Son
0

Lettre à Line – Amélie Billon

9782874261794, 0-1513467

Louise, aujourd’hui adulte et maman, écrit à Line, son amie d’enfance, après que sa fille Hélène a retrouvé une photo d’elles deux lorsqu’elles avaient treize ans entre les pages d’un livre. Au fil de son écriture et de ses souvenirs d’adolescente, Louise se remémore cette période qui se révéla dramatique…

★★★★☆

Quelle force et quelle émotion dans cette longue lettre qui compose pourtant un très court roman ! Il n’y a pourtant rien d’original dans cette histoire : des souvenirs d’adolescence, cette volonté de vouloir s’intégrer dans le groupe quand on ne correspond pas aux « canons » (trop grosse pour Louise, trop maigre pour Line) ou celle de vouloir rester telle que l’on est, les moqueries et le harcèlement subi durant les années scolaires, une maladie qui ronge un corps…
Mais l’écriture d’Amélie Billon est juste, pleine de sensibilité. L’émotion grandit au fur et à mesure de la lecture, en même temps que la culpabilité éprouvée par Louise. Car il s’agit avant tout d’une amitié brisée, un abandon de la part de Louise de son amie la plus chère et qui avait sans doute plus besoin d’elle qu’elle ne le pensait… Si Line lui paraissait forte, capable de rester elle-même malgré la pression du groupe, les railleries, elle luttait pourtant contre une maladie terrible. Et Louise n’ouvrira les yeux que lorsque le drame sera là.
Un très beau roman, auquel les jeunes filles d’aujourd’hui ne seront sans doute pas étrangères. Et, encore une fois, un texte important sur le harcèlement et ses conséquences…

Lettre à Line, Amélie Billon (Alice)
collection Tertio
en librairie depuis le 26 mars 2015
9782874261794 – 11€
à partir de 13 ans

Son
1

L’immeuble qui avait le vertige – Coline Pierré

9782812608537, 0-2559769

Aujourd’hui, Hannah et sa famille emménagent dans leur tout nouvel appartement, tout juste inauguré par le maire, qui a prénommé l’immeuble Hector. Hannah est évidemment très heureuse de découvrir sa nouvelle chambre et son superbe placard…jusqu’au moment où l’immeuble se met à trembler. Tremblement de terre ? Bizarre, ça n’a frappé que l’immeuble ! Et voilà que ça recommence ! C’est la panique chez les habitants car Hector continue de trembler…

★★★☆☆

Avec un tel titre, on ne pouvait s’attendre à rien d’autre qu’à un brin de fantaisie. Et c’est le cas ! En témoignent les citations de Roald Dahl et d’Astrid Lindgren en début de roman (au cas où vous auriez toujours eu un doute sur le contenu). Car, franchement, vous connaissez des immeubles qui ont le vertige, vous ? C’est donc tout le sujet du livre, et son petit côté loufoque.
Au début, on essaye quand même de rester rationnel : après tout, un immeuble qui tremble de partout, ce n’est pas normal. Alors on fait venir les architectes, les scientifiques. Rien, aucune idée de ce qui se passe. Il faudra attendre que notre jeune Hannah soit elle-même sujette au vertige pour qu’elle fasse le parallèle entre ses symptômes et ceux d’Hector. Et alors ce seront désormais des docteurs, des spécialistes de la médecine, qui vont intervenir et déclarer que, en effet, Hector souffre de vertige. Mais comment le soigner ? Ça, je ne vous le dis pas et vous laisse le découvrir en lisant le roman…
En tous cas, L’immeuble qui avait le vertige est un petit roman très chouette, avec un petit côté fou qui devrait plaire aux plus rêveurs. Très vite, on s’attache à Hannah, son amie Louise et Hector, que l’on finit par considérer comme un être à part entière, avec ses émotions. On rit aussi des frasques du maire, de la politique et de l’urbanisme des villes qui sont gentiment moquées par l’auteur. Et on apprécie le côté solidarité qui se crée au sein de cette communauté de locataires, prêts à tout pour garder leur immeuble et capables d’inventer des choses complètement folles pour le sauver…

L’immeuble qui avait le vertige, Coline Pierré (Rouergue)
collection DacOdac
en librairie depuis le 8 avril 2015
9782812608537 – 7€
à partir de 9 ans

