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Le secret de Grayson – Ami Polonsky

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Depuis la mort de ses parents quand il était petit, Grayson fait semblant d’être ce que les autres voient. Dans son imaginaire et devant son miroir, en revanche, il s’imagine tel qu’il est réellement… Solitaire et effacé, son monde commence pourtant à se colorer quand il fait la connaissance d’Amelia, une nouvelle, puis lorsque son professeur préféré poste une annonce pour participer à la pièce de théâtre du collège…

★★★★☆

Grayson est en sixième, vit avec son oncle et sa tante qui l’ont recueilli après la mort tragique de ses parents, et partage sa vie avec Jack et Brett, ses cousins. Au collège, il n’a pas vraiment d’amis, passe tous ses repas au CDI en faisant ses devoirs… Sa vie est morne, d’autant plus qu’il ne peut pas être lui-même, être celui qu’il voudrait quand il se regarde dans le miroir et qu’il imagine que son ample tee-shirt est en réalité une jolie robe. Quand Amelia arrive dans sa classe, c’est le début d’une amitié timide. Une amitié qui ne durera malheureusement pas et qui sera brisée lorsque, lors d’une virée shopping dans une friperie, Amelia le découvre essayant des vêtements de fille. Heureusement, Grayson trouvera un réconfort avec la pièce de théâtre montée par Finn, son professeur de sciences humaines, où il va tenir le premier rôle : celui de la déesse grecque Perséphone. Un choix qui va déclencher une tempête autour de Grayson, à l’école mais aussi dans sa famille…

Dans ce très beau roman, tout en finesse et en délicatesse, Ami Polonsky aborde la douloureuse question du genre, d’un garçon qui s’est toujours senti fille et qui est incapable d’être lui-même. Pression familiale, pression sociale, norme, les garçons ne peuvent pas aimer le rose ou porter des jupes, n’est-ce pas ? Pourtant, il n’y a que comme ça que Grayson imagine son reflet. Lorsqu’il se présente à l’audition pour le premier rôle féminin dans la pièce, et qu’il l’obtient, c’est à la fois le déferlement autour de lui mais aussi en lui : comment oser quand on s’est toujours caché, quand on a peur de ce que vont dire les autres, de ce qu’on verra dans leur regard ? Dans ce maelstrom d’émotions, Grayson va pouvoir compter sur certains de ses camarades, à commencer par les filles, mais aussi sur son professeur et son oncle. Mais rien ne sera facile…

Après un début peut-être un peu long – on sent rapidement que l’amitié avec Amelia est vouée à l’échec – le roman se révèle tout en émotions tandis qu’on accompagne Grayson dans sa difficile affirmation, dans son combat pour être lui-même et dans la douleur d’un passé qui ressurgit et de ce que son choix implique pour d’autres que lui. C’est vraiment très beau, très émouvant, le style est à l’image de cette douceur qui émane de l’histoire malgré toutes les difficultés que rencontre Grayson, et même si tout n’est pas rose à la fin, on en ressort avec une note d’espoir, de dépassement de soi. Une très belle lecture !

Le secret de Grayson, Ami Polonsky, traduit par Valérie Le Plouhinec (Albin Michel Jeunesse)
collection Litt’
disponible le 1er septembre 2016
9782226318916 – 15,90€
à partir de 12 ans
Son
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Le fils de l’Ursari – Xavier-Laurent Petit

Xavier-Laurent Petit s’inspire du monde actuel et des gens que l’on rencontre au détour d’une vie dans nombre de ses romans. Avec Le fils de l’Ursari, il continue cette exploration dans un roman encore une fois d’une grande qualité.

