Son
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Des petits, des grands, des gros, des maigres…

Aujourd’hui, Bob vous présente deux albums autour de personnages trop petits, trop grands, trop gros ou trop maigres qui voudraient bien changer un peu… Il lui semblait d’autant plus intéressant de vous parler des deux en même temps qu’ils se finissent de la même manière et sont l’occasion de découvrir le travail de deux très belles illustratrices… 😛

Monsieur Martin

9791096067053,0-3740245Monsieur Martin est un homme charmant, qui croule sous le travail, mais que personne ne remarque jamais. En effet, Monsieur Martin a quelques (et on est gentils) centimètres en moins, si bien qu’il est totalement invisible pour les gens de « taille normale ». Mais voilà qu’un jour, il semble grandir !

★★★★☆

Vous pensez bien que Monsieur Martin est très heureux de prendre enfin quelques centimètres ! Sauf que non, ses poussées de croissance sont totalement incontrôlables : seul un bras pousse démesurément, puis c’est la tête qui ne rentre même plus dans sa voiture et ainsi de suite, jusqu’à ce que le bout de son nez touche la Lune. Et sur la Lune, une toute petite femme boit son thé et, d’un baiser…on vous laisse deviner ! Avec cet album, Caroline Attia nous propose une très jolie histoire autour de la différence, de l’apparence, avec un texte rythmé et plein de fantaisie. Une fantaisie que l’on retrouve également dans ses illustrations saturées de couleurs, du roux flamboyant des cheveux de Monsieur Martin au jaune de ses pulls et de sa bibliothèque bien garnie. Un très bel album où l’amour triomphe de tout !

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Monsieur Martin, Caroline Attia (Maison Eliza)
collection Pistache
disponible depuis le 13 février 2017
9791096067053 – 13,50€
à partir de 4 ans

Quatre quarts

9782362661709,0-3527872Au pays des Quarts, le gros aimerait maigrir, le maigrir voudrait grossir. Quant au petit, qu’est-ce qu’il aimerait être plus grand ! Le grand, lui, se verrait bien plus petit… Ils font alors chacun des efforts, entre régimes et sports, mais bientôt, il leur semble évident que rien ne marche (c’est parfois même pire !) et qu’il ne reste plus qu’à inventer une machine pour les remodeler selon leurs envies…

★★★★☆

Voilà une histoire un peu farfelue où des Quarts aux problèmes variés vont essayer de tout faire pour ne plus être grand, gros, petit ou maigre. Chacun essaye des choses dans son coin, avec des résultats le plus souvent ratés, jusqu’à ce qu’ils commencent à s’allier, pour faire des Demis, et enfin pour faire un Tout. Et c’est un peu bizarre d’être en entier et plus en quart mais lorsque l’on trouve quelqu’un d’autre comme soi, tout va beaucoup mieux… Encore plus de fantaisie dans cet album étonnant, qui s’intéresse lui aussi à l’apparence et aux complexes qu’on en retire parfois. Mais aussi beaucoup d’humour, que l’on retrouve non seulement dans le texte mais aussi dans les illustrations foisonnantes et pleines de détails de Violaine Costa. Un trait fin, des couleurs toutes douces et des personnages tout en rondeurs délicates, des machines délicieusement tarabiscotées, ça donne un livre aussi savoureux qu’un véritable quatre-quarts sortant du four et tout juste saupoudré d’amour. Un très bel album là aussi !

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Quatre quarts, David Guyon, illustré par Violaine Costa (Talents Hauts)
disponible le 16 mars 2017
9782362661709 – 15€
à partir de 5 ans
Son
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Quand le monstre naîtra – Nicolas Michel

On ne vous avait pas encore parlé de la collection Les Héroïques, parue en septembre dernier chez Talents Hauts. Pour vous la situer, c’est une collection de romans historiques qui s’intéressent à ceux qui sont « oubliés » ou laissés de côté dans les manuels d’histoire : les femmes, les enfants ou encore les handicapés, les immigrés… Christophe Léon et Jessie Magana ont ouvert cette collection, l’un avec un texte autour des enfants de la Réunion forcés à quitter leur famille pour être envoyés en métropole, l’autre avec une évocation de la Seconde Guerre mondiale du point de vue d’une jeune fille qui entre dans la Résistance quand tous les hommes de son île sont partis à la guerre… Avec Quand le monstre naîtra, c’est à nouveau la Seconde Guerre mondiale en toile de fond, mais du point de vue d’une enfant.