Son
2

Conversion – Katherine Howe

9782226257789,0-2630774

Bob aime bien les histoires de sorcières. Et figurez-vous que Conversion, le livre qu’il vient de terminer est écrit par une descendante directe d’une des célèbres accusées du procès des sorcières de Salem. Intriguant, non ? 😉

Colleen est en terminale au lycée privé de St Joan, à Danvers. Un jour, une de ses camarades de classe s’effondre, prise de convulsions. Peu après, d’autres jeunes filles de sa classe sont victimes de symptômes étranges : paralysie, perte de cheveux… Très vite, l’affaire prend un tournant médiatique inattendu et Colleen et ses amies vont vivre dans une drôle d’atmosphère, entre les cours et les caméras de la télévision. Mais pour Colleen, pas question de se laisser distraire, elle doit bosser son entrer dans une prestigieuse université et, pour rattraper des points qui lui manquent, son professeur d’histoire avancée lui propose de faire une dissertation sur la pièce d’Arthur Miller Les Sorcières de Salem. Colleen y rencontre alors une oubliée de l’auteur, Ann Putnam, qui fit semblant d’être ensorcelée…

★★★☆☆

Inspirée d’histoires vraies, le roman de Katherine Howe se découpe en deux parties : l’une consacrée à la maladie mystérieuse qui fait tomber les filles de St Joan comme des mouches, et l’autre au célèbre procès des sorcières de Salem. Et le croisement des époques et des drames fonctionne plutôt bien car, honnêtement, nous sommes dans un vrai page-turner ! L’histoire commence instantanément, nous transportant dans le froid de la Nouvelle-Angleterre du XVIIe siècle et des salles froides de l’ancien couvent de St Joan. Il est difficile ensuite de décrocher, entre la confession d’Ann Putnam, qui raconte comment s’est déroulé le drame de Salem, et les tentatives de Colleen et ses amies de comprendre ce qui se passe dans son lycée quand personne ne leur dit quoi que ce soit.
Le plus étonnant dans tout ce roman, c’est à quel point tout est inspiré de faits réels. Le cas des jeunes filles de St Joan est en effet tiré d’un événement réel de « maladie mystère » qui s’est déroulé en 2011 à Le Roy, une petite ville des États-Unis, et Katherine Howe explique que la plupart du déroulement des événements de son livre est identique à la réalité (ça fait peur, je vous le dis !). Idem pour les procès des sorcières de Salem dont, en tant qu’historienne, elle est allée chercher les informations dans les comptes rendus du procès et les confessions des personnages existants. L’ouvrage est donc très bien documenté et ajoute à l’impression que l’on a que les deux histoires vont finir par se recouper.
Et elles le font, mais pas forcément de la manière à laquelle on peut s’attendre… Mais c’est un peu difficile de vous expliquer pourquoi sans vous révéler toute l’intrigue. En tous cas, Conversion est un roman très intéressant, qui plaira sans doute (d’autant que sa couverture est très accrocheuse), même s’il n’a pas forcément été un coup de cœur. Peut-être y ai-je regretté certains passages ou une dimension fantastique qui semblait prometteuse…encore que, certains éléments de la fin laissent songeur… 😛

Pour finir cette chronique de notre sélection rockambolesque, j’aurais pu vous faire découvrir Abigail Williams un groupe de métal dont le nom est celui d’une des protagonistes des sorcières de Salem, mais j’ai choisi à la place l’un des derniers titres de Marylin Manson qui fait office de générique à la série américaine justement nommée Salem et qui, sans surprise, parle de sorcières…

Conversion, Katherine Howe (Albin Michel)
collection Wiz
en librairie le 4 mai 2015
9782226257789 – 18€
à partir de 13 ans

Son
1

Konnichiwa, Martin ! Salut, Hikaru ! – Antoine Dole et Gilles Abier

Le maître d’Hikaru a proposé à ses élèves de correspondre avec d’autres écoliers. Quand tous ses camarades ont choisi d’envoyer une lettre à un autre enfant au Japon, Hikaru a eu envie d’en envoyer une à un élève en France… Là-bas, c’est la maîtresse de Martin qui fait une surprise à ses élèves : chacun a reçu un courrier d’un enfant d’un autre pays…

9782812608520,0-2559767 003387471

★★★★☆

Le thème de la correspondance ce prête merveilleusement bien à ce nouveau titre de la collection Boomerang qui se lit d’un côté et de l’autre sans préférence. D’autant plus quand les histoires sont confiées à deux auteurs différents, qui sont pourtant très complémentaires. Leur écriture à tous les deux est vraiment magnifique, pleine de poésie, ce qui donne une atmosphère presque magique à cet échange entre deux enfants qui se demandent bien ce que l’on peut raconter à quelqu’un qu’on ne connaît pas.

