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Les histoires ça ne devrait jamais finir – Esmé Planchon

Zora tient un blog consacré à l’univers de la saga littéraire des Mondes Invisibles de Maria Zumaï. Zora est une des autrices de fanfictions les plus lues des forums de fans, c’est une référence dans la communauté. Mais dans la vraie vie, en dehors d’Internet, Zora s’appelle Lucien, c’est un adolescent de 16 ans, timide et renfermé. Il aime se promener seul dans ses pensées autour d’un lac, lire et re-re-re-re lire les romans. Sa vie ne tourne qu’autour de ces livres. Jusqu’au jour où une annonce va bouleverser les lecteurs des Mondes Invisibles, un tremblement de terre. La série va rester inachevée, le quatrième tome tant attendu ne verra jamais le jour ! Lucien décide, en compagnie de deux fans, de mener l’enquête pour découvrir l’identité de Maria Zumaï afin de la supplier d’offrir aux fans la suite.

Imaginez si J.K Rowling avait arrêté Harry Potter au sixième tome ? Ou une autre de vos sagas préférées ? De quoi donner des sueurs froides aux lectrices et lecteurs que nous sommes ! Depuis ses dix ans, la vie de Lucien tourne autour de ces romans. »S’il y avait eu des biscuits Maria Zumaï, je me serais sûrement nourri exclusivement de ça. » dit-il. Lucien préfère la fiction à la réalité. Sa vision du monde est douce, mélancolique et douloureuse. Si Lucien est toujours plongé dans cette saga c’est en mémoire de son meilleur ami Max. Max avec lequel il a découvert cette saga et qui est décédé à l’âge de 12 ans. Cette année là, les yeux de Lucien, d’un bleu lumineux, ont foncé vers un bleu plus sombre.

Ce roman c’est de la poésie brute, c’est de l’amour pour les livres mais aussi pour la vie. Ce sont des personnages complexes, si loin des préjugés, toutes en nuances de couleurs. C’est un hommage à tous les livres lus sous la couette, à tous les livres relus, à toutes les conversations autour de la lecture avec une boisson chaude, à toutes les histoires qui nous aident à nous construire et à nous déconstruire, à tous les lecteurs.

La prose de l’autrice Esmé Planchon est douce, onirique, d’une justesse touchante. Elle est une magicienne des couleurs. C’est admirable, poétique tout en gardant les pieds sur terre et la tête dans les nuages. Les pensées de Lucien vagabondent telles la plume de l’autrice. Etre témoin de sa transformation douce et profonde est un pur bonheur. On resort de ce livre avec l’envie de sourire à sa bibliothèque, pleine de gratitude.

J’aimerais vous inviter à plonger dans ce roman comme l’on plonge dans un lac, un beau jour d’été, en sachant que cela nous fera du bien. Outre l’écriture sublime, le monde de la littérature, les personnages attachants, l’enquête fascinante pour retrouver la trace de l’autrice anonyme, on trouve aussi une romance distillée dans les chapitres. Une histoire d’amour maladroite, irrésistible, qui fera fondre les petits coeurs. Cette idylle permettra à Lucien de faire éclore son identité queer et de concilier ses personnalités avec sensibilité. Vous l’aurez compris, ce roman est un coup de coeur 💙.

Les histoires, ça ne devrait jamais finir, Esmé Planchon (Bayard)
disponible depuis le 9 mars 2022
9791036335846 – 13,90€
à partir de 12 ans
Son
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All Our Hidden Gifts – Caroline O’Donoghue

Maeve Chambers est une lycéenne médiocre de son école privée irlandaise. Lors d’une punition où elle doit nettoyer un cagibi encombré de vieilleries, elle découvre un jeu de tarot divinatoire et se révèle plutôt douée pour tirer les cartes. Maeve devient alors une véritable attraction pour ses camarades, jusqu’à ce que son ancienne meilleure amie Lily lui demande une lecture. Lorsque Lily tire une carte inconnue, la rencontre tourne à la dispute et, le lendemain, Lily a disparu… Avec l’aide de Fiona, fascinée par la perspicacité de Maeve et de Roe, le frère de Lily, Maeve va tout faire pour la retrouver.

