Son
6

Les valises – Sève Laurent-Fajal

9782070587551,0-3333753

1982. Sarah vient de se disputer avec sa meilleure amie Josy et s’assoit toute seule dans le car qui emmène sa classe de lycéens en voyage scolaire. Ils se rendent en Pologne, pour visiter les camps de concentration. Là-bas, comme tous ses camarades, Sarah est sonnée, impressionnée par ce qu’elle voit, et surtout par toutes ces valises entassées dans une pièce…

★★★★☆

Comment une simple valise, avec une étiquette passée portant le nom de « Levin », peut-elle autant remuer la jeune Sarah, lycéenne discrète dont la mère semble lointaine et la famille totalement inexistante ? Est-ce que Sarah est un prénom juif ? Est-ce que le nom de ce père qu’elle n’a jamais connu est Levin ? D’où vient-elle ? Qui est-elle ? Ce sont les questions que ce voyage en Pologne soulève en Sarah et, l’absence totale de conversation avec sa mère ne l’aide pas à y voir clair. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé de lui en poser… Et quand sa mère est victime d’un accident de la route la laissant dans le coma, Sarah va devoir continuer sa quête identitaire seule. Ou presque. Il y a d’abord Mr Bonnieux, le professeur d’histoire qui les a emmenés en Pologne. Conscient que Sarah y a vécu quelque chose de particulier, il lui propose de lui venir en aide et l’incite à fouiller dans les affaires de sa mère pour y trouver une piste… Et puis il y a Jérôme, le p’tit con, celui qui fait son intéressant devant tout le monde et qui, pourtant, est parvenu à lui ravir son cœur. Sarah, en plein émoi amoureux, va trouver en lui un soutien bien inattendu. Tous les deux, ils se lancent dans cette quête des origines…

Il y en a beaucoup des romans sur la recherche de l’identité et sur l’héritage de la Seconde Guerre mondiale, des familles juives. Pourtant, le roman de Sève Laurent-Fajal nous emporte dans l’histoire de Sarah avec une étonnante facilité et un intérêt croissant, où se mêlent habilement la naissance du premier amour et la découverte d’un passé douloureux. Le fait que l’histoire se déroule dans les années 1980 apporte également une touche d’originalité (l’utilisation du Minitel pour faire des recherches, par exemple), bien que ce soit un peu anecdotique par rapport à la sensibilité de l’écriture, et de l’histoire de Sarah. Un très beau roman, avec de l’amitié et de l’espoir, la mort et des secrets de famille, mais aussi, et surtout, avec beaucoup d’amour. Un très joli premier roman. 🙂

Les valises, Sève Laurent-Fajal (Gallimard jeunesse)
collection Scripto
disponible depuis le 15 septembre 2016
9782070587551 – 11€
à partir de 13 ans
Son
0

Tant que mon cœur bat – Madeline Roth

roth

L’année dernière, Jean-Michel était bouleversé par le premier texte pour ados de Madeline Roth. Cette année, ce sont deux nouvelles qui sont rassemblées dans un livre toujours aussi court mais qui ne laisse assurément pas indifférent…

★★★★★

Madeline Roth nous propose deux histoires : celle d’Esra, une jeune fille qui tombe éperdument amoureuse d’un homme bien plus vieux qu’elle a rencontré par hasard dans un café ; et celle de Laura, qui aimait un garçon qui ne lui retournait pas son amour et qu’un passé terrible hantait. Le point commun de ces deux récits : l’amour dans ce qu’il a de plus destructeur.

C’est avec une langue fiévreuse, des mots coupants, une écriture hypersensible que Madeline Roth nous livre ces destins brisés, ces personnages à fleur de peau, passionnés et tourmentés. Car il n’y a pas que ces deux jeunes filles dans l’histoire, mais aussi des garçons : celui qui était amoureux et celui qui ne l’était pas, qui ont aussi leur point de vue à donner sur ces moments de vie, d’amour. Nous sommes incapables de résister à toute cette émotion contenue dans ces 95 pages où nous ne pouvons que vivre ces histoires, où tout nous touche au plus profond de nos êtres et de nos sens. C’est véritablement la grande réussite de Madeline Roth que de parvenir à nous donner des coups de poings en plein dans le bide et d’en redemander, de se relever et de continuer jusqu’au bout, jusqu’à ce qu’il ne reste rien.

