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Les histoires ça ne devrait jamais finir – Esmé Planchon

Zora tient un blog consacré à l’univers de la saga littéraire des Mondes Invisibles de Maria Zumaï. Zora est une des autrices de fanfictions les plus lues des forums de fans, c’est une référence dans la communauté. Mais dans la vraie vie, en dehors d’Internet, Zora s’appelle Lucien, c’est un adolescent de 16 ans, timide et renfermé. Il aime se promener seul dans ses pensées autour d’un lac, lire et re-re-re-re lire les romans. Sa vie ne tourne qu’autour de ces livres. Jusqu’au jour où une annonce va bouleverser les lecteurs des Mondes Invisibles, un tremblement de terre. La série va rester inachevée, le quatrième tome tant attendu ne verra jamais le jour ! Lucien décide, en compagnie de deux fans, de mener l’enquête pour découvrir l’identité de Maria Zumaï afin de la supplier d’offrir aux fans la suite.

Imaginez si J.K Rowling avait arrêté Harry Potter au sixième tome ? Ou une autre de vos sagas préférées ? De quoi donner des sueurs froides aux lectrices et lecteurs que nous sommes ! Depuis ses dix ans, la vie de Lucien tourne autour de ces romans. »S’il y avait eu des biscuits Maria Zumaï, je me serais sûrement nourri exclusivement de ça. » dit-il. Lucien préfère la fiction à la réalité. Sa vision du monde est douce, mélancolique et douloureuse. Si Lucien est toujours plongé dans cette saga c’est en mémoire de son meilleur ami Max. Max avec lequel il a découvert cette saga et qui est décédé à l’âge de 12 ans. Cette année là, les yeux de Lucien, d’un bleu lumineux, ont foncé vers un bleu plus sombre.

Ce roman c’est de la poésie brute, c’est de l’amour pour les livres mais aussi pour la vie. Ce sont des personnages complexes, si loin des préjugés, toutes en nuances de couleurs. C’est un hommage à tous les livres lus sous la couette, à tous les livres relus, à toutes les conversations autour de la lecture avec une boisson chaude, à toutes les histoires qui nous aident à nous construire et à nous déconstruire, à tous les lecteurs.

La prose de l’autrice Esmé Planchon est douce, onirique, d’une justesse touchante. Elle est une magicienne des couleurs. C’est admirable, poétique tout en gardant les pieds sur terre et la tête dans les nuages. Les pensées de Lucien vagabondent telles la plume de l’autrice. Etre témoin de sa transformation douce et profonde est un pur bonheur. On resort de ce livre avec l’envie de sourire à sa bibliothèque, pleine de gratitude.

J’aimerais vous inviter à plonger dans ce roman comme l’on plonge dans un lac, un beau jour d’été, en sachant que cela nous fera du bien. Outre l’écriture sublime, le monde de la littérature, les personnages attachants, l’enquête fascinante pour retrouver la trace de l’autrice anonyme, on trouve aussi une romance distillée dans les chapitres. Une histoire d’amour maladroite, irrésistible, qui fera fondre les petits coeurs. Cette idylle permettra à Lucien de faire éclore son identité queer et de concilier ses personnalités avec sensibilité. Vous l’aurez compris, ce roman est un coup de coeur 💙.

Les histoires, ça ne devrait jamais finir, Esmé Planchon (Bayard)
disponible depuis le 9 mars 2022
9791036335846 – 13,90€
à partir de 12 ans
Son
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Need – Joelle Charbonneau

97827459753930-3426777

« Désir : envie de posséder un objet ou de réaliser un rêve.
Besoin : nécessité de détenir quelque chose ou d’accomplir un acte essentiel à votre vie. »
Need est le nouveau réseau social qui fait fureur auprès des adolescents du lycée de Nottawa. Ce site génial propose en effet de répondre à tous vos besoins, de façon totalement anonyme, et sans vous demander quoi que ce soit en échange…enfin, juste des petits services de rien du tout…

★★★★☆

Kaylee est une lycéenne qui a du mal à concilier la vie au lycée et en famille depuis l’annonce de la maladie de son petit frère. Pour avoir une chance de survivre, la garçon doit attendre une greffe de rein. Et malgré toutes les pistes déployées par Kaylee, aucun donneur compatible ne s’est présenté… Alors quand ce nouveau site apparaît sur la toile, Kaylee est tout d’abord réticente, se posant des questions sur l’étonnante facilité avec laquelle tout semble être possible… Puis un jour, elle fait sa première demande sur NEED : « j’ai besoin d’un rein pour mon frère ». Évidemment, quand on a lu plein de livres et vu plein de films et de séries, on se dit tout de suite : « ohoooh, il y en a un qui va se retrouver vite fait dépiauté de son rein et se vidant de son sang dans une baignoire » (Non ? Pas vous ?) Bref. En dépit de cette évidence, ce qui est intéressant, c’est comment Joelle Charbonneau va jouer avec les personnages et les situations pour mener à ce qu’on imagine bien être la fin terrible du livre. Car le roman ne se concentre pas uniquement sur Kaylee et va aussi nous proposer de suivre certains de ses camarades de classe et comment eux aussi vont être entraînés dans cette machinerie infernale, comment ils vont embrasser le jeu pervers des contreparties pour obtenir ce qu’ils veulent, ou comment ils vont s’en trouver victimes.

