Son
2

Nightwork – Vincent Mondiot

9782330086688,0-4499100

Patrick a 14 ans, vit avec sa mère borderline dans une cité où la drogue se vend en bas de son immeuble et qui a valu six mois de prison à son grand frère Abdel. Au collège, il est la proie favorite des harceleurs les plus brutaux. Son seul refuge, ce sont les jeux vidéo, une passion qu’il partage avec Mégane, sa meilleure amie. Mais lorsqu’Abdel sort enfin de prison, la vie déjà pas bien grandiose de Patrick ne va pas s’arranger…

★★★★☆

C’est un Patrick de 21 ans qui nous raconte son histoire, celle qui a peut-être débuté lors de ce sauvetage de moineau sur le chemin du retour de l’école, mais qui a surtout commencé bien des pages plus loin, quand il fut cet adolescent gringalet accro aux jeux vidéo, que son frère était en prison et qu’il ne pouvait même pas compter sur sa mère alcoolique et au chômage. Il lui faudra un certain temps avant de nous révéler cet « élément perturbateur » qui va chambouler totalement sa vie et peut-être a-t-il bien fait de nous raconter tout cela avant, d’amener du contexte à ce qui va suivre, à ce qu’on ne manquera pas de penser de lui si on ne connaissait que cet « élément perturbateur » ?

Difficile de ne pas trop en dire sur ce magnifique roman ! Vincent Mondiot dresse le portrait d’un jeune garçon qui ne demandait qu’à être aimé et s’est retrouvé à n’être qu’un ado égoïstement transparent et malingre avec pour seul espèce d’amour la protection d’un demi-frère. Et pourtant, on s’attache à Patrick, à sa volonté de se rappeler le bon en lui et dans sa famille, de rêver ce jeu vidéo qu’il s’imagine concevoir lorsqu’il sera plus grand, et de penser à son avenir, se débarrasser des mauvais souvenirs. Le jugera-t-on pour cet acte unique qui a bouleversé sa vie ? C’est toute la question qui hante Patrick alors qu’il nous déroule le fil de ses pensées. Et c’est tout le talent de Vincent Mondiot de nous proposer avec justesse et sincérité de découvrir l’histoire de Patrick, ses longues journées au collège et les soirées plus longues encore avec cette mère quasi-folle, son amitié improbable avec une fille qui cumule comme lui les tares attitrées de têtes de turc et l’espoir qu’un frère rentré de prison sera capable de tout arranger. Un roman touchant, poignant, pour sa franchise, son authenticité et pas du tout pour une volonté de nous apitoyer sur le sort d’un pauvre gars. Patrick est un personnage qui marque, tant dans son apparente adolescence toute en autocentrisme dont il finit par avoir parfaitement conscience que dans sa décision finale, qui le marquera lui à tout jamais. Un très beau roman !

Et pour ceux qui avaient lu Tifenn : 1 Punk : 0 chez Sarbacane, vous devriez avoir une surprise assez plaisante. 😛

Nightwork, Vincent Mondiot (Actes Sud junior)
collection Ado
disponible depuis le 4 octobre 2017
9782330086688 – 14,50€
à partir de 14 ans
Son
4

La lune est à nous – Cindy Van Wilder

9782367404776,0-4360363

Max a 17 ans et emménage en Belgique suite à la séparation de ses parents. Déjà en surpoids et harcelé pour cette raison, il ne sait pas comment révéler à sa famille qu’il est gay. Olive, elle, est noire, grosse et s’assume complètement grâce à son compte Instagram, « Curvy Grace », qui compte de nombreux fans. Mais lorsqu’on lui propose de rejoindre une chaîne YouTube, les choses dérapent et Olive va être confrontée à la pire méchanceté. Heureusement, les chemins d’Olive et de Max vont se croiser…