Et c’est cette intensité, des histoires et de l’écriture, qui, à mon sens, reflète tout ce qu’il peut y avoir d’absolu, d’impossible à surmonter, dans la conception de l’amour à l’adolescence. Deux histoires tragiques, difficiles, qui nous marquent pour longtemps par leur puissance émotionnelle. C’est tout simplement éblouissant.

Tant que mon cœur bat, Madeline Roth (Thierry Magnier)
disponible le 21 septembre 2016
9782364749405 – 9,50€
à partir de 15 ans
Son
1

Golden Valley – Gaël Aymon

9782070587544,0-3333752

Pour les vacances, Max rejoint ses parents en Birmanie, où vient de s’installer l’entreprise de son père. Résigné à s’ennuyer dans leur propriété d’expatriés, il fait pourtant le rencontre de Brandon, gosse de riche birman qui l’invite à des fêtes. Lors d’une de ces soirées chez le jeune homme, Max fait la connaissance de Dolly, sa grande sœur époustouflante de beauté et particulièrement brillante, qui annonce de grands changements dans sa vie…

★★★☆☆

Maximilien, c’est le beau gosse qu’on voit dans les séries télé américaines : 17 ans, 1m92, champion de natation, grande école, famille riche et qu’on imagine beau comme un dieu grec. Il débarque en Birmanie avec assez peu d’enthousiasme, sachant qu’il va se retrouver seul avec sa mère qui l’insupporte très vite et son père qui sera constamment occupé avec la nouvelle implantation de son entreprise dans le pays. Et quand il voit la piscine, autant dire que le garçon est douché (oh oh !) : même pas assez grande pour faire des longueurs. Très vite, cependant, il rencontre des jeunes locaux et expatriés comme lui, et vont passer leur temps à faire la fête dans les bars ou jouer à des jeux vidéo chez les uns et les autres. Jusqu’à ce que Max tombe sur Dolly, la sœur de Brandon, 20 ans, superbe, qui étudie aux Etats-Unis et semble collée à son portable 24/7. Pour lui, c’est le coup de foudre, et il semblerait que pour elle aussi. Mais leur histoire d’amour doit rester secrète car, en Birmanie, les femmes qui sortent avec des étrangers sont très mal vues…

La Birmanie, c’est le choc des cultures pour Max. Il y a d’abord le temps, cette chaleur étouffante et ces moussons. Mais il y a aussi le mode de vie des birmans, l’histoire de ce pays qu’on sait à peine situer sur une carte du monde… Cette visite sur la côte où, en croisant un village de « squatteurs », le guide lui dit qu’il n’avait rien vu de tel. Et puis il y a Dolly, cette fille étonnante, qu’il désire ardemment mais qu’il sait inatteignable. Impossible. Cette fille qu’il avait déjà vue avant mais qui lui a intimé le silence quand il l’a mentionné devant Brandon. Comment revoir Dolly, comment être avec elle ? Comment, alors qu’il ne reste que cinq semaines en Birmanie ? Je ne vous dirais rien, et vous laisserais découvrir ce roman d’une jeunesse dorée où les certitudes s’effondrent, où le vernis de la richesse se craquèle pour laisser entrevoir une réalité insoupçonnée. Un éveil au monde intéressant.

Golden Valley, Gaël Aymon (Gallimard jeunesse)
collection Scripto
disponible depuis le 15 septembre 2016
9782070587544 – 8,65€
à partir de 15 ans
Discussion
0

L’échappée – Allan Stratton

9782745980625,0-3426764

Après un thriller sombre et terrifiant, Allan Stratton revient avec un roman tout aussi glaçant ! Paru tout d’abord en 2000 outre-Atlantique, puis revu et corrigé en 2008, L’échappée est le tout nouveau roman de l’auteur paru en France. 🙂

Leslie est une lycéenne bourrée de problèmes, à l’école comme à la maison. Au point où elle pensait que sa vie ne pouvait pas être plus médiocre, Jason, un nouvel élève du type « cool-et-je-le-sais » entre tout à coup dans son quotidien de fille à la dérive…