J’ai commencé par l’histoire d’Hikaru, petite fille japonaise qui vit avec toute sa famille et notamment une grand-mère qui fut grande violoniste et voyagea partout dans le monde, y compris en France. Ce qui a lancé l’intérêt d’Hikaru à écrire à un enfant français. Mais que lui dire ? Lui parler des traditions japonaises, lui propose son père ? Comment on mange au Japon, lui propose sa sœur ? Ou alors d’un souvenir qui lui tient à cœur, du sourire de sa grand-mère… De son côté, Martin n’est tout d’abord pas particulièrement enthousiasmé par le fait de recevoir du courrier, surtout quand le sien est écrit en japonais alors que tous les autres ont eu des lettres en français ! Et, d’abord, Hikaru, c’est un prénom de fille ou de garçon ? Il lui faudra un petit peu de temps pour apprécier toute la beauté de l’écriture japonaise, qui va passer de « gribouillis » à des « mots [qui sont] des paysages »…

Heureusement, la langue du sourire est un langage universel et il n’en faudra pas plus pour lier ces deux enfants que des milliers de kilomètres séparent et qui se sont trouvés par hasard… Un très beau petit roman, dont les couvertures sont en plus très belles, qui invite au voyage et aux rencontres inattendues. 😀

Konnichiwa, Martin ! Salut, Hikaru !, Antoine Dole et Gilles Abier (Rouergue)
collection Boomerang
en librairie depuis le 8 avril 2015
9782812608520 – 6 €
à partir de 8 ans

Discussion
0

Les Géants – Benoît Minville

Sur la côté basque, deux familles d’indomptables vivent avec le poids des secrets et leurs vieilles histoires de clans. Mais César, dit le Fauve un mafieux désormais antique tout droit sorti de 20 ans de prison revient avec de lourds secrets et avec la ferme intention de régler ses comptes…

On vous présente les Géants ?

lesgeantsAuguste est un patriarche, marin pêcheur,fils de César et époux d’une femme délicieuse, Enora. Marius, son fils surfe autant qu’il le peut : le rêve de l’évasion est ancré dans sa chair. Sa soeur Alma essaie perpétuellement d’exister dans cette famille aux rudes traditions. Mais elle a son petit secret, Alma, de celui qu’on cache pour son bonheur égoïste mais aussi par crainte des représailles : son idylle avec Estéban. L’ami d’enfance et le frère de coeur de Marius. Il faut dire que celui-ci n’a pas une vie facile : son petit frère Bartolo est autiste, leur père Henriko l’accepte avec difficulté tandis que son mariage est tombé dans la monotonie et que la situation financière de sa famille est inquiétante. Les voilà les Géants, d’un paternel à un autre, d’un fils à l’autre : on se serre les coudes contre la rudesse de la vie. Et faire front contre le Fauve, va devenir une priorité.

Bah m*#?&% alors, quel roman ! Marius et Estéban partagent une passion pour le surf, n’ont pas forcément un avenir plaisant à contempler : entre ouvrier et pêcheur, le peu de choix qui leur sont offerts les font rêver d’ailleurs. Marius a acheté un vieux coucou de voilier, le « Lord Jim », qu’il entreprend de retaper avec vigueur pour prendre le large et échapper à son quotidien. Quant à Estéban, et bien vivre une histoire d’amour avec Alma même s’il va au devant d’ennuis n’est-elle pas la plus belle preuve qu’il tente de poursuivre le bonheur ?

Les personnages sont si humains que l’intensité de leurs sentiments nous poussent à vivre pleinement leurs joies, leurs peines mais également leurs peurs…L’orgueil est assez présent, nous sommes tentés de juger sévèrement les actes de chacun. Par exemple le comportement d’Henriko envers l’autisme de son fils Bart, est à la limite de l’intolérance mais finalement au fil des pages on ressent la souffrance de cet homme et la tension redescend. Ce schéma est similaire pour chaque personnage, on se prend à les aimer comme si nous étions partie intégrante de cette grande famille d’âmes torturées en quête de sérénité. Qu’il est hard de vivre.

