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Des grands-mères en danger

Ils ne sont peut-être pas pour le même public, mais nos deux romans du jour abordent la relation d’enfants et adolescents avec leurs grands-mères, surtout quand celles-ci sont en danger… Frissons garantis !

Peur dans la neige

Fleur et son frère jumeau Julius vivent temporairement chez leur grand-mère. Une nuit, Fleur remarque de la lumière dans la forêt et, poussée par la curiosité, décide d’aller voir ce qui se trame. Qu’elle n’est pas sa surprise quand elle découvre un trésor ! Persuadée que cela pourra venir en aide à ses parents, elle s’empare du butin…provoquant une terrible réaction en chaîne…

★★★★☆

Sandrine Beau nous avait déjà bien fait flipper avec Toute seule dans la nuit ou encore Traquées ! Elle réussit encore une fois à nous embarquer avec efficacité et grelottements dans un polar bien ficelé, à destination des jeunes lecteurs. Un huis-clos aussi glaçant que la saison durant laquelle l’histoire se déroule, qui fait la part belle à des jeunes adolescents débrouillards et courageux et à une grand-mère peut-être en fauteuil roulant mais certainement pas « diminuée » ! Une mamie à la fois drôle et bravache qui fera tout aussi pour protéger ses petits-enfants. Décidément, Sandrine Beau est vraiment très forte quand il s’agit d’associer le suspense haletant du roman policier à la sensibilité des relations familiales. Idéal pour frissonner par temps de canicule ! On en redemande… 😀

Peur dans la neige, Sandrine Beau (Mijade)
collection Zone J
disponible depuis le 21 mars 2019
9782874231094 – 6€
à partir de 10 ans

 

La maison des oiseaux

Pour Zoé, harcelée par sa cousine, ses camarades et incomprise par ses parents, sa grand-mère est sa seule amie et elle se réfugie dès que possible chez elle, à la maison des Oiseaux. Mais mamie perd la tête, et les parents de Zoé décident de la placer dans une maison de retraite. Inimaginable pour Zoé comme pour sa grand-mère, qui souhaite mourir chez elle. Alors Zoé décide de fuguer, et d’emmener sa grand-mère avec elle pour retrouver un oncle qu’elle croyait disparu…

★★★★☆

Les secrets de famille sont au programme du nouveau roman d’Allan Stratton ! Mais c’est surtout la relation fusionnelle entre une adolescente et sa grand-mère atteinte de démence qui nous touche, et la difficulté pour Zoé de faire entendre sa voix tant elle est écrasée par une cousine horrible et des parents que la précarité obnubile au point de ne pas voir le mal-être de leur propre fille. La solitude de l’adolescence et la solitude de la vieillesse se mêlent alors, ne trouvant aucune échappatoire et aucun soutien familial, à moins de retrouver cet oncle dont personne ne parle jamais et qui, selon les paroles de la grand-mère de Zoé, se serait occupé d’elle, lui… Le roman devient passe alors par la case road-trip, et montre toute les difficultés rencontrées – et le courage ! – d’une jeune fille qui ferait tout pour donner à sa grand-mère la fin qu’elle mérite. Un roman bouleversant, aux thématiques fortes et rugueuses, comme sait si bien les faire Allan Stratton.

La maison des oiseaux, Allan Stratton, traduit par Sidonie Van den Dries (Milan)
disponible depuis le 29 mai 2019
9782745995872 – 15,90€
à partir de 13 ans
Son
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I am Princess X – Cherie Priest

9782747058957,0-4105410May et Libby étaient les meilleures amies du monde. Ensemble, elles ont créé un personnage à qui elles faisaient vivre plein d’aventures : Princess X. Mais il y a trois ans, Libby est décédée dans un accident de voiture. Un jour pourtant, May découvre sur la vitrine d’une boutique un autocollant à l’effigie de cette héroïne qu’elle croyait enterrée avec son amie. Etonnée, elle découvre bien vite qu’il existe un compte Instagram où sont narrées en BD les aventures de Princess X et, en les lisant attentivement, May découvre des indices troublants… Son amie est-elle vivante ?

