Discussion
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Dysfonctionnelle – Axl Cendres

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S’il y a bien un auteur phare de la collection Exprim’, c’est Axl Cendres. Et ça tombe bien car la revoilà avec un tout nouveau roman qui déboite ! 😀

Fidèle vit dans ce qu’elle appelle une famille « dysfonctionnelle » : elle a six frères et sœurs tous plus différents les uns que les autres, un père qui se trouve souvent au mauvais endroit au mauvais moment (en passant par la case prison) et une mère régulièrement internée dans un asile. Dotée en plus d’un quotient intellectuel élevé, Fidèle finit par fréquenter de grandes écoles, où elle détonne un peu, et y trouve l’amour…

Bob

★★★★★

Si Bob n’était pas déjà coincé avec Jean-Michel, il ferait sa déclaration à Axl Cendres. Et surtout à Fifi et à sa famille sensationnelle. Car à la fin du roman, vous n’aurez qu’un regret : ne pas partager plus longuement la vie de cette bande d’enfants hétéroclites et chtarbés. Il faut dire qu’on passe par tout le spectre des émotions : on rit aux éclats, on pleure, on chante, on s’inquiète, on aime, on déteste… Tout ce qui fait les petits moments de vie d’une famille, entre les belles occasions et les difficultés du monde extérieur. Le personnage de Fifi est magnifiquement écrit, les relations qu’elle entretient avec tous les membres de sa famille sont belles, même quand certains membres semblent éloignés, absents. Je crois que j’ai aimé toutes les figures de cette famille, on sent l’affection de Fifi dans tout ce qu’elle raconte, même les pires moments. Je me suis laissée entraînée dans sa vie avec le sentiment de faire partie de la famille, j’ai tremblé pour elle lors de sa période sombre, j’ai espéré avec elle la vie qu’elle se souhaitait…ou qu’elle a plutôt laissé venir à elle…
C’est un beau roman. Vraiment. On rit beaucoup aussi – il faut dire que le comique de répétition est super bien dosé et fonctionne à chaque fois ! Des situations rocambolesques et improbables se mêlent à des moments intenses d’émotions et on ne peut que tomber amoureux de cette famille peut-être « dysfonctionnelle » mais belle et attachante. Fiooouuu, c’était trop bien !

Jean-Michel

★★★★★

Si Bob veut partir avec une autre, je ne le retiens pas. Mais je garde l’assortiment Téfal. Il peut reprendre sa mère.
M’est avis que c’est un roman qui est capable de remettre en place la personne la plus étroite d’esprit qui soit : une pensée raciste ? une intolérance aux gays ? à Johnny ? au football ? pas de problème, Axl Cendres est là pour poutrer tes préjugés moisis avec autant de talent que Barbra Streisand se déchaînant en duo avec Sinatra. J’aime qu’elle mette sur papier des défauts, des personnages cassés, des enfants abîmés, des patrimoines qui se construisent avec les expériences aussi variées soient-elles, car c’est tout ce qui importe dans le fond : l’histoire familiale est encore ce qu’il peut y avoir de plus précieux. Je me suis lancée le défi de trouver les meilleurs moments du roman. La tâche s’est avérée très difficile étant donné qu’à chaque page, j’ai agité le Stabilo comme un Looney Tunes, mais soit, on vous donne deux instants choisis :

La rencontre de Sid-Ahmed et de Natacha (les parents de cette fabuleuse famille) est une des plus belles qu’il m’ait été donnée de lire. Pourtant ils sont brisés à leur rencontre, ils n’ont rien. La déclaration de Sid-Ahmed ? Je me fiche de ton passé, je veux construire ton futur. Je veux t’épouser et te rendre ce que certains t’ont apparemment volé…ton sourire. Lorsqu’on sait que Natacha a vécu la perte de sa famille étant petite, on ne peut qu’agiter une banderole à Sid-Ahmed « Sauve-la ! ».

L’une des soeurs : Marilyne, est une féministe ardue dont la ténacité m’a donné quelques grands sourires (l’épisode de la bombe au poivre : ex-tra) mais son avis sur la création d’un mot unique pour le sexe est une perle :
Pourquoi dit-on zizi pour les garçons et zézette pour les filles ? C’est injuste ! On devrait dire le même mot pour les deux…pourquoi pas zizou ? « Fort heureusement pour Zinedine Zidane, la réforme de Marilyne n’est jamais entrée en vigueur ».