★★★★☆

La première fois que Max rencontre Olive, celle-ci se prépare à réaliser le Swimsuit challenge pour son compte Instagram, un défi qui consiste à se renverser un seau d’eau en maillot de bain pour une œuvre de charité. Mais un père de famille n’apprécie pas tellement de voir une grosse noire s’exhiber devant ses enfants au milieu d’un parc public et le lui fait savoir à grand renfort d’insultes racistes, grossophobes et de gestes agressifs. Sans compter ceux qui regardent, avides de conflit et de photos ou vidéos croustillantes à poster sur les réseaux sociaux. C’est dans cette posture que Max, mal dans sa peau, voit cette fille et, dans leurs deux regards se lit une compréhension mutuelle. Leur amitié n’en sera pour autant pas si simple à construire car Olive va très vite se retrouver la cible d’un harcèlement d’une grande violence, sur Internet mais aussi au bahut. Malgré ses amis au lycée ou au Dépôt, le lieu de rassemblement des jeunes avec des convictions, Olive va devoir affronter cette haine quasi seule tandis que Max va tout faire pour l’aider même s’il a ses propres problèmes à la maison et avec son difficile coming out

Avec ce roman très contemporain, Cindy Van Wilder donne la parole à deux adolescents qui ont rarement la chance d’être au premier rang dans les histoires. A travers Olive et Max, elle se fait la voix de l’acceptation de soi et des autres, du droit à la différence et à l’amour de soi. Le personnage d’Olive est ainsi parfaitement écrit : une jeune fille qui a appris à aimer ses formes et à inviter les autres, ses fans sur Instagram, à s’accepter tel qu’ils sont et à voir la beauté partout où elle est, même si elle ne correspond pas à ce que la société attend des jeunes gens et aux images dans les publicités et les magazines. Une apparente force qui se fissure aussi vite qu’il fut long d’accepter son corps trop gros ou trop noir pour les autres. Celui de Max, plus renfermé, plus replié sur lui-même n’en est pas moins d’une grande sensibilité, entre haine de soi et volonté de montrer au monde qui il est vraiment. J’ai beaucoup aimé toute la justesse de l’écriture de Cindy Van Wilder, qui n’hésite pas à dire les choses comme elles sont sans s’encombrer du politiquement correct, quitte à nous bousculer. J’ai aimé les représentations de la famille, de la difficulté à communiquer avec des parents adoptifs, à accepter la séparation de ses parents ou à compter sur son petit frère pour briser sa solitude. Il y a de véritables moments de beauté dans les relations que Max et Olive entretiennent avec leur famille ou leurs amis, notamment ceux du Dépôt, dont les causes vont des droits LGBT jusqu’au féminisme tout en s’amusant en organisant des événements ludiques ou artistiques. Un lieu d’une importance capitale dans le roman pour nos deux personnages.

Je vous laisse donc découvrir La Lune est à nous et ses émotions en montagnes russes où la solidarité, l’acceptation de soi et des autres, la bienveillance sont les maîtres mots de ce roman sensible et nécessaire. 🙂

La lune est à nous, Cindy Van Wilder (Scrinéo)
disponible depuis le 14 septembre 2017
9782367404776 – 17,90€
à partir de 12 ans
Son
4

Blue Gold – Elizabeth Stewart

En 2014, nous découvrions Elizabeth Stewart avec un très beau roman historique, Justice pour Louie Sam, autour des populations indiennes et de la justice. Cette fois-ci, elle nous emmène à travers le monde, à la rencontre de trois jeunes filles emblématiques de notre époque, confrontées elles aussi à la justice, ou plutôt l’injustice.

9782747055246,0-3755047Fiona est canadienne. Après une soirée un peu arrosée, cette lycéenne envoie un selfie dénudé à son petit ami. Sylvie est congolaise, réfugiée en Tanzanie où elle vit dans un camp après avoir vécu l’horreur dans son village natal, pillé pour un minerai précieux : le coltan. Laiping, elle, a quitté son village et sa famille pour trouver du travail dans une usine de fabrication de téléphones dans une grande ville. Les trois jeunes filles ne se connaissent pas mais elles ont un point commun : le téléphone portable.