★★★★☆

Faites-vous partie de ceux qui ont vu la campagne de publicité dans les rues autour de l’univers de Princess X ? Si ce n’est pas le cas, rendez-vous sur Instagram ! Une fois votre curiosité bien attisée, Bob vous propose de vous précipiter sur ce très bon thriller, où la BD et le roman se mélangent avec une très grande réussite. En effet, pas toujours facile de concilier les deux ! Cherie Priest, elle, y parvient simplement et efficacement : les planches de BD, tout en violet réalisées par Kali Ciesemier, font partie intégrante de l’intrigue policière, elles n’ont pas qu’une vertu illustrative mais sont bien des éléments clés de l’histoire. Nous sommes ainsi comme May, qui découvre ce qui est arrivé à son amie disparue en même temps que nous, et qui entrevoit les indices glissés dans les cases. Si l’intrigue générale est relativement simple, c’est bien la façon dont elle est menée qui est particulièrement originale, ainsi que les personnages secondaires qui vont épauler May dans sa quête, et le parallèle entre la véritable histoire et celle de la fiction, de Princess X. C’est plutôt bien fichu et on se laisse entraîner de bout en bout, dans l’attente du dénouement final.

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Un roman qui n’est pas sans rappeler l’univers des comics et de ses super-héros. Princess X est une ado fringuée comme une princesse de Disney, couronne comprise, mais avec des Converse rouge et un katana pour seule arme. Son passé est terrible, ses parents sont morts et elle a été kidnappée par un dangereux malade pour des raisons aussi folles que malsaines. Des éléments qui paraîtront surréalistes à qui cherche un thriller noir ancré dans la société (d’autant que le final va un peu vite), mais qui plaira sans aucun doute à ceux qui accepteront cette influence. La thématique des réseaux sociaux et du hacking est également très intéressante dans le roman, et apporte beaucoup à tout l’univers virtuel déployé dans l’intrigue. Original et vivant, aussi sombre que punchy, I am princess X mêle habilement la BD et le roman, à découvrir !

I am Princess X, Cherie Priest, illustré par Kali Ciesemier, traduit par Vanessa Rubio-Barreau (Bayard jeunesse)
disponible depuis le 26 avril 2017
9782747058957 – 14,90€
à partir de 13 ans
Son
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Phobie – Sarah Cohen-Scali

Après le dérangeant mais fascinant Max, que l’on vous conseille de lire avec vos tripes bien accrochées dans vos bidous, Sarah Cohen-Scali explore les plus infimes recoins de notre conscience dans un roman entre cauchemar et…cauchemar.

9782354884598,0-3710514Depuis qu’elle a cinq ans, Anna est terrorisée par le croque-mitaine. Car c’est le monstre du placard qui a tué son père, elle en est persuadée, même si tout le monde lui dit qu’il s’est tout simplement enfui en les laissant seules, sa mère et elle. Malgré les thérapies, la jeune fille ne s’est jamais débarrassée de son cauchemar et, lorsqu’elle se réveille dans une cave sombre à l’odeur de moisi, une peur terrible s’instille en elle : le croque-mitaine va-t-il la tuer elle-aussi ?

★★★☆☆

Huis-clos angoissant mâtiné de références aux contes de fées, Phobie joue très bien le jeu de la peur, de l’ambiance malsaine et de la difficulté à voir ce qui tient du fantasme ou de la réalité. Anna est une jeune fille troublée, incapable de passer la nuit hors de chez elle, en proie à des angoisses que personne ne comprend et traumatisée par la disparition de son père. Est-il mort ? Juste disparu, comme tant d’autres hommes qui abandonnent leurs familles quand tout va mal ? Seuls les souvenirs agréables en sa compagnie, quand il lui lisait des contes de fées, la font tenir. Jusqu’au jour où elle est mystérieusement invitée à une fête d’Halloween. Est-ce là une opportunité de retrouver son père ? Quand Anna se réveille dans cette cave, elle comprend que cette fête était une erreur et que son cauchemar ne fait que (re)commencer…