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1939. Lucille vit en Provence, en zone libre, tandis que la guerre éclate dans le reste de la France. Insouciante et espiègle, elle se lie d’amitié avec Elsa et Emmanuel, les nouveaux locataires de la ferme de sa grand-mère. Mais bientôt, le couple est obligé de quitter leur logement et les parents de Lucille lui annoncent qu’ils attendant un bébé. Tout s’effondre autour de la petite fille, qui n’a pas du tout envie de voir ce petit frère ou cette petite sœur, ce « monstre », arriver…

★★★★☆

Alors que sa sœur Anna va bientôt mourir, Lucile raconte à sa petite-fille son histoire, ainsi que celle d’Anna. C’était il y a longtemps, pendant la Seconde Guerre mondiale, alors que Lucille n’avait que 6 ans et que, comme beaucoup d’enfants à cet âge, elle ne comprenait pas vraiment ce qui se passait… Petite fille espiègle, aventureuse et turbulente, Lucile vit avec ses parents et sa grand-mère muette et inerte depuis la mort de son mari durant la Première Guerre mondiale. Lorsque les nouveaux locataires de la ferme, Elsa et Emmanuel, s’installe, c’est le début d’une belle amitié et de beaux moments pour Lucile. Mais la guerre est là et, même s’il semble ne rien se passer dans leur coin de Provence, Elsa et Emmanuel vont être chassés. Parce qu’ils sont Juifs. Et la mère de Lucile est enceinte. Deux nouvelles qui vont bouleverser Lucile et la rendre horrible avec tout le monde, et surtout avec ce bébé à venir. Dans la cour de récréation, Lucile joue à un jeu mesquin avec son amie Grenadine : « quand le monstre naîtra… » où elles disent des choses horribles sur le bébé. Et bientôt, les choses dégénèrent…

La guerre à travers les yeux d’une enfant. C’est donc le parti pris de Nicolas Michel, qui nous livre une histoire passionnante et toute en tension, ainsi que le portrait d’une petite fille plutôt sale gosse confrontée à des événements qu’elle ne comprend pas et dont elle ressent pourtant la gravité. Il y a une vraie justesse dans le personnage de Lucile, entre naïveté et lucidité, que les adultes veulent protéger des événements mais dont les secrets risquent bien de se retourner contre eux. Et parce que l’histoire est vue à travers les yeux d’une petite fille, il y aussi des jolis moments de poésie, du rire et de l’espoir… Mais surtout beaucoup d’émotions, que l’on ressent dans l’écriture de Nicolas Michel et dans sa volonté de nous livrer les sentiments d’une enfant dans un pays en guerre. Une très belle réussite et une collection à suivre, assurément !

Quand le monstre naîtra, Nicolas Michel (Talents Hauts)
collection Les Héroïques
disponible depuis le 19 janvier 2017
9782362661808 – 16€
à partir de 12 ans
Son
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Le tunnel – Hege Siri et Mari Kanstad Johnsen

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Hier, c’était la Saint-Valentin et comme Bob et Jean-Michel étaient occupés à dragueur leurs voisines, ils vous parlent, le lendemain, d’un album tout plein d’amour et de beauté. ❤

Nuit et jour, deux lapins creusent le sol. Lui est blanc, elle est brune comme un lièvre. Ils s’aiment et rêvent d’aller dans la belle herbe verte de l’autre côté de la terrifiante route. Pour s’y rendre, ils doivent creuser un tunnel.