Avec les mots de Jean-Michel…

★★★★☆

Allan Stratton a choisir de mettre en évidence une jeune femme timide, naïve, rebelle, avec un léger manque de confiance en elle comme beaucoup à cet âge, qui veut (se) prouver quelque chose…une adolescente normale en somme. Toutes les filles du lycée deviennent envieuses de Leslie lorsqu’elle rencontre Jason. Quelle chance de posséder un tel garçon dans son existence. A tort. Car Jason est un type odieux, du genre à devenir une enflure de première catégorie qui battra sa femme avec à coups de torchon bien placés pour éviter les bleus. Déterminé à contrôler chaque élément de la vie de Leslie, il va la terroriser de façons inimaginables. Le point positif c’est que cette situation va permettre à Leslie de grandir et de s’élever dans le vrai monde : vous savez celui qui est froid, dur, où on ne peut compter que sur sa propre volonté ?
Le côté sombre de la première histoire d’amour est brillamment exploité. Perturbant et captivant, ce roman l’est indubitablement car Allan n’a pas peur de nous montrer à quel point une relation abusive peut être féroce. Un auteur vraiment engagé, ce monsieur Stratton : écrire à travers le cerveau tourmenté d’une adolescente et parfaitement cibler sa psychologie, c’est du grand art.

Allan : plus fort que les plus forts ▼

Allan, auteur de la balle dans son pull en fibres mélangées ▼

…et ceux de Bob

★★★★☆

Un roman glaçant, écrit sous la forme d’un journal intime – exercice demandé par la professeur de français déprimée de Leslie – qui nous plonge dans l’enfer quotidien de la jeune fille depuis sa rencontre avec le beau et sexy Jason. Allan Stratton retranscrit à la perfection les pensées qui agitent l’adolescente sous la coupe de ce « pervers narcissique » et la difficulté qu’elle a à accepter que sa relation amoureuse ne se passe pas « normalement » mais aussi la honte, la peur, la solitude, la colère… Malgré des lueurs d’espoir, Leslie ne trouve aucun soutien du côté des adultes – la proviseure du lycée étant bien la pire ! – et n’est surtout pas prête à la recevoir quand il lui est proposé… Une descente aux enfers terrible et terrifiante tandis que les secrets du garçon sont percés à jour. Avec L’échappée, Allan Stratton signe un roman dur et sans concession, servi par une écriture à la première personne particulièrement accrocheuse. A lire !

L’échappée, Allan Stratton, traduit par Sidonie Van den Dries (Milan)
disponible depuis le 7 septembre 2016
9782745980625 – 13,90€
à partir de 14 ans
Discussion
3

Les pluies – Vincent Villeminot

On vous présentait hier Le copain de la fille du tueur, l’un des nombreux romans de la rentrée de Vincent Villeminot, histoire d’amour en plein thriller. Avec Les pluies, c’est encore une histoire d’amour qu’il nous propose et, même si l’éditeur insiste beaucoup là-dessus sur la quatrième de couverture (peut-être à tort ?), c’est aussi un roman entre aventure et science-fiction… 🙂

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Depuis des mois, il pleut sans discontinuer. Le niveau des eaux monte et, bientôt, Kosh et Lou doivent évacuer leurs maisons. Tous deux, avec leurs frères et sœur, attendant le retour de leurs parents pour partir mais très vite, il faut fuir. Juste à ce moment, les parents de Kosh arrivent mais un pont se brise et leur voiture est engloutie par les eaux furieuses du fleuve. Les enfants n’ont plus le temps, ils doivent quitter leur village. Réfugiés dans le clocher de l’église, ils attendent que les secours arrivent et tentent de survivre sous une pluie torrentielle et la montée des eaux…

