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Le jardinier qui cultivait des livres – Nadine Poirier et Claude K. Dubois

Il était une fois un vieux jardinier qui était passionné de livres. Plus que tout, il aimait raconter des histoires aux gens de son village. Il allait même à leurs portes pour leur lire ses extraits préférés. Ce qui n’était pas du goût des villageois. L’homme se retrouva seul, mais il continua à aimer passionnément les livres et les cultivait avec amour dans son jardin. Puis, un jour sous une feuille il trouva une petite fille. Seule, sans parents mais pleine de questions : est-ce que le vieil homme savait faire pousser les enfants ?

Cette histoire raconte avec tendresse le pouvoir de la lecture et le plaisir des mots. En effet, l’autrice dépose des mots aux goûts savoureux pour les enfants : désinvolte, goulûment, inusitée… L’amour du jardinier pour la lecture transparaît à chaque page « il prenait soin de sa culture » Mais au delà d’un éloge de la lecture, ce texte nous raconte l’adoption de cette petite fille par le vieil homme.

Illustré avec délicatesse par la grande illustratrice belge Claude K. Dubois, les images délivrent une douceur qui se lie finement au texte. On retrouve les teintes pâles, les contours flous… L’illustratrice parle très bien de son travail dans un texte que je vous transpose ici : « L’émotion est la seule force directrice dans mon travail. Je ne dessine pas pour le côté graphique, celui-ci me sert en fait à traduire avec force les sentiments de mes personnages : la joie, la tristesse et, toujours en filigrane, la fragilité et l’étonnement face au monde qui nous entoure. Le regard des enfants croisera celui de mes personnages. Pour que cette rencontre magique ait lieu, il faut que ce regard soit vrai, sincère et vivant. » (Source l’école des loisirs) On retrouve tout dans ce récit : la fragilité, le regard de l’enfant…

Un album magnifique qui gonfle notre coeur de joie lorsqu’on le termine. Une histoire pour les amoureux des livres mais qui parle aussi d’adoption, du temps qui passe, de soin… d’amour tout simplement.

Le jardinier qui cultivait des livres, Nadine Poirier, illustré par Claude K. Dubois (Editions D’EUX)
disponible depuis le 19 mars 2020
9782924645079 – 16€
à partir de 5 ans
Son
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Des astres – Séverine Vidal

Pénélope a grandi seule avec sa mère Irène, qui ne lui a jamais témoigné d’amour. Surprotectrice, elle fait de Pénélope une enfant timide, faible, inexistante. Le jour où elle-même est sur le point d’avoir un enfant, Pénélope ne se sent pas la force d’élever ce bébé et préfère l’abandonner plutôt que de le laisser aux griffes de sa mère-pieuvre.
Et puis il y a Romane. Épanouie grâce à des parents adoptifs aimants et des amis présents, elle a pourtant toujours voulu en savoir plus sur sa mère biologique, sans avoir d’espoir de la rencontrer un jour. Jusqu’à ce que l’occasion se présente enfin…

Après le très bon Quelqu’un qu’on aime, Séverine Vidal revient chez Sarbacane avec une histoire de mères et de filles. Trois générations de femmes, trois femmes complètement différentes et trois histoires fondamentalement liées. Comment réussir à se construire avec une mère qui prend toute la place, qui vous étouffe d’une protection malsaine tout en vous rabaissant ? Comment réussir à élever un enfant avec la peur de reproduire le comportement de sa mère, ou que l’enfant tombe sous sa coupe ? Et comment réussir à grandir sans savoir d’où l’on vient, avec cette absence de réponses sur ses origines ? Ce sont les questions – parmi d’autres – que les femmes de cette histoire se posent. En faisant des allers retours dans le temps, Séverine Vidal explore toute la complexité des relations mère-filles. C’est extrêmement bien fait, ça nous prend aux tripes dès les premières pages et nous maintient jusqu’au bout grâce à un style qui oscille entre une espèce de douce résignation pour Pénélope et des passages plus vifs, enlevés, pour Romane. Dommage qu’un rebondissement (bien que pile poil dans l’actualité) arrivant plutôt en fin de roman fasse perdre en puissance la narration, car la toute dernière partie offre un twist génial.

A travers le destin de ces trois femmes, Séverine Vidal nous offre une réflexion bouleversante sur les relations toxiques, sur l’amour (ou son absence) et, surtout, des portraits féminins absolument fascinants. Mention spéciale pour la famille adoptive de Romane, dont la mère comme le père sont des phares dans la tempête. Et malgré ce petit bémol évoqué plus haut, Des astres n’en est pas moins une fascinante et émouvante lecture sur les mères et leurs filles.

