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Dans la cité électrique, Le cercle des veilleurs – Sarah Andrès

Oscar et sa soeur Livie Addington ont toujours habité dans une chic pension londonienne. D’aussi loin qu’Oscar se souvienne, l’établissement a toujours été sa maison, sa soeur son unique famille et le nom de sa défunte mère son seul lien avec son passé. Mais le jour de ses 12 ans, Oscar se voit remettre par le directeur une drôle de boîte contenant une montre ainsi qu’une lettre lui quémandant de traverser un miroir. Rien que ça !

Dans ce premier tome, à l’atmosphère steampunk, Oscar et Livie, vont se retrouver dans un Londres parallèle, appelé Londonium. Dans cette ville il ne faut pas se fier aux apparences : ici l’électricité est une arme et la lumière permet de créer des illusions aussi fantastiques que réelles. Cet univers très original, Oscar le découvre grâce aux Veilleurs. Ce regroupement de scientifiques, dont sa mère faisait partie, voyagent entre les mondes. Petit à petit, Oscar va en découvrir plus sur sa famille et sur les pouvoirs qu’apporte la science de la lumière. Mais, pour une mystérieuse raison, le dirigeant de la ville Sir Alexander s’intéresse beaucoup à Oscar et à sa soeur.

L’univers de La cité électrique est foisonnant et très complexe : complots, faux-semblants, mystères, secrets… ce premier tome est source de beaucoup d’interrogations. Certains rebondissements (sur la fin) sont dignes d’excellentes séries fantastiques… on sent que l’autrice sait parfaitement où elle veut nous emmener ! Le personnage de la petite soeur est à croquer, elle fait bêtises sur bêtises, aime regarder les livres à l’envers, colle des mouches sur son herbier. C’est une bouffée d’air frais dans ce monde que l’on imagine très sombre.

Ce roman faisait partie des trois finalistes du concours du premier roman organisé par Gallimard Jeunesse – RTL – Télérama en 2018. (A l’époque c’était Kamel Benaouda qui avait remporté le concours avec Norman n’a pas de super pouvoirs.) Ce récit d’aventures merveilleux dans un Londres rétro-futuriste n’a donc pas fini de parler de lui puisqu’il est annoncé comme le premier tome d’une trilogie ! Avis aux très bons lecteurs et amateurs de steampunk !

« Quand tout va mal, que vous n’avez sauvé personne, que vous êtes dans de sales draps, prisonnier dans un monde étrange, loin de chez vous, faire la fête pour oublier vos problèmes peut paraître une bonne solution. »

Dans la cité électrique, t.1 Le cercle des veilleurs, Sarah Andrès (Gallimard Jeunesse)
disponible depuis le 10 mars 2022
9782075148368 – 16€
à partir de 12 ans
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Les histoires ça ne devrait jamais finir – Esmé Planchon

Zora tient un blog consacré à l’univers de la saga littéraire des Mondes Invisibles de Maria Zumaï. Zora est une des autrices de fanfictions les plus lues des forums de fans, c’est une référence dans la communauté. Mais dans la vraie vie, en dehors d’Internet, Zora s’appelle Lucien, c’est un adolescent de 16 ans, timide et renfermé. Il aime se promener seul dans ses pensées autour d’un lac, lire et re-re-re-re lire les romans. Sa vie ne tourne qu’autour de ces livres. Jusqu’au jour où une annonce va bouleverser les lecteurs des Mondes Invisibles, un tremblement de terre. La série va rester inachevée, le quatrième tome tant attendu ne verra jamais le jour ! Lucien décide, en compagnie de deux fans, de mener l’enquête pour découvrir l’identité de Maria Zumaï afin de la supplier d’offrir aux fans la suite.

Imaginez si J.K Rowling avait arrêté Harry Potter au sixième tome ? Ou une autre de vos sagas préférées ? De quoi donner des sueurs froides aux lectrices et lecteurs que nous sommes ! Depuis ses dix ans, la vie de Lucien tourne autour de ces romans. »S’il y avait eu des biscuits Maria Zumaï, je me serais sûrement nourri exclusivement de ça. » dit-il. Lucien préfère la fiction à la réalité. Sa vision du monde est douce, mélancolique et douloureuse. Si Lucien est toujours plongé dans cette saga c’est en mémoire de son meilleur ami Max. Max avec lequel il a découvert cette saga et qui est décédé à l’âge de 12 ans. Cette année là, les yeux de Lucien, d’un bleu lumineux, ont foncé vers un bleu plus sombre.