Sous l’eau avec Bob

★★★★☆

C’est dans un monde similaire au nôtre que vivent Kosh et son frère Malcolm, la belle Lou, son petit frère Noah et Ombre, le bébé. Mais ce monde est ravagé par des pluies improbables, qui ne s’arrêtent jamais et qui génèrent des dérèglements climatiques importants. Lorsqu’ils perdent tout, les cinq jeunes sont obligés de survivre comme ils le peuvent et ce serait dommage de vous en dire plus sur leur survie ou l’aventure qui les attend (même si l’éditeur en révèle déjà beaucoup) car ce qui fait l’intérêt du roman, c’est justement cette surprise et cette découverte de ce monde sous les eaux chaque fois que l’on tourne une page. Il y a effectivement une histoire d’amour, celle de Lou et Kosh mais il y a aussi surtout cette confiance à construire entre chacun des enfants, les caractères différents, les difficultés à s’imposer ou se faire respecter, et celles inhérentes aux rencontres qu’ils feront. On retrouve tous les ingrédients d’un bon roman d’aventure : la quête, la séparation, les promesses, l’espoir, mais aussi ceux de l’anticipation ou de la science-fiction à tendance dystopique : la société qui s’effondre, la violence, la loi du plus fort. C’est vraiment prenant et on a hâte de découvrir la suite puisqu’il s’agit en réalité d’un premier tome !

A l’abri avec Jean-Michel

★★★★★

Grands Dieux ! Vincent Villeminot n’aurait pas pu choisir plus terrifiant comme cause mortelle : l’eau. Insidieuse, fourbe et toute puissante : que peut-on faire contre elle lorsqu’elle se déchaîne ? Il nous offre un avant-goût de ce qui, foncièrement, pourrait nous arriver. Bob trouve que ce roman relève de la science-fiction, je pense au contraire qu’il est pragmatique et on ne peut plus réaliste. Nos jeunes protagonistes sont fabuleusement dépeints et aucun n’est laissé au hasard : de Kosh qui devient leader du groupe et adulte par la même occasion, à Lou qui par la force des choses devient presque une mère, Noah et Malcolm qui se vouaient une haine mutuelle futile avant le déluge et désormais se serrent les coudes pour mieux survivre. Tous ont un rôle bien déterminé. Exemplaires et intelligents, ils nous prouvent que la survie est avant tout une question de courage et de ténacité.
Cher Vincent, tu m’as tant fait peur que tu viens de me décider à apprendre à nager.

Sachez que lorsque vous aurez terminé ce roman, une soif insoutenable de connaître la suite des événements se fera sentir. Ce sera dur, on vous prévient vous aurez la langue pâteuse. Le tome 2 ne sort qu’apparemment en février, c’est beaucoup trop long. C’est pourquoi nous vous suggérons à tous de harceler de mots d’amour l’éditeur afin que cette sortie soit accélérée. Vive Vincent Villeminot, vive la collection Lire en grand, vive le harcèlement.

Les pluies, Vincent Villeminot (Fleurus)
disponible le 9 septembre 2016
9782215132141 – 16,90€
à partir de 13 ans
Son
1

Le copain de la fille du tueur – Vincent Villeminot

2016, c’est un peu l’année Vincent Villeminot. Après La brigade de l’ombre au mois de juin chez Casterman, l’homme revient avec pas moins de trois romans pour la rentrée littéraire ! Aujourd’hui, on vous présente Le copain de la fille du tueur qui sort en même temps que Les pluies, chez Fleurus (dont on vous parle demain) et, enfin, Samedi 14 novembre (en novembre, donc), chez Sarbacane. Autant vous dire que vous n’avez pas fini d’entendre parler de Vincent Villeminot ! 😉

9782092565223,0-3350599

Fils d’un poète prix Nobel, Charles rejoint un lycée huppé pour « gosse de riches » en Suisse. Il y fait la connaissance de Touk-Ernest, fils d’un dictateur africain, qui devient son meilleur ami. Pour tuer le temps, ils font les quatre cent coups… jusqu’à l’arrivée de Selma. Une fille mystérieuse qui tape dans l’œil de Charles et qui n’est autre que la fille d’un terriblement célèbre narcotrafiquant mexicain…

★★★☆☆

A quoi peut-on s’attendre avec un titre pareil ? Sans doute pas à ce que l’action démarre dans un pensionnat de haut standing pour « filles et fils de ». Pourtant, c’est bien là que nous rencontrons Charles qui, lorsque sa résidence prend feu lors de son premier jour, rencontre Touk-E, qui a eu la bonne idée de faire cuire des saucisses au-dessus de la poubelle à papier en attendant l’arrivée de sa cuisine toute équipée. Pour les deux garçons, c’est le début d’une très grande amitié ! Et d’idées toutes plus étonnantes les unes des autres pour tromper l’ennui dans cette pension de riches… Cette histoire aurait pu se contenter de n’être que celle de deux potes s’amusant à mettre le bazar en pension si n’avait pas débarquée en cours d’année cette fille cachée sous son sweat à capuche, écouteurs sur les oreilles, boucles blondes et dents du bonheur. Une fille qui coupe le souffle de Charles… et ses jambes puisqu’il est bien incapable d’aller lui parler pour seulement connaître son prénom.