★★★★★

Venu de Norvège, Bob est littéralement tombé amoureux de ce magnifique album et de ce fort joli couple de lapins. Dans ce texte d’une grande poésie, Hege Siri évoque tout l’amour et toute l’affection que ces deux êtres se portent, leur désir de parvenir à cet endroit où l’herbe semble délicieuse par la seule force de leurs petites pattes, pas aussi puissantes que celles des lièvres. Alors ils creusent, dans le noir, à quelques centimètres sous la route qui tremble et fait s’ébouler leur excavation, mais ils creusent ensemble. Ce travail de longue haleine est entrecoupé de souvenirs, de moments calmes au bord d’un cours d’eau… Et puis vient l’hésitation : et si on essayait de passer la route plutôt que dessous ? Mais les lapins se souviennent, ils se rappellent ce chat avec lequel ils jouaient et qui s’est retrouvé écrasé sur le goudron, et cet écureuil, puis ce renard sans doute pas aussi rusé que ses congénères… Alors ils continueront à creuser prudemment. Ensemble.

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Non seulement l’histoire est belle, les mots d’une fulgurante simplicité, transparaissant d’un amour profond, mais les illustrations de Mari Kanstad Johnsen achèvent de nous conquérir. Entre de grands aplats de couleur, des planches en coupe et un graphisme où se mélangent minutie des détails et sobriété des décors, le travail graphique de l’illustratrice est tout simplement splendide. Ses images ajoutent aux sentiments ressentis et induits par le texte : la complicité entre les deux lapins, leur empressement et leur prudence, leurs rêves et la crainte de ce qu’impliquent la route et les voitures.
Un album magnifique, à découvrir absolument !

Le tunnel, Hege Siri, illustré par Mari Kanstad Johnsen, traduit par Jean-Baptiste Coursaud (Albin Michel jeunesse)
collection Trapèze
disponible depuis le 1er février 2017
9782226394231 – 11,90€
à partir de 5 ans
Son
2

Phobie – Sarah Cohen-Scali

Après le dérangeant mais fascinant Max, que l’on vous conseille de lire avec vos tripes bien accrochées dans vos bidous, Sarah Cohen-Scali explore les plus infimes recoins de notre conscience dans un roman entre cauchemar et…cauchemar.

9782354884598,0-3710514Depuis qu’elle a cinq ans, Anna est terrorisée par le croque-mitaine. Car c’est le monstre du placard qui a tué son père, elle en est persuadée, même si tout le monde lui dit qu’il s’est tout simplement enfui en les laissant seules, sa mère et elle. Malgré les thérapies, la jeune fille ne s’est jamais débarrassée de son cauchemar et, lorsqu’elle se réveille dans une cave sombre à l’odeur de moisi, une peur terrible s’instille en elle : le croque-mitaine va-t-il la tuer elle-aussi ?

★★★☆☆

Huis-clos angoissant mâtiné de références aux contes de fées, Phobie joue très bien le jeu de la peur, de l’ambiance malsaine et de la difficulté à voir ce qui tient du fantasme ou de la réalité. Anna est une jeune fille troublée, incapable de passer la nuit hors de chez elle, en proie à des angoisses que personne ne comprend et traumatisée par la disparition de son père. Est-il mort ? Juste disparu, comme tant d’autres hommes qui abandonnent leurs familles quand tout va mal ? Seuls les souvenirs agréables en sa compagnie, quand il lui lisait des contes de fées, la font tenir. Jusqu’au jour où elle est mystérieusement invitée à une fête d’Halloween. Est-ce là une opportunité de retrouver son père ? Quand Anna se réveille dans cette cave, elle comprend que cette fête était une erreur et que son cauchemar ne fait que (re)commencer…