Clairement, nous sommes dans un roman rythmé, dans une écriture d’une grande simplicité et qui nous embarque dans une frénésie et une angoisse permanente. La collection Page Turners n’a jamais aussi bien portée son nom ! Mais ce qui est le plus fascinant dans ce roman, c’est bien sûr la réflexion autour des réseaux sociaux et de ce que nous sommes prêts à faire pour obtenir ce que l’on veut. Terrifiant. C’est sans doute le mot qui qualifie le mieux le roman, tant les situations présentées et vécues par les personnages sont réalistes et pourraient faire l’objet des pages de faits divers dans les journaux.
J’ai seulement été un peu déçue de la résolution, de qui se cache derrière NEED et pourquoi il a ciblé les lycéens de Nottawa. Heureusement, la toute dernière page change la donne… 😛 Si vous êtes à la recherche d’un bon thriller psychologique à vous glacer le sang…bienvenue sur NEED

NEED, Joelle Charbonneau, traduit par Amélie Sarn (Milan jeunesse)
disponible depuis le 19 octobre 2016
9782745975393 – 14,90€
à partir de 13 ans
Son
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Menace sur le réseau – Laurent Queyssi

9782700247398,0-2778251

Après Infiltrés et Dans l’œil de Lynx, voici la nouvelle aventure du héros de Laurent Queyssi. Mais ne vous inquiétez pas, si vous n’avez pas lu les deux premiers, rien ne vous empêche de commencer par celui-ci : c’était le cas de Bob et il a tout compris et même beaucoup apprécié ce roman. 😉

Adam Verne est un jeune hacker en fauteuil roulant, recruté par les services secrets français pour ses talents. Au cours d’un voyage aux Etats-Unis, où son amie Emma l’a invité sur le tournage d’un film hollywoodien, celle-ci est enlevée et séquestrée. Le ravisseur d’Emma le soumet alors à un chantage terrible où ses talents de hacker seront aussi importants que ceux d’agent secret.

★★★★☆

C’est donc entre les Etats-Unis et la France que nous suivons cette troisième aventure d’Adam Verne. Et dans ces 220 pages, pas le temps de dire « ouf » ! En effet, Laurent Queyssi nous embarque dans son récit avec beaucoup de réussite et, surtout, avec un suspense rondement mené. Je ne me suis pas ennuyée un seul instant et j’ai beaucoup apprécié l’intrigue au cœur du roman. Ici, Adam va être aux prises avec un virus dont le but est de récolter toutes les données personnelles des utilisateurs des clouds, grâce au travail déjà prémâché par la plus grande société informatique du monde : Glasser (toute ressemblance avec une société existante étant bien sûre fortuite ! 🙂 ). Un sujet plutôt d’actualité, vous ne trouvez pas ? En plus de poser des questions très intéressantes sur ce propos qui devrait réellement nous inquiéter, Laurent Queyssi nous l’explique avec une étonnante facilité et même les billes en informatique comme Bob peuvent ainsi se passionner par cet univers somme toute très obscur.
Au-delà de cette intrigue de sécurité mondiale (où CIA et services secrets français ne sont pas en reste) et d’identité numérique, le roman lève également le voile sur le passé d’Adam et l’histoire de son père. Ceux qui ont lu les premiers épisodes se sont sûrement posés des tas de questions qui trouvent dans ce troisième volet leurs réponses… Je n’en dis pas plus sur le sujet, et me contenterais d’ajouter que j’ai beaucoup aimé le personnage d’Adam. Un jeune héros handicapé (plutôt rare dans les représentations actuelles), futé et plein de ressources, auquel on s’attache instantanément et qui se pose les bonnes questions…
Un thriller très réussi, qui allie savamment scènes d’action et réflexion pertinente sur notre monde numérique. J’ai désormais très envie de lire les deux premières aventures d’Adam. 😛

Menace sur le réseau, Laurent Queyssi (Rageot)
collection Rageot thriller
disponible depuis le 7 octobre 2015
9782700247398 – 9,90€
à partir de 13 ans

Son
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Moi, Simon, 16 ans, homo sapiens – Becky Albertalli

9782012038769,0-2560009

Mais de quoi parle donc ce drôle de titre ? Si vous pensiez qu’il s’agit de la biographie d’un homme préhistorique, vous vous fichez le doigt dans l’œil ! Non mais en plus, vous voyez bien qu’il porte un jean, ce Simon !