Ce roman c’est de la poésie brute, c’est de l’amour pour les livres mais aussi pour la vie. Ce sont des personnages complexes, si loin des préjugés, toutes en nuances de couleurs. C’est un hommage à tous les livres lus sous la couette, à tous les livres relus, à toutes les conversations autour de la lecture avec une boisson chaude, à toutes les histoires qui nous aident à nous construire et à nous déconstruire, à tous les lecteurs.

La prose de l’autrice Esmé Planchon est douce, onirique, d’une justesse touchante. Elle est une magicienne des couleurs. C’est admirable, poétique tout en gardant les pieds sur terre et la tête dans les nuages. Les pensées de Lucien vagabondent telles la plume de l’autrice. Etre témoin de sa transformation douce et profonde est un pur bonheur. On resort de ce livre avec l’envie de sourire à sa bibliothèque, pleine de gratitude.

J’aimerais vous inviter à plonger dans ce roman comme l’on plonge dans un lac, un beau jour d’été, en sachant que cela nous fera du bien. Outre l’écriture sublime, le monde de la littérature, les personnages attachants, l’enquête fascinante pour retrouver la trace de l’autrice anonyme, on trouve aussi une romance distillée dans les chapitres. Une histoire d’amour maladroite, irrésistible, qui fera fondre les petits coeurs. Cette idylle permettra à Lucien de faire éclore son identité queer et de concilier ses personnalités avec sensibilité. Vous l’aurez compris, ce roman est un coup de coeur 💙.

Les histoires, ça ne devrait jamais finir, Esmé Planchon (Bayard)
disponible depuis le 9 mars 2022
9791036335846 – 13,90€
à partir de 12 ans
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Gallant – V. E Schwab

La jeune Olivia Prior est à l’orphelinat de Merilance depuis toujours. Cette sinistre institution ne ressemble en rien à un foyer. Muette de naissance, Olivia y est persécutée. Personne ne connait la langue des signes, elle est coincée dans son propre monde, solitaire. Seuls des fantômes lui tiennent compagnie… Tout ce qu’elle sait de son histoire lui vient du journal intime de sa mère, avant que celle-ci ne sombre dans la folie. La folie est-elle contagieuse ? Qu’est-il arrivé à son père ? Les derniers mots de ce précieux carnet sont « Tu seras à l’abri tant que tu ne t’approcheras pas de Gallant »…Qu’est-ce que cela signifie ? Un jour, l’orpheline apprend qu’un oncle l’a enfin retrouvée et l’invite à venir vivre dans le domaine familial de Gallant. Olivia n’hésite pas une seconde à s’y rendre. Elle veut fuir cet orphelinat, découvrir son passé ; peut-être avoir une famille ? Cependant, à peine arrivée, Olivia découvre que son oncle n’a jamais pu lui écrire car il est décédé ! Son cousin Matthew lui ordonne de fuir sans explication aucune…

Faut-il encore présenter V. E Schwab ? Reconnue pour La vie invisible d’Addie Larue et de Cassidy Blake elle est une autrice phare du catalogue de Lumen et trouve parfaitement sa place dans les rayons de fantasy / fantastique. C’est donc avec beaucoup d’attente que Lisette s’est jetée dans la lecture de ce roman, qu’elle a dévoré en deux jours ! Mais il y a un mais…

Lisette est très embêtée pour ce livre, elle aurait aimé adopter Olivia et l’univers de Gallant mais ce ne fut pas le cas. Cependant si vous êtes amateurs de romans gothiques, d’ambiance sombre… ce livre est écrit pour vous ! Surtout que beaucoup d’atouts feront, nul n’en doute, plonger les jeunes lecteurs et lectrices dans une lecture frénétique (telle Lisette happée par le rythme parce que oui on veut connaître la suite des aventures !)