Phobie s’intéresse à nos peurs les plus profondes, aux traumatismes de l’enfance et à leur éventuelle résolution. Pour cela, nous ne suivrons pas que la séquestration d’Anna, aux prises avec un ravisseur maléfique, mais aussi le commandant Ferreira, le policier en charge de l’enquête sur l’enlèvement de la jeune fille, qui va devoir s’associer à un psychiatre pour essayer de la retrouver. Car selon le docteur Fournier, la clé de l’enlèvement d’Anna se trouve dans son passé. Et si Ferreira parvient à résoudre la disparition du père d’Anna, alors il retrouvera la fille…

Avec Phobie, Sarah Cohen-Scali mêle les genres et joue avec leurs codes. Si la première partie relève de l’angoisse et du thriller avec une grande efficacité (on frissonne en découvrant cette atmosphère glauque, sordide de la séquestration d’Anna et des parallèles avec certains contes de fée), la résolution de l’enlèvement d’Anna intervient en plein milieu de roman pour entamer alors une autre dimension de l’histoire…que je ne peux vous révéler sans tout vous gâcher ! Et c’est peut-être ce qui m’a le moins emballée dans Phobie, cette deuxième partie où, même si l’enquête continue, l’angoisse disparaît totalement au profit d’autre chose. C’est compliqué de vous expliquer pourquoi sans vous dévoiler quoi que ce soit… 😛 En tous cas, pour la partie horrifique, le pari est tenu et, si vous n’avez pas peur du croque-mitaine, lancez-vous ! Amateurs de thrillers angoissants, n’hésitez pas non plus à vous plonger dans l’univers de Phobie. Pour les petites natures, passez votre chemin…

Phobie, Sarah Cohen-Scali (Gulf Stream)
collection Électrogène
disponible le 9 février 2017
9782354884598 – 18€
à partir de 14 ans
Son
4

George – Alex Gino

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George est née garçon mais ne s’est jamais sentie autrement que fille. Sa mère est très fière d’elle, pensant qu’elle deviendra « un jeune homme très bien », tandis que son frère la surnomme « frérot » ou que sa meilleure amie Kelly ne voit aussi en elle qu’un garçon. Lorsque la classe doit monter une pièce autour du Petit monde de Charlotte, George veut plus que tout avoir le rôle de Charlotte, mais les gens sont-ils prêt à la voir telle qu’elle est ?

★★★★☆

Alex Gino est un adulte transgenre et c’est sans doute pour ça que son premier roman exhale autant l’honnêteté et la générosité. Vous le ressentirez dès la première page, ce sentiment d’être entré dans un cocon, dans un univers ouaté où un enfant nous emporte aussitôt dans sa vie simple, son temps passé à l’école, avec sa meilleure amie et avec sa maman et son grand frère. Une douceur encore plus étonnante et enveloppante quand George nous évoque ce problème, qui n’en est assurément pas un pour elle mais bien pour les autres. Car George est une fille. Elle a beau avoir un zizi entre ses jambes, elle est une fille, pas de doute possible. Mais sa mère, son frère et ses camarades la traitent comme un garçon, car c’est ainsi qu’elle apparaît aux yeux des autres. Comment révéler à tous ce qu’elle ressent, qui elle est vraiment ? C’est grâce au théâtre et au montage de la pièce tirée d’un roman qu’ils étudient en classe, Le Petit monde de Charlotte, que George va tenter de faire entendre sa voix. Non seulement sur scène, en interprétant le rôle principal féminin, mais également dans la vie de tous les jours, auprès de ses proches. Pouvoir dire à sa maman qu’elle est une « elle » et non un « il ».

L’année dernière, Bob avait déjà lu un roman avec une trame similaire, Le Secret de Grayson. Avec George, Alex Gino s’adresse à des enfants beaucoup plus jeunes et, finalement, rares sont les textes sur la question du transgenre qui s’adresse à une tranche d’âge aussi jeune. La simplicité de son écriture, sa finesse et sa douceur en font ainsi un texte accessible et d’une grande force émotionnelle. Un hymne à la tolérance, à l’acceptation et à l’embrassement de ce que l’on est.