Grâce à Axl Cendres, j’ai tout de même appris qu’on pouvait chanter « Coup de soleil » de Richard Cocciante tout en adorant lire Proust. On a tort de tout compartimenter comme ça. Mélangeons les genres ! La prochaine fois, je relirai Benoît Minville en écoutant Céline Dion, voilà qui devrait l’enchanter.

« Même avec une chose que tout le monde croit perdue, on peut faire quelque chose de merveilleux » Zaza, la grand-mère kabyle, cette femme pleine de sagesse qui aimait les Fous di l’émour.

Dysfonctionnelle, Axl Cendres (Sarbacane)
collection Exprim’
disponible le 7 octobre 2015
9782848658186 – 15,50€
à partir de 15 ans

Son
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Tempête au haras – Chris Donner et Jérémie Moreau

On connaît bien Chris Donner en littérature jeunesse et l’auteur fait cette fois-ci ses premiers pas dans la bande dessinée, en tant que scénariste et adaptateur de son roman paru en 2012 à l’école des loisirs, Tempête au haras. Au dessin, et au scénario également, on retrouve Jérémie Moreau, jeune dessinateur très remarqué de l’album Le Singe de Hartlepool (à découvrir absolument si vous ne le connaissez pas !)

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Jean-Philippe rêve de devenir jockey. Né dans le haras tenu par ses parents en même temps que Belle Intrigante, il ne se sent heureux qu’entouré de chevaux. Et lorsque la jument met au monde une pouliche, Tempête, il est persuadé qu’elle est le « crack » que tout le monde attend et qu’il montera. Jusqu’au jour où la tempête éclate et vient briser en mille morceaux tous ses rêves…

★★★★☆

Si vous aviez lu le roman original de Chris Donner, point de surprises dans cette histoire fidèlement adaptée. J’y ai retrouvé les mêmes sentiments qu’à la lecture de ce roman qui m’avait beaucoup plu : une histoire simple et touchante sur le handicap et la persévérance, une évocation passionnée des chevaux, un soupçon de suspense et d’aventure, ainsi qu’une belle leçon de courage.

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Les illustrations de Jérémie Moreau, à l’aquarelle, sont ainsi en parfaite adéquation avec le récit. La technique se prête idéalement à l’ambiance de Tempête au haras, les palettes de couleurs sont tantôt douces et lumineuses, tantôt sombres et effrayantes. Le mouvement est également indispensable dans une histoire sur les courses hippiques et je trouve les images de Jérémie Moreau vraiment superbes sur ce point. Il n’y a qu’à voir cette couverture, pleine de force et de vie !

Une adaptation du roman de Chris Donner très réussie, brillamment illustrée par Jérémie Moreau, qui se lit avec toute la patience que l’on prend à panser un cheval ou avec toute la fougue d’un cheval au galop. Le choix est vôtre ! 🙂

Tempête au haras, Chris Donner et Jérémie Moreau (Rue de Sèvres)
disponible le 7 octobre 2015
9782369810520 – 14€
à partir de 9 ans

Son
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La porte de la salle de bain – Sandrine Beau

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Avec tous les livres de la collection Ego que nous avons chroniqué ici, vous savez désormais qu’il faut s’attendre à des sujets toujours forts et pleinement ancrés dans la société. Le nouveau roman de Sandrine Beau ne déroge pas à cette volonté de faire réfléchir, propre à Talents Hauts. 🙂

Mia, 11 ans, se réjouit de voir son corps entrer dans l’adolescence. En effet, ses seins commencent à pousser. Tous les jours, elle attend avec impatience devant le miroir de sa salle de bain de les voir grossir. Jusqu’au jour où son beau-père prend l’habitude d’entrer dans la salle de bain lorsqu’elle se douche…

