Son
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Les étincelles invisibles – Elle McNicoll

Addie est autiste. Cette année, Mlle Murphy, son enseignante, lui montre autant de mépris que certains autres élèves qui se moquent de sa différence. Le jour où, lors d’un cours d’histoire, il est question de femmes exécutées à l’époque de la chasse au sorcière dans sa ville d’Ecosse, Addie est bouleversée. En se renseignant sur ces femmes qu’on appelait sorcières, elle réalise qu’elle a peut-être beaucoup en commun avec elles. Addie décide alors de mener une campagne pour que la ville honore par un monument ou une plaque commémorative ces femmes injustement traitées.

L’affirmation de soi, le droit à la différence, l’acceptation de l’autre, autant de thèmes que l’on retrouve dans ce roman d’une grande sensibilité. Elle McNicoll, elle-même autiste, se nourrit sans aucun doute de sa propre expérience pour nous offrir le personnage d’Addie, jeune écolière pour qui les lumières trop fortes ou la lecture des visages peuvent être une difficulté dans la vie de tous les jours. Passionnée par les requins, grande lectrice et toujours fourrée à la bibliothèque de l’école ou à la librairie (avec un très chouette bibliothécaire et une super libraire en prime – tout ce qu’on adore !), Addie a besoin d’aller toujours au fond des choses quand un sujet l’intéresse et ne se promène jamais sans son thésaurus offert par sa grande sœur Keedie, autiste elle aussi. Ainsi, lorsque le passé de la petite ville de Juniper (pas loin d’Edimbourg) est abordé en classe, et que Addie découvre le sort réservé à une cinquantaine de femmes du village voilà quelques siècles, il lui faut tout savoir pour comprendre comment une telle chose a pu se produire. Et Elle McNicoll réussit très finement à faire le parallèle entre l’autisme d’Addie et les raisons qui ont pu conduire une population à exécuter des femmes innocentes. Car sans doute étaient-elles elles aussi « différentes », autistes ou neuroatypiques. La volonté d’Addie à réhabiliter ces femmes, et à inciter les autorités de sa ville à rendre hommage aux victimes par le souvenir, va être le fil rouge de cette histoire qui s’intéresse aussi aux relations qu’Addie a avec sa famille, notamment ses sœurs (ses parents sont plutôt laissés de côté et c’est peut-être le seul point noir du roman), ses amies (ancienne et nouvelle) et surtout sa maîtresse, personnage particulièrement détestable.

Malgré la violence des propos ou des actes de la maîtresse ou des camarades de classe d’Addie, Les étincelles invisibles est un très beau roman, délicat et lumineux, qui invite à la tolérance et à prendre conscience que le monde n’est pas conçu pour tous.tes et que certain.es le perçoivent différemment. Eclairant et passionnant, le roman ne manquera pas de vous toucher au cœur grâce à ce personnage si fort, si juste et si attachant. Une très belle découverte et un très beau texte sur l’autisme.

Les étincelles invisibles, Elle McNicoll, traduit par Dominique Kugler (L’école des loisirs)
collection Médium
disponible depuis le 15 octobre 2021
9782211001861 – 13,50€
à partir de 12 ans
Son
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Sœurs d’Ys – M.T. Anderson & Jo Rioux

Dans la cité magique et fastueuse d’Ys, la reine Malgven meurt brutalement, laissant ses deux filles inconsolables. Alors qu’elles grandissent, elles s’éloignent l’une de l’autre : Rozenn, héritière du trône, préfère la nature et le travail de la terre tandis que Dahut, la cadette, tournoie dans les fêtes et les intrigues du palais. Mais Ys n’est pas cette cité de rêve qui intrigue tant le monde extérieur et elle cache de biens terribles secrets…

Ville légendaire de Bretagne, engloutie par l’océan, Ys fait partie de ces cités mythiques opulentes et enviées qui finissent par disparaître mystérieusement. M.T. Anderson revisite ainsi la légende celtique, reprenant les personnages et éléments phares de l’histoire telle qu’elle est nous est parvenue et nous racontant également le destin de deux jeunes filles à l’héritage maudit. Deux sœurs que tout oppose, tant dans les caractères que les aspirations et qui scellera le destin tout entier de l’île. Réflexion sur l’orgueil des hommes, l’appât de la richesse, le contrôle de la nature et des ressources, induite par le père de Rozenn et Dahut, c’est aussi, du côté des deux jeunes filles, une réflexion sur la culpabilité, le poids des responsabilités quand on désire tout simplement vivre. Rozenn n’existe pas dans les différentes versions de la légende mais elle apporte une dimension intéressante au récit, contrebalançant le personnage de Dahut représentant habituellement le « Mal » et permet surtout d’apporter son lot de drame, d’amour et de trahison.