George, Alex Gino, traduit par Francis Kerline (Ecole des Loisirs)
disponible depuis le 1er février 2017
9782211227452 – 14,50€
à partir de 9 ans
Son
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De nos propres ailes – Kinga Wyrzykowska

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L’équipe de volley du lycée Saint-Exupéry gagne son dernier match et, avec lui, une place pour la Coupe Heaven, qui sera disputée sur l’île de La Désirade, dans les Antilles. Aux anges, les filles de l’équipe font éclater leur joie, jusqu’à ce que l’une d’elle, Tina, se casse l’épaule à la sortie du RER. C’est Gladys, la nouvelle, qui la remplacera. Mais les filles ne sont pas prêtes à laisser Tina sur le carreau et à s’envoler sans elle. Elles vont alors organiser une cagnotte pour lui payer son billet d’avion : elles ont trois mois pour rassembler 1000€. Et tout semble aller comme sur des roulettes…jusqu’à ce que l’enveloppe avec l’argent disparaisse…

★★★★☆

Elles sont six filles dans l’équipe de volley, six meilleures amies depuis des années dont le rêve est de participer à la coupe Heaven. Toutes différentes, dans leurs origines, leurs centres d’intérêts ou leurs personnalités, Julie, Morgane, Nejma, Milena, Tina et Andrea n’en sont pas moins hyper soudées. Une véritable équipe. Gladys, c’est la nouvelle à l’air un peu pataud qui se retrouve toujours sur le banc de touche. Une situation qu’elle ne vit pas très bien. Jusqu’au bête accident de Tina, qui va rendre son épaule inutilisable et donc ses chances de participer à la coupe Heaven aux Antilles. Mais pour Gladys, c’est enfin une place au sein de l’équipe… Encore qu’il faudrait qu’elle soit acceptée par les autres filles, peu désireuses de la voir prendre la place de Tina.

Avec De nos propres ailes, Kinga Wyrzykowska explore l’adolescence et l’amitié dans le microcosme d’une équipe sportive. Entre la difficulté à s’intégrer dans un groupe constitué depuis longtemps, la jalousie, les rêves ou l’agacement, et les situations familiales de chacune, ce sont toutes les préoccupations adolescentes que l’on retrouve dans ce « roman de copines » (ou de filles), bien loin pourtant des poncifs du genre. Exit les histoires d’amour mièvres ou les mesquineries futiles, l’auteure insiste ici sur la psychologie de ses personnages, sur les désirs et les failles de chacune. Cela rend le roman passionnant, bien qu’un chouïa difficile au début car c’est aussi un roman choral, où chacune prend la parole à tour de rôle, parfois en même temps, et que Kinga Wyrzykowska ne nous a pas facilité la tâche pour s’y retrouver. Mais après un petit temps où on se demande « mais c’est laquelle déjà qui a les parents polonais sympas ? » (qui ont l’air aussi de faire des trucs à manger trop bons, dixit le ventre de Jean-Michel) ou bien « la fille placée en famille d’accueil, c’est bien Tina ? », on finit par s’attacher à chacune des filles et à se demander comment leurs relations vont évoluer et comment leur collecte d’argent va aboutir. Car bientôt arrive la partie suspense du roman, et le vol de la cagnotte va attiser considérablement les tensions au sein du groupe fragilisé, risquant à tout moment de tout faire exploser…

De nos propres ailes est un très bon roman, qui fait la part belle à ses personnages de jeunes filles finement campées, et à un ton juste au plus proche de ces adolescentes qui n’ont pas peur de dire ce qu’elles pensent et qui risquent bien de laisser la situation leur échapper… A découvrir !