Si on se penche sur les personnages, Olivia est têtue, muette, orpheline, voit des goules (les fantômes) mais son personnage reste peu attachant (contrairement à Addie dans son livre précédent). Voir Olivia se battre contre les secrets et le silence étouffant donnent envie de crier pour elle. Elle va devoir déterrer seule secret après secret pour comprendre ce qu’il se passe dans la maison. Le reste du casting est assez mince can on rencontre seulement le cousin Matthew et un couple de domestiques.(J’aurai aimé que plus de temps soit consacré au développement de ce duo). Le personnage le moins convaincant reste le « méchant » (nous dirons cela pour ne pas trop spoiler), celui-ci est trop terne, simpliste et peu crédible en tant que représentant du dernier soupir.

Lisette tire son chapeau à l’autrice, pour sa capacité à créer l’attente et l’envie furieuse chez le lecteur de tourner les pages. Elle a lu le livre d’une traite voulant connaître la suite dare-dare. Une fois le livre terminé, c’était un capharnaüm sans nom dans sa tête. Un mélange de « oh! C’est touchant » et « mon dieu tout ça pour ça ». Niveau style, il comporte malheureusement beaucoup de répétions : ça chuchote à toutes les pages, les secrets abondent et les ombres s’entremêlent à tous les chapitres. Le texte oscille maintes fois entre le monologue intérieur d’Olivia et le journal intime de sa mère. Cette alternance continuelle nuit au rythme de l’histoire.

Ce roman se range à côté du Passage du diable d’Anne Fine dans le coeur de Lisette (il y a des similitudes intéressantes : les maisons, l’ambiance gothique, un côté diabolique). Il faut souligner la beauté de l’édition de Lumen. Les illustrations fantomatiques qui ponctuent les chapitres, de manière très juste, nous plongent dans l’ambiance. Bref, vous l’aurez compris Lisette est partagée. Elle reconnaît toute l’ingéniosité de l’autrice mais les portes de Gallant ne se sont pas ouvertes pour elle. Et vous chers lecteurs, qu’en avez-vous pensé ? N’hésitez pas à nous donner votre avis en commentaire ou message privé !

Gallant, V.E Schwab (Lumen)
disponible depuis le 10 mars 2022
9782371022805 – 16 €
à partir de 13 ans
Son
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Sous-sol – Martine Pouchain

A cause d’une catastrophe à l’échelle de la planète, toute vie a été anéantie. Avec ses parents et sa sœur, Leslie s’est réfugiée dans le sous-sol de leur maison, attendant le moment où il sera possible de revenir à la surface, où les Elus comme elle et sa famille pourront reprendre possession du monde et le façonner à leur image. Mais l’attente est longue pour deux jeunes filles qui rêvent d’un avenir grandiose…

Enfermée dans le sous-sol de leur maison depuis qu’elle a quatre ans, Leslie ne se souvient pas de grand-chose du monde d’Avant. Seules les histoires racontées par son père et les horribles photos sur le mur pour se souvenir de l’apocalypse lui permettent de se rappeler, peut-être, quelques éléments de ce monde que les bombes et les virus ont dévasté. Avec sa grande sœur Amy, elles n’ont plus que quelques livres de contes, et notamment celui de Rapunzel (Raiponce), pour occuper leurs journées monotones dans cet espace confiné tandis que seul leur père remonte à la surface – avec un masque – pour cultiver leur potager dans une serre protégée. Alors que les années passent et que les filles grandissent, leur impatience de retourner En Haut se fait de plus en plus grande. Et lorsque la puberté arrive pour Amy, la fébrilité est à son comble. Mais leur père ne cesse de leur expliquer que le moment n’est pas encore venu, que le monde est toujours aux prises de loups dégénérés, et qu’il faut encore attendre. Mais combien de temps encore ? Alors qu’Amy tient tête à son père et que sa mère perd espoir, Leslie tente de garder la tête froide mais les choses ne se passent pas aussi bien que le père le voudrait…

Dans ce court roman aux accents post-apocalyptique dont il est bien difficile de vous parler sans vous révéler le fin mot de l’histoire, sachez en tous cas que Martine Pouchain ne manquera pas de vous rappeler ces sensations parfois étouffantes du confinement pour une mise sous tension très réussie. Le dénouement pourra vous surprendre ou pas du tout et aura peut-être un goût de trop rapide (c’est le cas pour moi) mais tout le développement de l’histoire est captivant. Car il est avant tout question de comment s’articule un groupe de personnes, une famille, dans un environnement aussi resserré et accablant, comment on grandit dans cet espace où il n’y a jamais de nouveauté, jamais de stimulation extérieure, seulement la solitude et l’entre-soi, la croyance d’un paradis qui s’ouvrira pour une poignée d’élus. C’est fascinant et glaçant, et bien plus encore lors de la résolution et de la note de l’autrice en fin d’ouvrage. Diablement efficace !