Je ne vous en dis pas plus sur l’histoire, dont le mystère est une des premières réussites. Même après avoir lu la quatrième de couverture, vous ne vous attendrez sans doute pas à la petite révélation qui fait aussi le nœud de l’intrigue. Vincent Villeminot nous raconte une histoire d’amour en plusieurs temps, qui fait aussi la part belle au thriller angoissant et à la comédie (surtout dans la première partie). Un fils de poète ne pouvait sans doute pas vivre son premier amour autrement qu’avec force romantisme, le genre qui vous tient en haleine, vous fait ressentir toutes les émotions et les émois des personnages. Il y avait longtemps que je n’avais lu d’histoire d’amour aussi romantique, enrobée d’un suspense propre au roman policier. Un mélange qui fonctionne parfaitement, et qui réussit à nous angoisser et nous émouvoir en même temps. Le copain de la fille du tueur est en tous cas un roman atypique, l’écriture de Vincent Villeminot hachée, saccadée, et pourtant, avec ce mélange des genres détonant et ces personnages que je crois volontairement stéréotypés (l’Africain fils de dictateur, la Mexicaine fille de trafiquant de drogue et le Suisse timide fils de poète, je rappelle), ça marche ! Une bonne lecture ! 😀

Le copain de la fille du tueur, Vincent Villeminot (Nathan)
disponible le 8 septembre 2016
9782092565223 – 16,95€
à partir de 13 ans
Son
2

A la place du cœur – Arnaud Cathrine

9782221193334,0-3343096

Une magnifique couverture brodée, un roman qui aborde les attentats de 2015 et une histoire d’amour en parallèle… C’est le nouveau roman d’Arnaud Cathrine.

Caumes à 17 ans et ce soir de janvier où il fête son anniversaire semble être le grand soir : Esther, la fille qui le fait vibrer, se rapproche de lui et l’embrasse. Le lendemain, en cours, il reçoit un texto de son frère qui travaille à Paris. « Putain, Charlie ». Caumes croyait qu’il s’était trompé de destinataire…jusqu’à ce que les nouvelles se répandent dans le lycée…

★★★★☆

Une semaine dans la vie de Caumes. C’est le temps que dure le roman, c’est le temps qu’il faut à Arnaud Cathrine pour nous interroger sur l’avenir et les pensées d’un adolescent en plein milieu du drame qui a frappé la France en janvier 2015 et qui a changé pas mal de choses dans nos vies. Tout commençait bien pour Caumes : le jour de son anniversaire, il se fait embrasser à pleine bouche par Esther. Enfin. Le retour à la réalité du lendemain est difficile. Il faut émerger de la fête bien arrosée et, surtout, se souvenir du goût du baiser. Quand l’attentat de Charlie Hebdo survient, le changement est perceptible chez Caumes et tous ses camarades. Il y a ceux qui ont des proches à Paris, ceux dont les idées politiques les amène à dire n’importe quoi, ceux qui n’y comprennent rien, et ceux qui doivent aussi se demander comment être amoureux, être plein de désir pour une fille tout en vivant cette période étrange…

Quand j’ai commencé à lire le roman, que j’ai avancé dans l’histoire, je me suis longuement demandé si j’aimais ou non ce que je lisais. C’était un sentiment bizarre et, une fois refermé, je n’avais toujours aucune idée de ce que j’en pensais. Et après m’être laissé le temps de la réflexion, j’ai fini par comprendre que oui, j’avais aimé. J’ai aimé parce Arnaud Cathrine a su parfaitement mêler le roman d’amour et le roman d’actualité et, surtout, parce qu’il l’a fait d’une manière que je trouve la plus réussie jusqu’à présent après avoir lu pas mal de texte abordant les attentats (de janvier ou novembre 2015). Et cette réussite, c’est celle du personnage de Caumes, un garçon qui vit le truc le plus beau de sa vie et qui doit composer avec des événements qui le touchent, certes, mais peut-être pas autant que d’autres, parce qu’il ne comprend pas bien ce qui se passe – s’est passé – ou parce qu’il ne connaît pas grand-monde sur Paris (même si son frère bosse pour un journal là-bas et qu’ils s’inquiète, bien sûr) ou tout un tas d’autres raisons. J’ai trouvé Caumes et les personnages du roman finalement très proches de nous, vraiment très proches de la plupart de la population : ceux qui se sont révoltés aussitôt, ceux qui n’ont pas réalisé, ceux qui ont été profondément affecté, ceux qui connaissaient quelqu’un, ceux qui se sont révélés être des connards et ceux qui ont été touché mais qui devaient ou voulaient continuer à vivre…