De nos propres ailes, Kinga Wyrzykowska (Bayard Jeunesse)
disponible depuis le 4 janvier 2017
9782747067522 – 14,90€
à partir de 13 ans
Son
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Le jour où je suis partie – Charlotte Bousquet

Dans le monde parfait de Bob et Jean-Michel où tous naissent et vivent libres et égaux, sous la forme animale de son choix et sans discrimination, les romans de Charlotte Bousquet n’existent pas. Il n’y en a pas besoin. Malheureusement, dans la vraie vie, il y en a vraiment besoin des romans de Charlotte Bousquet…

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Tidir vit dans la campagne marocaine avec sa famille. Lorsque son père, qu’elle ne voit jamais, décide de la marier contre son gré, elle décide de fuir et de rejoindre Rabat, où s’organise le 8 mars un rassemblement pour l’émancipation des femmes. Avec le souvenir de sa meilleure amie violée puis mariée de force à son bourreau, elle prend la route, décidée à prendre également son destin en main.

★★★★☆

Avec ce nouveau roman, Charlotte Bousquet continue à s’engager sur la cause des femmes. Après Là où tombent les anges et Sang-de-Lune qui abordaient la condition féminine sous le prisme de l’Histoire et de la dystopie, c’est ici dans nos sociétés actuelles qu’elle ancre le récit de Tidir, jeune fille forte et indépendante révoltée par le sort funeste de sa meilleure amie et par la société dans laquelle elle vit. C’est sa grand-mère Damya qui est son modèle, la seule femme de sa famille à la soutenir et à l’inciter à se battre pour vivre sa vie. Entre les traditions archaïques, ineptes, la peur de la « honte », et l’attrait de la liberté, Tidir choisit très vite quel sens elle veut donner à sa vie, même si ce chemin doit être semé d’embûches. Et il le sera, assurément. Car lorsqu’elle rencontre un jeune français à Marrakech qu’elle sauve in extremis d’une bande de racketteurs, partager sa compagnie est extrêmement mal vu…

Par l’évocation du voyage de Tidir vers sa liberté, Charlotte Bousquet dresse le portrait d’une société marocaine entre des traditions anciennes, rigides, et une modernité qui se veut dénuée de tous préjugés quand ce n’est pas le cas… Une société qui peut nous paraître lointaine mais qui ne l’est assurément pas au vu des combats menés partout dans le monde pour les droits des femmes. Et les réflexions qu’entend Tidir tout au long du roman, de la part des hommes comme des femmes, des campagnards comme des citadins, ne sont pas si éloignées de celles que l’on entend en France à l’égard des jeunes filles ou des femmes… C’est aussi avec beaucoup de justesse et un véritable cheminement dans la pensée de Tidir que Charlotte Bousquet évoque le viol et le destin terrible de son amie Illi. Les questions qu’elle se pose résonneront en chacune, tout comme la réflexion qui évolue au fil de la lecture et des expériences vécues par Tidir. Emaillé de références à des personnalités ou des événements importants pour l’émancipation de la femme au Maroc, et notamment à des auteures ou des journalistes, le roman propose l’éducation et l’écriture comme solution à l’oppression patriarcale. Et c’est peut-être de cette manière que Tidir trouvera sa liberté à elle…

Le jour où je suis partie est donc un très beau récit initiatique, magnifié par l’écriture toujours aussi soignée de Charlotte Bousquet et par la description des paysages de la campagne marocaine qui prennent vie sous nos yeux. Émouvante et sensible, une histoire universelle qui ne devient que trop nécessaire pour inviter les jeunes filles et garçons à réfléchir à leur avenir…

Le jour où je suis partie, Charlotte Bousquet (Flammarion jeunesse)
collection Tribal
disponible depuis le 4 janvier 2017
9782081373853 – 13€
à partir de 13 ans
Son
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Barracuda for ever – Pascal Ruter

Alors que Le cœur en braille connaît le succès d’une adaptation au cinéma, Pascal Ruter nous offre un nouveau roman que vous trouverez aussi bien dans le rayon jeunesse que chez les vieux avec des couvertures très différentes ! Vous préférez laquelle ? 🙂