Quel délice que ce roman qui oscille entre réel et fantastique, étirant délicatement la fine ligne qui les sépare. Il y a un côté The Craft assez évident (pour celleux qui avaient adoré le film) qui nous emmène à la découverte de la sorcellerie moderne et d’un groupe de jeunes gens en questionnement sur leur identité. Maeve, le personnage principal, est particulièrement attachante dans son rôle de petite dernière de la famille, se trouvant moins bien que ses frères et sœurs qui ont réussi alors qu’elle a du mal dans ses études, ou même à avoir une passion. Jusqu’à ces cartes de tarot qui montrent son acuité à comprendre les autres et à toucher juste quand elle leur lit les cartes. Un “don” qui pourrait bien se révéler plus dangereux que prévu…

Mais l’originalité de ce récit tient aussi du lieu de l’intrigue, l’Irlande contemporaine, où le poids de la religion catholique reste bien présent (il y est question du combat des irlandais.es pour le mariage pour tous, le droit à l’avortement, etc.), mais où le folklore a aussi toute sa place. Caroline O’Donaghue réussit ainsi parfaitement à mêler tous ces sujets de société à son intrigue relevant presque du thriller ésotérique.
On est donc complètement pris par ce récit passionnant au doux parfum de chronique adolescente matinée de magie wiccane. Une belle surprise.
A noter qu’il s’agirait d’un tome 1 mais que l’histoire se suffit à elle-même !

All Our Hidden Gifts, Caroline O’Donoghue, traduit par Christophe Rosson (La Martinière Jeunesse)
disponible depuis le 11 juin 2021
9782732492667 – 18,50€
à partir de 13 ans
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Annie au milieu – Émilie Chazerand

Annie est la sœur de Velma et Harold. Au centre de la famille, elle irradie de son sourire et de sa fantaisie. Mais Annie est « différente » selon les autres, car elle a un chromosome en plus. Et c’est cette « différence » qui va être le motif de renvoi de son équipe de majorette, une passion qu’Annie adore plus que tout ! La sidération et la colère passées, la famille d’Annie ne va pas se laisser abattre et va au contraire faire équipe et se rassembler pour montrer leur propre équipe de majorettes et en mettre plein la vue à ces intolérants !

Liste de 21 raisons d’aimer le roman

· Un roman choral, raconté tour à tour du point de vue de Velma, Harold et Annie.
· Le ton du roman, certes décalé et drôle comme on connaît si bien Émilie Chazerand, mais avec une gravité qu’on lui découvre et qui apporte plus de profondeur que ses précédents romans.
· La question de la place dans la famille, ces voix de Velma et Harold qui peinent à exister, à se faire entendre, dans l’ombre de leur sœur qui mobilise toute l’attention, toute la famille.
· La voix d’Annie, si rare en littérature, qui donne sa vibration à tout le roman. (Une autre voix trisomique à découvrir dans le roman de Mel Darbon).
· Dalida, amie imaginaire qui scintille et apporte cette fantaisie aussi drôle qu’inattendue.
· L’univers des majorettes, une discipline plutôt inédite en littérature, qui contribue à l’humour du roman et au dépassement de soi d’une famille qui prend enfin le temps de se parler, se (re)découvrir.
· La galerie de personnages secondaires, qui apportent tous un petit quelque chose de plus à cette chronique familiale.
· La typographie qui se réduit lors des chapitres de Velma. Si discrète qu’elle ne prend pas trop de place dans la page… avec ses pensées si douloureuses « Aujourd’hui, j’ai un peu existé ».
· La passion d’Annie pour les paillettes.
· L’ouverture de cœur que procure ce roman, l’élan d’amour pour la vie quand on le referme.
· La relation entre la mère d’Annie et la grand-mère, une relation d’amour-haine, si pleine de répartie.
· L’amour d’Harold pour Camille.
· Marie-Claire, la grand-mère, qui résume assez bien l’idée globale du livre : « la famille, c’est un gilet pare-balles ».
· La recette de ce livre : un chouia de mal-être, une pointe de différence, une bonne dose de secrets et surtout beaucoup d’humour et d’amour.
· Les paris discrets entre les parents.
· La chanson Basique d’Orelsan
· Gigi l’amoroso, la poule.
· Les dimanches dans la famille.
· La fin est à la hauteur du reste du roman : réaliste et pleine d’espoir.
· Les listes de Velma, qui nous ont inspiré la nôtre, et qui se terminent invariablement avec la même raison.
· Annie.