Voilà. A la place du cœur, c’est un roman juste, sincère, cru et une belle réflexion sur la vie et l’amour malgré la mort et l’horreur. Et je suis bien curieuse de savoir ce qui nous attend dans la suite, puisqu’il s’agit de la « saison 1 »… et de connaître votre avis si vous l’avez déjà lu !

A la place du cœur, Arnaud Cathrine (Robert Laffont)
collection R
disponible le 5 septembre 2016
9782221193334 – 16€
à partir de 15 ans
Discussion
1

Tu ne sais rien de l’amour – Mikaël Ollivier

9782364749511,0-3603987

Ne vous fiez à cette couverture…étonnante – aussi bien photoshoppée que quand Jean-Michel joue avec Paint – car dessous se cache un très beau roman. 😉

Le jour où Nicolas reçoit un mail de sa mère intitulé « Ce qu’il vous faut savoir », le jeune homme replonge dans ses souvenirs d’enfance. Une période étrange où, dès son plus jeune âge, on le voyait se marier avec Malina, la plus belle fille qu’il ait jamais vu, et aux côtés de laquelle il aime et grandit. Mais très vite, il se pose des questions sur sa famille, son père qui cache sa maladie, sa mère qui semble cacher des secrets et sur l’amour, celui qu’il porte à Malina et celui des adultes…

Bob ne sait rien…

★★★★☆

Qu’est-ce que l’amour ? Peut-on aimer une seule personne dans toute sa vie ? Quelle différence entre amour et désir ? Tant de questions qui hantent la vie de Nicolas, un garçon gentil, discret, à qui on a jamais vraiment demandé son avis, et surtout pas en ce qui concernait l’amour. Depuis qu’il est bébé, il fréquente la belle Malina. Ils grandissent ensemble et, sous la « pression » de la mère de Nicolas, sont promis à se fiancer, à être le couple parfait. Et tout dans leur vie facilite ce destin : ils sont toujours dans la même classe, passent leurs vacances ensemble et dorment même ensemble dès leur entrée dans l’adolescence… Une relation étrange, presque malsaine dans ce jeune couple qui donne au roman une atmosphère toute particulière. Mais la relation qu’entretient Nicolas avec son père et sa mère vont aussi l’amener à se poser des questions sur sa famille et les secrets qu’elle cache… Mikaël Ollivier signe avec Tu ne sais rien de l’amour un roman subtil et touchant, où les secrets et la maladie coexistent avec une très belle réflexion sur l’amour. J’ai beaucoup aimé l’alternance des souvenirs de Nicolas et de cette nuit où il reçoit le mystérieux mail de sa mère, jouant ainsi sur le suspense. C’est vraiment très fin, avec à la fois de la retenue et de l’émotion… une très belle histoire d’amour et de famille qui plaira tout autant aux grands ados qu’aux adultes.