Simon Spier a 16 ans. Il vit dans une banlieue paumée d’Atlanta, il a deux sœurs, un chien nommé Bierber (comme le chanteur), une passion pour Harry Potter et les Oréos, et prépare une comédie musicale avec son club du théâtre. Ah oui, et il est gay. Mais pas pressé de le crier sur tous les toits. C’est sur le tumblr du lycée qu’il a rencontré Blue, un garçon dont il ne connaît pas l’identité et avec qui il correspond par mail. Jusqu’au jour où Martin Addison tombe par hasard sur sa boîte mail et menace de tout révéler…

★★★★☆

Voilà un très beau roman d’amour à emporter pour les vacances ! Et une histoire qui parle d’homosexualité avec pas mal d’humour et d’optimisme. J’avais souvent lu des romans sur le sujet où les personnages rencontraient toujours des difficultés d’acceptation, d’eux-mêmes ou de la part des autres. Ici, si le coming-out n’est tout de même pas évident pour Simon et celui qui se cache sous le pseudo de Blue, tous deux ne rencontrent finalement pas tant d’animosité ou de haine que ce que j’ai pu lire dans d’autres livres (ou dans la vraie vie !). Il y en aura, bien sûr – à commencer par la menace qui pèse sur Simon de voir révéler son homosexualité – mais de façon très marginale et Simon est un garçon doté de plein d’amis cools et sympathiques, de professeurs tout aussi chouettes, ce qui va grandement lui faciliter la vie. Et en plus, il s’en balance un peu car, ce qu’il a en tête, c’est surtout son amour pour Blue, qui grandit au fur et à mesure de leur correspondance virtuelle, et sa volonté de savoir qui il est, de deviner son identité. Le roman en gagne ainsi en légèreté car le sujet principal en reste l’amour, peu importe son orientation. Il faut aussi dire que l’ambiance générale du roman fait très série américaine familiale : l’importance des loisirs, de l’extra-scolaire, le côté très décontracté des conversations, des sorties, des relations familiales (les parents de Simon en sont le parfait exemple, je trouve). Et ça rend la lecture très agréable, on se laisse porter par les réflexions de Simon, ses envies, ses questions, son humour, ses incertitudes. J’ai trouvé tout cela très juste et émouvant, tout comme sa correspondance avec Blue et cet amour qui naît au fil de leurs échanges jusqu’à leur rencontre. Une rencontre qui sera non seulement une bouffée d’air pour Simon et Blue, mais aussi un très beau moment de courage.
Becky Albertalli nous offre ainsi une très jolie histoire d’amour et un beau roman sur l’identité et l’acceptation.

Moi, Simon, 16 ans, homo sapiens, Becky Albertalli (Hachette)
en librairie depuis le 15 avril 2015
9782012038769 – 16,90€
à partir de 13 ans

Son
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Mon heure viendra – Nina Vogt-Ostli

9782330032616,0-2559759

Vous avez remarqué que Bob et Jean-Michel sont un peu lents dernièrement ? En créatures aquatiques qu’ils sont, il faut dire que ce soleil ne leur réussit pas… Mais pas de panique, ils sont toujours là ! 😉 Et c’est Bob aujourd’hui qui vous parle du futur…

Hans Petter est un garçon brillant, mais le souffre-douleur de ses camarades depuis de nombreuses années. Un jour, alors qu’il compte passer une nouvelle soirée sur l’ordinateur à jouer, quelqu’un entre en contact avec lui sur internet. Elle s’appelle Fera et vient du futur. Sans doute encore une « blague » d’Andreas, son tortionnaire. A moins que… ?

★★★★☆

Voilà assurément un roman qui plaira aux amateurs de science-fiction ! Captivant et très bien écrit, Mon heure viendra s’intéresse donc à un adolescent harcelé par les autres depuis tellement d’années qu’il a décidé de laisser de côté son intelligence pour se rendre invisible dans la classe, auprès des profs et surtout, aux yeux des autres. Hans Petter vit seul avec sa mère qui l’a eu trop jeune, son père est toujours dans l’équation, mais il le voit très peu, et il a l’impression qu’il ne l’aime pas et aurait préféré ne jamais l’avoir. Alors quand une jeune fille semble s’intéresser à lui, Hans Petter « renaît ». C’est tout d’abord le soupçon qui le tient (bah oui, vous réagiriez comment si quelqu’un vous disait venir du futur ?), jusqu’à ce que Fera lui envoie des « preuves » de ce qu’elle dit. Une relation de confiance commence alors à se créer entre les deux jeunes gens, d’autant plus qu’ils sont tous les deux particulièrement intelligents pour leurs âges. Et bientôt, Fera révèle à Hans Petter pourquoi elle correspond avec lui… Mais je ne vous le révèlerais pas ! Car ce serait trop vite vous dévoiler la clé de ce roman. Même là, je vous en dis déjà trop car vous comprendrez vite de quoi il retourne à la lecture. Déjà que la couverture en dit long… 😛