★★★★★

Vous avez deviné le sujet du roman, à quelques pas de la pédophilie. Un sujet difficile à évoquer en littérature comme dans la vraie vie… C’est d’ailleurs tout le problème de Mia, qui ne parvient pas à en parler autour d’elle et qui n’arrive même pas à mettre les mots sur ce qu’il se passe, sur ce qu’elle vit. S’agit-il d’un accident, d’une coïncidence si son beau-père entre toujours au moment où elle prend sa douche ? On sent l’angoisse monter en Mia petit à petit et cette détresse que personne ne semble voir. Tout le talent de Sandrine Beau réside dans cette maîtrise de son intrigue, cette peur qui s’insinue dans notre esprit de lecteur, cette tension à découvrir la suite. Elle parvient aussi à rendre avec beaucoup de finesse les émotions de cette jeune fille de 11 ans au seuil de l’adolescence, qui était ravie de voir son corps changer, jusqu’à ce que les regards sur elle changent aussi, et notamment ceux des hommes. Je ne vous en dis pas plus sur l’histoire et sa fin (même si elle est connue dès le début), mais j’ai beaucoup aimé comment l’autrice a traité le sujet. Il n’y a pas de rage, pas de colère dans les mots de Mia, on sent même une très grande douceur (surtout au début du roman, bien sûr), ce qui nous permet d’entrer dans la problématique sans brusquerie et d’insister sur le besoin de respecter l’intimité des jeunes adolescents. L’écriture de Sandrine Beau n’en est que plus délicate et son histoire une réussite. Un texte qui pourrait d’ailleurs être lu par un public un peu plus jeune que celui ciblé d’habitude par la collection, grâce à cette écriture accessible et ce fin traitement du sujet et qui permettra, peut-être, d’inciter à dire les choses.

La porte de la salle de bain, Sandrine Beau (Talents Hauts)
collection Ego
disponible le 1er octobre 2015
9782362661334 – 7€
à partir de 12 ans

Son
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Tatie pourrie – David Walliams

Le David Walliams nouveau est arrivé ! Chez Bob et Jean-Michel, les romans de ce truculent anglais, digne héritier du grand maître Roald Dahl, sont toujours attendus avec beaucoup d’impatience. Après cette introduction, vous pourriez croire que nous nous sommes battus pour savoir qui le lirait en premier…mais rappelons simplement que Bob a de fort jolies défenses… 😛

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Stella Saxby se réveille orpheline après l’accident qui a coûté la vie à ses parents. Unique héritière du manoir de Saxby Hall, son horrible tante Alberta, aidée de son fidèle Wagner – un hibou géant des montagnes de Bavière – est prête à tout pour lui voler l’acte de propriété. Heureusement, Stella va se trouver un allié précieux pour déjouer les terribles plans de cette tatie pourrie…

★★★★☆

La recette de David Walliams fonctionne toujours aussi bien ! Encore une fois, on passe un très bon moment de lecture et on ne voit pas défiler les bonnes grosses 400 pages (tout de même !) abondamment illustrées par Tony Ross. Un duo qui, lui aussi, marche du tonnerre ! Dans cette histoire, l’auteur nous ramène au début du siècle dernier dans l’aristocratie anglaise où le gigantisme des manoirs n’a d’égal que la solitude. Stella découvre avec horreur en se réveillant d’un profond coma que ses parents sont décédés dans un accident et que son horrible tante veille sur elle. Une tante véritablement monstrueuse dont la seule passion est les hiboux…et les sales coups ! Stella tente bien vite de fuir, mais Tante Alberta et son terrible hibou géant en ont décidé autrement et la jeune fille est séquestrée dans la cave. Plutôt cruel, non ? Eh bien ce n’est pas le pire car l’horreur ne fait que commencer pour la pauvre Stella, qui va tenter de se débarrasser de cette tatie pourrie. Heureusement, elle pourra compter sur l’aide d’un étrange petit ramoneur…

Je ne vous en dis pas plus sur l’histoire, mais David Walliams parvient toujours avec beaucoup de réussite à nous faire rire, nous faire grimacer de dégoût et n’épargne aucun de ses personnages…si vous aimez les tortures d’enfants, ce livre est fait pour vous ! J’apprécie aussi toujours sa façon de s’adresser au lecteur (et son chapitre sans image où, en effet, c’est quand même vachement mieux quand il y a des dessins – Bob a trouvé aussi que c’était nul comme chapitre, mais l’auteur avait ses raisons, alors ça passe) et ses trouvailles loufoques, ses personnages qui ne sont là que pour l’effet comique (le majordome) et ses petits bonus.
Un concentré d’humour (et un peu de frisson) à mettre dans les mains de tous les fans de l’auteur ou à faire découvrir à ceux qui voudraient passer une chouette soirée à rigoler. Et on vous invite aussi à découvrir tous les autres si vous ne connaissiez pas David Walliams, parce que ça vaut vraiment le coup ! 😀