Et la bande-annonce du roman pour poser l’ambiance…

Annie au milieu, Émilie Chazerand (Sarbacane)
collection Exprim’
disponible depuis le 25 août 2021
9782377316953 – 17€
à partir de 13 ans
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La vie en rose de Wil – Susin Nielsen

Après un malheureux incident lors de son arrivée à Toronto, Wil est devenu la risée de son lycée. Malgré cette déconvenue, il vit une vie plutôt tranquille entre ses mères qui l’adorent (les Mapas), son meilleur ami Sal, d’environ soixante-dix ans son aîné, et son chien borgne et courtaud Templeton. Il partage ses journées entre son job d’Expert en composition de sandwichs, l’aqua-gym avec des mamies, son talent muscial inné pour le triangle, et l’écriture de poèmes. Jusqu’au jour où son monde bascule avec l’arrivée des correspondants français… Car il découvre que son Charlie est en réalité une fille et elle est absolument fabuleuse !

Bob voit la vie en Susin Nielsen

Vous devez savoir si vous nous suivez depuis un moment que Bob est un fan absolu de Susin Nielsen et que chaque parution est attendue comme le cadeau de Noël qu’on désire de tout son cœur ! A chaque fois, Bob sait qu’il va adorer, qu’il va rire et pleurer, qu’il va vouloir aller vite au bout de l’histoire et en même temps la lire petit à petit pour la savourer. ❤ Ce nouveau roman de Susin Nielsen est encore une fois un régal de lecture ! Entre ces dialogues aux petits oignons, cette sensibilité qui touche toujours juste et cette fantaisie parfaitement dosée, on succombe pour ses personnages et ses situations aussi loufoques que sensibles. Comme toujours, on ressent une profonde bienveillance dans l’écriture et la construction des personnages de Susin Nielsen : malgré les imperfections de chacun, les difficultés rencontrées, il y a toujours tout cet espoir et cette tolérance qui caractérisent ses histoires, cette volonté de se découvrir et s’aimer soi-même. Les romans de Susin Nielsen, ce sont des moments de lecture uniques, c’est la chaleur de la couette qui nous réconforte toujours, et la promesse d’une vie en rose.

Lisette veut plus de rose dans sa vie

Si vous avez lu attentivement cette chronique, vous pouvez penser que cette histoire paraît simple mais c’est sans compter sur le merveilleux travail de conteuse de Susin Nielsen. Lisette est toujours très heureuse quand elle tombe sur un roman qui prend les adolescents au sérieux mais avec humour ! Ici, il est question d’amitié, de confiance en soi et d’émois adolescents, de vie de famille… mais également de harcèlement et de difficulté financière. Will n’est pas épargné par les désagréments de la vie, ce qui le rend terriblement attachant. L’autrice valorise la diversité : l’homosexualité, l’amitié avec une personne âgée mais ces sujets ne sont jamais au cœur du roman. La force de l’écriture réside dans sa capacité à transmettre des valeurs humanistes comme l’entraide, le respect, la tolérance avec des situations de vies cocasses ! Petit bonus avec le duo de mères de Will qui lui enseigne une sexualité très positive à base de consentement enthousiaste « Ne suppose jamais a priori qu’une fille désire un contact physique, quel qu’il soit ! Demande Toujours Avant™. » Des recommandations toujours très bien placées !

Ouvrir un livre de cette autrice, c’est se blottir dans l’histoire avec réconfort et sourire. La vie en rose de Wil est une très belle fresque humaine hétéroclite et touchante, un univers dans lequel on s’immerge avec tendresse.

La vie en rose de Wil, Susin Nielsen, traduit par Valérie Le Plouhinec (hélium)
disponible depuis le 25 août 2021
9782330153472 – 14,90€
à partir de 12 ans
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L’année où je suis devenue ado – Nora Dåsnes

Emma est heureuse de rentrer en 5ème, cette année elle rêve de devenir stylée, construire une cabane avec ses deux meilleures amies Bao et Linnéa, aller à une pyjama-partie et tomber amoureuse ! Sauf que la rentrée ne se passe pas comme elle l’imaginait. Linnéa a changé, elle a un copain, ce qui est intolérable pour Bao qui veut continuer à construire des cabanes dans la forêt de l’école… Coincée entre les deux, Emma ne sait pas comment se positionner : comment on sait qu’on est une ado ? C’est quoi être mature ? Comment savoir si l’on est amoureuse ?