C’est Jo Rioux qui met en images cette histoire complète et c’est tout simplement époustouflant ! Il y a dans son style quelque chose qui rappelle Isabel Greenberg ou Mathieu Bablet (notamment dans ce dessin si particulier des personnages). La couverture très tourbillonnante et fascinante donne déjà le ton ! Mais c’est surtout le soin apporté à l’expressivité des personnages qui nous subjugue, notamment le regard tantôt séducteur, tantôt tourmenté de Dahut ou celui absent, coupable, dément du roi Gradlon. L’album est d’ailleurs complété par un cahier graphique de toute beauté qui montre toute la finesse du trait de Jo Rioux.

Une bande dessinée magnifique, terrible et enivrante pour découvrir ou redécouvrir cette légende celtique dont les thèmes résonnent encore et toujours actuellement.

Sœurs d’Ys – La malédiction du Royaume englouti, Matthew Tobin Anderson, illustré par Jo Rioux (Rue de Sèvres)
disponible depuis le 16 septembre 2020
9782810217403 – 20€
à partir de 13 ans
Son
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Luna la nuit – Ingrid Chabbert et Clémentine Pochon

9782354190972,0-4356164

La nuit, Luna a peur et se cache sous une montagne de coussin, espérant retrouver le jour rassurant. Son père travaille toute la journée et sa mère est alitée, endormie par les médicaments. A l’école, elle a du mal à s’ouvrir aux autres, préfère rêver et prétendre que tout va bien. Jusqu’au jour où arrive Marie, l’autre fille de son père, qui va désormais vivre avec eux une semaine sur deux. Luna est plutôt contente, jusqu’à ce qu’elle se rende compte que Marie aussi a peur la nuit…

★★★★★

Wow ! Ce fut ma première réaction, entre stupéfaction et frisson, lorsque je suis arrivée à la dernière page de cette bande dessinée. Est-ce que j’ai loupé des cases ? Pas bien regardé le dessin ou compris le texte ? Pas voulu voir, peut-être ? Ou étais-je volontairement induite en erreur parce que les auteurs ont choisi de montrer une chose plus qu’une autre ? Hum, vous devez être bien intrigués ! Et c’est très délicat de vous parler de cette BD sans vous ôter la surprise qui sera peut-être également la vôtre lorsque vous découvrirez ce magnifique album !

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Je me contenterais alors d’évoquer le texte d’Ingrid Chabbert, à la fois tout en retenue et d’une puissance évocatrice où l’on sent tout le mal-être et l’émotion à fleur de peau de cette enfant minée par l’angoisse, par cette mère totalement absente, incapable de sortir de son lit et qui ne sera même pas là pour la retrouver à l’hôpital quand elle se cogne brutalement contre un mur à l’école. Un texte en économie de mots, à l’image de la personnalité de Luna, effacée, triste et pourtant pleine d’imagination, de rêverie. Et puis il y a les dessins de Clémentine Pochon, dont c’est le premier album de bande dessinée, qui s’articulent à merveille avec le texte d’Ingrid Chabbert, qui montre ce qui n’est pas dit, qui suggère par un magnifique trait fin au noir et blanc, avec seulement quelques couleurs. Il y a de la délicatesse dans ses dessins, des émotions sublimes dans ses personnages, dans la compréhension entre Luna et Marie, et des images saisissantes, aussi bien dans la douceur que la brutalité.
Une bande dessinée superbe sur un sujet difficile, abordé avec finesse et pudeur, à découvrir absolument !

