Son
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The memory book – Lara Avery

9782371020740,0-3288970

Vous connaissez sans doute Lumen pour leurs romans plutôt orientés vers les littératures de l’imaginaire. Ce mois-ci, ils font une entorse à leur ligne éditoriale et nous proposent un roman totalement réaliste… 🙂

Sam a déjà tout prévu dans sa vie : elle sortira première du lycée et ira vivre à New York. Rien ne l’en empêchera, et surtout pas cette maladie rare qui l’a prise par surprise et l’a forcée à reconsidérer quelque peu ses plans. Elle a donc décidé de commencer un journal, qu’elle écrit à la future Sam, afin de ne pas oublier tout ce qu’elle vit…

★★★☆☆

Tout roman évoquant la maladie ne peut désormais plus éviter la comparaison avec Nos étoiles contraires… Ici, c’est une maladie rare et dégénérative qui s’est logée chez Sam, une fille très compétitrice et un peu solitaire qui a déjà tout prévu de sa vie future. Elle se voit déjà grande avocate, vie parfaite et tout le tralala. Alors autant vous dire que cette maladie, elle ne va pas la laisser gagner du terrain, elle va se battre pour réaliser ses rêves. Et c’est sans doute là que le roman s’éloigne fondamentalement de son illustre comparaison. Sam est en effet une jeune fille pleine de volonté, de courage et d’espoir. Elle ne se laisse pas miner par la maladie, à tel point que peu de monde autour d’elle ne le sait, à commencer par ses rares amis. Son combat se fait seul, ou alors en famille, jusqu’à ce que l’amour vienne s’en mêler… La progression de la maladie, qui survient au fil du récit va évidemment bouleverser tous les projets et toutes les relations de Sam. Heureusement, elle écrit à chaque instant sur son ordinateur, s’adressant à la future elle, pour le jour où elle ne se souviendra plus…

Journal intime, The memory book est bien sûr émouvant, nous faisant découvrir le quotidien d’une jeune fille en proie à une maladie qui se manifeste notamment par la perte de mémoire et la démence. Mais c’est aussi très drôle et plein d’espoir, notamment grâce à cette personnalité de Sam, son esprit de compétition et son coté geek, son envie de continuer à croquer la vie à pleine dents malgré l’inéluctable. Des messages de son entourage, des notes personnelles, des listes s’ajoutent aux extraits de son journal pour nous inviter un peu plus dans son intimité et dans sa vie de tous les jours. J’ai beaucoup aimé également les moments où la maladie gagne du terrain, et que ça se ressente dans l’écriture de Sam, dans sa rédaction. C’est une idée vraiment intéressante de la part de l’auteure. Je regretterais seulement quelques longueurs qui épaississent un roman déjà très gros ! Une belle lecture, néanmoins, pour les amateurs d’émotions. 🙂

The memory book, Lara Avery, traduit par Julie Lafon (Lumen)
disponible depuis le 12 mai 2016
9782371020740 – 15€
à partir de 14 ans
Son
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Meurtris – Siobhán Parkinson

9782211208192FS

Après la gifle qui a laissé une marque sur la joue de sa petite sœur Julie, Jonathan décide de partir. Leur mère, alcoolique, n’est plus capable de s’occuper d’eux. Ils fuient d’abord dans la maison de leur grand-mère récemment décédée avant de se décider à rejoindre Galway. Une fugue qui va bouleverser leur vie…

★★★★☆

Tout a commencé lorsque leur grand-mère est morte. Du moins, c’est là où Jonathan – Jono – pense que son histoire commence. Car c’est le jeune homme qui nous raconte, qui écrit cette histoire avec, en tête, les conseils de son professeur d’écriture créative (ou d’anglais, si on préfère). Si Jono n’est pas particulièrement ravi de cette entrée en matière, ce début nous accroche clairement et très vite, nous avons envie de comprendre comment la mort de sa grand-mère a entraîné la suite de ce que nous allons lire. Jonathan et sa petite sœur Julie ne vivent pas dans le meilleur environnement : un père disparu de la circulation, une mère alcoolique négligente qui fait l’erreur de trop en claquant Julie trop fort. Pour éviter que les services sociaux ne s’en mêlent, Jono va mentir auprès de l’école de la petite, et de son propre collège afin d’expliquer leur absence. Et lorsque les mensonges ne sont plus possibles, c’est la fuite qui lui semble la meilleure solution. Jonathan va alors emmener sa petite sœur pour une voyage de Dublin vers Galway où, il l’espère, l’attend une vie meilleure. Fin de la première partie…