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C’est à 85 ans que le grand-père de Léonard, ex-boxeur de légende répondant au nom de Napoléon, décide d’entamer un « renouvellement de vie ». Autrement dit, il divorce de sa femme, adopte un chien qu’il appelle Point à la ligne, projette d’enlever le présentateur du jeu des 1000 euros sur France Inter et passe sa vie au bowling. Et pas question de se laisser « déporter » en maison de retraite ! Pour Léonard, cette décision est aussi étonnante que pleine de promesse de moments incroyables avec son grand-père…

★★★☆☆

C’est au rythme du tube de Claude François que Pascal Ruter nous embarque dans son roman un brin fou-fou aux côtés d’un vieil homme qui pète la forme et de son petit-fils qui ne demande rien de mieux que de passer du temps avec son super grand-père, ex-boxeur pro du bowling et amateur de jeux radiophoniques. C’est Léonard qui nous raconte le changement radical de Napoléon, ce passage chez le juge où on lui accorde le divorce pour « renouvellement de vie », devant une famille sidérée et une grand-mère qui n’a rien vu venir. C’est Léonard aussi qui va vivre avec Napoléon, son empereur, des aventures rocambolesques, tout en évoquant les souvenirs de sa vie passée, de son combat mythique avec Rocky, de la façon dont il a rencontré sa grand-mère, de son métier de taximan, etc. Et c’est toujours Léonard qui sera témoin des autres changements de Napoléon, ceux qu’il tient à cacher tout particulièrement mais qui, sournoisement, le prennent en embuscade, lui tendent des pièges…

Il y a dans les romans de Pascal Ruter toujours une grande tendresse dans les personnages et dans leurs relations. La force de Barracuda for ever, c’est bien le lien qui unit Léonard et son grand-père. Ce sont toutes les situations abracadabrantes dans lesquelles ils se retrouvent, toutes les idées farfelues de ce Napoléon énergique et bagarreur. Cette tendresse mélangée à un humour ravageur, ça donne ce roman plein d’émotions, dans lequel les personnages secondaires ont également toute leur importance, des lettres de la grand-mère de Léonard jusqu’à son amitié avec Alexandre, un drôle de garçon qui ne se sépare jamais de sa casquette et lui a raflé toutes ses billes…
Barracuda for ever et son histoire intergénérationnelle parviendra-t-ils à toucher autant les adultes que les plus jeunes ? 🙂

Barracuda for ever, Pascal Ruter (Didier jeunesse)
disponible depuis le 18 janvier 2017
9782278059461 – 17€
à partir de 12 ans
Son
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La clé d’or – Les frères Grimm et Joseph Vernot

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Parmi tous les contes de Grimm, dont certains ont été rendus célèbres par diverses adaptations, il en est peut-être que vous ne connaissez pas… La clé d’or fait partie de ces contes un peu moins connus, et d’autant moins qu’il s’agit d’un « conte-attrape », où la fin de l’histoire est généralement un pied-de-nez au lecteur ou à l’auditeur. Voilà qui vous intrigue, non ? 😛

En plein cœur de l’hiver, un jeune garçon prend son traîneau pour aller chercher du bois. En voulant faire un feu dans la forêt, après avoir bien travaillé, il trouve une petite clé d’or. Celle-ci doit sûrement ouvrir quelque chose à proximité ! Bientôt, il trouve un coffret…

★★★★☆

Dans ce conte extrêmement court, on ne vous dira rien de la chute, malicieuse et inattendue, mais on va surtout vous parler des illustrations. C’est Joseph Vernot, qui s’est déjà attaqué à d’autres contes célèbres et à l’illustration de L’histoire sans fin de Michael Ende (chez Hachette), qui créé les images de cette petite histoire publiée à l’origine dans les Contes de l’enfance et du foyer des frères Grimm. Et c’est tout simplement superbe !