L’écriture de Benoît est tapageuse, aussi dévastatrice que la vague qui immerge les Géants, du brut de décoffrage qui nous laisse complètement coi. Un auteur qui sait écrire le goût métallique de la rancoeur avec pétulance. Un roman qui vous aspire dès les premières pages et vous recrache à la fin, interdits.

Well done Monsieur Minville.
Reste punk, bisou.

Pour illustrer musicalement le roman du très joli Benoît Minville : quoi de plus normal de mettre la bande-son qu’il a choisi pour son roman ?

Les Géants, Benoît Minville (Sarbacane)
collection Exprim
sorti en novembre 2014
9782848657561 – 15.50€
à partir de 13 ans

Son
5

Broadway Limited – Malika Ferdjoukh

Bob et Jean-Michel adorent Malika Ferdjoukh ! Ils ont rêvé pendant très longtemps d’avoir des sœurs comme Enid ou Geneviève ou Hortense…toutes les héroïnes de Quatre sœurs (qu’on vous conseille très très fort si vous n’avez jamais lu). Alors autant vous dire qu’ils avaient hâte de découvrir ce nouveau roman choral d’une auteure qu’ils chérissent tout particulièrement. 😀 Et, comme vous devez vous en douter, il s’agit d’un énooooorme coup cœur ! On laisse d’abord l’école des loisirs vous raconter de quoi ça parle et on vous dit ensuite pourquoi on a adoré !

9782211223140,0-2552989

Normalement, Jocelyn n’aurait pas dû obtenir une chambre à la Pension Giboulée. Mrs Merle, la propriétaire, est formelle : cette respectable pension new-yorkaise n’accepte aucun garçon, même avec un joli nom français comme Jocelyn Brouillard. Pourtant, grâce à son talent de pianiste, grâce, aussi, à un petit mensonge et à un ingrédient miraculeux qu’il transporte sans le savoir dans sa malle, Jocelyn obtient l’autorisation de loger au sous-sol. Nous sommes en 1948, cela fait quelques heures à peine qu’il est à New York, il a le sentiment d’avoir débarqué dans une maison de fous. Et il doit garder la tête froide, car ici il n’y a que des filles. Elles sont danseuses, apprenties comédiennes, toutes manquent d’argent et passent leur temps à courir les auditions. Chic a mangé tellement de soupe Campbell’s à la tomate pour une publicité que la couleur rouge suffit à lui donner la nausée. Dido, malgré son jeune âge, a des problèmes avec le FBI. Manhattan est en proie à l’inquiétude depuis qu’elle a cinq ans. Toutes ces jeunes filles ont un secret, que même leurs meilleures amies ignorent. Surtout Hadley, la plus mystérieuse de toutes, qui ne danse plus alors qu’elle a autrefois dansé avec Fred Astaire, et vend chaque soir des allumettes au Social Platinium. Hadley, pour qui tout a basculé, par une nuit de neige dans un train. Un train nommé Broadway Limited.

★★★★★

Wow ! Quelle fresque magnifique que ce nouveau roman de Malika Ferdjoukh ! Nous sommes transportés dès les premières pages dans ce New York d’après-guerre et, un peu à la manière de Jocelyn, complètement émerveillés par ces rencontres avec des filles pétillantes et étonnantes, qui vont nous réserver des aventures sentimentales et artistiques trépidantes. Si, au début, nous sommes un peu perdus parmi toutes ces filles aux drôles de surnoms (« euh…mais Chic c’est laquelle déjà ? » Jean-Michel ne suivait pas très bien), on s’attache très vite à chacune d’entre elles et, surtout, à notre petit français qui découvre une foultitude de choses bizarres et étonnantes. C’était d’ailleurs très intéressant de découvrir que ce qui nous semble aujourd’hui totalement normal et acquis (manger des corn flakes) ne l’était pas du tout il y a soixante ans. D’ailleurs, il faut souligner le grand travail de Malika Ferdjoukh sur les références, les personnages réels, les pièces, les films, les musiciens…car on rencontre de très nombreuses célébrités dans ce roman. Mélangés avec des personnages de fiction, on finit même par se demander ce qui est vrai dans l’histoire et ce qui ne l’est pas. De quoi aiguiser notre curiosité et nous pousser à visionner les films cités ou à se renseigner sur des acteurs aujourd’hui devenus légendaires. Mais ce qui fonctionne assurément dans ce Broadway Limited, ce sont bien sûr les histoires de chacun des personnages. L’écriture de Malika Ferdjoukh est superbe, très souvent drôle et insouciante, à l’image des jeunes filles de la pension Giboulée. On touche du doigt ce fameux « rêve américain », où tout semble possible. Il y a pourtant aussi de la gravité, des secrets, de la tristesse pour certaines, mais le roman parvient à ne pas tomber dans le pathos ou la mièvrerie. En réalité, on vibre à chaque instant, on a envie de danser, de se laisser emporter par le tourbillon des sentiments et des espoirs de chacune, et, surtout, on regrette qu’il n’y ait que 600 pages, car on voudrait suivre Jocelyn et les filles jusqu’au bout du monde… Heureusement, il y aura une suite !!! En attendant, on vous laisse, car Bob et Jean-Michel ont rendez-vous pour aller dîner avec Cary Grant. 😛

