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Dylan Dubois – Martine Pouchain

Après que sa mère eut quitté le foyer, le père de Dylan sombra dans l’alcool et l’adolescent fût envoyé en foyer. De retour aux côtés de son paternel, il se rend vite compte que la nouvelle petite amie de son père Cynthia, est polluante, manipulatrice et à la suite d’événements peu conventionnels, Dylan va s’enfuir et passer par la case forêt…

★★★★☆

dylanduboisOn se prend vite d’affection pour Dylan, 15 ans en quête de stabilité. Lors de son retour, il retrouve la maison familiale affublée d’une belle-mère et de son fils Pedro. La cohabitation se fait difficilement mais cela saute aux yeux : Dylan fait moult efforts et compromis qui ne sont absolument pas reconnus ni récompensés. Martine Pouchain, qui a formidablement réutilisé le mythe de la marâtre, nous offre la version 2.0 de la belle-mère de Blanche-Neige. Sournoise, fainéante, d’une beauté fatale, à tendance escamoteuse, qui a toujours raison, usant de ses charmes pour parvenir à ses fins…tout ce qu’il faut pour vous faire frémir de rage tant les injustices dues à son comportement sont répétées et révoltantes. Elle finira par aller trop loin dans la manipulation, bien après avoir joué avec les cordes sensibles de l’adolescent jusqu’à utiliser des moyens abjects voués à exciter le jeune homme. Dylan, en pleine ambivalence va commettre un acte plus ou moins violent. En plein désarroi, il fuira vers des contrées inconnues mais favorables. Lorsque Dylan rencontre Gus, un ermite vivant en plein cœur de la forêt en parfaite autonomie : nous assistons à la maturité qui fleurit de l’adolescent grâce à la sagesse bonifiée du vieil homme. J’apparente ce roman avec la série Kung Fu : Dylan Dubois est Petit Scarabée, en fuite après avoir frappé sa belle-mère qui elle-même ravage la vie familiale. Il dispose d’une arme solide contre ses ennemis : la réflexion 🙂

A travers ses lectures de Steinbeck, de Kerouac et de Henry David Thoreau, Martine Pouchain nous emporte au fond de nous-même et de nous place face à nos questionnements fondamentaux : qui sommes-nous ? De quoi sommes-nous capable ? Même si l’adolescent est le principal concerné, je dis « nous » car ces questions vous serons familières lors de la lecture. A défaut d’appels de phares, Martine Pouchain nous fait des appels forestiers (elle était vraiment pourrie cette phrase, je ne peux pas croire que j’ai écrit un truc pareil).

Dylan Dubois, Martine Pouchain (Sarbacane), collection Exprim’
à paraître le 4 novembre 2015
9782848658216 – 15.50€
à partir de 14 ans

Son
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Aussi loin que possible – Éric Pessan

9782211108317,0-2703681

Un matin, sur le chemin du collège, Anthony et Tony délaissent leurs sacs de cours et se mettent à courir. Comme ça, pour s’amuser, pour savoir qui va le plus vite…et puis, arrivés au bout du parking, ils ont continué. Tout droit, ils ont continué à courir. Sans se poser de question, sans savoir où aller. Un simple marathon, une course pour laisser derrière eux leurs soucis…

★★★★☆

Un roman qui se lit comme la course de nos deux jeunes héros : sans s’arrêter, sans jamais perdre haleine. Raconté par Antoine, l’histoire débute comme la simple évocation d’une amitié. Une amitié qui lie ces deux garçons aux prénoms similaires pas seulement à cause de ça mais aussi car ils ont tous les deux quelque chose qui leur pèse. Un avis d’expulsion pour Tony, dont la famille ukrainienne va devoir quitter le territoire français, un père à la main lourde pour Antoine. Sont-ce là les raisons qui les ont poussés à se mettre à courir, un jour, comme ça ? Pour Antoine, ces raisons intimes sont venues plus tard. Au début, il ne s’agissait que d’un jeu, de quelque chose qui n’était pas prémédité. Et puis, en courant, les raisons sont apparues, les pensées ont eu le temps de se frayer un chemin dans l’esprit du jeune homme.