Luna la nuit, Ingrid Chabbert, illustré par Clémentine Pochon (Les Enfants rouges)
collection Isturiale
disponible depuis le 7 septembre 2017
9782354190972 – 15€
à partir de 12 ans
Son
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Nous, les enfants sauvages – Alice de Poncheville

9782211221986, 0-2703710

Vous ne trouvez pas que la couverture de ce roman fout un petit peu les jetons ? 😀 Pourtant, pas d’horreur dans ce livre…enfin…

Après l’éradication des animaux qui ont causé des épidémies et ravagé le monde, celui-ci se reconstruit petit à petit. Linka et sa petite sœur Oska vivent dans la 16e Maison, un orphelinat où chacun doit préparer son avenir pour répondre au mieux aux exigences du Ministère. Un jour, Linka trouve une bête dans un terrain vague. Elle la nomme Vive et, se sentant soudain plus forte avec la présence de cet être étrange, elle commence à rêver d’une autre vie…

★★★★★

Imaginez un monde sans animaux, un monde où le métier le plus prestigieux est celui de chasser les oiseaux pour les tuer. Dans l’univers imaginé par Alice de Poncheville, c’est l’élevage intensif, les traitements infligés aux bêtes qui ont conduit le monde à sa perte. Aujourd’hui, il ne reste plus que les rats, indécrottables survivants, et les insectes, source de protéines pour les habitants de ce monde. Et les rares oiseaux ou petits animaux, instantanément exterminés lorsqu’ils sont signalés. Alors quand une flopée d’enfants ne rêve que de voir ces beaux renards ou ces impressionnants éléphants autrement que dans les documentaires du vieux monde, il ne faut pas s’étonner qu’on parle de mystérieux enfants sauvages et de ce terroriste de Docteur Fury…
Le roman d’Alice de Poncheville est magnifique et son histoire, une dystopie, se distingue dans le genre en évitant tous les poncifs des grandes séries à succès. Le résumé ci-dessus ne vous donne clairement pas tout ce qu’on retrouve dans l’histoire, et cela vaut sans doute mieux tant il est beaucoup plus intriguant de découvrir au fur et à mesure le fonctionnement de ce monde, de se laisser emporter dans l’écriture passionnante de l’auteure. Et de faire connaissance avec des personnages tous plus intéressants les uns que les autres. Linka et sa sœur, ainsi que tous les autres personnages que nous rencontrons, sont vraiment attachants. Même si le rôle d’orphelin dans une histoire initiatique n’est pas nouveau, ni les directeurs d’orphelinats peu amènes, l’engouement pour l’histoire est telle que cela ne nous dérange pas, on veut juste se laisser porter par le vent, à l’instar de Vive, jusqu’à la fin du roman. Nous, les enfants sauvages est une très belle ode à la nature, on se laisse emporter dans la poésie des enfants sauvages, les souvenirs d’un monde perdu, les amitiés indéfectibles et la générosité de résistants en passe de mener une rébellion. Je me suis régalée des mots et des images d’Alice de Poncheville, et j’espère que vous en ferez tout autant ! 🙂

Nous, les enfants sauvages, Alice de Poncheville (Ecole des Loisirs)
collection Medium
disponible le 2 septembre 2015
9782211221986 – 19,50€
à partir de 13 ans

Discussion
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Celle qu’on ne voyait pas – Karen McCombie

9782733836736, 0-2693210

Maisie vient de changer de collège. Son père a en effet obtenu le poste d’administrateur dans le collège pour filles Nightingale. Après l’incident dans sa précédente école, Maisie est inquiète de ne pas réussir à se faire d’amie. Heureusement, elle rencontre très vite Kat, une autre élève de 5e qui devient son amie et avec qui elle va se mettre en quête de résoudre le mystère de ce fantôme qui hanterait le collège…

Dans l’esprit de Bob

★★★☆☆

Il y avait longtemps que je n’avais pas lu une histoire de fantôme pour les préados aussi plaisante ! Karen McCombie parvient à maintenir son suspense avec pas mal de réussite : on se demande jusqu’au bout comment va se résoudre cette histoire. Mais il y a aussi une très jolie histoire de famille : la mère de Maisie est morte quand elle était petite et ne garde d’elle qu’un petit carnet dans lequel elle avait laissé des conseils ou recommandations. Des conseils qui sont les titres de chaque chapitre et trouvent à chaque fois leur utilité. Il y a aussi Clem, la grande sœur un peu peste qui se révèle finalement un cœur tendre et, surtout, un papa gâteau qui tente doucement de refaire sa vie avec une jeune femme qu’il a un peu de mal à présenter à ses filles. On s’attache instantanément aux personnages, ce qui rend la lecture très douce et agréable.
L’histoire de fantôme est elle un peu angoissante au début, jusqu’à ce qu’on comprenne qui est le fantôme. A ce moment-là, il s’agit plutôt de découvrir comment et pourquoi ce fantôme est là. Le mystère à résoudre par une jeune fille de 13 ans se fait assez facilement, les coïncidences sont nombreuses et elle n’a pas à chercher longtemps ni très loin. Cette facilité n’entache rien à la qualité du roman et le public visé y trouvera sans aucun doute son compte, d’autant que l’histoire se termine bien. Un roman fantastique très agréable et une jolie histoire d’amitié et de famille.