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Ciprian est le fils d’un Ursari, un combattant légendaire capable de défier un ours. Avec sa famille, ils se produisent sur les places des villages dans les pays de l’Est. Mais ils sont détestés là-bas et un jour, ils sont contraints de fuir… Deux hommes, Zlot et Lazlo, leur proposent de devenir riches, à Paris, là où l’argent coule à flot, où l’on devient riche sans s’en rendre compte. Bien malgré eux, Ciprian et sa famille se retrouvent alors dans un camion, direction la France…

★★★★★

Chaque jour, nous voyons ces femmes, bébés dans les bras, déambuler dans le métro en demandant quelques pièces. Depuis la vitre du train, on aperçoit des bidonvilles aux portes de Paris… C’est de l’autre côté des grillages que Xavier Laurent-Petit nous emmène dans ce roman fort et bouleversant. Où l’on découvre la famille de Ciprian, son père qui combat les ours et dont la fierté remonte jusqu’aux lettres de protection délivrées par l’empereur Sigismond au XVe siècle ; sa mère gardienne du feu ; son frère Dimetriu qui emprunte tout ce dont ils ont besoin pour manger ; sa sœur Vera qui chante et danse pour attirer le public. Lorsque tout ce monde arrive en France, la fierté doit être oubliée et à chacun est attribué un nouveau métier : ferrailleur pour le père ; nourrice itinérante pour Vera ; gardienne de distributeurs de billets pour la mère et emprunteur de portefeuilles pour Dimetriu et Ciprian, son apprenti. Malgré l’argent qu’ils rapportent chaque soir, la vie se révèle bien plus difficile que ce qu’on leur avait promis. Et bientôt, les véritables ennuis commencent… Du côté de Ciprian, pourtant, il y a un peu de lumière. C’est au jardin du Luxembourg que tout va se jouer, lorsque le garçon découvre ce jeu étrange avec des pièces blanches et des pièces noires…

Est-ce l’espoir qui s’épanouit pour le garçon ? C’est en tous cas l’un des messages du roman de Xavier-Laurent Petit. A travers l’odyssée de la famille de Ciprian, qui dépeint les conditions des Roms dans notre pays et le trafic insurmontable dont ils sont victimes, on découvre « l’envers du décor ». Le destin de Ciprian, qui va trouver une voie d’échappatoire, apporte la note d’espoir pour sa famille et les autres, même si ce chemin est semé d’embûches. Mais il pourra compter sur l’aide de personnages presque mythologiques tant leurs caractéristiques lui sont étonnantes. Car la force de ce roman, c’est aussi le regard de Ciprian sur le monde, son absence d’éducation scolaire en fait un naïf tout voltairien, et apporte une touche d’humour bienvenue. L’écriture de Xavier-Laurent Petit, pleine d’émotions, finit de nous transporter dans ce roman où l’on passe du rire aux larmes, de la tradition ancestrale, presque magique, d’un monde oublié, à la dure et cruelle réalité de la pauvreté et du trafic d’êtres humains en France. Un roman bouleversant et éclatant, à mettre entre toutes les mains !

Le fils de l’Ursari, Xavier-Laurent Petit (École des loisirs)
collection Médium
disponible le 24 août 2016
9782211230070 – 15,80€
à partir de 13 ans
Discussion
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Trois petits mots – Sarah N. Harvey

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Abandonné par sa mère quand il avait deux ans, Sid a été placé dans une famille d’accueil, chez Caleb et Megan. Quatorze ans plus tard, il est toujours chez eux, où il partage sa vie entre le dessin et l’accueil des nouveaux enfants avec ses « parents ». Un jour arrive Fariza, une gamine mutique qu’il a du mal à apprivoiser. Puis un autre jour, c’est Phil qui arrive, un adulte qui annonce à Sid que sa mère naturelle a disparu et que son demi-frère, dont il ne connaissait pas l’existence, a fugué…