Je ne vous dévoilerais pas le contenu de la deuxième, qui lorgne du côté du polar et de la recherche de la vérité. Mais entrecoupé de souvenirs de ses grands-parents et de ses parents, le récit de Jonathan nous entraîne dans cette fugue, dans cette mission qu’il se donne de protéger sa petite sœur. Le ton juste et sans concession de Siobhán Parkinson fait de Meurtris un roman puissant d’émotions, qui nous remue et ne nous lâche pas avant la dernière page. Maltraitance, négligence et abandon sont les mots clés de cette histoire terrible qui, malgré tout, trouvera sa lueur d’espoir. En dépit d’une petite impression de « déjà-lu » sur ces thématiques, Meurtris est un roman vraiment très bien écrit, qui m’a beaucoup touché. A découvrir !

Meurtris, Siobhán Parkinson, traduit par Dominique Kugler (L’école des loisirs)
collection Medium
disponible depuis le 11 mai 2016
9782211208192 – 15,50€
à partir de 13 ans
Son
1

Les chroniques d’Hurluberland – Olivier Ka

9782812610608,0-3270085

Après un texte très noir sur la relation entre une mère et son fils, Olivier Ka change littéralement de registre avec ce tout nouveau roman…détonnant ! 😀

Hurluberland est un drôle de royaume. Chaque jour, il s’y passe des choses étonnantes : des chanteuses qui font pousser des fleurs, une couturière qui pleure des diamants ou encore un pêcheur qui rapporte un cheval minuscule d’une île minuscule…

★★★★☆

Quelle agréable surprise que ce recueil d’histoires fantastico-burlesques qui nous transporte dans le monde improbable d’Hurluberland. Une contrée un peu magique avec son lot de bizarreries, ses personnages tarabiscotés et ses histoires délirantes. A travers ses 10 petites histoires, Olivier Ka nous fait découvrir son univers original et extravagant, où des personnages aux caractères très typés vont être aux prises avec des événements extraordinaires et, très souvent, à une morale qui les fera réfléchir à leurs comportements. Des histoires qui font ainsi penser à des petits contes, ou des fables.

L’écriture fine et humoristique d’Olivier Ka fait tout le charme de ce recueil inattendu mais particulièrement réussi. Des illustrations de Juliette Barbanègre ouvrent chaque chapitre et, avec cette superbe couverture, on regrette qu’il n’y ait pas plus d’images d’Hurluberland et de ses habitants au cœur du livre. Tout comme on regrette que le recueil soit si court ! Nul doute que ces hurluberlus de ce drôle de royaume ont encore des tonnes d’histoires à nous raconter ! Néanmoins, cette première entrée dans le monde inventé par Olivier Ka est à effectuer ! Vous ne regretterez assurément pas ce voyage singulier et absurde.

Et figurez-vous qu’avant d’être un livre, Les chroniques d’Hurluberland était, et est toujours, un spectacle de lectures musicales et d’ombres proposé par l’auteur lui-même ! Une très jolie façon de découvrir également cet univers insolite ! 🙂

Les chroniques d’Hurluberland, Olivier Ka (Le Rouergue)
collection DacOdac
disponible le 11 mai 2016
9782812610608 – 8€
à partir de 9 ans
Son
0

Le mystère Blackthorn – Kevin Sands

9782747057844,0-3233892

1665, Londres. Christopher Rowe a 14 ans et est apprenti chez l’apothicaire Benedict Blackthorn, qui lui apprend depuis quatre ans les secrets de fabrication des remèdes et potions. Mais depuis quelques semaines, une menace pèse sur la ville : une secte occulte assassine des apothicaires. Et l’étau semble se resserrer autour du maître de Christopher…