Qu’a vu Jean-Michel dans ce roman ?

★★★☆☆

Je suis de l’avis de mon Bob sur cette histoire de fantôme moderne qui fait chaud au cœur. Ce roman n’est pas fait pour effrayer, il possède une dimension traité avec brio : celui du deuil. Après le décès de leur maman et épouse, toute la famille doit faire face à cette perte, au vide qu’elle entraîne. Maisie et Clem ont un père exemplaire qui se débrouille du mieux qu’il peut pour que ses filles aient un quotidien normal. Tout le monde va de l’avant : un joli message sur la vie traverse ce roman. Ce que j’ai également trouvé très chouette c’est la relation fraternelle de Maisie et Clem : entre chamailleries qui donnent lieu à des scènes qui vous rappelleront forcément des souvenirs d’enfance si vous avez une fratrie – et soutien, ces deux-là forment une sacrée paire de coquines 🙂 Une lecture facile, entraînante et intelligente : une charmante découverte de la nouvelle collection Virage pour les adolescents des éditions Auzou qui ne devrait plus rester tapie dans l’ombre très longtemps…

Celle qu’on ne voyait pas, Karen McCombie (Auzou)
collection Virage
disponible le 20 août 2015
9782733836736 – 11,95€
à partir de 12 ans

Son
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Vers le bleu – Sabrina Bensalah

9782848657110,0-2306153

Vous commencez à nous connaître, avec Jean-Michel, on aime vraiment beaucoup la collection Exprim’ chez Sarbacane. Bon, ce roman est sorti il y a déjà plus d’un mois (on a un peu de retard dans leurs parutions ! :p) mais on vous en parle quand même !

Ornella, surnommée Nel, habite dans une caravane avec sa mère, une femme immature, et Anoushka, dite Noush, 9 ans et pleine d’exubérance. Tandis que sa sœur se prépare à un concours de Mini-Miss Camping, Nel rêve de liberté. Mais son projet de fuite tombe à l’eau quand sa mère la coiffe au poteau et les abandonne à leur sort. Les deux filles vont alors devoir apprendre à faire face à leur nouvelle situation.

★★★★☆

Nous ne sommes décidément jamais déçues avec la collection Exprim’ ! Cette fois, direction un camping, dans lequel vivent nos deux héroïnes, Nel et Noush, des sœurs aux tempéraments très différents, mais qui (sur)vivent dans un monde qu’elles n’ont pas choisi. Et d’entrée de jeu, on est saisi par le côté fantasque et presque décalé de cette histoire où l’humour est une réponse à la relative misère de la famille. L’écriture de Sabrina Bensalah est d’ailleurs parfaite pour exprimer cette drôle de vie de Nel et Noush, toutes deux extrêmement attachantes. Certaines situations, particulièrement cocasses, voire loufoques, ne manqueront pas de vous arracher un sourire, même si, très vite, la situation familiale des sœurs se complique considérablement. Il y a un petit côté Little Miss Sunshine, dans ce roman, non seulement dans l’aspect Mini-Miss mais aussi dans la relation entre les personnages (celle des sœurs avec les autres, qui ont aussi un côté fantaisiste) et les événements qui viennent s’intercaler dans la vie des deux filles. C’est ce petit côté américain qui m’a bien plu dans ce roman. Car, sous le couvert de ces situations parfois un peu folles, Sabrina Bensalah les utilise pour explorer des thèmes difficiles de notre société. En bref, je vous invite à découvrir ce roman pétillant et plein de fraîcheur, servi par une écriture franche et authentique, et qui vous fera rencontrer des personnages incroyablement vivants.

Vers le bleu, Sabrina Bensalah (Sarbacane)
collection Exprim’
en librairie depuis le 1er octobre
9782848657110 – 15,50 €
à partir de 14 ans