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Elle est le vent furieux – collectif

Un titre percutant, une couverture splendide et six autrices de grand talent : c’est Elle est le vent furieux, projet initié par Marie Pavlenko qui donne à faire entendre la voix de la Nature, malmenée par l’humanité depuis trop longtemps.

C’est Marie Pavlenko qui ouvre la danse avec un texte qui fait office de prélude à ceux de ses consœurs et dans lequel elle imagine Dame Nature elle-même qui, après une journée passée dans notre monde à être compressée, poussée, méprisée, crottée et victime de la plus grande indifférence, décide de laisser éclater sa colère et de se venger des hommes qui n’ont plus aucune considération pour elle. Qui sème le vent… Les cinq autrices qui l’accompagnent dans ce projet vont alors nous proposer des histoires complètement différentes, tant dans le style que dans le genre même si toutes sont une variation de l’imaginaire.

Avec Monkey palace, Sophie Adriansen oppose l’insouciance des vacances privilégiées aux réalités de l’exploitation de certaines zones touristiques du monde qui voient des régions entières être transformées pour le profit et sans aucun souci de la faune ou de la flore locale. Un récit comme un thriller angoissant qui bascule très vite et nous laisse pantelant dans un twist final savoureux (un procédé dont Bob est toujours friand). Dans Nos corps végétaux, Coline Pierré nous offre toute la sensibilité de son écriture dans un récit poétique de métamorphose qui voit deux jeunes femmes découvrir la mutation végétale dont elles sont victimes – comme toute la population – et en accepter différemment les conséquences. Une histoire comme un rêve. Les deux textes suivants : Extinction Games, de Cindy Van Wilder, et Naître avec le printemps, mourir avec les roses, de Marie Pavlenko, explorent les conséquences directes de la vengeance de Gaïa – ou Dame Nature – et comment les humains vont s’organiser pour endiguer cette revanche. Récits de l’engagement et de l’insurrection, de l’action de la jeunesse pour contrer l’inévitable, nous avons là deux histoires pour inspirer à être les acteurs et actrices du changement. Puis vient Sauvée des eaux, texte en vers de Marie Alhinho, beaucoup plus sombre et apocalyptique que les précédents, mais tout en émotion, qui nous raconte le destin d’une réfugiée climatique dans un monde ravagé où il ne semble y avoir de refuge nulle part. Un monde qui laisse entrevoir les prémices d’une évolution inattendue… Enfin, Flore Vesco et Le récit recyclé qui nous montre encore une fois toute l’inventivité et le talent de l’autrice. Un texte très surprenant et sans doute déconcertant mais dont la virtuosité est aussi un bel hommage à la création littéraire et à ses co-autrices.

C’est avec l’espoir d’une Dame Nature rassurée par Marie Pavlenko que ce travail collectif prend fin. Un recueil de nouvelles engagé, véritable prise de conscience – s’il en fallait encore – mais surtout un appel à l’action. Soyez, vous aussi, le vent furieux qui se fera entendre pour emmener notre monde sur la bonne voie, celle de notre Terre et de sa protection.

Elle est le vent furieux, Sophie Adriansen, Marie Alhinho, Marie Pavlenko, Coline Pierré, Cindy Van Wilder et Flore Vesco (Flammarion Jeunesse)
disponible depuis le 6 janvier 2021
9782080233943 – 15€
à partir de 13 ans
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Si c’est fluo, c’est bio !

Tu le trouves suspect ton étang qui irradie de jaune la nuit ? Ou ta boisson vert fluo 100% recyclée ? Alors t’es peut-être la bonne personne pour résoudre nos deux enquêtes du jour, et faire éclater la vérité sur des entreprises qui font fi des lois environnementales ! Justiciers de l’écologie, c’est à vous !

Des mutants dans l’étang

Après le génial Trafic à la fosse aux griffes, Véronique Cauchy nous propose une nouvelle Enquête graphique, avec cette fois Barroux au dessin. Le principe de la collection est simple : sensibiliser les enfants à l’écologie à travers des romans graphiques policiers. Et là où certains se ratent un peu en étant trop documentaires ou démago, ces enquêtes graphiques sont au contraire une véritable fiction, accompagnée simplement d’une double page documentaire en fin d’ouvrage. Véronique Cauchy réussit à nous embarquer dans une enquête véritablement à hauteur d’enfant et son écriture, qui va à l’essentiel tout en évoquant plein de pistes de réflexion, donne un rythme que la construction sous format bande dessinée complète à merveille. Et donc dans ce 2e titre de la collection, ce sont des vacances en Anjou qui permettent à nos deux héros, un frère et une sœur, de déjouer les méfaits d’une entreprise qui déverse ses déchets toxiques dans un étang. L’enquête est progressive, les différents symptômes de la pollution et de l’empoisonnement qui affectent humains et animaux distillent suspense et indices, et la résolution vient aussi grâce à l’intervention des adultes, parents et autorités compétentes. C’est vraiment très bien fichu (tout comme le 1er titre) et les illustrations de Barroux sont comme toujours un vrai régal ! Une série qui ne prend pas les enfants pour des billes à découvrir absolument !