Un petit mot de Bob

★★★☆☆

Malgré son abandon quand il était enfant, Sid a eu la chance d’avoir une belle enfance, une famille d’accueil aimante, dont Caleb et Megan ont fini par devenir ses « vrais » parents. Sa mère biologique, Devi, était une folle un peu hippie qui l’a nommé d’après l’autre nom de Bouddha : Siddhârta. Pas de bol ! Il ne se souvient plus vraiment d’elle mais sait qu’il a hérité de ses cheveux roux. Il a fait le deuil de cette mère au fil des années, et sa vie avec Caleb et Megan, au bord de la mer au Canada, à observer le port et les oiseaux, se balader sur les îles, aller à la plage avec sa meilleure amie Chloé qui parle pour deux, dessiner et dessiner…tout ça lui plaît et lui convient. L’arrivée de Fariza, un nouvel enfant placé, est aussi une belle chose, même si la gamine ne parle pas et ne semble pas beaucoup apprécier les garçons. Sid va tout de même aider Megan dans l’accueil de Fariza et à la mettre à l’aise dans cette famille provisoire. Mais alors que le lien commence à se tisser, c’est le passé de Sid qui ressurgit : Phil, un ami de Devi, vient lui demander son aide pour retrouver à la fois Devi, qui a disparu, mais aussi et surtout Gauvain, son demi-frère dont il n’avait jamais entendu parler ! Première surprise passée, une deuxième : Gauvain a 13 ans, est massif comme un footballeur américain et…est noir ! Sid va alors découvrir toute une partie de la vie de sa vraie mère, dont il ne savait rien, ne s’était jamais soucié et n’est pas sûr d’avoir très envie de découvrir…

Bien que les sujets du roman soient régulièrement traités en littérature jeunesse, l’écriture simple et fluide de Sarah N. Harvey nous emporte dans le récit, nous donnant envie de découvrir un peu plus la vie de Sid, ce qui a bien pu arriver à Fariza et ce que la découverte de sa famille biologique va apporter à Sid, à son cheminement dans la vie. Une chronique familiale qui fait aussi la part belle aux paysages canadiens (Sid vit sur une île) et à de beaux moments de sensibilité entre tous ces personnages cabossés par la vie. Intéressant !

Avec les mots de Jean-Michel

★★★☆☆

C’est la première fois que je lis un roman où la famille d’accueil n’est pas diabolisée, ça fait plaisir ! Ecrit du point de vue de Sid, j’ai apprécié le caractère sain de ses questionnements concernant sa mère biologique, sa colère face à l’abandon, sa rencontre avec sa grand-mère maternelle et celle de son demi-frère. Megan et Caleb influencent positivement les réponses et les actes de Sid, ce sont vraiment des chouettes personnes qui inculquent aux enfants certaines valeurs fondamentales de la vie : l’amitié, l’amour, la tolérance. D’ailleurs chaque adulte dans ce roman est appréciable (attendez de rencontrer la grand-mère de Sid).
Sarah Harvey a sainement traité le thème de la maladie mentale, plus précisément la bipolarité. Elle a réussi à capturer les sentiments complexes de Sid, la colère de son frère Wain envers le monde entier (je l’ai trouvé pénible ce petit teigneux), la peur de Fariza face au reste des êtres humains. Mais ce qu’elle a le mieux exprimé dans son roman reste sans conteste cette grande et belle compassion, qui nous ferait presque croire qu’on peut guérir de tous les maux. Une histoire réaliste et contemporaine où l’espoir et l’optimisme touchent du doigt le lecteur pour mieux le percuter.

Trois petits mots, Sarah N. Harvey, traduit par Laurence Bouvard (Magnard)
disponible depuis le 26 août 2016
9782210962910 – 13,90€
à partir de 14 ans
Discussion
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Tu ne sais rien de l’amour – Mikaël Ollivier

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Ne vous fiez à cette couverture…étonnante – aussi bien photoshoppée que quand Jean-Michel joue avec Paint – car dessous se cache un très beau roman. 😉

Le jour où Nicolas reçoit un mail de sa mère intitulé « Ce qu’il vous faut savoir », le jeune homme replonge dans ses souvenirs d’enfance. Une période étrange où, dès son plus jeune âge, on le voyait se marier avec Malina, la plus belle fille qu’il ait jamais vu, et aux côtés de laquelle il aime et grandit. Mais très vite, il se pose des questions sur sa famille, son père qui cache sa maladie, sa mère qui semble cacher des secrets et sur l’amour, celui qu’il porte à Malina et celui des adultes…