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Dans un format tout en hauteur, les planches s’étirent pour un effet magique. La couverture avec dorures et les pages de garde, tels des papiers peint, au motif d’oiseau, annoncent tout de suite le bel ouvrage. Joseph Vernot joue principalement sur le noir et blanc, les ombres des décors et des personnages. Seul notre petit héros, et quelques paysages, obtiennent des couleurs. Le style de Joseph Vernot, entre art nouveau et art déco, fait aussi la part belles aux illustrations animales, avec des oiseaux au trait d’une grande finesse. On notera enfin la petite serrure dorée, toute minuscule en quatrième de couverture qui résume à merveille l’histoire de cette Clé d’or.
Un conte à découvrir et à offrir sans attendre !

La clé d’or, Jacob & Wilhelm Grimm, illustré par Joseph Vernot, traduit par Raphaël Baud (Chocolat ! jeunesse)
disponible depuis le 15 octobre 2016
9782917516577 – 16€
à partir de 5 ans
Son
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Power Club, 1. L’apprentissage – Alain Gagnol

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En 2038, les super-héros sont aussi populaires que les boys-band dans les années 1990. Ils font partie du Power Club, groupe créé aux Etats-Unis, qui rassemble des jeunes entre 16 et 25 ans dont les parents ont assez d’argent pour leur offrir l’adhésion. Pour son anniversaire, c’est le cadeau que reçoit Anna de la part de ses parents ! Bientôt, elle se rend à New York, où l’opération qui lui verra attribuer ses superpouvoirs se déroulera…

★★★★☆

Dans ce premier tome d’une trilogie, Alain Gagnol nous présente un monde où les super-héros sont connus de tous, tels des acteurs ou des musiciens célèbres, et où ils ont obtenus leurs pouvoirs non pas par accident – comme c’est très souvent, voire tout le temps, le cas dans les histoires de super-héros que nous connaissons bien – mais grâce à la fortune de leurs géniteurs. Eh oui ! En 2038, pour devenir un super-héros, inutile d’avoir un sens aigu de la justice ou de vouloir faire le bien autour de vous et sauver la veuve et l’orphelin ! Demandez juste quelques millions de dollars à papa-maman et hop, vous rejoindrez le Power Club ! On vous inoculera alors des boosters, une petite merveille de la technologie qui vous garantira de voler dans les airs, une super-force, une résistance aux balles et autres trucs cools. En échange, vous participerez aussi à l’émission de télé-réalité hebdomadaire du club, signerez des contrats juteux pour devenir l’égérie d’une marque de cosmétiques et paraderez dans toutes les soirées branchées. Et sauvez les petites gens des grands méchants ? Ouais, bon, de temps à autres, quoi… quand c’est un peu chaud pour la police, histoire que des mecs bien entraînés pour des prises d’otage ou quoi ne se fassent pas canarder.

Anna va donc devenir la nouvelle membre du Power Club, malgré une réticence première due à son manque d’intérêt pour la célébrité et la frime qui lui semble émaner des autres super-héros. Et bientôt, si elle trouve les super-pouvoirs vraiment très cools, son envie d’être une véritable super-héroïne – sauver des vies, donc, être utile à la population – va se révéler être un problème pour le Club et ses dirigeants. Sans compter que, à son arrivée à New York, elle a entendu quelque chose qu’elle n’aurait pas dû entendre… Une information sensible qui concerne la mort du premier super-héros de l’histoire depuis la création du Power Club…

Avec ce premier tome de Power Club, Alain Gagnol signe un roman de super-héros passionnant, avec des scènes d’action surpuissantes, une sensation de voler avec Anna plus vraie que nature, et une réflexion super intéressante sur le pouvoir de l’image et de la célébrité. Le complot qui entoure la mort d’un super-héros du Power Club, l’enquête menée par Anna, sa relation si particulière avec l’incroyable technologie qui coule dans ses veines, tout cela donne une épaisseur de plus à ce roman très réussi, dont la fin jouissive nous donne encore plus envie de découvrir la suite des aventures d’Anna ! Alain, on est prêt pour le tome 2 ! 😀

Power Club, 1. L’apprentissage, Alain Gagnol (Syros)
disponible depuis le 5 janvier 2017
9782748521504 – 17,95€
à partir de 13 ans