…et Jean-Michel non plus

★★☆☆☆

Bob devrait arrêter de m’humilier en public parce que je me suis améliorée avec Paint alors que lui, ne sait toujours pas faire cuire du riz.
Il y a beaucoup de définitions de l’amour à assimiler dans ce roman : celle de l’amour maternel (d’une mère envers son fils et envers un enfant qui n’est pas le sien), l’amour d’enfance (Nicolas et Malina), l’amour adultérin (on ne spoliera point vous vous débrouillez), l’amour paternel et l’amour d’un fils envers son père. Ça fait beaucoup. J’ai fait une légère overdose. Mais aucun personnage n’est laissé au hasard : tout le monde remplit une définition, un rôle et qu’il n’y ait aucun personnage secondaire donne un poids certain au roman. Je n’ai pas apprécié cette fin qui annonce clairement des tempêtes qui renverseront à coups sûrs cette belle définition de l’adoration sans limite que se portent les personnages les uns aux autres. Existe t-il un amour possible sans culpabilité ? (ma collègue Léa m’a soufflé cette phrase et je n’arrive pas à trouver une réponse). Le roman offre néanmoins une vision positive et juste de l’amour : il est possible de le vivre mais avec des compromis et des difficultés. Un reflet de la réalité pertinent, mais grisant.

Tu ne sais rien de l’amour, Mikaël Ollivier (Thierry Magnier)
disponible depuis le 24 août 2016
9782364749269 – 15,90€
à partir de 14 ans
Discussion
6

Songe à la douceur – Clémentine Beauvais

Après le succès incroyable de son dernier roman, Les petites reines, dont on attend avec impatience de voir l’adaptation théâtrale ET cinématographique, nous avions également hâte de découvrir le nouveau roman de Clémentine Beauvais dont, à moins d’habiter sur une autre planète, vous avez déjà sans doute entendu parler. 🙂 Bob et Jean-Michel vous le présentent, et une fois n’est pas coutume, sont en total désaccord ! Let the fight begin!

9782848659084,0-3389543Tatiana rencontre Eugène un été. Elle a 14 ans, lui 17, et n’ont rien d’autre à faire que parler… Tatiana tombe amoureuse et semble-t-il que lui aussi. Jusqu’à ce qu’une lettre et un accident les sépare pour de bon. Mais dix ans plus tard, ils se retrouvent par hasard… Adaptation en vers libre du roman de Pouchkine et de l’opéra de Tchaikovsky, tous deux intitulés Eugène Onéguine.

Dans les rêves de Jean-Michel

★★★★★

J’ai su que j’allais aimer ce roman au moment où Clémentine a mentionné Roch Voisine, mais aussi la vitesse de connexion internet de 2006, Msn, Skyblog, Dromadaire.fr, Tchaïkovski et Laurent Binet. Une écriture lyrique, presque théâtrale où les mots gigotent au gré des rimes rendant tout acte décrit, langoureux et délicat. Et l’omniprésence de la fraîcheur, on en parle ?

« Je voudrais un exemplaire de la sensation de ses deux doigts sur mon poignet
Oh là là vous êtes sûre ?
Certaine
Vous savez que ça vous garantis de ne pas dormir avant trois heures, trois heures et demie du matin ces choses-là !
Je sais, mais j’en ai besoin
C’est très addictif, je dois vous avertir.
Je ferai attention
Bon. Si vous le dites. Veillez à respecter les précautions d’emploi. »

Les affres de la passion se dessinent dans le texte de Clémentine, celles des relations amoureuses aussi. On les croit profondes, elles ne sont que superficialité et égoïsme de la jeunesse. On les croit superficielles, elles représentent le véritable amour. On ne sait malheureusement tout cela qu’à la fin, quand tout est brisé. Tatiana et Eugène le savent. C’est mouvementé et efficace « il m’a claqué la porte au cœur » avec des images fortes au fil des rimes. Ma citation préférée reste celle-ci :
C’est frêle, ces jeunes personnes tellement éblouies par le jour, qu’elles ne sont pas apprêtées pour la nuit
Même si l’écriture de Clémentine est douce, il flotte de l’amour amer teinté de violence. Je suis on ne peut plus ravie par la clôture du roman qui offre la certitude qu’une histoire d’amour reste toujours complexe. Tatiana est tiraillée entre la flatterie d’un homme qui l’a rejeté et désormais ne veut qu’elle…et le désir ardant de s’en protéger : c’est si commun mais si peu exploité dans les romans pour adolescents. Jusqu’aux bout des doigts de son auteur donc, l’audace est présente à toutes les pages. Songe à la douceur est un titre bien pensé. Mais tout de même, j’ai hâte d’avoir la réponse à cette question : comment Léa, Guillaume et Florence, respectivement 15, 14 et 13 ans, vont-ils comprendre cette histoire d’amour de trentenaires ? Un livre qui promet en prime de nombreux débats.