En tous cas, Mon heure viendra est un très bon roman de science-fiction, qui s’intéresse à une thématique chère au genre : et si vous aviez la possibilité de changer le passé ? J’ai beaucoup apprécié les nombreuses conversations de Fera et Hans Petter sur le bien et le mal, qui nous incitent nous aussi à nous interroger sur ces notions. En tant qu’amatrice du genre, je n’ai pas forcément été surprise par le twist final, mais je pense que cela doit bien marcher pour ceux qui découvrent la science-fiction, d’autant plus qu’on se laisse facilement porter par l’histoire très prenante. Efficace !

Mon heure viendra, Nina Vogt-Ostli (Actes Sud junior)
collection Ado
en librairie depuis le 22 avril 2015
9782330032616 – 13,50€
à partir de 13 ans

Son
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Les anges de l’abîme – Magnus Nordin

9782812607165, 0-2347206

Petite pause dans les idées cadeaux de Noël pour Bob, avec la critique d’un des romans ados en lice pour la Pépite 2014. Il n’a pas gagné, mais il me faisait de l’œil depuis un temps suffisamment certain pour que je me lance enfin dans ce petit pavé. J’espère que vous avez les tripes bien accrochées. 😉

Alice fait sa rentrée dans un nouveau lycée. Elle se rapproche très vite de sa prof de suédois, Molly Zetterholm, et rejoint bientôt un groupe un peu particulier et complètement secret : les Anges de l’abîme. Leur mission : rendre la justice aux jeunes victimes de prédateurs sexuels.

★★★☆☆

Âmes sensibles s’abstenir ! Ce polar nordique de Magnus Nordin nous déroule une sordide affaire de pédophilie et de maltraitance. Je vous le dis tout de suite car, de toute manière, ça commence d’entrée avec une scène de disparition de jeune fille suivie, trois ans plus tard, par une opération commando des Anges de l’abîme. Il ne faut donc à l’auteur que quelques pages pour nous mettre tout de suite dans le bain et c’est un bain plutôt glacé ! J’ai trouvé l’histoire plutôt bien menée, entre la découverte progressive de chacun des personnages du groupe secret (tous victimes d’actes de maltraitance ou de sévices sexuels) et leurs opérations qui, très vite, ne deviennent qu’une seule grosse enquête. Car il nous faut peu de temps pour comprendre que la petite ville de Fjärlunda est le théâtre d’un vaste réseau pédophile. Si l’auteur ne nous perd pas un seul instant dans son récit (j’avoue m’être laissée emportée et avoir eu du mal à m’arrêter), un lecteur de polar averti verra sans aucun doute les choses venir et ne sera pas forcément surpris (cela a été mon cas). Mais cela n’enlève rien au plaisir de lecture. Là où le roman pêche, c’est peut-être justement dans son récit et ce qu’il dénonce. L’auteur nous propose en début de roman la célèbre citation de Nietzsche : « Celui qui combat des monstres doit prendre garde à ne pas devenir monstre lui-même ». Et c’est bien ce que font nos jeunes héros : combattre ces monstres qui attirent les adolescentes pour les violer (la méthode ici donnée dans le roman : sur le net, en se faisant passer pour des garçons cools de l’âge des proies qu’ils traquent). Et pour cela, ils usent de méthodes criminelles (enlèvement, torture psychologique), récoltent les preuves et envoient le tout à la police. Jusque là, on peut encore comprendre et même avoir de l’empathie pour ces justiciers de l’ombre. Après tout, nous sommes tous à un moment donné tellement révoltés par une situation ou un événement que nous aimerions avoir les moyens ou les armes pour réparer cette injustice. C’est humain. Pourtant, ici, je trouve que la réflexion sur la vengeance, l’auto-justice, est assez maigre. Peut-être manque-t-il une morale. En tous cas, et la fin du roman en est un parfait exemple, il me semble difficile de se faire un jugement sur ce que l’on a lu. Et je crois que l’auteur a oublié de nous donner sa propre définition du monstre. Je ne sais pas comment sera ressenti ce roman par les ados, mais la crudité de certaines scènes et cet épilogue sont d’une froideur à nous hérisser les poils sur les bras.

Les anges de l’abîme, Magnus Nordin (Rouergue)
collection DoAdo Noir
en librairie depuis le 8 octobre
9782812607165 – 14,90 €
à partir de 15 ans