★★★★☆

Le portable est-il plus précieux que leurs vies ? Un sous-titre peut-être un peu racoleur mais qui va pourtant se révéler être la véritable question pendant tout le roman. Ce sont donc trois voix que nous suivons : Fiona, lycéenne accro à son portable qui fait l’erreur d’envoyer à son nouveau petit ami une photo de ses seins, qui perd le fameux objet et se retrouve être exposée à tous ; Sylvie, jeune réfugiée en Tanzanie avec sa mère et ses petits frères et sœurs a vécu des événements traumatiques qui lui ont laissé une cicatrice lui balafrant le visage et qui doit concilier la survie de sa famille, son désir de faire des études de médecine et son frère qui se laisse entraîner dans les magouilles du chef de guerre local ; et enfin Laiping, qui espère envoyer de l’argent à ses parents en travaillant à l’usine, découvrant un tout nouveau monde qui lui semble merveilleux avant de se rendre compte des terribles conditions de travail. Comment ces trois destins vont-ils finir par se rencontrer ?

Roman absolument passionnant, c’est bien cette idée de vies croisées qui nous tient en haleine jusqu’à la dernière page. Mais c’est aussi, et surtout, ces portraits très justes et touchants de ces adolescentes aux prises avec une société qui les dépasse, qui vont découvrir toute l’injustice de leurs conditions respectives et devoir se montrer forte pour surmonter ce qui les attend. Même si Fiona semble être le personnage le moins exploité (moins de chapitres et une histoire que certains jugeront peut-être moins « grave » que les autres), toutes nous offrent un regard éclairant sur notre monde. Les amateurs de dystopie seront d’ailleurs sans doute ravis de découvrir que la Chine est un décor parfaitement réaliste et actuel – inutile d’aller chercher dans la science-fiction ! Ceux qui aiment les textes engagés ne pourront qu’être sensibles à cet excellent roman qui nous invite à réfléchir à l’exploitation humaine sous toutes ses formes, et à s’informer sur la fabrication des produits de notre quotidien. Une postface de l’auteure vient d’ailleurs compléter son propos. Et ceux qui aiment les belles histoires ne seront certainement pas en reste : Fiona, Sylvie et Laiping vous toucheront au cœur par leur sensibilité et leur désir de changer la société.

Et comme c’est de saison, on proposerait bien Blue Gold pour le projet #unlivrepourdemain lancé par notre copain Tom ! 😀

Blue Gold : 3 filles, 3 destins : le téléphone portable est-il plus précieux que leurs vies ?, Elizabeth Stewart, traduit par Jean-Luc Defromont (Bayard)
disponible depuis le 15 février 2017
9782747055246 – 15,90€
à partir de 13 ans
Son
0

Le secret de Grayson – Ami Polonsky

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Depuis la mort de ses parents quand il était petit, Grayson fait semblant d’être ce que les autres voient. Dans son imaginaire et devant son miroir, en revanche, il s’imagine tel qu’il est réellement… Solitaire et effacé, son monde commence pourtant à se colorer quand il fait la connaissance d’Amelia, une nouvelle, puis lorsque son professeur préféré poste une annonce pour participer à la pièce de théâtre du collège…

★★★★☆

Grayson est en sixième, vit avec son oncle et sa tante qui l’ont recueilli après la mort tragique de ses parents, et partage sa vie avec Jack et Brett, ses cousins. Au collège, il n’a pas vraiment d’amis, passe tous ses repas au CDI en faisant ses devoirs… Sa vie est morne, d’autant plus qu’il ne peut pas être lui-même, être celui qu’il voudrait quand il se regarde dans le miroir et qu’il imagine que son ample tee-shirt est en réalité une jolie robe. Quand Amelia arrive dans sa classe, c’est le début d’une amitié timide. Une amitié qui ne durera malheureusement pas et qui sera brisée lorsque, lors d’une virée shopping dans une friperie, Amelia le découvre essayant des vêtements de fille. Heureusement, Grayson trouvera un réconfort avec la pièce de théâtre montée par Finn, son professeur de sciences humaines, où il va tenir le premier rôle : celui de la déesse grecque Perséphone. Un choix qui va déclencher une tempête autour de Grayson, à l’école mais aussi dans sa famille…