Bob ne sait rien…

★★★★☆

Qu’est-ce que l’amour ? Peut-on aimer une seule personne dans toute sa vie ? Quelle différence entre amour et désir ? Tant de questions qui hantent la vie de Nicolas, un garçon gentil, discret, à qui on a jamais vraiment demandé son avis, et surtout pas en ce qui concernait l’amour. Depuis qu’il est bébé, il fréquente la belle Malina. Ils grandissent ensemble et, sous la « pression » de la mère de Nicolas, sont promis à se fiancer, à être le couple parfait. Et tout dans leur vie facilite ce destin : ils sont toujours dans la même classe, passent leurs vacances ensemble et dorment même ensemble dès leur entrée dans l’adolescence… Une relation étrange, presque malsaine dans ce jeune couple qui donne au roman une atmosphère toute particulière. Mais la relation qu’entretient Nicolas avec son père et sa mère vont aussi l’amener à se poser des questions sur sa famille et les secrets qu’elle cache… Mikaël Ollivier signe avec Tu ne sais rien de l’amour un roman subtil et touchant, où les secrets et la maladie coexistent avec une très belle réflexion sur l’amour. J’ai beaucoup aimé l’alternance des souvenirs de Nicolas et de cette nuit où il reçoit le mystérieux mail de sa mère, jouant ainsi sur le suspense. C’est vraiment très fin, avec à la fois de la retenue et de l’émotion… une très belle histoire d’amour et de famille qui plaira tout autant aux grands ados qu’aux adultes.

…et Jean-Michel non plus

★★☆☆☆

Bob devrait arrêter de m’humilier en public parce que je me suis améliorée avec Paint alors que lui, ne sait toujours pas faire cuire du riz.
Il y a beaucoup de définitions de l’amour à assimiler dans ce roman : celle de l’amour maternel (d’une mère envers son fils et envers un enfant qui n’est pas le sien), l’amour d’enfance (Nicolas et Malina), l’amour adultérin (on ne spoliera point vous vous débrouillez), l’amour paternel et l’amour d’un fils envers son père. Ça fait beaucoup. J’ai fait une légère overdose. Mais aucun personnage n’est laissé au hasard : tout le monde remplit une définition, un rôle et qu’il n’y ait aucun personnage secondaire donne un poids certain au roman. Je n’ai pas apprécié cette fin qui annonce clairement des tempêtes qui renverseront à coups sûrs cette belle définition de l’adoration sans limite que se portent les personnages les uns aux autres. Existe t-il un amour possible sans culpabilité ? (ma collègue Léa m’a soufflé cette phrase et je n’arrive pas à trouver une réponse). Le roman offre néanmoins une vision positive et juste de l’amour : il est possible de le vivre mais avec des compromis et des difficultés. Un reflet de la réalité pertinent, mais grisant.

Tu ne sais rien de l’amour, Mikaël Ollivier (Thierry Magnier)
disponible depuis le 24 août 2016
9782364749269 – 15,90€
à partir de 14 ans
Discussion
6

Songe à la douceur – Clémentine Beauvais

Après le succès incroyable de son dernier roman, Les petites reines, dont on attend avec impatience de voir l’adaptation théâtrale ET cinématographique, nous avions également hâte de découvrir le nouveau roman de Clémentine Beauvais dont, à moins d’habiter sur une autre planète, vous avez déjà sans doute entendu parler. 🙂 Bob et Jean-Michel vous le présentent, et une fois n’est pas coutume, sont en total désaccord ! Let the fight begin!

9782848659084,0-3389543Tatiana rencontre Eugène un été. Elle a 14 ans, lui 17, et n’ont rien d’autre à faire que parler… Tatiana tombe amoureuse et semble-t-il que lui aussi. Jusqu’à ce qu’une lettre et un accident les sépare pour de bon. Mais dix ans plus tard, ils se retrouvent par hasard… Adaptation en vers libre du roman de Pouchkine et de l’opéra de Tchaikovsky, tous deux intitulés Eugène Onéguine.

Dans les rêves de Jean-Michel

★★★★★

J’ai su que j’allais aimer ce roman au moment où Clémentine a mentionné Roch Voisine, mais aussi la vitesse de connexion internet de 2006, Msn, Skyblog, Dromadaire.fr, Tchaïkovski et Laurent Binet. Une écriture lyrique, presque théâtrale où les mots gigotent au gré des rimes rendant tout acte décrit, langoureux et délicat. Et l’omniprésence de la fraîcheur, on en parle ?