L’année où je suis devenue ado est une pure merveille ! L’histoire est pudique, authentique et vient explorer les bouleversements des premiers émois avec beaucoup de tact. Emma va tomber amoureuse de Mariam, une nouvelle élève, qui vient d’arriver dans sa classe, cet amour est amené d’une manière douce, naturelle et réservée, propre à cet âge sensible et n’est pas sujet à controverse. Ce livre traite surtout du passage délicat où nos jeux nous paraissent trop enfantins, où on se demande si la vie n’est pas partagée entre les filles qui se maquillent et les autres, celles qui sont en couple et les autres, les gamines et les ados… Emma va être tiraillée entre ses deux amies qui représentent cette transition si particulière de l’enfance à l’adolescence.

Il s’agit du premier livre de la graphiste norvégienne Nora Dåsnes qui explique qu’elle aurait aimé lire une telle histoire à 12 ans car elle considère qu’il est essentiel de pouvoir s’identifier à des personnages qui leur ressemblent. Pari réussi ! Les lectrices s’identifieront facilement à Emma, car elle est une narratrice attachante et pleine d’esprit. Cette autrice-illustratrice nous offre un objet livre magnifique, plus proche du roman graphique que de la bande dessinée, d’autant plus que le livre est le journal intime d’Emma. Nous y retrouvons des messages dessinées, des playlists musicales de son père (qui a très bon goût), des dessins en pleines pages, des bulles… Ces changements apportent un rythme rapide, qui ne donne qu’envie de découvrir la suite de l’histoire ! Et que dire des illustrations ? Elles sont sensibles, douces et nous montrent des moments de la vie quotidienne avec justesse, ni trop, ni pas assez.

Une BD coup de cœur qui raconte avec une extrême justesse les premiers émois amicaux et amoureux de cet âge charnière, entre l’enfance et l’adolescence. Je vous invite à découvrir cette bande dessinée qui est un véritable bonheur de lecture, à mettre entre toutes les mains !

L’année où je suis devenue ado, Nora Dåsnes (Casterman)
disponible le 5 mai 2021
9782203223615 – 15,95€
à partir de 10 ans
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En apnée – Meg Grehan

Maxime a 11 ans, elle vit avec sa maman qui l’élève seule. Elle aime apprendre plein de choses, cela la rassure de savoir, d’avoir une réponse à chaque question. Derrière cette curiosité, sa passion de la lecture, se cache en réalité une immense angoisse. Maxime sait beaucoup de choses sur l’océan, sur sa maman, sur son meilleur ami Adam mais il y a une chose qu’elle ne sait pas expliquer. Pourquoi a-t-elle des pétillements dans la poitrine quand elle voit Chloé, une élève de sa classe ? Quels mots, quelle signification doit-elle mettre sur ce qu’elle ressent ?

Difficile à onze ans de savoir si quand on aime être avec quelqu’un c’est l’aimer bien ou l’aimer bien. Maxime nous communique toutes ses pensées, sous la forme d’un journal intime en vers libre. Un style très léger qui nous plonge profondément dans l’océan de ses pensées. Maxime va découvrir le sentiment amoureux mais pas que. Elle va découvrir qu’elle ne peut pas aider sa maman, ce n’est pas son rôle. Si sa maman pleure devant un film, ce n’est pas une catastrophe mais simplement une émotion qui passe. Il n’y a pas de réponse dans les livres pour soigner les mamans.

En Apnée est un magnifique roman sur la découverte des sentiments amoureux, d’une très grande douceur grâce à son style poétique. Une lecture dans laquelle, comme dans un bain chaud, on a envie de rester très longtemps. J’espère que beaucoup de jeunes lecteurs pourront découvrir ce roman et respirer à nouveau librement…

En apnée, Meg Grehan, traduit par Aylin Manço (Talents Hauts)
disponible depuis le 16 janvier 2020
9782362663543 – 14€
à partir de 10 ans
Son
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Lectures d’été #1

Les vacances sont sans doute le meilleur moment pour lire, lire et lire ! 😀 Le comble, c’est que Bob n’a (presque) lu que des histoires avec tout ce qu’on imagine derrière le mot « vacances » : des voyages, des îles paradisiaques, des personnages eux aussi en vacances… Petit tour d’horizon de nos derniers bons moments de lecture.