★★★★★

Si vous aimez les intrigues trépidantes et les énigmes, Le mystère Blackthorn est fait pour vous ! Ce premier roman de Kevin Sands est une vraie réussite. On se laisse emporter dans l’histoire avec une étonnante facilité et on arrive au bout des 500 pages sans s’en rendre compte ! Et pour ceux qui n’aimeraient pas trop les romans historiques, celui-ci devrait vous réconcilier avec le genre : point de descriptions à n’en plus finir des us et coutumes ou de la politique de l’Angleterre du XVIIe siècle. Pas d’histoire prétexte pour nous évoquer la vie des enfants à cette époque. Il y a bien évidemment tous ces éléments historiques, indispensables à la cohérence, mais l’auteur nous les distille de façon admirable, en parfaite adéquation avec son récit, et sans aucun ennui. Nous sommes dans une véritable enquête où codes secrets et mystères divins vont donner du fil à retordre à notre jeune héros. 😛

Christopher est un jeune orphelin qui a eu la chance de trouver un apprentissage auprès d’un apothicaire renommé. Quatre ans à son service lui ont permis de s’instruire, d’apprendre à connaître et reconnaître les ingrédients utiles à la confection de remèdes ou de poisons et d’appréhender le futur métier d’apothicaire. C’est également à cette période qu’il rencontre Tom, le fils du boulanger, et son meilleur ami depuis qu’il lui a catapulté des fruits pourris sur la tête. Un ami qui ne sera pas inutile lorsque les choses vont se corser pour Christopher et une amitié qui apporte aussi la touche d’humour du roman.

Je ne vous révèle rien d’autre sur cette histoire passionnante, qui nous emmène dans le monde captivant des apothicaires et, plus largement, des alchimistes, à la découverte de secrets qu’il vaudrait parfois mieux garder précieusement. Kevin Sands propose dans son roman une véritable immersion dans le métier de l’apothicaire, et on appréciera toutes les explications des symboles, les précis d’alchimie ou les codes à déchiffrer qui parsèment le récit. Des personnages attachants, une histoire haletante et bien menée, telle une chasse au trésor, Kevin Sands réussit un excellent premier roman ! 😀

Le mystère Blackthorn, Kevin Sands, traduit par Pascale Jusforgues (Bayard Jeunesse)
disponible le 11 mai 2016
9782747057844 – 15,90€
à partir de 10 ans
Son
3

Que du bonheur ! – Rachel Corenblit

9782812610561,0-3163294

Après un texte touchant sur le devoir de mémoire, Rachel Corenblit revient avec un roman bien plus léger, qui fleure bon les vacances d’été. 🙂

Angela a 15 ans et, depuis la rentrée de septembre, sa vie est partie en cacahuète. Il aura suffi d’une chute, une simple chute devant toute la classe, pour que tout le reste de son année soit un déluge de catastrophes en tous genres…

★★★★☆

Que du bonheur ! C’est avec cette expression ironique qu’Angela nous parle de cette terrible année où se sont enchaînés tous les malheurs du monde sur sa pauvre tête. Avec, au menu : une réputation foutue au lycée (la fameuse chute), le divorce de ses parents, la trahison ultime de sa meilleure amie, la mort de son chat, le redoublement, les vacances chez son papi dans le trou du cul du monde et bien plus encore ! Un programme tout à fait alléchant promis dès le chapitre 2 qui nous entraîne avec un plaisir non dissimulé dans cette série de catastrophes. Pauvre Angela !

Malgré ces terribles annonces – qui pourraient faire de l’ombre à tous les malheurs des Misérables – l’histoire d’Angela est particulièrement drôle. Et ça commence avec l’humour ravageur de la jeune fille, qui nous raconte ses misères à la manière d’un journal intime, où sont collés des photos, des bouts de calendrier ou bien dessinés des flèches, des smileys… Une forme qui nous fait pleinement entrer dans la tête de cette adolescente un peu boulotte qui ne mérite vraiment pas tout ce qui lui arrive. Pourtant, ce sont bien ces moments du quotidien que Rachel Corenblit transforme en scènes hilarantes. Pour ma part, j’ai une petite préférence pour les vacances en Ariège (sans doute les plus horribles vacances jamais vécues par une ado).