Sous-sol, Martine Pouchain (Sarbacane)
collection Exprim’
disponible depuis le 2 février 2022
9782377317219 – 16€
à partir de 13 ans
Son
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Enterrer la lune – Andrée Poulin

Dans un petit village en Inde, Latika déteste la Lune. Car elle est la raison pour laquelle elle et toutes les autres filles et femmes de son village sont obligées d’aller dans le champ de la Honte. Elle est la raison pour laquelle sa grand-mère est alitée, pour laquelle sa tante pleure tout le temps et pour laquelle les filles ne peuvent plus aller à l’école une fois qu’elles sont devenues femmes… Alors lorsqu’un représentant du gouvernement, M. Samir, se présente dans son village, Latika est prête à briser les tabous pour concrétiser une idée qui changera sa vie.

Ce champ de la Honte, c’est celui dans lequel Latika et les autres femmes du village sont contraintes de faire leurs besoins. Car il n’existe pas de d’installations sanitaires, comme pour 4 milliards d’autres personne dans le monde (un chiffre ahurissant !). En plus du manque d’hygiène, d’intimité, les risques sont grands pour ces filles qui doivent attendre la nuit pour se soulager en secret. Comme pour sa grand-mère qui est alitée à cause d’une piqûre de scorpion dérangé pendant la nuit, ou sa tante qui a perdu son bébé à cause de la fièvre et du manque d’hygiène. Alors Latika déteste la nuit, cette Lune qui l’éclaire si faiblement pendant qu’elle doit se cacher pour accomplir un besoin qui semble si simple et évident et lui enlève sa dignité, ce champ qui est le symbole de cette honte que les femmes doivent cacher et accepter sans rien dire, cette inégalité qui la sépare des garçons, qui l’empêchera de poursuivre ses études à l’école lorsqu’elle atteindra la puberté. Pour raconter cette injustice, Andrée Poulin a choisi le vers libre, une succession de textes courts et poétiques qui disent la honte, la colère, la pudeur et la détermination de cette jeune fille courageuse et idéaliste qui profitera de la venue de M. Samir pour oser prendre la parole et demander des toilettes pour toutes les femmes de son village.

Un texte subtil et délicat merveilleusement illustré par l’illustratrice indienne Sonali Zohra. Des couleurs chatoyantes et vibrantes, avec une dominante du violet, qui illuminent complètement ce récit plein d’espoir. Un roman qui permettra également de prendre conscience de ces privilèges qui nous semblent acquis, mais ne le sont pas pour toutes et tous.

Enterrer la lune, Andrée Poulin, illustré par Sonali Zohra (Alice Jeunesse)
collection Deuzio
disponible le 10 février 2022
9782874264801 – 14€
à partir de 10 ans
Son
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Les étincelles invisibles – Elle McNicoll

Addie est autiste. Cette année, Mlle Murphy, son enseignante, lui montre autant de mépris que certains autres élèves qui se moquent de sa différence. Le jour où, lors d’un cours d’histoire, il est question de femmes exécutées à l’époque de la chasse au sorcière dans sa ville d’Ecosse, Addie est bouleversée. En se renseignant sur ces femmes qu’on appelait sorcières, elle réalise qu’elle a peut-être beaucoup en commun avec elles. Addie décide alors de mener une campagne pour que la ville honore par un monument ou une plaque commémorative ces femmes injustement traitées.