Tatie pourrie, David Walliams (Albin Michel jeunesse)
collection Witty
disponible le 30 septembre 2015
9782226318695 – 12,50€
à partir de 8 ans

Son
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Aussi loin que possible – Éric Pessan

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Un matin, sur le chemin du collège, Anthony et Tony délaissent leurs sacs de cours et se mettent à courir. Comme ça, pour s’amuser, pour savoir qui va le plus vite…et puis, arrivés au bout du parking, ils ont continué. Tout droit, ils ont continué à courir. Sans se poser de question, sans savoir où aller. Un simple marathon, une course pour laisser derrière eux leurs soucis…

★★★★☆

Un roman qui se lit comme la course de nos deux jeunes héros : sans s’arrêter, sans jamais perdre haleine. Raconté par Antoine, l’histoire débute comme la simple évocation d’une amitié. Une amitié qui lie ces deux garçons aux prénoms similaires pas seulement à cause de ça mais aussi car ils ont tous les deux quelque chose qui leur pèse. Un avis d’expulsion pour Tony, dont la famille ukrainienne va devoir quitter le territoire français, un père à la main lourde pour Antoine. Sont-ce là les raisons qui les ont poussés à se mettre à courir, un jour, comme ça ? Pour Antoine, ces raisons intimes sont venues plus tard. Au début, il ne s’agissait que d’un jeu, de quelque chose qui n’était pas prémédité. Et puis, en courant, les raisons sont apparues, les pensées ont eu le temps de se frayer un chemin dans l’esprit du jeune homme.

Aussi loin que possible pourrait être le slogan d’Antoine et Tony dans cette course qui paraît d’abord comme une fugue pour leurs familles avant d’être médiatisée et vue par la presse comme la volonté d’agir sur ce qui ne va pas dans leur vie ou, du moins, dans celle de Tony et de l’éviction de sa famille. Une course qui devient alors politique et sociale quand elle n’a commencé que par un défi entre amis. C’est sans doute là toute la beauté de ce texte qui, avec beaucoup de finesse, nous fait entrer dans les réflexions d’un garçon de 13 ou 14 ans qui, au fil de son odyssée, développe une analyse de son environnement, des gens qu’il croise, de notre société consumériste. Ce n’est pas le cœur du roman, mais j’ai trouvé les réflexions d’Antoine belles et pertinentes, l’écriture d’Eric Pessan est vraiment remarquable.
Aussi loin que possible est un roman sans doute singulier mais qui fait avant tout la part belle à une grande amitié entre deux adolescents et porte en lui un beau message d’encouragement et d’espoir.

Aussi loin que possible, Éric Pessan (Ecole des Loisirs)
collection Médium
disponible le 30 septembre 2015
9782211108317 – 13€
à partir de 14 ans

Son
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La ballade de Mulan – Clémence Pollet

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En ce moment chez Bob et Jean-Michel, on délaisse un peu la rentrée littéraire ados au profit de beaux ouvrages à mettre impérativement dans vos listes pour Noël (et oui, ça va arriver vite !) Cette fois, c’est la nouveauté des éditions HongFei Cultures que nous vous invitons à découvrir avec plein d’étoiles dans les yeux ! 😀

C’est la guerre et tous les hommes sont réquisitionnés. Son père étant trop âgé, Mulan décide de revêtir des habits d’homme et de partir à sa place. Douze ans durant, Mulan se bat en se faisant passer pour un homme. A la fin de la guerre, elle revient dans sa famille et dévoile à ses anciens compagnons d’arme estomaqués son véritable genre.