Broadway Limited, 1. Un dîner avec Cary Grant, Malika Ferdjoukh (École des Loisirs)
collection Médium
en librairie depuis le 18 mars 2015
9782211223140 – 19,50 €
à partir de 13 ans

Discussion

Trop tôt – Jo Witek

troptotEn vacances à Royan avec ses parents, Pia et sa cousine Marthe veulent grandir cet été-là, être remarquées et faire des expériences significatives dans leurs vies de jeune filles qui vont au-delà du simple fait de porter du maquillage ou de sortir entre amies…Et si c’était l’été où elles rencontraient leur grand Amour ? L’été de tous les possibles. Elles décident de forcer le destin en faisant le mur un soir pour aller en boîte de nuit. Pia va rencontrer Nathan, s’abandonner dans ses bras et perdre sa virginité sur la plage. Mais le lendemain, rien n’est plus pareil et la jeune fille va vivre une grande déception sentimentale : il a déjà une petite amie et s’est servi de Pia pour « pimenter » sa nuit…Son chagrin est immense. En rentrant chez elle, elle est inconsolable : Pia en devient même malade. Très vite elle comprend que ce n’est peut-être pas Nathan qui la rend malade :

« C’est dans cette salle obscure que j’ai réalisé que ce que je ressentais depuis des semaines n’était pas seulement une absence d’amour, mais peut-être un embryon. »

★★★★☆

Pia va bel et bien grandir mais pas comme elle aurait voulu. Lorsque les événements deviennent trop réels trop vite il est difficile de les affronter seuls. Mais comment annoncer à ses parents que l’on est plus une petite fille ? On retient un peu son souffle lors de la lecture car nous sommes autant dans la peur que Pia : les réactions de sa mère et de son père sont attendues. La pression retombe vite lorsqu’on assiste – même si c’est difficile – au soutien inconditionnel de ceux-ci. Abordé avec simplicité, ce récit décrit le parcours d’une jeune fille qui a recours à l’avortement sans tomber dans le pathos. Dédramatiser serait un terme plus juste. Jo Witek le fait toujours avec beaucoup de facilité.

« C’est un choix, un droit, c’est la moindre des choses et pourtant ce n’est pas une moindre chose. Je hais ceux qui osent penser que les femmes font cela à la légère. Je n’oublierai jamais ce jour, je le sais. Je sais aussi que désormais, j’ai un corps. Un corps avec ses désirs, ses fougues, ses blessures, ses secrets. Un corps qui m’appartient. »
Et Bob dans tout ça ?

Il a aussi beaucoup aimé ce très court mais fort roman ! Jo Witek met en effet les mots justes et nous offre un beau portrait de jeune fille devenue femme. J’ai justement beaucoup apprécié le fait que Pia est parfaitement consciente de ce qui se passe, de ce que ça signifie pour elle et son entourage, et de sa décision. Quand bien même elle peut douter, être angoissée par ce que l’on va penser d’elle, Pia reste forte et lucide. De ce fait, le roman évite le larmoyant ou le moralisme que l’on peut retrouver parfois sur cette thématique. Ce qui fait de Trop tôt un roman très réussi et très juste.

« Aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l’avortement. C’est toujours un drame, cela restera toujours un drame. » Simone Veil

Trop tôt, Jo Witek (Talents Hauts)
collection Ego
à paraître le 16 avril 2015
9782362661266 – 7€
à partir de 15 ans

Pour aller plus loin sur le thème de l’avortement

300000chaqueanneeElles sont 300 000 chaque année – discours de Simone Veil pour le droit à l’avortement (Points)
9782757814963 – 3.00€
Une introduction pas des moindres pour découvrir un pan de l’Histoire important. Un discours qu’il faut lire au moins une fois, ce qui en a découlé a marqué le début de l’émancipation sociale de la femme.

A ma source gardée, Madeline Roth

4

Embardée – Christophe Léon

embardeeGeorge et Phil habitent à Paris, ce sont des plasticiens reconnus, d’excellents artistes. Ils sont également mariés et heureux papas de Gabrielle, qui a maintenant 13 ans. Leur bonheur est sans équivoque. L’histoire devient moins douce lorsque Christophe Léon nous entraîne dans un futur sombre où les bouleversements les plus cauchemardesques transforment la vie paisible d’une famille homoparentale en quotidien violent où l’intolérance est maîtresse de la rue. Cette histoire ne vous rappelle rien ? Un passé pas si lointain…la discrimination, les interdictions, les losanges roses à porter sur son torse.

★★★★★

Un énorme coup de cœur pour ce roman

Tout commence par un accident : la voiture a fait une « embardée ». Personne ne porte secours aux deux pères ; « la loi interdisant de porter secours à ces gens-là ». Le losange rose cousu sur leurs poitrines rappelant aux témoins qu’ils sont « différents ». Condamnés à vivre dans un ghetto avec les autres losanges roses, ils sont bannis et fichés. Leurs droits ont été proscrits : plus d’union en mairie, plus le droit d’adopter d’enfants, plus de défilés mais en dépit de cette société à vomir George et Phil s’aiment plus que tout et inculque à leur fille le mode de survie. Les injustices répétées dans ce roman m’ont rapidement fait mal au cœur. Nous apprenons à un passage que Gabrielle est somalienne et elle se fait traiter de « négresse » dans la cour de l’école. Une scène étrange pour la fillette car son environnement familial était jusque là dépourvu de tout racisme. Mais George et Phil arrivent à tout arranger à chaque agression ce qui nous rend le sourire. Ce roman pousse à la réflexion : et si tout cela arrivait ? L’alternative que propose Christophe Léon n’est pas impossible, le roman est d’ailleurs très crédible. Le schéma de la famille traditionnelle n’est pas remis en cause : un papa + une maman = enfant épanoui. Pourquoi pas. Mais l’auteur nous montre que deux papas peuvent rendre également un enfant heureux. Par ailleurs Gabrielle est traumatisée par toutes les violences extérieures dont elle est le témoin et parfois la victime et non pas par le fait d’être élevée par deux hommes. D’ailleurs l’amour qu’ils se portent est exemplaire et rend leur foyer chaleureux. N’importe quel enfant rêverait de grandir dans une famille comme la leur.

Il y a un élément dans le roman que je n’arrive pas à me sortir de la tête : Christophe Léon fait mention d’un groupe que je qualifierai de terrifiant. La LVF : Ligue pour les Valeurs Familiales qui milite pour l’internement psychiatrique des losanges roses. Actuellement, il existe des gens persuadés que l’homosexualité est une maladie.

Ce roman est brillant, il ouvre l’esprit.

Embardée, Christophe Léon (La Joie de lire)
collection Encrage
en librairie depuis le 19 mars 2015
9782889082667 – 13€
à partir de 12 ans

Son
2

La fille qui avait deux ombres – Sigrid Baffert

9782211217385,0-2552598

En ce moment, Bob lit beaucoup de romans pour les grands et, jusqu’à présent, il n’a pas été déçu ! La fille qui avait deux ombres en fait partie et c’est avec beaucoup de plaisir et d’enthousiasme qu’il vous parle de ce superbe roman. 🙂 C’est parti !

Chaque matin, au réveil, Élisa s’attend à retrouver la maison à l’envers, les meubles déplacés, les placards chahutés ou encore la baignoire remplie à ras bord, comme c’est arrivé la nuit dernière. Pour Élisa, c’est sa grand-mère Rose qui est responsable de ce grand bazar. Car Rose fait des choses absurdes depuis quelque temps, comme ce rendez-vous pris chez un chirurgien esthétique pour changer de tête. À son âge ! Est-ce qu’elle ne serait pas plutôt en train de la perdre ? Obsédée par cette idée, Élisa se met à faire des rêves étranges, à ressentir des sensations bizarres. Elle est hantée par une ombre. Une ombre de trop. Alors, qui est la plus perturbée dans cette histoire, Rose ou Élisa ?