Que du bonheur ! (et ce n’est pas ironique du tout) C’est bien ce qui ressort de ce court roman adolescent vitaminé, qui ne nous donne qu’une seule hâte : être en vacances ! Voilà l’un des premiers romans que l’on vous conseille d’emporter avec vous cet été au camping de Palavas-les-Flots. 😛

Que du bonheur !, Rachel Corenblit (Le Rouergue)
collection DoAdo
disponible le 4 mai 2016
9782812610561 – 10,20€
à partir de 13 ans
Discussion
1

Les fragiles – Cécile Roumiguière

Si nous avons l’habitude de découvrir des auteurs dans la collection Exprim’ à travers des premiers romans, c’est cette fois une « déjà grande » qui rejoint le casting de Sarbacane avec un roman tragique, dont la très belle couverture tout en relief laisse planer une aura de mystère…

lesfragiles

Drew a 9 ans quand, au retour d’un match de handball, il assiste impuissant au racisme de son père. Choqué et incapable d’en parler, d’oublier, le garçon grandit dans la haine de ce père qui semble tout aussi incapable de l’aimer. Une haine qui le ronge, le consume, jusqu’à cette rencontre avec Sky, une fille incroyable qui cache aussi des fêlures, fragile comme lui…

Bob

★★★☆☆

Dans un incessant va et vient entre le passé et ce « jour J » aux accents terribles, Cécile Roumiguière explore la relation entre un père et un fils. Un jeune garçon qui voudrait plaire à son père, un homme qui ne semble pas avoir envie de l’aimer et dont la violence, le racisme, vont d’un seul coup transformer le désir d’affection en haine brûlante. Drew grandit, son père finit par s’éloigner, et il fait la rencontre de Sky lors de vacances à la mer. Une rencontre qui va donner un nouveau goût à sa vie, et ce malgré le passé qui refait surface régulièrement. La construction du récit et l’écriture de Cécile Roumiguière, aussi poétique que brutale, nous transporte dans ce roman bouleversant, où la fragilité de ses personnages nous prend aux tripes. Je regrette seulement la fin, qui, après toutes ces émotions intenses, enfonce encore plus le clou et nous laisse avec un goût amer, terrible. Dur !

Jean-Michel

★★★☆☆

On a du mal à croire à certains événements lors de la lecture tant ils sont violents. Certes, l’écriture parnassienne de Cécile Roumiguière adoucit l’animosité de ces scènes, mais l’impact de ce roman a été trop fort pour moi. Mes hormones d’ornithorynque ont peut-être joué mais mes pleurs découlant de cette lecture m’ont fait l’effet d’un coup de poing : cet Exprim sera difficile à conseiller. Pas accessible à tous les adolescents, mais nécessaire : pour ces images fortes du racisme, pour la violence d’un père sur sa famille, sur la difficulté de la construction de soi qui en découle. Dès le début, on sait que Drew a tué son père et tout au long du roman nous assistons à un tête-à-tête entre un fils révolté qui a commis l’irréparable et un père blotti dans son repos éternel tout confort alors qu’il mériterait d’entendre les paroles pleines de véracité de son enfant et pire encore. Pour moi, justice n’a pas été rendue et c’est ce qui m’a le plus scandalisé. Drew a tout de même sombré dans la démence la plus totale. Ce qui rend cette lecture psychotique. Un soupçon d’ambiance Shining flotte dans les pages : ce roman m’a effrayé. De qualité, mais ça retourne sacrément la tête !