Des mutants dans l’étang, Véronique Cauchy, illustré par Barroux (Kilowatt)
collection Enquête graphique
disponible depuis le 6 mars 2020
9782917045701 – 16,50€
à partir de 7 ans

La vie en vert fluo

Dans cet album, c’est un jeune trio d’enquêteurs qui ne pourra malheureusement pas compter sur les adultes pour venir à bout de cette usine de recyclage maléfique qui recycle absolument tout pour en faire des emballages, du compost et…des boissons ! Vous avez dit « beurk » ? Eh bien pareil pour nos jeunes héros qui vont découvrir que ce recyclage intégral, s’il paraît plutôt positif sur le papier, est en fait un véritable danger et que, bientôt, les adultes sont tous lobotomisés par leur « café vert » ou « vin composté » ! Ainsi les enfants et leur ingéniosité vont-ils être au cœur de cette enquête périlleuse qui va aussi les amener à un retour à la nature, jusqu’à ce que le problème soit résolu grâce à leur brillant stratagème. Le texte de Coline Pierré, fantasque et un peu dingo, nous emporte de l’insouciance d’une bande de copains à la lente et quelque peu terrifiante compréhension que tout ne tourne pas rond. Les illustrations hyper colorées de Gilles Freluche, dans un style graphique très vivant et expressif, offrent aussi de beaux moments de créativité et de fantastique digne des meilleurs films de monstres ! Un album qui ne manque pas d’humour et fait surtout la part belle au pouvoir de l’action collective !

La vie en vert fluo, Coline Pierré, illustré par Gilles Freluche (Mango)
disponible depuis le 10 janvier 2020
9782317022692 – 14,50€
à partir de 6 ans
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Duos improbables !

Force est de constater qu’on arrive à vous présenter des romans ou des albums avec des thématiques souvent proches. Cette fois, si les histoires de nos deux romans n’ont pas grand-chose en commun (quoique !), ils nous proposent en revanche tous deux des duos assez improbables… 😛

Nos mains en l’air

Dans la famille de Victor, on est braqueurs de père en fils. Sauf que Victor, c’est pas vraiment son truc. Il est plutôt gentil, et vient même en aide aux victimes de traumatismes. De son côté, Yaël est une toute jeune ado sourde, orpheline vivant chez une tante richissime et détestable. Lorsque Victor est envoyé cambrioler la maison de Yaël, la rencontre est totalement inattendue et va les mener à quitter leurs familles respectives…

★★★★☆

De cette rencontre aussi étonnante qu’improbable va débuter un road-trip d’Angers jusqu’à la Bulgarie où nos deux héros vont apprendre à se connaître et à se dépasser. Le talent de Coline Pierré réside dans la justesse de son ton, et dans la tendresse qu’elle met à chaque fois dans ses histoires et ses personnages. Il faut du temps à Victor pour apprivoiser la jeune Yaël, qui ne se laisse pas abattre par son handicap, mais l’inverse est également vrai, et la relation qui se noue entre les deux jeunes gens est lumineuse, spéciale, et donne toute sa saveur à ce roman aussi drôle que sensible. Une très belle réflexion sur la famille, le dépassement de soi, et une magnifique histoire d’amitié.

Nos mains en l’air, Coline Pierré (Le Rouergue)
collection DoAdo
disponible depuis le 1er mai 2019
9782812618000 – 14,80€
à partir de 13 ans

 

Et la Lune, là-haut

Alistair est un génie des maths. Son rêve : aller sur la Lune. Mais Alistair n’a jamais mis les pieds hors de son appartement, où il vit seul avec sa mère. S’il est incollable sur les sciences (de l’astronomie au décryptage des émotions), il est en revanche complètement démuni lorsque sa mère décède, le laissant totalement seul. Il se décide alors à sortir et est tout de suite repéré par Yaro, un jeune sans-papiers qui flaire le bon pigeon…