Des astres, Séverine Vidal (Sarbacane)
collection Exprim’
disponible depuis le 4 septembre 2019
9782377312740 – 16€
à partir de 13 ans
Son
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L’étrange hôtel de Secrets’ Hill – Kate Milford

97827002510360-3655713

Milo s’apprête à passer les vacances de Noël dans l’hôtel géré par ses parents. En plein hiver et situé tout en haut d’une colline, rares sont les clients à cette période de l’année et Milo espère bien profiter de ses parents pendant ces vacances. Mais voilà qu’un étrange monsieur aux chaussettes dépareillées débarque et demande une chambre. Puis une fille aux cheveux bleus et ainsi de suite… Que peuvent-ils bien tous avoir à faire à l’hôtel de Secrets’ Hill ?

★★★★★

D’habitude, les clients de l’hôtel, appelé parfois aussi Villa de Verre en raison de ses vitraux, sont plutôt des personnages louches qui trafiquent des choses non moins étranges : bulbes de fleurs, pistolets à bouchon, etc. Cette fois-ci, pourtant, pas de contrebandiers mais un chapelet d’étranges loustics aux styles et coiffures variés qui vont chambouler tous les projets de Milo, jeune garçon qui n’aime pas beaucoup le changement. A peine les premiers clients sont-ils arrivés que les mystères apparaissent : près du funiculaire qui amène les visiteurs jusqu’à l’hôtel, Milo découvre un portefeuille dans lequel se trouve une carte nautique qui ne ressemble à rien de connu alentour. Étrange ! Et quand certains clients se font dérober des objets lors de la nuit, c’est sûr, il se passe quelque chose à la Villa de Verre ! Avec l’aide de Meddy, la fille de la boulangère venue prêter main forte aux parents de Milo et fan de jeux de rôles, Milo va enquêter et peu à peu découvrir les secrets de l’hôtel et de ses clients…

Je n’avais pas été aussi bien menée en bateau dans un roman policier pour enfants depuis longtemps ! Kate Milford développe en plus de 500 pages un huis-clos hivernal qui rappelle bien sûr Les dix petits nègres d’Agatha Christie (sans le côté meurtrier) où les faux-semblants et les twists sont judicieusement placés. Parole de Bob, vous ne verrez pas venir l’une des révélations finales ! Ou alors vous êtes le genre vraiment très fort au Cluedo. Au-delà de l’enquête, qui n’est pas que policière d’ailleurs, mais qui a aussi un côté aventureux (le jeu de rôle) et historique (beaucoup de choses se jouent sur l’histoire de l’hôtel), l’auteure évoque aussi très bien la famille et l’adoption. Milo est un garçon d’origine chinoise recueilli par les Wood, qui gèrent l’hôtel. Malgré le fait qu’il n’a jamais connu ses véritables parents, il ne peut s’empêcher de penser à eux et de se demander qui ils sont. Il y a une réflexion extrêmement belle et intéressante sur ce sujet, distillée au fur et à mesure que l’enquête avance et où l’on sent que, malgré tout l’amour de ses parents adoptifs, il ne cessera jamais de se questionner. Kate Milford joue d’autant bien ses cartes qu’elle nous surprend lorsqu’un autre personnage découvre sa propre origine et qu’on aurait pu croire qu’elle allait coller avec celle de Milo. Elle ne tombe ainsi ni dans la facilité, ni dans le happy end total. Et c’est sans doute la très jolie et sensible note à la fin du roman qui explique ce choix et apporte autant de finesse à la psychologie de Milo.

L’étrange hôtel de Secrets’ Hill est un excellent roman à l’intrigue policière superbement ficelée, aux personnages attachants, malins et joueurs, qui fait la part belle non seulement à l’émotion mais également à l’aventure et au conte, où les histoires racontées au coin du feu sont tout aussi passionnantes que celle que nous suivons. Car la grande force du roman, c’est aussi de nous faire entrer dans cet hôtel comme si nous en étions nous aussi clients…
Un beau cadeau à faire pour Noël (et à lire à cette période totalement idéale), d’autant plus que le roman est illustré (même si j’aurais bien aimé plus de planches) et que sa couverture aux reflets argentés le fait briller de mille feux. 😛