« Je voudrais un exemplaire de la sensation de ses deux doigts sur mon poignet
Oh là là vous êtes sûre ?
Certaine
Vous savez que ça vous garantis de ne pas dormir avant trois heures, trois heures et demie du matin ces choses-là !
Je sais, mais j’en ai besoin
C’est très addictif, je dois vous avertir.
Je ferai attention
Bon. Si vous le dites. Veillez à respecter les précautions d’emploi. »

Les affres de la passion se dessinent dans le texte de Clémentine, celles des relations amoureuses aussi. On les croit profondes, elles ne sont que superficialité et égoïsme de la jeunesse. On les croit superficielles, elles représentent le véritable amour. On ne sait malheureusement tout cela qu’à la fin, quand tout est brisé. Tatiana et Eugène le savent. C’est mouvementé et efficace « il m’a claqué la porte au cœur » avec des images fortes au fil des rimes. Ma citation préférée reste celle-ci :
C’est frêle, ces jeunes personnes tellement éblouies par le jour, qu’elles ne sont pas apprêtées pour la nuit
Même si l’écriture de Clémentine est douce, il flotte de l’amour amer teinté de violence. Je suis on ne peut plus ravie par la clôture du roman qui offre la certitude qu’une histoire d’amour reste toujours complexe. Tatiana est tiraillée entre la flatterie d’un homme qui l’a rejeté et désormais ne veut qu’elle…et le désir ardant de s’en protéger : c’est si commun mais si peu exploité dans les romans pour adolescents. Jusqu’aux bout des doigts de son auteur donc, l’audace est présente à toutes les pages. Songe à la douceur est un titre bien pensé. Mais tout de même, j’ai hâte d’avoir la réponse à cette question : comment Léa, Guillaume et Florence, respectivement 15, 14 et 13 ans, vont-ils comprendre cette histoire d’amour de trentenaires ? Un livre qui promet en prime de nombreux débats.

Sur un nuage avec Bob

★☆☆☆☆

C’est un roman atypique et audacieux que nous propose Clémentine Beauvais avec Songe à la douceur et s’il remporte déjà tous les suffrages, dont celui de Jean-Michel, Bob a été beaucoup moins emballé. Est-ce cette écriture en vers et sa petite musique indissociable de sa lecture qui a embêté Bob dans son appréciation du roman ? Peut-être. Si l’écriture est belle, avec de très jolies trouvailles comme celles relevées par Jean-Michel, j’ai pourtant eu beaucoup de mal à entrer dans l’histoire d’Eugène et Tatiana, à me laisser transporter par les mots et les émotions. Je me suis parfois ennuyée, c’est vrai, et les personnages m’ont agacés, je n’ai finalement pas été sensible à leur amour contrarié. Un roman étonnant malgré tout, dans sa forme surtout, qui mêle habilement classicisme et modernisme et, tout comme Jean-Michel, je serais curieuse de savoir ce qu’en pensent les ados et si, comme moi, d’autres lecteurs sont passés totalement à côté… 😐

Songe à la douceur, Clémentine Beauvais (Sarbacane)
collection Exprim’
disponible le 24 août 2016
9782848659084 – 15,50€
à partir de 13 ans
Son
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Les fils de George – Manu Causse

9782362661501,0-3244157

Mardochée, 15 ans, est un garçon solitaire, duquel personne ne s’approche. Lui-même ne cherche pas à devenir ami avec les autres. En tant que membre de la communauté du Livre de George, on lui interdit de toute manière de communiquer avec les autres. Jusqu’au jour où son ami Chrysostome est retiré du lycée, et où Léo, un garçon de sa classe, l’invite au repas de fin d’année…

★★★★☆

Vous l’aurez sans doute compris : Manu Causse s’intéresse dans ce nouveau roman aux sectes. Ici, c’est une secte originaire des États-Unis qui s’est installé en France voilà des années et que les habitants tolèrent vaguement puisqu’elle n’est pas (encore ?) listée dans les sectes dangereuses. Tout le monde se contente de les regarder étrangement et, au lycée, peu nombreux sont ceux qui s’intéressent à ces garçons bizarroïdes qui débarquent chaque matin dans un break déglingué et qui ont des prénoms improbables. Pourtant, lorsque Léo invite Mardochée au repas de fin d’année – sans arrière-pensée aucune, juste dans l’esprit de camaraderie au sein d’une classe – la foi du jeune garçon commence à vaciller. Car dans le même temps, son ami Chrysostome a « disparu » et Mardochée doit préparer sa Conversion, le rite de passage obligé pour devenir un parfait fils de George…