★★★★★

On ne vous avait pas encore parlé de cette maison d’édition qui a pourtant bientôt dix ans et qui s’intéresse plus particulièrement à la Chine et à sa culture. Avec La ballade de Mulan, c’est une légende importante de ce lointain pays qui nous est proposée. Et quand bien même vous avez vu l’adaptation de Disney sur cette héroïne, c’est finalement une vraie découverte que ce texte, traduit par Chun-Liang Yeh – co-fondateur de la maison – qui est assez loin de ce que l’on croit connaître de cette figure légendaire. Tout d’abord, le texte original, reproduit à la fin de l’album et datant du IVe siècle, est en réalité très court, et se lit finalement un peu comme une chanson ou un poème, une ballade – d’où le titre – que l’on écoute ou apprend. Il n’y a ensuite pas d’histoire d’amour, ou de révélation du véritable genre de Mulan avant la fin de la guerre qui l’a mobilisée pendant si longtemps. C’est un très beau texte, elliptique, mais grandiose, qui évoque des thématiques au final très actuelles : l’identité, la liberté, la question du genre.

L'une de nos illustrations préférées.

L’une de nos illustrations préférées : Mulan quittant ses habits de femme.

Quant aux illustrations de Clémence Pollet : quelle splendeur ! La technique ici utilisée est la linogravure avec un jeu sur trois couleurs (jaune, bleu, rouge). La grande taille de l’album et les illustrations sur double page nous permet d’en apprécier au mieux toute la beauté des traits, des motifs et des couleurs. Clémence Pollet nous offre ici une lecture illustrée de la légende avec beaucoup de talent et de finesse dans le choix de ce qu’elle souhaite représenter.

Une illustration parfaite de la transformation de Mulan.

Une illustration parfaite de la transformation de Mulan.

Il faut enfin signaler l’extrême soin apporté au livre de manière générale, avec notamment une jaquette qui cache une très belle évocation de la dualité de Mulan (et comme on est sympa, on vous la montre ci-dessous). Un ouvrage de très grande qualité à posséder absolument, coup de cœur de Bob et Jean-Michel ! 😀

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La ballade de Mulan, illustré par Clémence Pollet (HongFei cultures)
disponible depuis le 10 septembre 2015
9782355581021 – 19,90€
à partir de 6 ans

Son
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Phototoutou – Sylvie Serprix

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On ne vous avait pas encore parlé de la Palissade, toute jeune maison d’édition basée à la Rochelle qui publie principalement des albums. Aujourd’hui, nous vous proposons de découvrir leur nouveauté, un album pour les amateurs de canidés. 😛

Tous les ans est organisé le concours Phototoutou, où les gens défilent avec leurs compagnons à quatre pattes dans un photomaton. Un seul « couple » remportera le trophée…

★★★★☆

On dit souvent que les animaux, et plus particulièrement les chiens, ressemblent à leurs maîtres. J’avoue ne plus me souvenir des titres, mais déjà quelques auteurs et illustrateurs ont confirmé cet adage (oui, je sais, c’est facile de dire ça !). Sylvie Serprix, elle, en fait tout son album ! Ainsi, maîtres et leurs chiens se succèdent dans la cabine du photomaton pour se faire tirer le portrait. Des enfants jusqu’aux personnes âgées, hommes comme chiens sont tous très différents les uns des autres mais tous semblent partager cet amour pour leur binôme.

Qui se ressemble s'assemble ?

Qui se ressemble s’assemble ?

J’ai beaucoup aimé les illustrations de Sylvie Serprix, à la peinture, qui dégagent une grande douceur, et la variété des couleurs choisies. De plus, les personnages et les chiens qu’elle a décidé de représenter ne sont pas aussi caricaturaux que ce à quoi l’on pourrait s’attendre sur un sujet pareil. Ce qui en fait un ouvrage plein de tendresse, de jolis moments entre les personnages et leurs compagnons à poils.
Les textes qui accompagnent chaque « couple » jouent sur les rythmes et les rimes et on imagine bien le présentateur extérieur commentant les duos, à la manière de tous les concours.

Mon duo préféré parce que les tâches de rousseur, c'est trop mignon !

Mon duo préféré parce que les tâches de rousseur, c’est trop mignon !