L’étrange hôtel de Secrets’ Hill, Kate Milford, traduit par Anne Delcourt, illustré par Alban Marilleau (Rageot)
disponible depuis le 3 novembre 2016
9782700251036 – 17,90€
à partir de 11 ans
Son
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Blood family – Anne Fine

9782211222341,0-2703702

Après nous avoir fait frissonner avec Le passage du diable, Anne Fine revient avec un roman ado tout aussi terrifiant, mais dans un autre registre… Notons d’ailleurs que ce précédent roman trouve une certaine importance dans ce Blood family (mais je vous laisse la surprise)…

Jusqu’à l’âge de 7 ans, Edward a vécu enfermé dans un appartement avec sa mère, battue comme plâtre par un homme alcoolique et violent. Lorsqu’enfin les services sociaux interviennent, Edward est libéré et découvre un monde totalement nouveau. Il arrive alors en famille d’accueil, puis est adopté et va devoir apprendre à se reconstruire en oubliant l’horreur de son passé. Mais au fil des ans, le passé ne cesse de se rappeler à lui…

★★★★☆

Wow ! Avec les premières pages de ce roman, Anne Fine nous prend à la gorge, nous secoue dans tous les sens et ne nous lâche qu’à la toute dernière ligne…ou pas ? En tous cas, l’histoire de ce jeune Edward nous glace le sang : séquestré depuis son plus jeune âge, l’enfant vit dans la crasse, dort dans un tas de couvertures partagées avec un chien jusqu’à ce que l’animal se retrouve à pourrir dans un sac poubelle. Sa mère est un cadavre ambulant, la peau tellement marquée qu’elle en est bleue ou noire. L’horreur absolue. Une horreur qui a un nom : Bryce Harris. Un homme terrifiant qui n’a même pas besoin d’être physiquement présent dans le roman pour que son nom ou son souvenir provoque des angoisses et une peur indicible chez Edward.

La première partie du roman est tout bonnement stupéfiante. Par l’histoire terrible que l’on découvre, mais aussi par ce personnage, ce jeune Eddie, qui ne connaît rien d’autre à la vie que celle de cet appartement minable, et des émissions télévisées de Mr. Perkins, enregistrées sur K7, qu’il regardait en boucle avec sa maman quand Harris n’était pas là. Ainsi, là où Eddie aurait pu être un enfant sauvage ou tout simplement idiot à force d’être battu et de ne rien faire de la journée à part craindre le retour d’Harris, il est un enfant étrange, capable de lire ou de compter et incollable sur un certain nombre de sujet évoqués dans les émissions de Mr. Perkins. Comme beaucoup le pensent, c’est sans doute ce qui a sauvé cet enfant…
Je n’ai pas envie de vous en dire plus sur l’histoire, qui se laisse découvrir avec répulsion et fascination. En tous cas, on s’attache instantanément à ce petit bonhomme et à l’adolescent qu’il va devenir. Car le roman va suivre Edward de ses 7 ans à son entrée en première. Une vie qui ne sera pas facile malgré l’amour que vont lui prodiguer bon nombre de personnages. Car le passé ne disparaît jamais véritablement…

J’ai beaucoup aimé la construction du roman, qui fait intervenir plusieurs acteurs de la vie d’Eddie depuis sa découverte dans cet horrible appartement. On a l’impression d’avoir affaire à une compilation de témoignages, ceux d’Edward étant les plus importants, ce qui renforce notre sentiment de malaise à lire cette histoire presque documentaire. Anne Fine signe un roman coup de poing, bouleversant et qui n’interdit pas l’espoir…

Blood family, Anne Fine (École des loisirs)
collection Médium
disponible depuis le 28 octobre 2015
9782211222341 – 17,50€
à partir de 14 ans

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Les jumeaux de l’île rouge – Brigitte Peskine

Cléa et Brice sont des jumeaux nés à Madagascar et adoptés par un couple de français. Seize ans plus tard, le garçon semble parfaitement bien dans sa peau alors que sa sœur ne sait plus où elle en est et inquiète ses parents. Ces derniers décident alors d’envoyer les jumeaux dans leur pays de naissance afin, peut-être, d’aider la jeune fille à surmonter son mal-être.