A travers le point de vue de ces deux personnages, Mardochée à l’intérieur et Léo à l’extérieur de la secte, Manu Causse nous propose une histoire avec un sujet finalement assez peu traité en littérature jeunesse (on pense seulement à Le monde attend derrière la porte, de Pascale Maret ou Prisonnière de la Lune, de Monika Feth). Pour une première approche de ce que peut être une secte et de ses implications sur le mode de vie d’un enfant ou d’un adolescent dans ce contexte, le roman de Manu Causse est vraiment très juste et invite à une réflexion pertinente. Si la lectrice adulte aurait sans doute aimé en savoir plus sur le Livre de George, le format court de la collection Ego permet tout de même d’ouvrir le débat sur un sujet qui n’est pas toujours au cœur de l’actualité ou des préoccupations. Intéressant, percutant parfois, et bien rythmé, Les fils de George est à découvrir ! 😀

Les fils de George, Manu Causse (Talents Hauts)
collection Ego
disponible depuis le 17 juin 2016
9782362661501 – 8€
à partir de 12 ans
Son
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The memory book – Lara Avery

9782371020740,0-3288970

Vous connaissez sans doute Lumen pour leurs romans plutôt orientés vers les littératures de l’imaginaire. Ce mois-ci, ils font une entorse à leur ligne éditoriale et nous proposent un roman totalement réaliste… 🙂

Sam a déjà tout prévu dans sa vie : elle sortira première du lycée et ira vivre à New York. Rien ne l’en empêchera, et surtout pas cette maladie rare qui l’a prise par surprise et l’a forcée à reconsidérer quelque peu ses plans. Elle a donc décidé de commencer un journal, qu’elle écrit à la future Sam, afin de ne pas oublier tout ce qu’elle vit…

★★★☆☆

Tout roman évoquant la maladie ne peut désormais plus éviter la comparaison avec Nos étoiles contraires… Ici, c’est une maladie rare et dégénérative qui s’est logée chez Sam, une fille très compétitrice et un peu solitaire qui a déjà tout prévu de sa vie future. Elle se voit déjà grande avocate, vie parfaite et tout le tralala. Alors autant vous dire que cette maladie, elle ne va pas la laisser gagner du terrain, elle va se battre pour réaliser ses rêves. Et c’est sans doute là que le roman s’éloigne fondamentalement de son illustre comparaison. Sam est en effet une jeune fille pleine de volonté, de courage et d’espoir. Elle ne se laisse pas miner par la maladie, à tel point que peu de monde autour d’elle ne le sait, à commencer par ses rares amis. Son combat se fait seul, ou alors en famille, jusqu’à ce que l’amour vienne s’en mêler… La progression de la maladie, qui survient au fil du récit va évidemment bouleverser tous les projets et toutes les relations de Sam. Heureusement, elle écrit à chaque instant sur son ordinateur, s’adressant à la future elle, pour le jour où elle ne se souviendra plus…

Journal intime, The memory book est bien sûr émouvant, nous faisant découvrir le quotidien d’une jeune fille en proie à une maladie qui se manifeste notamment par la perte de mémoire et la démence. Mais c’est aussi très drôle et plein d’espoir, notamment grâce à cette personnalité de Sam, son esprit de compétition et son coté geek, son envie de continuer à croquer la vie à pleine dents malgré l’inéluctable. Des messages de son entourage, des notes personnelles, des listes s’ajoutent aux extraits de son journal pour nous inviter un peu plus dans son intimité et dans sa vie de tous les jours. J’ai beaucoup aimé également les moments où la maladie gagne du terrain, et que ça se ressente dans l’écriture de Sam, dans sa rédaction. C’est une idée vraiment intéressante de la part de l’auteure. Je regretterais seulement quelques longueurs qui épaississent un roman déjà très gros ! Une belle lecture, néanmoins, pour les amateurs d’émotions. 🙂