L’affirmation de soi, le droit à la différence, l’acceptation de l’autre, autant de thèmes que l’on retrouve dans ce roman d’une grande sensibilité. Elle McNicoll, elle-même autiste, se nourrit sans aucun doute de sa propre expérience pour nous offrir le personnage d’Addie, jeune écolière pour qui les lumières trop fortes ou la lecture des visages peuvent être une difficulté dans la vie de tous les jours. Passionnée par les requins, grande lectrice et toujours fourrée à la bibliothèque de l’école ou à la librairie (avec un très chouette bibliothécaire et une super libraire en prime – tout ce qu’on adore !), Addie a besoin d’aller toujours au fond des choses quand un sujet l’intéresse et ne se promène jamais sans son thésaurus offert par sa grande sœur Keedie, autiste elle aussi. Ainsi, lorsque le passé de la petite ville de Juniper (pas loin d’Edimbourg) est abordé en classe, et que Addie découvre le sort réservé à une cinquantaine de femmes du village voilà quelques siècles, il lui faut tout savoir pour comprendre comment une telle chose a pu se produire. Et Elle McNicoll réussit très finement à faire le parallèle entre l’autisme d’Addie et les raisons qui ont pu conduire une population à exécuter des femmes innocentes. Car sans doute étaient-elles elles aussi « différentes », autistes ou neuroatypiques. La volonté d’Addie à réhabiliter ces femmes, et à inciter les autorités de sa ville à rendre hommage aux victimes par le souvenir, va être le fil rouge de cette histoire qui s’intéresse aussi aux relations qu’Addie a avec sa famille, notamment ses sœurs (ses parents sont plutôt laissés de côté et c’est peut-être le seul point noir du roman), ses amies (ancienne et nouvelle) et surtout sa maîtresse, personnage particulièrement détestable.

Malgré la violence des propos ou des actes de la maîtresse ou des camarades de classe d’Addie, Les étincelles invisibles est un très beau roman, délicat et lumineux, qui invite à la tolérance et à prendre conscience que le monde n’est pas conçu pour tous.tes et que certain.es le perçoivent différemment. Eclairant et passionnant, le roman ne manquera pas de vous toucher au cœur grâce à ce personnage si fort, si juste et si attachant. Une très belle découverte et un très beau texte sur l’autisme.

Les étincelles invisibles, Elle McNicoll, traduit par Dominique Kugler (L’école des loisirs)
collection Médium
disponible depuis le 15 octobre 2021
9782211001861 – 13,50€
à partir de 12 ans
Son
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Les Monstres de Rookhaven – Pádraig Kenny

Dans un étrange manoir perdu au milieu de la forêt vit Mirabelle, une jeune fille à la famille très…particulière ! Son oncle Bertram se transforme en ours, sa tante Eliza a le corps composé d’araignées, Olibrius est lui capable de former des portails pour aller où il veut dans le monde…bref, tout ce monde a bien d’étranges pouvoirs. Car, en réalité, ce sont des monstres ! Il y a des années, ils ont conclu un Pacte avec le village de Rookhaven pour faire cesser la traque dans les deux sens : en échange d’un approvisionnement régulier, les monstres épargneront leurs voisins. Mais voilà que deux orphelins, Jem et Tom, arrivent soudainement au manoir…

Et les ennuis commencent ! Tout d’abord car, si deux jeunes humains sont arrivés au manoir, c’est que la barrière magique qui le protège est endommagée ! Ensuite parce que l’existence des monstres est censée être plutôt secrète. Et enfin car ces petits humains pourraient bien découvrir le membre le plus monstrueux – et le plus dangereux ! – de la famille. Mais ce n’est que le début de la menace qui pèse sur Mirabelle et sa drôle de famille dans ce premier tome d’une duologie qui s’annonce passionnante ! Dans une ambiance entre Miss Peregrine et les enfants particuliers (pour le côté intemporel, bulle hors du monde/du temps) et La famille Addams, Pádraig Kenny nous invite à voir les monstres sous un jour nouveau ! Et c’est surtout grâce à Mirabelle et sa sensibilité, les secrets dont elle est entourée, que va se révéler peu à peu la vraie nature des monstres, mais aussi celle des humains. Car vous commencez à le savoir, en littérature jeunesse, les monstres ne sont pas toujours ceux que l’on croit ! Et Pádraig Kenny le confirme dans cette histoire de tolérance et de famille aux très beaux personnages (je suis personnellement très touchée par Goret que je vous laisse le soin de découvrir…), magnifiquement et abondamment illustrée par Edward Bettison.