★★★★☆

Nous passons un cran au-dessus dans l’improbable avec le duo Alistair-Yaro et leur histoire aussi rocambolesque que délirante ! Pourtant, et comme chez Coline Pierré, les choses sont loin d’être marrantes : la relation toxique entre Alistair et sa mère, le passé d’immigré de Yaro et toutes les embûches qu’ils vont rencontrer au cours de leur drôle de périple… Car malgré tout cela, et en dépit de la volonté de Yaro de juste crécher au sec quelques jours et se barrer ensuite, comme nous, il ne peut que s’attacher à ce drôle de zozo incapable de savoir ce que l’on fait lorsqu’une personne décède (la mettre dans le canapé n’est pas une bonne idée, par exemple). Muriel Zürcher réussit avec beaucoup d’humour et d’humanité à nous emporter dans ce compte à rebours décalé vers la réalisation des rêves d’Alistair et de Yaro.

Et la lune, là-haut, Muriel Zürcher (Thierry Magnier)
disponible depuis le 22 mai 2019
9791035202507 – 14,50€
à partir de 13 ans
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Ma fugue chez moi – Coline Pierré

9782812610523,0-3163137

Vous l’avez peut-être remarqué, on aime un peu beaucoup Coline Pierré ici ! Il était donc normal de continuer à vous parler d’elle et de ses livres moelleux et enveloppants.

Après une énième humiliation au collège et l’annonce que sa mère ne rentrera pas pour les fêtes de Noël, Anouk décide de fuguer. Sa préparation est exemplaire et la voilà dehors, prête à rouler sa bosse sur les routes d’Alsace…jusqu’à ce qu’elle se rende compte qu’elle ne sait pas où passer la nuit. Son projet avorté, elle rentre chez elle, toute penaude, avant de trouver la solution pour faire sa fugue : le grenier !

★★★★☆

C’est sur cette idée un peu folle et étonnante que repose ce très beau roman de Coline Pierré. Il y a un mal-être chez Anouk, entre son ancienne meilleure amie Marina qui la maltraite au collège et sa mère absente depuis des années, sans compter son père qui ne semble rien comprendre à ses émotions… Seule sa petite sœur Bena est capable de la rendre heureuse, mais celle-ci est en internat et Anouk ne la voit que le week-end. Alors elle décide de partir, de fuguer, de se prendre un petit studio quelque part et vivre sa vie, jouer de son banjo, être libre. Mais son rêve d’évasion romantique se heurte à la dure réalité de la vie et, malgré cette désillusion, Anouk choisit le grenier de sa maison pour assouvir son désir de solitude. Mais alors qu’elle organise sa vie dans cette pièce oubliée, Anouk se rend compte qu’elle entend tout ce qui se passe dans la maison grâce à la tuyauterie. Une astuce idéale pour savoir quand part son père pour descendre et prendre une douche ou se ravitailler, mais aussi une difficile prise de conscience que sa fugue laisse des traces chez les autres…

Je n’en dis pas plus sur cette histoire qui, malgré ce que je peux en dire, laisse beaucoup de place à l’humour et à des situations qui vous seront sourire. Anouk est une jeune fille particulièrement discrète et débrouillarde et on s’attache très rapidement à elle, aux émotions qui la traversent et à ce qui la pousse à fuguer chez elle. J’ai beaucoup aimé ses réflexions, notamment lorsqu’elle évoque sa fugue et les raisons qui l’y ont poussée ; ses souvenirs et sa tristesse de ne pas connaître réellement sa mère, présente à la maison une ou deux fois par an, trop occupée par son métier au Pôle Nord ; sa relation avec sa petite sœur ; sa sensation que son père ne la comprend pas. J’ai l’impression de vous parler d’un roman larmoyant mais ce n’est pas le cas du tout, il y a une véritable douceur dans tout ce que nous raconte Coline Pierré à travers Anouk, je me suis sentie bordée doucereusement dans ses mots et dans son histoire, j’ai ri et je suis sortie de ce livre avec un soupir de contentement. C’est une belle histoire de famille, une jolie rencontre avec cette drôle de fille et sa drôle d’idée, un livre aussi lumineux que le laisse présager sa très belle couverture. 🙂

Ma fugue chez moi, Coline Pierré (Rouergue)
collection DoAdo
disponible le 9 mars 2016
9782812610523 – 10,20€
à partir de 13 ans
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La folle rencontre de Flora et Max – Coline Pierré et Martin Page

9782211223942,0-2817234

Flora est dans une prison pour mineure. Max est enfermé chez lui, incapable d’affronter le monde extérieur. Pourtant, il va commencer à envoyer des lettres à la jeune fille dont il se sent proche par leur enfermement respectif. D’abord étonnée, Flora va finalement se laisser prendre au jeu et tous deux vont tenir cette correspondance au fil de l’année…