Les fragiles, Cécile Roumiguière (Sarbacane)
collection Exprim’
disponible depuis le 6 avril 2016
9782848658629 – 15,50€
à partir de 14 ans
Son
2

Sauveur et fils, saison 1 – Marie-Aude Murail

Aujourd’hui, Bob fait son coming-out : il n’avait quasiment rien lu de Marie-Aude Murail (à part 22 ! et Maïté coiffure). Hérésie, n’est-ce pas ? 😛 C’est donc avec une certaine candeur qu’il vous parle aujourd’hui de son tout dernier roman, premier tome de ce qui s’annonce au moins comme une trilogie…

9782211228336,0-3174708

Sauveur Saint-Yves est psychologue à Orléans. Chaque semaine, il reçoit des patients aux histoires bien différentes qui fascinent son fils, Lazare, 8 ans, qui a trouvé un petit coin tranquille pour espionner les consultations de son père. Bientôt, des choses étranges se passent autour de la maison des Saint-Yves…ce qui pousse Lazare à se poser de plus en plus de questions sur ses origines et cette mère qu’il n’a jamais connue, décédée peu après sa naissance en Martinique.

★★★★☆

Cette première saison de Sauveur & fils, c’est un peu le pendant littéraire la série télé En analyse. Chaque semaine, nous assistons aux consultations du docteur Saint-Yves, qui reçoit, semble-t-il, beaucoup d’enfants et d’adolescents dans son cabinet. Alors que l’on suit avec un intérêt croissant la progression de chaque patient, c’est la vie de famille de Sauveur et les secrets qu’il cache à son fils qui sont au cœur de ce premier tome. Des secrets dont les racines se trouvent en Martinique, d’où est originaire Saint-Yves, mais qui semblent s’étendre jusqu’en France métropolitaine…

Que cache donc Sauveur à son fils ? C’est bien toute la question qui nous ronge à la lecture et qui ne trouvera de résolution qu’à la fin du roman, mais Marie-Aude Murail parvient à nous faire patienter sans rechigner grâce aux consultations auxquelles, comme Lazare, nous assistons en essayant de ne pas faire de bruit pour ne rien rater des choses confidentielles qui se disent. Et à travers tous ces patients, Marie-Aude Murail se permet d’évoquer de nombreux sujets difficiles, voire tabous, tels que la scarification, l’identité sexuelle, la dépression, la pédophilie… Elle n’oublie pas non plus le racisme, celui ordinaire, dont on ne se rend pas toujours compte, qui frappe continuellement Sauveur et Lazare. Malgré tous ces nombreux sujets qui pourraient être lourds et angoissants dans un seul roman, Marie-Aude Murail n’oublie pas l’humour et c’est sans doute la vie de famille du psychologue et la relation avec son fils – malgré les secrets – qui nous permet de « souffler » entre chaque patient et chaque tranche de vie perturbée.

Une très belle première saison, riche en émotions, qui nous donne très envie de continuer à suivre Sauveur, Lazare et tous ces patients qui nous touchent au fil du récit.
Le point noir ? Sans aucun doute la couverture du livre, qui n’est pas particulièrement représentative du roman (même s’il y a bien des hamsters/cochons d’Inde dans l’histoire) et qui rebutera très certainement le public auquel Sauver & fils est destiné… Dommage, mais faites fi et vous passerez un très beau moment de lecture. 😉

Sauveur et fils – saison 1, Marie-Aude Murail (École des Loisirs)
collection Medium GF
disponible depuis le 13 avril 2016
9782211228336 – 17€
à partir de 13 ans
Son
3

Hugo de la nuit – Bertrand Santini

9782246860266,0-3345557

Une nuit d’été, un enfant, des fantômes, un secret… C’est le programme du tout nouveau roman de Bertrand Santini, après le génialissime et hilarant Journal de Gurty. Intrigués ? 😀

Hugo et sa famille vivent dans une belle demeure à Monliard. Un terrain qui attire la convoitise quand un gisement de pétrole est découvert dans le cimetière du domaine. Et une nuit, tout bascule…