Phobie s’intéresse à nos peurs les plus profondes, aux traumatismes de l’enfance et à leur éventuelle résolution. Pour cela, nous ne suivrons pas que la séquestration d’Anna, aux prises avec un ravisseur maléfique, mais aussi le commandant Ferreira, le policier en charge de l’enquête sur l’enlèvement de la jeune fille, qui va devoir s’associer à un psychiatre pour essayer de la retrouver. Car selon le docteur Fournier, la clé de l’enlèvement d’Anna se trouve dans son passé. Et si Ferreira parvient à résoudre la disparition du père d’Anna, alors il retrouvera la fille…

Avec Phobie, Sarah Cohen-Scali mêle les genres et joue avec leurs codes. Si la première partie relève de l’angoisse et du thriller avec une grande efficacité (on frissonne en découvrant cette atmosphère glauque, sordide de la séquestration d’Anna et des parallèles avec certains contes de fée), la résolution de l’enlèvement d’Anna intervient en plein milieu de roman pour entamer alors une autre dimension de l’histoire…que je ne peux vous révéler sans tout vous gâcher ! Et c’est peut-être ce qui m’a le moins emballée dans Phobie, cette deuxième partie où, même si l’enquête continue, l’angoisse disparaît totalement au profit d’autre chose. C’est compliqué de vous expliquer pourquoi sans vous dévoiler quoi que ce soit… 😛 En tous cas, pour la partie horrifique, le pari est tenu et, si vous n’avez pas peur du croque-mitaine, lancez-vous ! Amateurs de thrillers angoissants, n’hésitez pas non plus à vous plonger dans l’univers de Phobie. Pour les petites natures, passez votre chemin…

Phobie, Sarah Cohen-Scali (Gulf Stream)
collection Électrogène
disponible le 9 février 2017
9782354884598 – 18€
à partir de 14 ans
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Blood family – Anne Fine

9782211222341,0-2703702

Après nous avoir fait frissonner avec Le passage du diable, Anne Fine revient avec un roman ado tout aussi terrifiant, mais dans un autre registre… Notons d’ailleurs que ce précédent roman trouve une certaine importance dans ce Blood family (mais je vous laisse la surprise)…

Jusqu’à l’âge de 7 ans, Edward a vécu enfermé dans un appartement avec sa mère, battue comme plâtre par un homme alcoolique et violent. Lorsqu’enfin les services sociaux interviennent, Edward est libéré et découvre un monde totalement nouveau. Il arrive alors en famille d’accueil, puis est adopté et va devoir apprendre à se reconstruire en oubliant l’horreur de son passé. Mais au fil des ans, le passé ne cesse de se rappeler à lui…

★★★★☆

Wow ! Avec les premières pages de ce roman, Anne Fine nous prend à la gorge, nous secoue dans tous les sens et ne nous lâche qu’à la toute dernière ligne…ou pas ? En tous cas, l’histoire de ce jeune Edward nous glace le sang : séquestré depuis son plus jeune âge, l’enfant vit dans la crasse, dort dans un tas de couvertures partagées avec un chien jusqu’à ce que l’animal se retrouve à pourrir dans un sac poubelle. Sa mère est un cadavre ambulant, la peau tellement marquée qu’elle en est bleue ou noire. L’horreur absolue. Une horreur qui a un nom : Bryce Harris. Un homme terrifiant qui n’a même pas besoin d’être physiquement présent dans le roman pour que son nom ou son souvenir provoque des angoisses et une peur indicible chez Edward.