★★★★☆

Une folle rencontre, en effet, et une correspondance étonnante entre ces deux jeunes gens que tout semble opposer ! Flora et Max fréquentaient le même lycée, bien qu’ils ne se soient jamais réellement remarqués. Max a dû le quitter suite à une grave crise d’angoisse, qui l’a contraint à rester dans le cocon rassurant de sa chambre. Quand il apprit qu’une jeune fille de son lycée était désormais incarcérée, il s’est trouvé des points communs avec elle et, sur un coup de tête, décide de lui envoyer une lettre. Débute alors une correspondance qui va permettre à ces deux jeunes de se réconforter l’un l’autre, d’essayer de survivre à leurs enfermements respectifs grâce à une amitié naissante et de se construire leur petite place dans le monde.

La folle rencontre de Flora et Max est un roman lumineux, on découvre chaque lettre avec le sentiment d’assister à quelque chose de singulier, d’exceptionnel. Une impression sans doute liée au procédé utilisé par les auteurs. L’éditeur explique en effet que les auteurs, Coline Pierré dans la peau de Flora et Martin Page dans celle de Max, se sont échangés des lettres quatre mois durant. Ce qu’ils considèrent comme « une expérience passionnante et très fertile, car la surprise, la découverte de la lettre de l’autre nous donnait envie de rebondir, de nouvelles idées germaient sans cesse ». Je trouve qu’on sent très bien cette émulation qui transparaît au fur et à mesure que le roman avance, que Flora et Max échangent des idées toutes plus surprenantes les unes que les autres. Mais ce qui m’a surtout beaucoup plu, c’est cette douceur dans les lettres, l’humour et la fantaisie de ces deux jeunes gens. On ressort de cette lecture avec le cœur gonflé d’espoir, comme les personnages de l’histoire. Magnifique !

La folle rencontre de Flora et Max, Coline Pierré et Martin Page (École des loisirs)
collection Médium
disponible le 11 novembre 2015
9782211223942 – 14,50€
à partir de 13 ans

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L’immeuble qui avait le vertige – Coline Pierré

9782812608537, 0-2559769

Aujourd’hui, Hannah et sa famille emménagent dans leur tout nouvel appartement, tout juste inauguré par le maire, qui a prénommé l’immeuble Hector. Hannah est évidemment très heureuse de découvrir sa nouvelle chambre et son superbe placard…jusqu’au moment où l’immeuble se met à trembler. Tremblement de terre ? Bizarre, ça n’a frappé que l’immeuble ! Et voilà que ça recommence ! C’est la panique chez les habitants car Hector continue de trembler…

★★★☆☆

Avec un tel titre, on ne pouvait s’attendre à rien d’autre qu’à un brin de fantaisie. Et c’est le cas ! En témoignent les citations de Roald Dahl et d’Astrid Lindgren en début de roman (au cas où vous auriez toujours eu un doute sur le contenu). Car, franchement, vous connaissez des immeubles qui ont le vertige, vous ? C’est donc tout le sujet du livre, et son petit côté loufoque.
Au début, on essaye quand même de rester rationnel : après tout, un immeuble qui tremble de partout, ce n’est pas normal. Alors on fait venir les architectes, les scientifiques. Rien, aucune idée de ce qui se passe. Il faudra attendre que notre jeune Hannah soit elle-même sujette au vertige pour qu’elle fasse le parallèle entre ses symptômes et ceux d’Hector. Et alors ce seront désormais des docteurs, des spécialistes de la médecine, qui vont intervenir et déclarer que, en effet, Hector souffre de vertige. Mais comment le soigner ? Ça, je ne vous le dis pas et vous laisse le découvrir en lisant le roman…
En tous cas, L’immeuble qui avait le vertige est un petit roman très chouette, avec un petit côté fou qui devrait plaire aux plus rêveurs. Très vite, on s’attache à Hannah, son amie Louise et Hector, que l’on finit par considérer comme un être à part entière, avec ses émotions. On rit aussi des frasques du maire, de la politique et de l’urbanisme des villes qui sont gentiment moquées par l’auteur. Et on apprécie le côté solidarité qui se crée au sein de cette communauté de locataires, prêts à tout pour garder leur immeuble et capables d’inventer des choses complètement folles pour le sauver…

L’immeuble qui avait le vertige, Coline Pierré (Rouergue)
collection DacOdac
en librairie depuis le 8 avril 2015
9782812608537 – 7€
à partir de 9 ans