Catégorie #plages

Vendredi ou les autres jours

C’est avec délice que l’on suit les nouvelles aventures de Robinson et Vendredi sur leur caillou perdu au milieu de l’océan, où leur solitude est mise à rude épreuve… En effet, pirates et autres évangélisateurs ne cessent de débarquer alors qu’ils entament une partie de crabe-caillou ou dégustent une bonne petite bière de banane. Nos deux compères rivalisent alors d’imagination pour se débarrasser de ces importuns… Un savoureux recueil de nouvelles imaginées par Gilles Barraqué, où se mêlent habilement humour et sensibilité, légèreté et profondeur. Des dialogues facétieux, des héros qui célèbrent l’enfance, le jeu et la joie de vivre et des illustrations délicates d’Hélène Rajcak, ce petit livre bleu océan vous transportera sur cette île généreuse et inventive !

Vendredi ou les autres jours , Gilles Barraqué, illustré par Hélène Rajcak (MeMo)
collection Polynie
disponible depuis le 24 mai 2018
9782352893738 – 10€
à partir de 10 ans
Pëppo

Des parents absents, une grande sœur qui se casse en laissant 2 bébés – Colette et Georges – sur les bras d’un lycéen pas très porté sur les études, qui vit dans un vieux camping pourri des années 80 avec un oncle alcolo et un Argentin musico… Bienvenue dans la vie pas toute rose de Pëppo ! Mais il y a la plage, les petits vols, les commerçants sympas qui donnent les invendus, les petites entreprises qui se créent avec rien, les bébés hyper attachants, et puis Marie-Lola, un prénom moche, des bagues aux dents et des bourrelets mais un sourire magnifique. Séverine Vidal ravit notre petit cœur avec ce roman complètement barré et pourtant plein de tendresse et d’humanité ! Une comédie douce-amère que l’on a du mal à quitter tant on finit par s’attacher à toute cette tribu de marginaux rassemblés autour de Pëppo, le plus inoubliable d’entre tous.

Pëppo, Séverine Vidal (Bayard)
disponible depuis le 6 juin 2018
9782747090711 – 13,90€
à partir de 13 ans
La sirène & la licorne

On termine avec une jolie histoire d’amour entre deux jeunes filles égratignées par la vie. Lili détonne dans sa banlieue, où paillettes et licornes sont tolérées jusqu’au moment où on la surprend embrassant une fille. Pour l’éloigner du harcèlement dont elle est victime, ses parents l’envoient en Charentes chez sa tante. Elle y fait la rencontre de Cris, ancienne championne de voile, qui cache autant de blessures qu’elle. L’amitié cède bientôt la place à l’amour, mais comment faire confiance, s’exprimer ou se livrer après avoir subi autant ? Erin Mosta évoque la reconstruction et l’homosexualité avec beaucoup de justesse et de naturel, et nous offre deux très beaux personnages.

La sirène & la licorne, Erin Mosta (Rageot)
disponible depuis le 20 juin 2018
9782700259162 – 15,50€
à partir de 13 ans
Son
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La lune est à nous – Cindy Van Wilder

9782367404776,0-4360363

Max a 17 ans et emménage en Belgique suite à la séparation de ses parents. Déjà en surpoids et harcelé pour cette raison, il ne sait pas comment révéler à sa famille qu’il est gay. Olive, elle, est noire, grosse et s’assume complètement grâce à son compte Instagram, « Curvy Grace », qui compte de nombreux fans. Mais lorsqu’on lui propose de rejoindre une chaîne YouTube, les choses dérapent et Olive va être confrontée à la pire méchanceté. Heureusement, les chemins d’Olive et de Max vont se croiser…

★★★★☆

La première fois que Max rencontre Olive, celle-ci se prépare à réaliser le Swimsuit challenge pour son compte Instagram, un défi qui consiste à se renverser un seau d’eau en maillot de bain pour une œuvre de charité. Mais un père de famille n’apprécie pas tellement de voir une grosse noire s’exhiber devant ses enfants au milieu d’un parc public et le lui fait savoir à grand renfort d’insultes racistes, grossophobes et de gestes agressifs. Sans compter ceux qui regardent, avides de conflit et de photos ou vidéos croustillantes à poster sur les réseaux sociaux. C’est dans cette posture que Max, mal dans sa peau, voit cette fille et, dans leurs deux regards se lit une compréhension mutuelle. Leur amitié n’en sera pour autant pas si simple à construire car Olive va très vite se retrouver la cible d’un harcèlement d’une grande violence, sur Internet mais aussi au bahut. Malgré ses amis au lycée ou au Dépôt, le lieu de rassemblement des jeunes avec des convictions, Olive va devoir affronter cette haine quasi seule tandis que Max va tout faire pour l’aider même s’il a ses propres problèmes à la maison et avec son difficile coming out