Aussi loin que possible pourrait être le slogan d’Antoine et Tony dans cette course qui paraît d’abord comme une fugue pour leurs familles avant d’être médiatisée et vue par la presse comme la volonté d’agir sur ce qui ne va pas dans leur vie ou, du moins, dans celle de Tony et de l’éviction de sa famille. Une course qui devient alors politique et sociale quand elle n’a commencé que par un défi entre amis. C’est sans doute là toute la beauté de ce texte qui, avec beaucoup de finesse, nous fait entrer dans les réflexions d’un garçon de 13 ou 14 ans qui, au fil de son odyssée, développe une analyse de son environnement, des gens qu’il croise, de notre société consumériste. Ce n’est pas le cœur du roman, mais j’ai trouvé les réflexions d’Antoine belles et pertinentes, l’écriture d’Eric Pessan est vraiment remarquable.
Aussi loin que possible est un roman sans doute singulier mais qui fait avant tout la part belle à une grande amitié entre deux adolescents et porte en lui un beau message d’encouragement et d’espoir.

Aussi loin que possible, Éric Pessan (Ecole des Loisirs)
collection Médium
disponible le 30 septembre 2015
9782211108317 – 13€
à partir de 14 ans

Discussion
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Dans la gueule de l’alligator – Carl Hiaasen

9782364747234

Richard vit en Floride, où il aime aller voir les nids de tortues avec sa cousine Malley. Le jour où celle-ci fugue pour rejoindre un homme rencontré sur le net, Richard ne peut croire à cette disparition volontaire. Heureusement, il rencontre Skink, un ancien gouverneur déclaré mort, grand défenseur des causes perdues, qui va l’aider à retrouver sa cousine, en fâcheuse posture…

Quand Bob l’ouvre grande

★★★★☆

Si vous avez déjà lu du Carl Hiaasen, alors vous connaissez le goût de l’homme pour les polars écologiques et un peu barrés. Dans la gueule de l’alligator ne déroge pas à cette règle et cela grâce au personne de Skink, vieil allumé complètement déglingué, au look totalement improbable, aux ressources stupéfiantes et au mode de vie des plus surprenants. Richard en est resté comme deux ronds de flan lorsqu’il a l’a rencontré pour la première fois, un peu comme nous. Et c’est sans doute tout ce qui fait la saveur de ce roman un peu dingue qui devient très vite une longue course-poursuite semée d’embûches et d’ennuis divers et variés qui impliquent beaucoup de noyades et de chairs dévorées. Il est clair qu’on ne s’ennuie par un seul instant et qu’on retient notre souffle jusqu’au dernier moment. On peut sans doute ne pas adhérer à cette exubérance constante mais j’avoue que cela donne un côté très drôle, en tout cas décalé, à cette histoire qui ne l’est pas tant que ça. La partie écologie du roman s’intègre très bien à l’intrigue générale, l’auteur ne nous assène pas des données à tout bout de champ ou n’est pas insistant, il sait parfaitement bien doser les choses tout en nous en apprenant beaucoup sur la faune locale.
Un excellent polar écologique aux personnages forts et plein de ressources. Une course poursuite haletante et sanglante qui vous laissera sans doute pantelant…

Et dans la bouche de Jean-Michel ?