Dans ce très beau roman, tout en finesse et en délicatesse, Ami Polonsky aborde la douloureuse question du genre, d’un garçon qui s’est toujours senti fille et qui est incapable d’être lui-même. Pression familiale, pression sociale, norme, les garçons ne peuvent pas aimer le rose ou porter des jupes, n’est-ce pas ? Pourtant, il n’y a que comme ça que Grayson imagine son reflet. Lorsqu’il se présente à l’audition pour le premier rôle féminin dans la pièce, et qu’il l’obtient, c’est à la fois le déferlement autour de lui mais aussi en lui : comment oser quand on s’est toujours caché, quand on a peur de ce que vont dire les autres, de ce qu’on verra dans leur regard ? Dans ce maelstrom d’émotions, Grayson va pouvoir compter sur certains de ses camarades, à commencer par les filles, mais aussi sur son professeur et son oncle. Mais rien ne sera facile…

Après un début peut-être un peu long – on sent rapidement que l’amitié avec Amelia est vouée à l’échec – le roman se révèle tout en émotions tandis qu’on accompagne Grayson dans sa difficile affirmation, dans son combat pour être lui-même et dans la douleur d’un passé qui ressurgit et de ce que son choix implique pour d’autres que lui. C’est vraiment très beau, très émouvant, le style est à l’image de cette douceur qui émane de l’histoire malgré toutes les difficultés que rencontre Grayson, et même si tout n’est pas rose à la fin, on en ressort avec une note d’espoir, de dépassement de soi. Une très belle lecture !

Le secret de Grayson, Ami Polonsky, traduit par Valérie Le Plouhinec (Albin Michel Jeunesse)
collection Litt’
disponible le 1er septembre 2016
9782226318916 – 15,90€
à partir de 12 ans
Discussion
7

Les regards des autres – Ahmed Kalouaz

lesregardsdesautres

La vie de Laure est en enfer depuis qu’au collège, une bande de filles ont fait d’elle leur cible préférée. Injures, bousculades, railleries, menaces à répétition…le quotidien de l’adolescente se dégrade également à la maison. Comment réagir face à ses tortionnaires ? Ahmed Kalouaz, à travers le regard de Laure, nous offre une perspective puissante et intelligente sur le harcèlement.

Jean-Michel, vit un enfer avec un morse

★★★☆☆

Ahmed Kalouaz nous enferme avec subtilité dans la tête de Laure, si bien que son mal-être devient pesant. Ce roman est un appel au secours, décrit les peurs d’une jeune fille, montre une confiance en soi tout juste naissance qui se recroqueville en position fœtale face aux injures quotidiennes. Mais l’auteur nous prouve également qu’il est possible de sortir du silence du harcèlement par plusieurs moyens : la dénonciation (CPE, famille…), par le biais d’associations (Stop Harcèlement notamment), la confrontation avec ses bourreaux…Un livre que je juge utile. Ahmed Kalouaz emploie des phrases justes qui expliquent avec perspicacité les conséquences de ces violences morales qui n’influencent pas seulement les bulletins scolaires mais aussi le quotidien familial (les disputes, l’alimentation, la solitude) et reste surtout une obstruction à la construction de soi. Des notions habilement expliquées : le concept de « tyran » et de « bouc émissaire » au collège par exemple. J’ai trouvé l’écriture brillante, concise et pondérée. La souffrance de Laure est palpable on la ressent vibrer à chaque page. Un petit détail néanmoins : j’ai trouvé que cette jeune fille était d’une sagacité étonnante pour son âge mais j’ai choisi d’en faire abstraction pour mieux me concentrer sur sa peine et les messages forts et justes d’Ahmed Kalouaz.