Après cette belle galerie de photographies, la dernière page laisse à l’enfant le choix du vainqueur de ce concours qui a du chien et qui devrait sans aucun doute plaire à tous ces petits qui s’émerveillent devant le meilleur ami de l’homme. 🙂

Phototoutou, Sylvie Serprix (La Palissade)
disponible le 22 septembre 2015
9791091330206 – 13,80€
à partir de 6 ans

Son
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Il était une fois l’alphabet – Oliver Jeffers

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Il y a une chose que vous ne savez peut-être pas : Bob est un FAN INCONDITIONNEL d’Oliver Jeffers. Il aurait adoré découvrir ses livres quand il était petit mais il est encore plus content de les apprécier maintenant qu’il est un grand garçon. Aussi, ne vous attendez à aucune objectivité dans cet article parce que : a) Bob est trop fan pour dire des choses pas gentilles, b) de toute façon, Oliver Jeffers, c’est juste trop bien, fan ou pas fan, c) ce livre est une petite merveille, vous n’aurez qu’à ouvrir n’importe quelle page pour vous en rendre compte. Tout est dit. Achetez ce livre. 😀

Bon, ok, Bob vous en parle un peu quand même car vous semblez avoir besoin d’être convaincus (non mais sérieux ?!?)…

Dans cet abécédaire, Oliver Jeffers décide de donner une histoire à chacune des lettres de l’alphabet que l’on utilise dans nos mots et nos histoires. Il nous propose ainsi vingt-six petites saynètes qui forment une grande aventure…

★★★★★
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Il était une fois l’alphabet, c’est 120 pages du pur bonheur visuel et de sourires. Les vingt-six histoires illustrant les lettres de l’alphabet sont totalement rocambolesques, dans le plus pur style de l’auteur qui aime l’absurde, le loufoque et les chutes improbables. Des histoires nées parfois de mots ou d’expressions qui semblent n’avoir aucun lien, ou presque. Le jeu au sein des histoires se fait également sur les sonorités ou la volonté de faire des phrases avec un maximum de mots comprenant la lettre que l’auteur veut illustrer. Ce qui permet ainsi une belle inventivité et ajoute à l’humour de l’album.

Quant aux illustrations, elles sont toujours aussi réussies, mêlant dessin, peinture et éléments photographiques. J’adore le trait d’Oliver Jeffers, ses personnages très expressifs, ses objets détaillés, ses animaux hallucinés. Je me régale à chaque fois de tous les éléments de l’image, les petits dialogues de personnages qui contribuent aussi au côté barré de son univers.

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Il était une fois l’alphabet est un magnifique album, un abécédaire original et carrément indispensable à toute bibliothèque ! Il trône déjà sur celle de Bob avec sa couverture orange pétante (et pas rose malgré ce que laisse penser l’image de couverture sur le net). Vous êtes convaincus, maintenant ? 😛

Il était une fois l’alphabet, Oliver Jeffers (Kaléidoscope)
disponible depuis le 16 septembre 2015
9782877678636 – 19€
à partir de 6 ans

Son
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Le livre de toutes les réponses sauf une – Manon Fargetton

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Cette année, Bérénice entre dans un nouveau collège et, comme à chaque fois, son nom de famille – Lamort – provoque les moqueries. Mais cette fois, il y a une autre élève au nom étrange : Pandora Hurlevent, qui sait supporter les ricanements. Les deux jeunes filles vont vite se lier d’amitié, à laquelle va se joindre Lazare. Un trio qui va partager ses rêves et ses confidences chez Bérénice…jusqu’au jour où c’est au tour de Pandora d’accueillir son amie chez elle…