★★★☆☆

Roman épistolaire et récit initiatique, inspiré d’une histoire vraie, Brigitte Peskine nous fait découvrir la triste coutume des jumeaux de Mananjary, une communauté dans laquelle le fait d’accoucher de jumeaux est considéré comme maudit, tabou. Véritable hymne à la tolérance, l’histoire de Brice et Cléa nous fait surtout découvrir une facette totalement méconnue d’un pays, ses coutumes et traditions. J’ai beaucoup aimé ce récit qui mêle entrées de journal et mails, qui nous permettent d’entrer dans la tête de chacun des protagonistes. La façon, d’ailleurs, dont Cléa, le personnage principal de ce roman, s’adresse à nous et à l’auteur, renforce ce sentiment d’histoire vraie. Le sujet est vraiment très intéressant, et démontre à quel point il peut être difficile de faire changer les mentalités. La seule chose que je regrette est peut-être la suite de « secrets » qui se révèlent au fur et à mesure de l’histoire, ça apporte du suspens et de la surprise mais je trouve que c’est parfois un peu « gros ». Il n’empêche que c’est une histoire à découvrir !

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Les jumeaux de l’île rouge, Brigitte Peskine (Bayard Jeunesse)
Collection Millézime
en librairie le 4 septembre
9782747049894 – 11,50 €
à partir de 12 ans

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Le ciel nous appartient – Katherine Rundell

209 en librairie le 28 août
à partir de 12 ans
9782361932664
16,50 €

★★★★★

Tout le monde pense de Sophie qu’elle est une orpheline. Nulle femme n’a en effet survécu au naufrage qui la laissa, à l’âge d’un an, flottant dans un étui à violoncelle au beau milieu de la Manche. La fillette demeure cependant intimement persuadée que sa mère n’a pas sombré avec le navire. Alors,lorsque les services d’Aide à l’enfance anglais menacent Charles Maxim, son tuteur, érudit généreux aussi courtois que maladroit, aux méthodes d’éducation fantasques, de lui reprendre la garde de Sophie, celle-ci, suivant l’enseignement de ce doux rêveur, décide de ne négliger aucune possibilité, et part pour Paris en sa compagnie sur les traces de sa mère… Une cavale menée sous le signe de l’espoir, qui conduira la fillette aux cheveux couleur des éclairs sur les toits de la ville-lumière. Elle y fera la connaissance de Matteo et de sa bande de danseurs du ciel. Froussards et phobiques des hauteurs s’abstenir : mieux vaut avoir le cœur bien accroché pour pouvoir suivre ces gamins-là !

La présentation de l’éditeur était si parfaite, je n’ai pas pu m’empêcher de faire un copier/coller de prestidigitatrice 🙂 (je suis fourbe)

Encore une fois, la Rentrée littéraire des adolescents a frappé : ce roman est d’une telle envergure que je ne me suis pas arrêtée de lire une seule seconde.

J’étais à deux doigts de verser ma larme à la fin du livre. Il est difficile de ne pas avoir d’empathie pour les personnages :

Charles Maxim son attachement pour Sophie est irréfutable, ses démonstrations d’affections sont touchantes, son amour pour les livres est quelquefois original et sa compréhension de l’âme humaine impressionne. Moi aussi j’aurais beaucoup aimé mangé un plat en sauce sur un livre, c’est un souvenir que l’on doit avoir plaisir à se remémorer.
Sophie n’est pas une « vraie » fille : porter des jupes ? quelle idée, peut-on grimper sur les toits aisément ? mieux vaut porter un pantalon, de toutes façons c’est plus pratique pour jouer du violoncelle. C’est une jeune femme tenace qui a de l’énergie à revendre et qui sait capter la stupidité d’un esprit humain avec autant de flair que son tuteur, Charles. L’acharnement dont elle fait preuve pour retrouver sa mère est presque effrayant.
Toute la bande des toits de Paris, ces adolescents sans domicile fixe qui ne désirent que leur Liberté, qui continuent de grandir dans l’adversité sont des héros, aux yeux de Sophie comme aux nôtres.

Charles et Sophie forment un duo que j’affectionne particulièrement et je ne vais rien révéler de dramatique mais lorsque Charles verse une larme à la fin, ça nous touche.

Cette histoire est riche en tout, sachez-le.
Riche en voyages de Londres à Paris, des trottoirs aux toits
Riche en émotions de l’amour à la frustration avec une grosse touche d’aventure
Riche en valeurs  l’amitié, l’entraide et l’esprit de famille

Nous ne le dirons jamais assez, cette rentrée « envoie du pâté » 🙂
Pour aller plus loin www.editionsdesgrandespersonnes.com

merci aux éditions des Grandes Personnes pour les épreuves de ce livre dévorées au soleil