Bob, harcelé par un ornithorynque

★☆☆☆☆

C’est sans doute la première fois : gros désaccord avec Jean-Michel ! J’avais beaucoup aimé les précédents romans d’Ahmed Kalouaz et je dois dire que j’ai été vraiment déçue par celui-ci. Je ne suis pas parvenue à m’attacher à Laure et à sa douleur, même si j’ai trouvé le traitement du harcèlement différent de ce que j’ai pu lire dernièrement, notamment dans le fait que cette violence passe par l’invisible, les regards, pas forcément la violence physique ou même verbale (ou, en tous cas, Laure ne le dit pas). J’ai regretté également que les rares amis de Laure ne soient pas plus présents, on évoque leurs noms mais sans plus…tout comme ses tortionnaires, finalement. Mais je crois que ce qui m’a le plus déplu, déçu, c’est l’écriture, et notamment les dialogues que j’ai trouvé particulièrement irréalistes (voire surréalistes). Laure, victime (d’une bande de filles), est amie avec Léo, bourreau (qui cogne des mecs). Si cela peut paraître étonnant, leurs conversations le sont d’autant plus car elles tournent toutes ouvertement autour du harcèlement, de la « philosophie » surprenante de Léo sur le sujet, donnant ainsi une sensation étrange que les deux personnages flottent au-dessus de la réalité. Je pense que nous avons tous à un moment donné été victimes d’une forme ou d’une autre de harcèlement à l’école mais, clairement, je ne me suis pas retrouvée du tout dans cette évocation. Déçue je suis ! 🙁

Les regards des autres, Ahmed Kalouaz(Le Rouergue)
collection DoAdo
disponible depuis le 3 février 2016
9782812609954 – 9,20€
à partir de 13 ans
2

Fake Fake Fake – Zoë Beck

fakefakefakeAllemagne, de nos jours.
Un adolescent va vous faire rire.

Edvard est un adolescent qui n’a pas un quotidien très simple ni à la maison, ni au collège : il est amoureux de Constance, qui ne le voit même pas/le toise/l’ignore. En revanche, il est très prisé par un de ces camarades : Henk, qui le harcèle dès qu’il en a l’occasion et ne manque pas d’en faire profiter les autres élèves. Mouvementée, la vie d’Edvard l’est : surprises à la clé vous aurez.
L’humour pétillant de Zoë Beck va vous ravager la journée.

★★★★★

Edvard nous fait partager ses « autres » problèmes : comprenez ses soucis avec la puberté. Menu, encore une voix de jeune jouvencelle au baromètre et pas un poil sur le torse. Pour couronner le tout, il marche régulièrement dans les crottes de Caniche, le caniche de M. Tannenbaum, le vieux voisin. En vacances avec ses parents dans une ferme bio dotée de toilettes sèches et sans jambon, Edvard en profite pour alimenter le compte facebook qu’il a créé de toutes pièces afin de pouvoir vivre une histoire amicale/amoureuse avec Constance, sa « dulcinée » un brin superficielle. Dans sa double vie facebook d’adolescent il s’appelle James, il est allemand, beau gosse, en vacances en Californie. Les choses ne se déroulent pas comme prévues et simplement, Edvard décide de « tuer » Jason par une intoxication alimentaire puis par une grave allergie. Une vague va déferler sur internet : scandale à l’erreur médicale, une page mémorial va recueillir plus de 400 00 fans et tous réclament justice…

Zoë Beck traite tous les sujets avec aisance. D’autres informations en vrac qui ont leur importance :
M. Tannenbaum paie une nouvelle paire de sneakers à Edvard en réparation des anciennes couvertes d’excréments de son chien et ces deux-là développent une belle amitié cruciale pour la suite.
Notre ado, ses copains Anselme et Arthur vont accueillir une fille dans leur groupe Karli, hors du commun.
M. Tannenbaum risque de se faire expulser de sa maison : c’est l’anarchie, tout le monde va y mettre du sien pour aider ce super professeur de physique.

Alors ?

Ca décoiffe. L’humour de Zoé Beck surprend : on rit au moment où on s’y attend le moins. Un des personnages est rutilant : la maman d’Edvard. Elle est assez punk, pense que son fils est gay, a une conduite très sportive, fait des doigts d’honneur, tient une galerie d’art, écoute Rage against the machine et a autrefois squatté des maisons inoccupées. Vous allez l’adorer. Comme tous les autres personnages d’ailleurs qui forment une galerie folklorique et plus qu’attachante. On se demande comment l’auteur va rebondir avec cette histoire facebook qui prend de l’ampleur au fil des pages et elle s’en sort brillamment : la chute est parfaite.