The memory book, Lara Avery, traduit par Julie Lafon (Lumen)
disponible depuis le 12 mai 2016
9782371020740 – 15€
à partir de 14 ans
Son
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Meurtris – Siobhán Parkinson

9782211208192FS

Après la gifle qui a laissé une marque sur la joue de sa petite sœur Julie, Jonathan décide de partir. Leur mère, alcoolique, n’est plus capable de s’occuper d’eux. Ils fuient d’abord dans la maison de leur grand-mère récemment décédée avant de se décider à rejoindre Galway. Une fugue qui va bouleverser leur vie…

★★★★☆

Tout a commencé lorsque leur grand-mère est morte. Du moins, c’est là où Jonathan – Jono – pense que son histoire commence. Car c’est le jeune homme qui nous raconte, qui écrit cette histoire avec, en tête, les conseils de son professeur d’écriture créative (ou d’anglais, si on préfère). Si Jono n’est pas particulièrement ravi de cette entrée en matière, ce début nous accroche clairement et très vite, nous avons envie de comprendre comment la mort de sa grand-mère a entraîné la suite de ce que nous allons lire. Jonathan et sa petite sœur Julie ne vivent pas dans le meilleur environnement : un père disparu de la circulation, une mère alcoolique négligente qui fait l’erreur de trop en claquant Julie trop fort. Pour éviter que les services sociaux ne s’en mêlent, Jono va mentir auprès de l’école de la petite, et de son propre collège afin d’expliquer leur absence. Et lorsque les mensonges ne sont plus possibles, c’est la fuite qui lui semble la meilleure solution. Jonathan va alors emmener sa petite sœur pour une voyage de Dublin vers Galway où, il l’espère, l’attend une vie meilleure. Fin de la première partie…

Je ne vous dévoilerais pas le contenu de la deuxième, qui lorgne du côté du polar et de la recherche de la vérité. Mais entrecoupé de souvenirs de ses grands-parents et de ses parents, le récit de Jonathan nous entraîne dans cette fugue, dans cette mission qu’il se donne de protéger sa petite sœur. Le ton juste et sans concession de Siobhán Parkinson fait de Meurtris un roman puissant d’émotions, qui nous remue et ne nous lâche pas avant la dernière page. Maltraitance, négligence et abandon sont les mots clés de cette histoire terrible qui, malgré tout, trouvera sa lueur d’espoir. En dépit d’une petite impression de « déjà-lu » sur ces thématiques, Meurtris est un roman vraiment très bien écrit, qui m’a beaucoup touché. A découvrir !

Meurtris, Siobhán Parkinson, traduit par Dominique Kugler (L’école des loisirs)
collection Medium
disponible depuis le 11 mai 2016
9782211208192 – 15,50€
à partir de 13 ans
Son
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Que du bonheur ! – Rachel Corenblit

9782812610561,0-3163294

Après un texte touchant sur le devoir de mémoire, Rachel Corenblit revient avec un roman bien plus léger, qui fleure bon les vacances d’été. 🙂

Angela a 15 ans et, depuis la rentrée de septembre, sa vie est partie en cacahuète. Il aura suffi d’une chute, une simple chute devant toute la classe, pour que tout le reste de son année soit un déluge de catastrophes en tous genres…

★★★★☆

Que du bonheur ! C’est avec cette expression ironique qu’Angela nous parle de cette terrible année où se sont enchaînés tous les malheurs du monde sur sa pauvre tête. Avec, au menu : une réputation foutue au lycée (la fameuse chute), le divorce de ses parents, la trahison ultime de sa meilleure amie, la mort de son chat, le redoublement, les vacances chez son papi dans le trou du cul du monde et bien plus encore ! Un programme tout à fait alléchant promis dès le chapitre 2 qui nous entraîne avec un plaisir non dissimulé dans cette série de catastrophes. Pauvre Angela !