Sur un nuage avec Bob

★☆☆☆☆

C’est un roman atypique et audacieux que nous propose Clémentine Beauvais avec Songe à la douceur et s’il remporte déjà tous les suffrages, dont celui de Jean-Michel, Bob a été beaucoup moins emballé. Est-ce cette écriture en vers et sa petite musique indissociable de sa lecture qui a embêté Bob dans son appréciation du roman ? Peut-être. Si l’écriture est belle, avec de très jolies trouvailles comme celles relevées par Jean-Michel, j’ai pourtant eu beaucoup de mal à entrer dans l’histoire d’Eugène et Tatiana, à me laisser transporter par les mots et les émotions. Je me suis parfois ennuyée, c’est vrai, et les personnages m’ont agacés, je n’ai finalement pas été sensible à leur amour contrarié. Un roman étonnant malgré tout, dans sa forme surtout, qui mêle habilement classicisme et modernisme et, tout comme Jean-Michel, je serais curieuse de savoir ce qu’en pensent les ados et si, comme moi, d’autres lecteurs sont passés totalement à côté… 😐

Songe à la douceur, Clémentine Beauvais (Sarbacane)
collection Exprim’
disponible le 24 août 2016
9782848659084 – 15,50€
à partir de 13 ans
Son
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The memory book – Lara Avery

9782371020740,0-3288970

Vous connaissez sans doute Lumen pour leurs romans plutôt orientés vers les littératures de l’imaginaire. Ce mois-ci, ils font une entorse à leur ligne éditoriale et nous proposent un roman totalement réaliste… 🙂

Sam a déjà tout prévu dans sa vie : elle sortira première du lycée et ira vivre à New York. Rien ne l’en empêchera, et surtout pas cette maladie rare qui l’a prise par surprise et l’a forcée à reconsidérer quelque peu ses plans. Elle a donc décidé de commencer un journal, qu’elle écrit à la future Sam, afin de ne pas oublier tout ce qu’elle vit…

★★★☆☆

Tout roman évoquant la maladie ne peut désormais plus éviter la comparaison avec Nos étoiles contraires… Ici, c’est une maladie rare et dégénérative qui s’est logée chez Sam, une fille très compétitrice et un peu solitaire qui a déjà tout prévu de sa vie future. Elle se voit déjà grande avocate, vie parfaite et tout le tralala. Alors autant vous dire que cette maladie, elle ne va pas la laisser gagner du terrain, elle va se battre pour réaliser ses rêves. Et c’est sans doute là que le roman s’éloigne fondamentalement de son illustre comparaison. Sam est en effet une jeune fille pleine de volonté, de courage et d’espoir. Elle ne se laisse pas miner par la maladie, à tel point que peu de monde autour d’elle ne le sait, à commencer par ses rares amis. Son combat se fait seul, ou alors en famille, jusqu’à ce que l’amour vienne s’en mêler… La progression de la maladie, qui survient au fil du récit va évidemment bouleverser tous les projets et toutes les relations de Sam. Heureusement, elle écrit à chaque instant sur son ordinateur, s’adressant à la future elle, pour le jour où elle ne se souviendra plus…

Journal intime, The memory book est bien sûr émouvant, nous faisant découvrir le quotidien d’une jeune fille en proie à une maladie qui se manifeste notamment par la perte de mémoire et la démence. Mais c’est aussi très drôle et plein d’espoir, notamment grâce à cette personnalité de Sam, son esprit de compétition et son coté geek, son envie de continuer à croquer la vie à pleine dents malgré l’inéluctable. Des messages de son entourage, des notes personnelles, des listes s’ajoutent aux extraits de son journal pour nous inviter un peu plus dans son intimité et dans sa vie de tous les jours. J’ai beaucoup aimé également les moments où la maladie gagne du terrain, et que ça se ressente dans l’écriture de Sam, dans sa rédaction. C’est une idée vraiment intéressante de la part de l’auteure. Je regretterais seulement quelques longueurs qui épaississent un roman déjà très gros ! Une belle lecture, néanmoins, pour les amateurs d’émotions. 🙂

The memory book, Lara Avery, traduit par Julie Lafon (Lumen)
disponible depuis le 12 mai 2016
9782371020740 – 15€
à partir de 14 ans