Qu’il est bon de terminer un roman entièrement satisfaite par son contenu ainsi que sa forme ! Un très grand coup de cœur pour ces 200 pages inattendues.

Fake fake fake,Zoë Beck(Milan)
disponible depuis le 6 janvier 2016
9782745972637 – 12.50€
à partir de 13 ans
Son
0

Dans de beaux draps – Marie Colot

9782874262708,0-2747908

Jade, 14 ans, vit dans une famille nombreuse mais recomposée : chaque enfant est issu d’un père ou d’une mère différents. Un jour arrive Rodolphe, le fils de son beau-père, plus âgé et super craquant. Une simple photo de lui sur Facebook va entraîner Jade sur la piste du mensonge, un mensonge qui va vite la dépasser…

★★★★☆

Bob et Jean-Michel sont vraiment très heureux de ne plus être au collège ou au lycée à l’heure des réseaux sociaux. Dans ce roman, Marie Colot s’intéresse donc à l’importance et l’omniprésence de Facebook, Twitter et consorts dans la vie des adolescents. Mais surtout, à leur dérive et à ce qu’il y a de pire dans leur utilisation : la jalousie, les insultes, les moqueries, les menaces… Comment Jade, jeune fille intelligente mais un peu transparente, va devenir la fille « populaire » après avoir posté une photo de Rodolphe, son demi-frère, dont tout le monde va penser qu’il est son petit ami…et qu’elle ne va pas démentir. A partir de ce moment, la vie de Jade semble s’améliorer à son goût : elle devient copine avec les filles les plus cools, se fait gentiment draguer par les mecs plus âgés…jusqu’au moment où son ancien flirt éprouve de la jalousie. Tout commence alors à se gâter pour Jade, qui va subir non seulement un harcèlement en ligne mais également au collège… Jusqu’au soir où tout dérape…

Dans de beaux draps, court roman mais percutant, est passionnant par son évocation de l’adolescence et de la difficulté de s’y sentir bien. L’écriture de Marie Colot est forte, efficace, et nous entraîne du début à la fin avec une facilité déconcertante. Roman sur les réseaux sociaux oblige, de nombreux statuts Facebook s’insèrent dans la narration, nous rendant encore plus proche de Jade et de son malaise. J’ai beaucoup apprécié cette histoire, cette tension durant tout le roman où l’on sait que quelque chose de terrible va se passer (Jade nous le dit dès le premier chapitre), sans savoir quoi tout en se doutant et redoutant d’y arriver. Réflexion sur le mensonge et la volonté de s’exhiber sur le net, d’être aimé et reconnu, Marie Colot signe un roman juste, non dénué d’humour malgré tout ce que j’ai pu en dire, qui trouvera une résonance significative chez les adolescents.

Dans de beaux draps, Marie Colot (Alice jeunesse)
collection Tertio
disponible depuis le 29 octobre 2015
9782874262708 – 12€
à partir de 14 ans

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Tout revivre – Mélody Gornet

Lorsqu’un auteur écrit son tout premier livre et qu’il est aussi percutant, il est important de le souligner.

 ★★★★☆

toutrevivre

Sophie vient de périr dans un accident de voiture, laissant seuls ses deux fils Jordan et Matthis qui vont devoir cohabiter avec leur père, sa femme ainsi que leurs deux filles Oriane et Axelle. Une cousine de Sophie, Solveig se révèle assez touchée par le décès de sa tante et le destin de ses neveux ne la laisse pas indifférente. Elle décide de renouer avec eux et de les embarquer dans son projet de restauration de sa maison. Roman à trois voix, il explore avec perspicacité et rigueur les affres du deuil.

Comment parler d’une personne disparue alors qu’elle manque cruellement ? Comment gérer son deuil ? Mélody Gornet nous raconte l’essentiel, sans un mot de trop. Pas le temps de s’épancher sur les scènes que nous lisons car à l’image de la vie, le temps ne s’arrête pas et il faut avancer jusqu’à ce que la douleur s’estompe. En perdant leur mère et probablement leur unique point de conversion, les garçons sont propulsés au coeur d’une famille qui ne l’attendait pas. Oriane, nouvelle adolescente de 13 ans, n’accepte pas d’avoir perdu sa chambre qu’elle partage avec sa cadette Axelle, en faveur de ses demis-frères. Leur père ne leur accorde que peu d’attention malgré l’immensité du chagrin qui les habite, causant de nombreux problèmes sur leur état psychique. Seule Sonia, belle-mère à plein temps ne semble pas être un frein au bon fonctionnement du quotidien de la maison.