Avec ce roman très contemporain, Cindy Van Wilder donne la parole à deux adolescents qui ont rarement la chance d’être au premier rang dans les histoires. A travers Olive et Max, elle se fait la voix de l’acceptation de soi et des autres, du droit à la différence et à l’amour de soi. Le personnage d’Olive est ainsi parfaitement écrit : une jeune fille qui a appris à aimer ses formes et à inviter les autres, ses fans sur Instagram, à s’accepter tel qu’ils sont et à voir la beauté partout où elle est, même si elle ne correspond pas à ce que la société attend des jeunes gens et aux images dans les publicités et les magazines. Une apparente force qui se fissure aussi vite qu’il fut long d’accepter son corps trop gros ou trop noir pour les autres. Celui de Max, plus renfermé, plus replié sur lui-même n’en est pas moins d’une grande sensibilité, entre haine de soi et volonté de montrer au monde qui il est vraiment. J’ai beaucoup aimé toute la justesse de l’écriture de Cindy Van Wilder, qui n’hésite pas à dire les choses comme elles sont sans s’encombrer du politiquement correct, quitte à nous bousculer. J’ai aimé les représentations de la famille, de la difficulté à communiquer avec des parents adoptifs, à accepter la séparation de ses parents ou à compter sur son petit frère pour briser sa solitude. Il y a de véritables moments de beauté dans les relations que Max et Olive entretiennent avec leur famille ou leurs amis, notamment ceux du Dépôt, dont les causes vont des droits LGBT jusqu’au féminisme tout en s’amusant en organisant des événements ludiques ou artistiques. Un lieu d’une importance capitale dans le roman pour nos deux personnages.

Je vous laisse donc découvrir La Lune est à nous et ses émotions en montagnes russes où la solidarité, l’acceptation de soi et des autres, la bienveillance sont les maîtres mots de ce roman sensible et nécessaire. 🙂

La lune est à nous, Cindy Van Wilder (Scrinéo)
disponible depuis le 14 septembre 2017
9782367404776 – 17,90€
à partir de 12 ans
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D’un trait de fusain – Cathy Ytak

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Après avoir exploré à plusieurs reprises les années de guerre, la collection Les Héroïques nous offre un nouveau texte, plus contemporain et toujours autant d’actualité ! Un roman à découvrir en même temps que le film 120 battements par minute. 🙂

1992. Marie-Ange, Monelle, Julien et Sami sont lycéens en école d’art et partagent régulièrement un verre après les cours. Lors d’une séance de dessin, ils rencontrent Joos, un jeune modèle qui leur fait tout de suite de l’effet. Sami en tombe amoureux, Marie-Ange aussi, tandis que Monelle et Julien se rapprochent… Après une escapade à Saint-Malo, la bande d’amis apprend que Joos est séropositif…

★★★★★

Les années 1990, ce sont celles où le grand public « découvre » l’épidémie du SIDA, où des associations comme Act’Up voient le jour pour alerter et lutter contre la maladie. C’est dans ce contexte que les personnages imaginés par Cathy Ytak évoluent, entre l’insouciance relative de leur jeunesse et les événements qui vont peu à peu s’immiscer dans leur amitié. C’est principalement Marie-Ange que l’on suit dans le roman, cette jeune fille au prénom poussiéreux et légèrement pompeux, à l’image de ses parents, couple engoncé dans des valeurs familiales rétrogrades où seul le mot « déchéance » rime avec France. On la découvre en ado peu sûre d’elle, cachée dans des pulls informes et puis Marie-Ange devient Mary qui, au contact de Sami et Joos, du monde autour d’elle, se fait plus affirmée, plus engagée. Une évolution non sans peine qui se bâtit en même temps que son regard sur son propre corps, sa sexualité et celle des autres se transforme. Puis vient le temps du combat, de celui pour la reconnaissance, le respect, l’acceptation, l’amour et la vie.

