour de trois femmes (Le cœur des louves, qui fut un très gros coup de cœur de Bob). Alors autant vous dire qu’on trépignait d’impatience de découvrir son nouveau roman ! 😀

GetBlob.ashx

Au fond des bois, loin de la civilisation, vit une communauté d’anciens membres d’un cirque. Un triste clown, un lion édenté, un vieux marionnettiste, une trapéziste brisée, un nain chanteur, un ogre terrifiant…qui prennent soin de la Petite, seule enfant de cette étrange troupe. Bientôt, des hommes viennent pour leur demander de quitter le territoire qu’ils occupent, pour envoyer la Petite à l’école… Tant de fils qui vont se nouer, ou se dénouer…

Dans la langue de Bob

★★★☆☆

Il y a du rêve, de l’étrangeté, du fantastique dans ce roman qui nous transporte. En même temps, avec un titre et une couverture pareille, on ne pouvait s’attendre qu’à du mystère et de la bizarrerie. Cet univers de cirque oublié, de gloire passée et perdue, est le terreau parfait pour nous faire découvrir la Petite, cette enfant étrange élevée dans un certain isolement, avec la forêt et les carcasses d’animaux morts pour seuls compagnons de jeux. Et les histoires. Oui, les histoires qu’on lui raconte depuis toujours, et notamment celle du lieu où ils vivent, terrain d’une ancienne malédiction, de bébés jetés au fond de la mine, d’une Bête qui se repaissait de la peine des hommes, et des animaux qui perdirent l’usage de la parole. Toutes ces histoires qui vont mener la Petite à son destin et à celui du cirque…
Si la langue des bêtes est un mystère pour les hommes, celle de Stéphane Servant nous ravit et nous émerveille. J’ai beaucoup aimé son écriture, son intérêt pour la langue et les mots qui transparaît également dans son histoire. Il y a de la poésie, de la fureur, du mensonge, de la beauté, de l’horreur et la vérité…on ne ressort certainement pas indemne d’un roman de Stéphane Servant. Pourtant, j’ai trouvé La langue des bêtes un peu long, parfois répétitif en essayant de nous cacher les révélations jusqu’à la dernière page. Mais cela reste une expérience de lecture comme je les aime, un roman qui nous emporte loin dans l’imaginaire…

Avec les mots de Jean-Michel

★★★★☆

Il est difficile de parler avec justesse d’un roman qui nous a ému, transporté dans les tréfonds de notre imagination et qu’on a refermé à regret. Comme le mentionne si bien Bob « c’est une expérience de lecture », de celles qui se font trop rares car la poésie qui en émane est si envoûtante qu’elle éclipse tout le reste le temps d’une lecture. Tout – absolument tout – est merveilleux dans La langue des bêtes : des légendes enchanteresses aux personnages sibyllins, de la forêt poussiéreuse au cirque déchu…
Bizarre ? Vous avez dit bizarre ?
Qu’à cela ne tienne, c’est l’étrangeté de ce roman qui le rend si particulier mais pas inaccessible, loin de là : il trouvera son public, j’en suis certaine. Ce roman aux allures de conte intemporel à l’étoffe des plus grands : une qualité d’écriture évidente, de la magie à chaque page et un ton qui nous donne l’impression d’avoir l’esprit enveloppé dans la ouate – oui, même lors de scènes brutales où mes oreilles bourdonnaient. J’espère que c’est bien l’émotion qui me gagnait et non pas un éventuel problème de surdité. A l’instar de Bob, je n’ai pas trouvé de longueurs à ce roman, sans doute parce que j’étais trop plongée dans les affres délicieuses de ces bizarreries et que je ne souhaitais plus en sortir. Notez la beauté de la couverture : le travail de l’artiste Laura Makabresku correspond parfaitement avec le texte de Stéphane Servant, une association emblématique qui a fait ma joie et mon bonheur.

On vous assure que c’est un excellent roman. Si jamais vous souhaitez nous contredire, n’hésitez pas à nous envoyer un mail en indiquant vos nom, prénom et adresse afin qu’on vienne cordialement vous casser la figure 🙂

La langue des bêtes, Stéphane Servant (Rouergue)
collection DoAdo
disponible le 19 août 2015
9782812609268 – 15,90€
à partir de 14 ans

Son
0

La source, t.1 Errance – Maxime Fleury

9782364746954,0-2629259

Sur une Terre stérile, Albeda et Tilo entament leur Errance, une mission périlleuse dont le but est de rapporter à leur clan le secret de la Source qui, selon la légende, devrait ramener l’abondance. Durant leur marche, les deux jeunes gens vont découvrir les vestiges de l’ancien monde et croiser des tribus hostiles ou des communautés accueillantes… Parviendront-ils à trouver la Source dans ce monde en ruines ?

★★★★☆

Pour son premier roman, Maxime Fleury s’est lancé dans la dystopie, le genre du moment ! Pourtant, ce qu’il nous propose dans ce roman est très différent de ce qu’on lit habituellement, et je pense que cela vient principalement de l’absence de romance à l’eau de rose et de scènes d’action à faire pâlir les réalisateurs de Mission : impossible. En effet, ce qui semble intéresser Maxime Fleury ici, c’est plutôt le rapport des personnages à leur passé, à leur enfermement, à leurs croyances. Et la quête que suivent Albeda et Tilo. Une quête finalement assez obscure, ou en tous cas très vague…puisque lorsque les deux jeunes gens se mettent en route, ils ne savent même pas qu’il existe une multitude de routes différentes… Plutôt mal barrés, non ?

J’ai beaucoup apprécié le fait que, comme les personnages du roman, nous découvrons le monde au fur et à mesure. Nous ne savons rien de ce qui a fait de la Terre un endroit totalement stérile, détruit. Nous n’avons que les légendes, les suppositions avancées par nos héros ou les personnes qu’ils rencontrent sur leur chemin. On meurt de savoir ce qui s’est passé, ce qui a causé cet état du monde et, pourtant, on finit par accepter de ne pas avoir de réponses et de se laisser transporter dans l’aventure que vont vivre Albeda et Tilo. L’écriture de Maxime Fleury en est d’ailleurs parfaite, il ne lui faut que quelques mots pour nous embarquer dans son histoire et nous happer jusqu’à la dernière page. Une dernière page qui nous laisse évidemment sur notre faim, comme tout bon premier tome qui se respecte, et qui nous pousse à guetter la suite avec impatience !

N’hésitez pas aussi à aller lire l’avis de notre cousin le Lapin Blanc sur ce roman !

La source, t.1 Errance, Maxime Fleury (Thierry Magnier)
disponible depuis le 20 mai 2015
9782364746954 – 11€
à partir de 13 ans