Matthis…

…se révèle le plus percuté par la mort de sa mère et le bouleversant aussi. Probablement le personnage qui m’a le plus touchée. Son premier cauchemar est le plus traumatisant qu’il m’ait été donné de lire : une femme d’apparence charmante lui cuisine des cookies, puis tout bascule :
– Tu ne sais pas où tu es Matthis ?
Elle posa devant moi une assiette de cookies chauds
[…] Elle approchait son visage un peu trop près du mien. Ses iris s’assombrissaient et grandissaient lentement, mangeant tout le blanc à l’intérieur […] – Mange tes cookies, Matthis. Je sentis une odeur horrible et regardai mon assiette : ils étaient moisis, et des vers blancs grouillaient à leur surface. Quand je relevai la tête, la femme avait les yeux complètement noirs, comme ceux d’un corbeau, et elle me sourit, exhibant une rangée de dents pourries […] – Tu as oublié de manger tes cookies, Matthis […] – Tu as oublié ta mère, Matthis.

Deux pages qui m’ont fait froid dans le dos. Aurait-il peur que sa mère tombe dans l’oubli ? Pour une telle description, je suis persuadée que notre nouvel auteur chouchou a du regarder quelques films d’horreur pour être aussi bien inspirée (arrête Mélody, on sait). Mais reprenons : ce n’est que le début du traumatisme pour le jeune garçon qui en plus d’être effrayé par son sommeil le sera aussi par les ombres et les reflets dans les miroirs…Le harcèlement au collège dont il sera victime ne sera que la goupille qui fera exploser toute la tristesse qu’il lui reste à évacuer.

Jordan,

en guise d’ultime affront envers son père qui ne lui accorde aucune sollicitude, réagira par la violence. On sait pertinemment que le manque d’égard de son paternel ne représente qu’une mince excuse : sa gestion du deuil est plus compliquée. Expulsion du collège, offense brutale contre sa petite amie…la colère l’enflamme à longueur de journée, mais finira par s’éteindre. Quant à…

Solveig

Elle a finalement peu fréquenté sa tante Sophie mais la compassion qu’elle ressent pour ses cousins et l’envie qu’elle éprouve de mieux les connaitre la pousse à passer du temps avec eux, les aider à surmonter cette épreuve douloureuse. Mais secrets de polichinelle oblige, il y a d’autres éléments à découvrir dans ce roman et bien sûr : nous ne dirons rien. Oui, nous ne sommes pas des filles très sympas.

Tout revivre, Mélody Gornet (Thierry Magnier)
disponible depuis 22 octobre 2015
9782364747722 – 12.90€
à partir de 13 ans

Son
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La porte de la salle de bain – Sandrine Beau

9782362661334,0-2747352

Avec tous les livres de la collection Ego que nous avons chroniqué ici, vous savez désormais qu’il faut s’attendre à des sujets toujours forts et pleinement ancrés dans la société. Le nouveau roman de Sandrine Beau ne déroge pas à cette volonté de faire réfléchir, propre à Talents Hauts. 🙂

Mia, 11 ans, se réjouit de voir son corps entrer dans l’adolescence. En effet, ses seins commencent à pousser. Tous les jours, elle attend avec impatience devant le miroir de sa salle de bain de les voir grossir. Jusqu’au jour où son beau-père prend l’habitude d’entrer dans la salle de bain lorsqu’elle se douche…