Une ambiance gothique, légèrement horrifique et un antagoniste particulièrement flippant font des Monstres de Rookhaven un roman diablement savoureux pour tous ceux qui aiment frissonner mais aussi s’attacher à des « outsiders ». Car le roman est également très émouvant, dans la dynamique des relations entre chaque membre de la Famille, dans ce sentiment de Mirabelle d’être différente des autres. Mais aussi du côté des humains où une guerre (qu’on imagine peut-être être l’une de celles qui ont marqué l’Europe au siècle dernier) a fait des ravages bien plus monstrueux que ceux que l’on affuble de ce nom et qui donne aux personnages humains de l’histoire (Jem et Tom en tête, mais d’autres également), une profondeur inattendue dans cette « histoire de monstres ». Un premier tome qui nous donne en tous cas très envie de découvrir la suite (même s’il peut se suffire à lui-même) et le fin de mot de l’histoire sur les origines de Mirabelle.

La bande annonce du livre !

Les Monstres de Rookhaven, Pádraig Kenny, traduit par Julie Lafon (Lumen)
disponible depuis le 20 janvier 2022
9782371023291 – 16€
à partir de 11 ans
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Leur sang coule dans tes veines – Rachel Burge

Depuis qu’elle a eu un accident qui l’a rendue borgne, Martha peut lire les émotions d’une personne à travers ses vêtements. Souhaitant comprendre ce don étrange, elle décide de retourner là où l’incident s’est produit chez sa grand-mère en Norvège. Elle pourra peut-être lui expliquer l’incident dont elle n’a aucun souvenir et cet étrange pouvoir. Sauf qu’en arrivant, un inconnu occupe la maison et lui apprend que sa grand-mère est décédée… Qui est ce jeune homme ? Pourquoi sa mère ne l’a pas prévenue du décès ? Quelles sont les ombres étranges qui gravitent autour de l’arbre dont elle tombée ?

Voici une histoire qui ne nous laisse pas une seconde de répit. Et pour un premier roman, le rythme est admirable, attention vous risquez de ne pas lâcher ce livre !

Nous sommes enfermés avec Martha et l’inconnu dans cette cabane isolée, entourée par une nature menaçante. Plus Martha découvre qui était sa grand-mère, plus elle comprend qu’elle est l’héritière d’une lignée de femmes très puissantes. Une famille dont l’histoire est tissée avec brio dans la mythologie nordique. Son aïeule ne serait autre que la gardienne de la porte du royaume des morts et suite à son décès, des âmes affolées s’échappent dont une créature féroce, assoiffée de mort…

En plus d’accueillir l’émergence de sa faculté à lire les vêtements, Martha doit conjuguer avec le deuil et l’acceptation de son visage défiguré par l’accident. Sans jamais basculer dans le genre horreur, il y a des chapitres qui ne manqueront pas de vous faire frissonner. Pour conclure – et ne pas risquez de trop vous en dire – retenez que ce roman est un savoureux mélange entre mythologie nordique et fantasy. L’atmosphère est envoûtante, un brin horrifique !

Note : un deuxième tome est prévu, mais vous pouvez vous arrêter là car l’histoire se suffit à elle-même. Vous risquez cependant d’avoir envie de lire la suite quand même !

Leur sang coule dans tes veines, Rachel Burge, traduit par Corinne Daniellot (Casterman)
disponible depuis le 5 janvier 2022
9782203224247 – 16 €
à partir de 15 ans
Son
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Mauvaises graines – Benoît Minville

Vasco, trente ans, vit de petits boulots sur la côte portugaise. Pendant les vacances d’été, il retrouve par hasard une ancienne camarade de classe, Mélissa, dont il était aussi fou amoureux. Prof de français en région parisienne, elle gère aussi le club de futsal mixte de la ville qui a vécu un gros bouleversement au printemps dernier et se trouve aujourd’hui dans la tourmente. Sur un coup de tête, Vasco lui propose de devenir le coach de l’équipe…

Après Les belles vies, quel plaisir de retrouver Vasco et son bagout, une bonne douzaine d’années plus tard, confronté à un nouveau défi de vie. Et encore plus de retrouver Benoît Minville dans le registre de la comédie sociale après l’aventure fantastique et horrifique de Héros. C’est donc au Portugal que l’histoire commence, où Vasco vivote un peu difficilement, jonglant entre son caractère de cochon et la précarité. Son projet de vie ? Pas loin du néant. Alors quand il retombe sur Mélissa, et que vient l’idée de coacher son équipe des Furyôs, ses projets prennent un tournant conséquent. D’abord parce qu’il va falloir rentrer au bercail (et retrouver sa mère), ensuite parce qu’il va falloir reprendre une formation (coach ne s’improvise pas), mais surtout parce qu’il va falloir relever une équipe de jeunes qui s’est cassé la figure bien comme il faut (et dont la moitié du groupe a tout bonnement abandonné le navire). Et, au passage, tenter peut-être de déclarer enfin sa flamme à Mélissa… Bref, notre Vasco a du pain sur la planche mais, assurément, rien ne va entamer son énergie débordante et les « mauvaises graines », c’est bien un truc qu’il connaît !