La première partie du roman est tout bonnement stupéfiante. Par l’histoire terrible que l’on découvre, mais aussi par ce personnage, ce jeune Eddie, qui ne connaît rien d’autre à la vie que celle de cet appartement minable, et des émissions télévisées de Mr. Perkins, enregistrées sur K7, qu’il regardait en boucle avec sa maman quand Harris n’était pas là. Ainsi, là où Eddie aurait pu être un enfant sauvage ou tout simplement idiot à force d’être battu et de ne rien faire de la journée à part craindre le retour d’Harris, il est un enfant étrange, capable de lire ou de compter et incollable sur un certain nombre de sujet évoqués dans les émissions de Mr. Perkins. Comme beaucoup le pensent, c’est sans doute ce qui a sauvé cet enfant…
Je n’ai pas envie de vous en dire plus sur l’histoire, qui se laisse découvrir avec répulsion et fascination. En tous cas, on s’attache instantanément à ce petit bonhomme et à l’adolescent qu’il va devenir. Car le roman va suivre Edward de ses 7 ans à son entrée en première. Une vie qui ne sera pas facile malgré l’amour que vont lui prodiguer bon nombre de personnages. Car le passé ne disparaît jamais véritablement…

J’ai beaucoup aimé la construction du roman, qui fait intervenir plusieurs acteurs de la vie d’Eddie depuis sa découverte dans cet horrible appartement. On a l’impression d’avoir affaire à une compilation de témoignages, ceux d’Edward étant les plus importants, ce qui renforce notre sentiment de malaise à lire cette histoire presque documentaire. Anne Fine signe un roman coup de poing, bouleversant et qui n’interdit pas l’espoir…

Blood family, Anne Fine (École des loisirs)
collection Médium
disponible depuis le 28 octobre 2015
9782211222341 – 17,50€
à partir de 14 ans

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La gueule du loup – Marion Brunet

9782848657097,0-2306151

Jean-Michel et moi, on avait adoré Frangine, premier roman de Marion Brunet. Du coup, on avait vraiment hâte de découvrir son nouveau titre dans la toujours excellente collection Exprim’. Et comme d’habitude avec ces histoires, on n’en ressort pas totalement indemne !

Leur bac en poche, Lou et Mathilde décident de se rendre à Madagascar pour y passer des vacances de rêves, dignes d’une carte postale. Mais leur visite de l’île ne sera pas aussi idyllique qu’elles l’imaginent et leurs vies en seront bouleversées à jamais…

★★★★☆

Le nouveau roman de Marion Brunet frappe encore une fois très fort dans ce thriller d’aventure tout à fait glaçant. Nous suivons le périple de ces deux jeunes filles aux personnalités bien prononcées à travers Madagascar, où la pauvreté et la misère se dispute à la beauté des paysages. Dès le début et cette scène d’ouverture angoissante, on sait que quelque chose de terrible nous attend. Et bientôt, Lou et Mathilde croisent la route du loup, celui qui va faire d’elles des proies, qui va s’attaquer à leur innocence et les marquer à jamais. Difficile de ne pas trop en dire… En tous cas, j’ai retrouvé avec un immense plaisir le style de Marion Brunet, son écriture directe, dynamique, au plus proche des ados, sa façon de raconter son histoire, entre beauté et cruauté. J’ai beaucoup aimé sa description de Madagascar et ses coutumes, qui nous transportent littéralement auprès des héroïnes, dans une atmosphère à la fois sublime, dangereuse et étouffante. Je me suis indignée comme Lou et Mathilde de la pauvreté qui sévit là-bas, de la façon dont les riches hommes blancs viennent rechercher de jeunes esclaves sexuelles…et me suis laissée emporter par la douceur de la plage et de la vie là-bas, du rythme lent et bienheureux des habitants… Bref, un pays tout en contradictions, pour une histoire qui commence sur une plage idyllique et qui devient vite remplie d’épreuves et de souffrances…
Marion Brunet signe ici un thriller d’une grande qualité, effrayant, mais aussi un roman initiatique, qui va faire passer nos deux jeunes filles à l’âge adulte de la pire des manières…

La gueule du loup, Marion Brunet (Sarbacane)
Collection Exprim’
en librairie le 27 août
9782848657097 – 15,50 €
à partir de 15 ans