★★★★☆

Difficile de vous résumer le roman de Bertrand Santini sans vous révéler quelques ressorts de l’intrigue ! Pourtant, je ne peux pas ne pas vous dire que Hugo, notre héros, meurt dès la première page. Eh oui, c’est bien triste mais c’est comme ça ! Hugo avait 11 ans, bientôt 12, et c’est la veille de son anniversaire que le malheur s’abat sur lui et sa famille… Sa mère, Hélène, est auteure de romans jeunesse et, grâce à la fortune amassée par les ventes de sa série à succès en 7 tomes (toute ressemblance avec le parcours d’une certaine J.K. Rowling serait fortuite), a acheté le domaine de Monliard. Son père, Romain, est botaniste et, quand le gisement de pétrole est découvert, il compte bien parvenir à protéger le domaine grâce à une fleur présumée éteinte qui a justement poussé près d’une tombe dans le cimetière. Mais, comme je vous l’ai dit, le malheur va s’abattre sur la famille…

C’est là qu’une simple histoire de territoire et d’avidité villageoise se transforme en conte horrifique et ce pour notre plus grand plaisir ! Je ne vous ferais pas de gros spoiler en vous disant que le cimetière de Monliard est hanté par des fantômes et que le cœur du roman va se dérouler entre le monde de la vie et celui de la mort. Pour ceux qui ont lu L’étrange vie de Nobody Owens, sachez que ce cimetière et ses habitants n’ont rien à envier à ceux de Neil Gaiman. Loufoques, étranges, exubérants, mélancoliques, tels sont les fantômes dont Hugo va faire la connaissance. Et nous voilà désormais dans un roman où la peur côtoie un humour pince-sans-rire avec beaucoup de réussite.

Mais là où Bertrand Santini est le plus fort, c’est qu’il joue avec nos impressions et nos sensations jusqu’à la fin du roman, et nous interroge sur notre sens du rêve – ou du cauchemar – et de la réalité. C’est vraiment bien fichu, on se laisse entraîner dans cette nuit étrange et étonnante, on a les chocottes, on rigole, on frissonne, on danse… Une véritable ambiance gothico-burlesque que cette magnifique couverture toute en dorures ne laisse peut-être pas présager mais qui nous surprend fort agréablement. On en redemande ! 😛

Hugo de la nuit, Bertrand Santini (Grasset jeunesse)
disponible depuis le 20 avril 2016
9782246860259 – 13,50€
à partir de 11 ans
Son
1

Le complexe du papillon – Annelise Heurtier

9782203102286,0-3169392

A la rentrée, Mathilde remarque une fille incroyablement belle. C’est Cézanne, une ancienne camarade de classe jusque-là plutôt banale qui, au retour de l’été, est devenue la plus belle plante du collège. Invitée au mariage de la sœur de sa meilleure amie Louison, et désireuse de séduire Jim qui y sera également, Mathilde veut à tout prix perdre du poids pour rentrer dans le robe bleue magnifique vue au centre commercial et être aussi jolie que Cézanne…

★★★☆☆

Annelise Heurtier s’attaque souvent à des sujets audacieux dans ces livres, ce que j’aime tout particulièrement chez elle. Ici, c’est un sujet un peu plus rebattu qu’elle aborde : l’anorexie. Malgré ce thème souvent lu en roman jeunesse, elle prend le parti de s’intéresser plutôt à l’anorexie mentale, et pas seulement physique. Ainsi, point de poncifs ou de scènes difficiles, mais plutôt une lente descente aux enfers pour Mathilde qui, de jeune fille sportive (elle fait de l’athlétisme, on imagine aisément un corps souple et musclé : a priori, un très beau corps !) souhaite avoir un corps de mannequin et plus particulièrement un « thigh gap » (l’espace entre les deux cuisses quand on sert les jambes), rendu populaire par la it-girl Cara Delevingne (vue récemment dans l’adaptation ciné de La face cachée de Margo). Tout ça pour plaire à un garçon et ressembler à une fille de sa classe dont la transformation a été spectaculaire durant l’été ! Quand on repense à sa propre adolescence (ou même maintenant que nous sommes plus grandes à voir chaque jour des affiches de publicité), on se met sans difficulté dans la peau de Mathilde, avec l’envie nous aussi, parfois, de ressembler à ces si belles filles à qui le monde semble réussir. Un complexe dont il est bien difficile de se débarrasser…