C’est LE roman de la bonne humeur pour commencer ce début d’année avec panache et optimisme. Dialoguiste génial, Benoît Minville nous régale de son écriture furieusement rythmée, drôle et d’une grande justesse d’émotion. Si le récit se concentre beaucoup sur Vasco, les jeunes de l’équipe des Furyôs prennent progressivement le lead, nous permettant ainsi de découvrir ces ados, leurs histoires personnelles et leurs espoirs, pour nous les rendre aussi attachants qu’ils vont le devenir pour leur nouveau coach. Que celles et ceux qui n’aiment pas le foot (en salle ou à l’air libre) se rassurent : malgré les nombreuses scènes de matches qui rythment le roman, celles-ci ne sont jamais inutiles et, avec toute l’intensité et la passion que Benoît Minville met dedans, elles sont ainsi le révélateur de ce qui se joue aussi en dehors du terrain entre les ados, des valeurs qui animent chacun d’entre eux et que le sport tend à leur apporter.
Mauvaises graines, c’est un roman vivant et généreux, sur la force du collectif et de l’amitié, sur la passion et l’envie de se surpasser, aux personnages profondément justes et attachants. Une véritable bouffée d’air frais ! Go, Furyôs, go !

Mauvaises graines, Benoît Minville (Sarbacane)
collction Exprim’
disponible depuis le 6 octobre 2021
9782377317158 – 17€
à partir de 13 ans
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All Our Hidden Gifts – Caroline O’Donoghue

Maeve Chambers est une lycéenne médiocre de son école privée irlandaise. Lors d’une punition où elle doit nettoyer un cagibi encombré de vieilleries, elle découvre un jeu de tarot divinatoire et se révèle plutôt douée pour tirer les cartes. Maeve devient alors une véritable attraction pour ses camarades, jusqu’à ce que son ancienne meilleure amie Lily lui demande une lecture. Lorsque Lily tire une carte inconnue, la rencontre tourne à la dispute et, le lendemain, Lily a disparu… Avec l’aide de Fiona, fascinée par la perspicacité de Maeve et de Roe, le frère de Lily, Maeve va tout faire pour la retrouver.

Quel délice que ce roman qui oscille entre réel et fantastique, étirant délicatement la fine ligne qui les sépare. Il y a un côté The Craft assez évident (pour celleux qui avaient adoré le film) qui nous emmène à la découverte de la sorcellerie moderne et d’un groupe de jeunes gens en questionnement sur leur identité. Maeve, le personnage principal, est particulièrement attachante dans son rôle de petite dernière de la famille, se trouvant moins bien que ses frères et sœurs qui ont réussi alors qu’elle a du mal dans ses études, ou même à avoir une passion. Jusqu’à ces cartes de tarot qui montrent son acuité à comprendre les autres et à toucher juste quand elle leur lit les cartes. Un “don” qui pourrait bien se révéler plus dangereux que prévu…

Mais l’originalité de ce récit tient aussi du lieu de l’intrigue, l’Irlande contemporaine, où le poids de la religion catholique reste bien présent (il y est question du combat des irlandais.es pour le mariage pour tous, le droit à l’avortement, etc.), mais où le folklore a aussi toute sa place. Caroline O’Donaghue réussit ainsi parfaitement à mêler tous ces sujets de société à son intrigue relevant presque du thriller ésotérique.
On est donc complètement pris par ce récit passionnant au doux parfum de chronique adolescente matinée de magie wiccane. Une belle surprise.
A noter qu’il s’agirait d’un tome 1 mais que l’histoire se suffit à elle-même !

All Our Hidden Gifts, Caroline O’Donoghue, traduit par Christophe Rosson (La Martinière Jeunesse)
disponible depuis le 11 juin 2021
9782732492667 – 18,50€
à partir de 13 ans