★★★★☆

Déjà connue pour ses romans de fantasy ou ses thrillers chez Rageot, Manon Fargetton s’adresse ici à un lectorat un peu plus jeune pour une histoire qui mordille la frontière du fantastique. On y retrouve trois personnages, trois ados un peu en marge des autres, dont on se moque à cause de leurs noms un peu spéciaux ou de leur orientation sexuelle. Mais au-delà des notions de harcèlement, c’est surtout l’amitié qui prime, les liens qui se créent entre chaque personnage. Et notamment ceux de Bérénice et Pandora. Issues de familles originales (monde du spectacle pour Bérénice, histoire et archéologie pour Pandora), il était évident que les deux jeunes filles ne pouvaient qu’être amies. Pourtant, une différence sociale va les séparer un certain temps, jusqu’à ce que Pandora accepte d’inviter Bérénice chez elle, dans un manoir à l’écart de la ville, avec chauffeur, cuisinière et tableaux de maîtres. Mais le plus intéressant chez les Hurlevent, c’est la bibliothèque. Une bibliothèque magnifique qui referme un ouvrage millénaire, un livre capable de répondre à toutes les questions…sauf une. Sauf celles qui commencent pas « pourquoi ? »… Pourtant, Bérénice n’a que des questions de ce type à la bouche, car elle cache un lourd secret, qu’elle a confié à son amie qui pense que le livre lui permettra de soulager son cœur. Mais c’est tout le contraire qui se passe…
Sans vous en dire plus sur l’histoire, qui se découvre véritablement au fil des pages, Le livre de toutes les réponses sauf une est un très joli roman qui mélange une variété de thématiques sans pour autant tomber dans le fourre-tout. Un peu de suspense, des amitiés qui se nouent et se dénouent, des éléments fantastiques, des secrets et pas mal de références. Mais aussi une façon de gérer un deuil, de se construire ou se reconstruire. Une belle évocation de relations familiales, en somme. L’écriture de Manon Fargetton est tout en douceur, et la pointe de magie sert parfaitement le propos plutôt grave évoqué dans l’histoire. Je regrette peut-être juste que le mystère archéologique ne soit pas résolu, j’aurais été bien curieuse de découvrir l’hypothèse de l’auteure. 😛

Le livre de toutes les réponses sauf une, Manon Fargetton (Rageot)
disponible depuis le 16 septembre 2015
9782700247886 – 6,45€
à partir de 11 ans

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Les 3 exploits de Till l’espiègle – Lechermeier & Doremus

TillLespiegleLa naissance de Till est loin de représenter un heureux événement dans la bourgade de Groskrôtmemehr. Ne cherchant pas plus loin que le bout de leur nez, tous les malheurs qui coïncident avec sa venue au monde lui sont reprochés par les habitants. Quelle misère d’avoir tout un village sur le dos ! (dédicace à Jean-Loup, qui combat toujours le rhume). Au bout du ènième quolibet, c’en est trop, Till décide de partir non sans se venger au préalable de toutes ces viles personnes l’ayant molesté…Farces à tous de bras, coups de bâton de la vie, stupeur, rires sincères et un Till déculotté vous attendent dans ce roman au trois exploits bien rythmés.

Quand Les Fourmis rouges s’attaquent à un classique germanique, ça nous inspire.
Ce livre est un spectacle à lui tout seul. Philippe Lechermeier à qui l’on doit Lettres à pattes et à poils ainsi que de nombreuses collaborations avec Rebecca Dautremer, joue habilement avec les figures de styles rendant l’histoire instructive et intelligente tout en conservant l’humour impétueux de la légende. A la manière de Monsieur de La Fontaine, il manipule la morale et possède la plume acerbe de Jean De La Bruyère (des copains à lui sans doute). Quant à Till, il a au premier abord la naïveté légendaire du héros de Voltaire : Candide avant de muer en un Maître Pathelin plus malin et plus insolent que jamais. Les aventures de Till peuvent paraître calamiteuses mais l’ingénuité qui l’habite disparaît rapidement pour laisser place à un subtil comique de situation. Seule sa méconnaissance de la vie lui joue quelques tours qu’il déjoue avec aisance. Futé, Till comprend vite qu’on est jamais mieux servi que par soi-même. Parlons un peu de la qualité des illustrations de Gaëtan Dorémus : animaux personnifiés et expressions faciales du plus bel effet ! Chaque héros possède un trait particulier croqué avec exagération par notre artiste : le ton est donné, cela donne du relief et met en valeur la qualité ou le défaut du personnage avec aisance. Pour Till, c’est la folie et la bêtise, la vilaine voisine la cupidité, la stupéfaction pour le bourgmestre…

"Till, sans distinguer Dulcinée de l'animal, Embrassa le museau du cheval"

« Till, sans distinguer Dulcinée de l’animal, Embrassa le museau du cheval »