★★★★★

thedude

Skink ressemblerait à The Dude du film The big Lebowski

Mais NON DE NON quel roman ! Des tortues de mer, de l’alligator, du skate et des personnages qui pètent des étincelles ?! J’ai sincèrement passé l’un des meilleurs moments de lecture de cette Rentrée littéraire. Carl Hiaasen, en indécrottable auteur spirituel nous offre des instants et des personnages floridiens magiques : Skink qui sort du sable pour chasser un braconnier et le dérouiller…moment précieux de lecture à découvrir ! L’action et la détente se mêlent au burlesque pour une lecture riche à l’écriture et la traduction soignées. Je rejoins Bob sur cette part d’écologie qui apporte une dimension supplémentaire à ce policier qui est déjà riche. Quant au parallèle entre Skink et The Big Lebowski qui est fait au début du roman, il n’y a rien à ajouter : cet ancien gouverneur est le sosie du Dude 😀 En plus électrique et aventurier, certes, mais avec une barbe du tonnerre. Quant au jeune Richard, notons que le courage et la détermination dont il fait preuve pour retrouver et défendre sa cousine sont étonnants : cet adolescent se découvre lui-même des ressources dont il n’avait pas conscience et ce, pour notre plus grand plaisir ! Résultat de cette lecture : mon Bob, je veux partir au bout du monde, laisser pousser ma barbe, défendre des hérons et des tortues en sautant à pieds joints sur des braconniers qui appellerons leurs mères en détalant comme des lapins. On va rigoler hein.
Et n’oublions pas qu’en lisant Dans la gueule de l’alligator, vous deviendrez familier avec le pic à bec ivoire (l’oiseau ci-dessous qui se la pète un peu)…on ne vous dira pas pourquoi, vous n’avez qu’à le lire 🙂

le-Pic-à-bec-ivoire

Chers adultes, sachez que les aventures de Skink existaient déjà avant (avec plus d’actions, encore plus déjanté) et sont disponibles aux éditions 10/18 :
Queue de poisson  9782264045874
 De l’orage dans l’air  9782264041463
 Presse people  9782264059246

Dans la gueule de l’alligator, Carl Hiaasen (Thierry Magnier)
disponible le 19 août 2015
9782364747234 – 17€
à partir de 14 ans

Son
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Eleanor – Holly Black

9782747047708,0-2283387

Aujourd’hui, c’est Halloween, alors quoi de mieux que vous présenter un livre censé faire peur ? Alors voici Eleanor…mais tiendra-t-elle le pari de vous filer la pétoche ?

Zach, Poppy et Alice partagent la même passion : les jeux de rôles avec des figurines. Ils ont inventé leur propre monde, peuplé des pirates, de sirènes et de trésors, gouverné par la Sublime Reine, une étrange poupée de porcelaine qui trône dans une vitrine chez Poppy. Mais un jour, Zach est contraint d’arrêter de jouer et le plus étrange se produit : la poupée s’anime et ordonne à Poppy de la ramener auprès des siens ou les trois enfants ne connaîtront jamais le repos…

★★☆☆☆

« Certains jeux peuvent s’avérer dangereux », telle est la phrase d’accroche de la quatrième de couverture. Malheureusement, je n’ai pas été aussi effrayée que je l’espérais. Le début du roman est un peu long à se mettre en place, l’auteur prend le temps de nous présenter les personnages, leur vie plutôt tranquille ou les difficultés familiales qu’ils rencontrent. Il faut attendre d’être arrivé au tiers du livre pour que l’aventure commence véritablement, quand les enfants décident de se lancer dans cette quête folle de ramener la Sublime Reine, qui contiendrait les cendres d’une petite fille morte, dans sa ville d’origine afin de l’enterrer. C’est également à ce moment que les éléments de peur ou d’horreur entrent dans l’histoire, car des choses bien étranges se déroulent durant leur périple, des choses auxquelles la poupée ne serait pas étrangère… Eleanor fera-t-elle peur aux plus jeunes ? Peut-être, mais j’ai trouvé que le roman aurait pu être un peu plus effrayant ou, du moins, garder le suspense jusqu’au bout et jouer un peu plus sur les doutes des personnages. Car j’ai trouvé que les enfants acceptaient assez facilement l’histoire de cette poupée (qui est pourtant terrible !) et ne semblaient pas toujours être dans une peur constante. A un moment donné, l’auteur insiste plus sur l’aspect initiatique de son histoire, et la façon dont cette quête fait grandir Zach et Alice. Déçue, donc, par cette histoire que j’attendais vraiment effrayante…

Eleanor, Holly Black (Bayard jeunesse)
en librairie depuis le 16 octobre
9782747047708 – 13,90 €
à partir de 10 ans