Annelise Heurtier décrit avec beaucoup de justesse et de sensibilité l’état de Mathilde, sa volonté de passer d’une moche chenille à un magnifique papillon et l’engrenage terrible dans lequel elle tombe, à quel point il est si facile de ne pas se rendre compte quel danger cela représente… Cet aspect-là est vraiment très bien traité, sans jugement mais avec tous les outils de réflexion nécessaires pour le lecteur.
J’ai seulement regretté la rapidité de la fin, la facilité avec laquelle Mathilde abandonne son crush pour Jim (qui, de toute manière, n’est pas particulièrement présent et pour lequel on se demande bien ce qui plaît à notre héroïne) et la résolution du deuil qui frappait aussi Mathilde. Je n’ai pas beaucoup parlé de cet aspect-là de l’histoire, qui a pourtant son importance, puisque la mort de la grand-mère de Mathilde et l’incapacité de sa mère à en parler vont aussi faire partie des raisons du mal-être de la jeune fille, de la maladie. Il n’en reste pas moins un très beau roman, accessible et bien écrit. 🙂

Le complexe du papillon, Annelise Heurtier (Casterman)
disponible depuis le 6 avril 2016
9782203102286 – 12,90€
à partir de 12 ans
Son
5

Jan – Claudine Desmarteau

9782364748460,0-3163293
★★★★★

Jan… Jan, c’est Janis, 11 ans, qui n’aime pas vraiment son prénom depuis qu’on l’a fait rimer avec « pisse » et qui n’a pas sa langue dans sa poche. Jan, c’est une débrouillarde, une gamine qui ment un peu et qui utilise plus souvent ses poings que sa tête, une fille qui ne se laisse pas faire. Elle a un petit frère, qu’elle adore et qu’elle veut protéger. Sa mère est vendeuse de chaussures, son père est chômeur professionnel. Et il boit. Beaucoup. Malgré tout, il est super fier de cette fille qui n’est pas « une gonzesse » et Jan est profondément attachée à ses parents et à ce père qui fréquente trop le « bar des amis ». Un jour, cette famille dysfonctionnelle va voler en éclats et je ne vous dis pas comment, ce serait vous gâcher la surprise…mais il fallait bien que ça pète pour que l’on ait une histoire…

Jan, c’est une belle claque dans la figure. Et ça commence avec l’écriture de Claudine Desmarteau, qui s’est lancée le défi de tenir jusqu’au bout de son roman la langue d’une enfant de 11 ans. C’est d’un réalisme social confondant, on se laisse totalement embarquer dans cette écriture, dans ce style, dans ces inventions de mots, d’expressions que tous les enfants de 11 ans entendent et déforment par incompréhension (et on se rappelle que nous aussi, à une époque, on utilisait des expressions à tort et à travers en les entendant dans la bouche des grands et qu’on se la pétait auprès des autres en leur faisant croire qu’on connaissait des trucs incroyables). C’est d’autant plus fort que c’est typiquement le genre d’écriture qui pourrait devenir lourdingue au bout d’un moment : ici, ce n’est pas le cas, l’exercice de style est tenu jusqu’au bout à la perfection. La claque, c’est aussi cette histoire, cet engrenage qui s’enclenche et va chambouler la vie de Jan et de son petit frère. Cette révolte qui gronde en elle, et qui va trouver une résonance dans le film Les 400 coups, de François Truffaut, et notamment à travers le personnage d’Antoine Doinel. Enfin, la claque, c’est aussi cette fin, dont je ne vous dis rien, mais qui nous laisse pantelant, sur le cul, aussi belle que frustrante…

Jan, c’est une lecture incroyable au rythme effréné, une gamine au caractère de cochon, rageuse et révoltée, à qui l’on s’attache de toutes nos tripes. C’est un roman qui chamboule, qui émerveille… Superbe ! Lisez-le. Point.

Jan, Claudine Desmarteau (Thierry Magnier)
disponible depuis le 13 avril 2016
9782364748460 – 14,50€
à partir de 12 ans