Ce roman est une pure satire, très appréciable par sa légère décadence ainsi que la mise en boîte des personnages. L’originalité de la version des Fourmis Rouges tient dans cette prose mordante qui laisse un goût facétieux dans la bouche. Peuplé de calembours et de jeux de langues, lire à haute voix un texte comme celui-ci vous donne envie de découvrir des romans aux personnages espiègles ou relire des classiques du théâtre comique médiéval. Je suis extrêmement jalouse du duo que forment Philippe Lechermeier & Gaëtan Doremus : je n’ai jamais connu aussi belle symbiose avec Bob, j’ai bien les boules de l’avoir comme partenaire 🙂

Les 3 exploits de Till l’espiègle, Lechermeier & Doremus (Les Fourmis rouges)
en librairie le 17 septembre 2015
9782369020448 – 14€
à partir de 8 ans

Quand les Fourmis Rouges nous donnent envie de zoomer sur…

Le rôle de la farce

La farce, pièce comique qui présente des situations et des personnages ridicules où règnent tromperie, équivoques, ruses, mystifications.

C’est une affaire de punition des esprits sournois ou des gens enclins à la méchanceté. A l’ère médiévale , la farce était utilisée pour se moquer des Grands, des plus riches et des puissants. Généralement, les victimes sont présentées comme ridicules, malveillantes et légèrement – voire complètement stupides (Till est un bouc émissaire qui a priori ne ferait pas de mal à une mouche). La logique veut que leurs bourreaux soient roulés dans la farine. Toute la beauté de la farce réside dans cette justice que l’on attend avec impatience en faveur des plus démunis et notre esprit sadique demande réparation avec une humiliation digne de ce nom. Plus c’est ridicule, mieux c’est ! Dans la farce, le plus niais et victimisé des personnages est celui auquel s’attendent le moins les tourmenteurs. Ils sont généralement prétentieux, idiots, dénués de réflexion, affabulateurs, cyniques, narcissiques et l’appât du gain les attire. Plus dure sera leur chute, mais plus drôle elle sera pour nous, spectateurs de leur déchéance.

Les figures de style de Philippe

Il semble important de souligner l’intérêt de la répétition des figures de style dans ce roman, d’autant que l’auteur sait manipuler la rime, place quelques paronomases (figure de style reposant sur la ressemblance phonétique entre deux termes) et nous invite à jouer tout comme lui avec les mots :

Le jour où Till fut expulsé du ventre de sa mère, 
on comprit que c'était là événement extraordinaire

Il met en valeur l’obsession des habitants sur la malédiction que représente Till avec des anaphores (reprise du même terme) :

Qu'il fasse trop chaud ou trop froid,
Qu'il fasse trop sec ou trop pluie,
Que le pâté ne soit pas frais...

A chaque fois qu’une accumulation de termes facétieux  est utilisé, c’est pour souligner le chaos que Till propage :

Et pif dans le popotin !
Et paf dans le baba !
Et pan dans la pastèque !
Et pim dans le tutu !

(notons au passage l’emploi des onomatopées, habile et illustrant à la perfection le geste du coup de pied dans le derrière).
Toute les figures de style présentes donne une expressivité originale au texte, jouant sur le sens des mots et leur sonorité. Un procédé d’écriture qui sied parfaitement à cette légende germanique du XVème siècle. On applaudit avec tout ce qu’on peut – les deux mains, deux pieds, deux fesses – l’auteur pour son usage habile et drôle de la langue française.

Compléments de lecture

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 Les aventures de Till l'espiègle
collection Etonnantissimes, Flammarion
9782081272118
 La farce de Maître Pathelin 
collection Folio Junior, Gallimard jeunesse 
9782070631315
 Farces et fabliaux du Moyen-Age (adaptés pour le théâtre) 
collection Médium poche, EDL
9782211026031
 Opération farceuses 
Roddy Doyle, Gallimard jeunesse
9782070545797
 Sept farces pour écoliers 
Pierre Gripari, Grasset Jeunesse
9782246786986
 Huit farces pour collégiens
Pierre Gripari, Grasset Jeunesse
9782246786986
 Les farces d'Emil 
Astrid Lindgren, Ldp Jeunesse
9782012490109
 Max et Moritz 
Wilhelm Busch, collection Mouche, EDL
9782211078054

Le saviez-vous ?
Le personnage de Till inspirera un poème symphonique à Richard Strauss, célèbre compositeur allemand