Malgré ces terribles annonces – qui pourraient faire de l’ombre à tous les malheurs des Misérables – l’histoire d’Angela est particulièrement drôle. Et ça commence avec l’humour ravageur de la jeune fille, qui nous raconte ses misères à la manière d’un journal intime, où sont collés des photos, des bouts de calendrier ou bien dessinés des flèches, des smileys… Une forme qui nous fait pleinement entrer dans la tête de cette adolescente un peu boulotte qui ne mérite vraiment pas tout ce qui lui arrive. Pourtant, ce sont bien ces moments du quotidien que Rachel Corenblit transforme en scènes hilarantes. Pour ma part, j’ai une petite préférence pour les vacances en Ariège (sans doute les plus horribles vacances jamais vécues par une ado).

Que du bonheur ! (et ce n’est pas ironique du tout) C’est bien ce qui ressort de ce court roman adolescent vitaminé, qui ne nous donne qu’une seule hâte : être en vacances ! Voilà l’un des premiers romans que l’on vous conseille d’emporter avec vous cet été au camping de Palavas-les-Flots. 😛

Que du bonheur !, Rachel Corenblit (Le Rouergue)
collection DoAdo
disponible le 4 mai 2016
9782812610561 – 10,20€
à partir de 13 ans
Discussion
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Les fragiles – Cécile Roumiguière

Si nous avons l’habitude de découvrir des auteurs dans la collection Exprim’ à travers des premiers romans, c’est cette fois une « déjà grande » qui rejoint le casting de Sarbacane avec un roman tragique, dont la très belle couverture tout en relief laisse planer une aura de mystère…

lesfragiles

Drew a 9 ans quand, au retour d’un match de handball, il assiste impuissant au racisme de son père. Choqué et incapable d’en parler, d’oublier, le garçon grandit dans la haine de ce père qui semble tout aussi incapable de l’aimer. Une haine qui le ronge, le consume, jusqu’à cette rencontre avec Sky, une fille incroyable qui cache aussi des fêlures, fragile comme lui…

Bob

★★★☆☆

Dans un incessant va et vient entre le passé et ce « jour J » aux accents terribles, Cécile Roumiguière explore la relation entre un père et un fils. Un jeune garçon qui voudrait plaire à son père, un homme qui ne semble pas avoir envie de l’aimer et dont la violence, le racisme, vont d’un seul coup transformer le désir d’affection en haine brûlante. Drew grandit, son père finit par s’éloigner, et il fait la rencontre de Sky lors de vacances à la mer. Une rencontre qui va donner un nouveau goût à sa vie, et ce malgré le passé qui refait surface régulièrement. La construction du récit et l’écriture de Cécile Roumiguière, aussi poétique que brutale, nous transporte dans ce roman bouleversant, où la fragilité de ses personnages nous prend aux tripes. Je regrette seulement la fin, qui, après toutes ces émotions intenses, enfonce encore plus le clou et nous laisse avec un goût amer, terrible. Dur !

Jean-Michel

★★★☆☆

On a du mal à croire à certains événements lors de la lecture tant ils sont violents. Certes, l’écriture parnassienne de Cécile Roumiguière adoucit l’animosité de ces scènes, mais l’impact de ce roman a été trop fort pour moi. Mes hormones d’ornithorynque ont peut-être joué mais mes pleurs découlant de cette lecture m’ont fait l’effet d’un coup de poing : cet Exprim sera difficile à conseiller. Pas accessible à tous les adolescents, mais nécessaire : pour ces images fortes du racisme, pour la violence d’un père sur sa famille, sur la difficulté de la construction de soi qui en découle. Dès le début, on sait que Drew a tué son père et tout au long du roman nous assistons à un tête-à-tête entre un fils révolté qui a commis l’irréparable et un père blotti dans son repos éternel tout confort alors qu’il mériterait d’entendre les paroles pleines de véracité de son enfant et pire encore. Pour moi, justice n’a pas été rendue et c’est ce qui m’a le plus scandalisé. Drew a tout de même sombré dans la démence la plus totale. Ce qui rend cette lecture psychotique. Un soupçon d’ambiance Shining flotte dans les pages : ce roman m’a effrayé. De qualité, mais ça retourne sacrément la tête !

Les fragiles, Cécile Roumiguière (Sarbacane)
collection Exprim’
disponible depuis le 6 avril 2016
9782848658629 – 15,50€
à partir de 14 ans