★★★★★

Vous avez deviné le sujet du roman, à quelques pas de la pédophilie. Un sujet difficile à évoquer en littérature comme dans la vraie vie… C’est d’ailleurs tout le problème de Mia, qui ne parvient pas à en parler autour d’elle et qui n’arrive même pas à mettre les mots sur ce qu’il se passe, sur ce qu’elle vit. S’agit-il d’un accident, d’une coïncidence si son beau-père entre toujours au moment où elle prend sa douche ? On sent l’angoisse monter en Mia petit à petit et cette détresse que personne ne semble voir. Tout le talent de Sandrine Beau réside dans cette maîtrise de son intrigue, cette peur qui s’insinue dans notre esprit de lecteur, cette tension à découvrir la suite. Elle parvient aussi à rendre avec beaucoup de finesse les émotions de cette jeune fille de 11 ans au seuil de l’adolescence, qui était ravie de voir son corps changer, jusqu’à ce que les regards sur elle changent aussi, et notamment ceux des hommes. Je ne vous en dis pas plus sur l’histoire et sa fin (même si elle est connue dès le début), mais j’ai beaucoup aimé comment l’autrice a traité le sujet. Il n’y a pas de rage, pas de colère dans les mots de Mia, on sent même une très grande douceur (surtout au début du roman, bien sûr), ce qui nous permet d’entrer dans la problématique sans brusquerie et d’insister sur le besoin de respecter l’intimité des jeunes adolescents. L’écriture de Sandrine Beau n’en est que plus délicate et son histoire une réussite. Un texte qui pourrait d’ailleurs être lu par un public un peu plus jeune que celui ciblé d’habitude par la collection, grâce à cette écriture accessible et ce fin traitement du sujet et qui permettra, peut-être, d’inciter à dire les choses.

La porte de la salle de bain, Sandrine Beau (Talents Hauts)
collection Ego
disponible le 1er octobre 2015
9782362661334 – 7€
à partir de 12 ans

Son
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Le prof, moi, les autres – Rachel McIntyre

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Rien de tel pour la rentrée des classes qu’un roman qui se déroule justement dans une école ! 😛 Bob vous emmène aujourd’hui dans un lycée d’Angleterre, à la rencontre de Lara…

Lara, 15 ans, est une élève effacée et, entre les moqueries de ses camarades, l’alcoolisme de son père et les disputes incessantes avec sa mère, la vie semble très sombre. Heureusement, il y a le beau Ben Jagger, son prof de littérature, qui lui propose d’organiser un concours de talents. Une occasion en or de se rapprocher de celui qui fait battre le cœur de toutes les filles du lycée…

★★★☆☆

Il y a longtemps que je n’avais pas lu un roman évoquant la relation amoureuse entre un professeur et son élève ! Le prof, moi, les autres s’intéresse ainsi à cette histoire d’amour interdite, mais pas que. Une grande part du roman traite en effet du harcèlement scolaire, un harcèlement vraiment terrible pour Lara. C’est sous la forme du journal intime que nous découvrons au fil des mois les épreuves que traverse cette rousse taille mannequin à la poitrine en planche à pain et dont le nom de famille, Tissein, est parfait pour se moquer de ses « Ptisein ». Sa situation familiale n’est pas meilleure : son père au chômage passe ses journées à picoler et sa mère porte toute la maison avec son maigre emploi de femme de ménage. Alors non, la vie n’est pas rose pour Lara. Mais son jeune professeur, Mr. Jagger, va être son rayon de soleil, la raison qui va la faire continuer à aller au lycée et subir tous les sévices inventés par ses camarades. J’ai trouvé certains moments véritablement très durs, pour ce qui est du harcèlement. Même les petites touches d’humour de Lara, qui n’a pourtant vraiment pas de quoi rire dans la vie, ne parviennent pas totalement à faire retomber la pression. L’histoire d’amour entre Lara et son professeur, quant à elle, met parfois mal à l’aise, et la fin ne nous permet pas de nous sentir mieux vis à vis de ce sujet, puisque l’on continue à se demander ce qui s’est réellement passé dans cette relation. Il n’en reste pas moins un roman intéressant, immersif et captivant par sa forme, et qui invite à la réflexion.

Le prof, moi, les autres, Rachel McIntyre (Milan)
collection Macadam
disponible le 9 septembre 2015
9782745972545 – 12,50€
à partir de 14 ans