★★★★★

Je vous ai mis le résumé de l’École des loisirs car je trouve qu’il reflète très bien l’espèce d’étrangeté qui se dégage au début du roman. En effet, on découvre Élisa et sa grand-mère qui agit bizarrement, les rêves de la jeune fille qui nous semblent fantastiques… Mais point d’extraordinaire dans ce roman, car nous sommes bien dans la vie réelle et La fille qui avait deux ombres s’attache à la relation entre une grand-mère et sa petite-fille et aux secrets de famille. Car Rose est une immigrée sicilienne qui, depuis qu’elle est installée en France, n’a jamais parlé de son passé. Personne ne le connaît, pas même Maud, la mère d’Élisa, qui entretient depuis toujours une relation conflictuelle avec Rose. Et les choses ne se sont pas arrangées quand la famille d’Élisa est venue s’installer à la ferme des grands-parents. Si la jeune fille ne vit pas encore trop mal cette situation, quand Rose décide de changer de tête, tout est chamboulé !
Les secrets de famille et la construction identitaire n’ont rien d’originaux dans la littérature, mais Sigrid Baffert parvient à nous happer dans son histoire dès les premières pages. J’ai adoré son écriture, délicate mais aussi pleine d’humour et de légèreté. Élisa est une héroïne attachante, à la fois adolescente bouillonnante et jeune fille hypersensible. J’ai aussi beaucoup aimé sa famille, dont les membres sont tous plus originaux les uns que les autres (avec un gros coup de cœur pour Jules) et le lieu, un brin enchanteur, dans lequel vit tout ce beau monde. La brasserie familiale, la Ruche (la chambre d’Élisa au grenier où s’entassent nombre d’objets hétéroclites et où elle passe des heures à rêver à l’aide de son théâtre de marionnettes), la Sicile, tant de lieux qui apportent cette touche de fantaisie, parfois de magie, à cette magnifique et passionnante histoire de famille, et plus particulièrement de femmes. Un superbe roman, et encore un nouveau coup de cœur pour Bob et Jean-Michel ! 😀

La fille qui avait deux ombres, Sigrid Baffert (École des Loisirs)
collection Médium
en librairie depuis le 11 mars 2015
9782211217385 – 15,80 €
à partir de 13 ans

0

Le bonheur de A à Z – Barry Jonsberg

Nous vous présentons Candice Phee : 12 ans, hilarante, honnête et légèrement bizarre. Elle a les meilleures intentions du monde, un grand cœur et une détermination sans faille pour s’assurer tout le monde soit heureux. Cela représente tout de même une sacrée tâche vu la population existante alors pour commencer elle va essayer de réparer tous les problèmes de toutes les personnes et les animaux qu’elle aime dans sa vie.

★★★★☆

bonheuraàzCe livre est un concentré de bonne humeur ! Tout est focalisé sur les bonnes choses, clairement le but de l’auteur est de nous faire ressentir un peu de chaleur. Après la mort de sa petite sœur, la dépression de sa maman, son père qui ne se présente à table que si le dîner est prêt et son meilleur ami Douglas qui croit qu’il vient littéralement d’une autre planète après un accident : Candice apparaît comme une petite créature conçue pour rendre ces gens plus heureux. Elle est inadaptée, douce et drôle et m’a fait rire à plusieurs reprises au cours de ma lecture. Candice sait qu’elle est différente mais accepte et apprécie son individualité et celle de sa famille et amis. Le spectre de l’autisme plane autour d’elle mais clairement sa vision du monde est ce qu’il y a de plus honnête et rafraîchissante. Un conte délicieux sur l’importance de son propre entourage, de la guérison et du soutien, sur l’acceptation de soi et de l’exemple à donner aux autres. Un roman qui regorge de personnages uniques ! Tout adolescent mérite d’avoir une BFF comme Candice : elle rend une journée ordinaire mémorable. Ce roman est d’un optimisme inoubliable.

Quand Le bizarre incident du chien dans la nuit rencontre Little Miss Sunshine cela donne Le bonheur de A à Z.

Le bonheur de A à Z, Barry Jonsberg (Flammarion)
collection Tribal
en librairie depuis le 25 mars 2015
9782081308640 – 12.50€
à partir de 12 ans