D’un trait de fusain, un titre qui évoque la délicatesse, un art dont Cathy Ytak est maîtresse. Et si elle démontre encore une fois toute sa sensibilité à travers ses personnages profondément humains, tout en failles et en espoirs, c’est aussi la brutalité des émotions, leur force, entre rage de vivre, rage de vaincre et rage d’aimer, qui en font un roman d’une puissance émotionnelle rare ! On s’immerge complètement dans l’époque (même si Bob et Jean-Michel n’étaient que des petiots dans les années 90), on se laisse entraîner par le tourbillon de sentiments et de sensations éprouvées par les personnages. Car au-delà du témoignage d’une époque, D’un trait de fusain c’est aussi une histoire d’amitié, d’amour, de sexualité (d’ailleurs, merci Cathy de parler de masturbation féminine, et d’écrire le mot clitoris sans le faire passer pour un « gros mot » ou d’avoir l’air de t’excuser de l’écrire).

Un roman qui secoue, qui rappelle aussi l’importance des rapports protégés, que la maladie est toujours bien présente, même si on a l’impression qu’on en parle plus, qu’il faut continuer à se battre, à s’engager, à s’aimer, à vivre.
Merci Cathy pour cette fureur de vivre ! ❤

D’un trait de fusain, Cathy Ytak (Talents Hauts)
collection Les Héroïques
disponible le 21 septembre 2017
9782362661976 – 16€
à partir de 15 ans
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Bouche cousue – Marion Muller-Colard

Marion Muller-Collard, c’est la grande découverte de Jean-Michel de ce début d’année…

Dans ce court roman, elle donne la parole à la cadette d’une famille italienne respectueuse des traditions. Propriétaires d’un lavomatique, ses parents sont peu à l’écoute de leurs filles Mado et Amandana. En revanche, l’image et la vertue de la famille doivent être aussi propres que le linge qui ressort de leur entreprise.

★★★★★

bouchecousueLors d’un déjeuner dominical chez Mado, son époux Thierry, leurs enfants Tom (15 ans), Eva-Paola (11 ans), Amandana trouve l’ambiance lourde – plus que d’habitude et ses parents ajoutent leur pierre à l’édifice de la mauvaise humeur. Célibataire et sans enfants, elle est montrée du doigt par le reste de sa famille, y compris Eva-Paola. Excepté par Tom, avec lequel elle entretient une relation complice. Rapidement, on apprend au cours du repas que Tom a embrassé un autre garçon et le déjeuner prend une tournure dramatique où Amandana ressent les stigmates de son passé chatouiller la redondance de la situation, qu’elle a vécu des années plus tôt.

Ce texte est une grande lettre adressée à Tom, le récit d’une femme qui revient sur un passage complexe et douloureux de son adolescence. Elle propose une oreille attentive à son neveu en somme, entre pudicité et mise à nu.

Entre un père traditionaliste, catholique, une mère absente sentimentalement survolant tout problème et une grande sœur qui refuse de jouer un rôle dans la vie de sa cadette : Amandana trouve refuge dans le lavomatique. A la recherche permanente de vêtements oubliés dans les tambours des machines – trésors bienveillants – elle joue, se déguise. La culpabilité la gagne et décide de remettre ses artefacts à ses propriétaires. C’est ainsi que Jérôme et Marc, couple extraordinairement gentil, beau où tous deux sont uniques, vont devenir l’oreille attentive de la jeune fille à chaque étape douloureuse de son entrée dans le monde de l’adolescence (premières règles, premier amour…). J’avoue ne pas m’être lassée de ce trio : chacune de leur scène étaient drôle, ou sensible ou spirituelle. Amandana parlera avec naturel de son attirance envers Marie-Line, son amie.

Un texte d’une puissance magistrale, belle et surprenante. Marion Muller-Colard analyse ses personnages avec précision d’une plume aiguisée mais toujours juste elle dévoile au grand jour leurs travers, leurs blessures intimes. Vous ne trouverez pas texte aussi parfait en ce début d’année. Une grande ouverture d’esprit, Marion en fait la preuve, avec 100 pages.

« Le linge se refaisait une virginité dans le tambour des machines à laver, il ressortait comme neuf et ma mère, dans la salle d’à côté, l’engourdissait de vapeur, l’aplatissait, le plait, et c’est comme si personne ne l’avait jamais touché. »
Bouche cousue, Marion Muller-Colard (Gallimard Jeunesse)
collection Scripto
disponible depuis le 14 janvier 2016
9782070573295 – 7€
à partir de 14 ans