Son
1

Orphelins 88 – Sarah Cohen-Scali

Allemagne, juillet 1945. Un garçon erre dans les décombres avant d’être recueilli par des soldats américains. On le nomme Josh et on l’envoie dans un orphelinat où, avec de nombreux autres enfants victimes de la guerre, il va devoir panser ses blessures et découvrir sa véritable identité.

★★★★☆

Dans Max, Sarah Cohen-Scali nous faisait découvrir le programme Lebensborn, depuis sa création par Himmler à sa réalisation avec Max, le tout premier enfant né de l’eugénisme nazi. Un roman exceptionnel, aussi passionnant que glaçant, aussi puissant que dérangeant (LISEZ-LE!). Orphelins 88 débute là où Max s’arrête, à la fin de la guerre, avec la question de « que sont devenus les enfants du programme Lebensborn ? ». Car Josh est un garçon issu de ce programme, mais avec une histoire toute particulière dont lui-même n’a pas toutes les clés. Son bras gauche est tatoué, comme celui des Juifs. L’est-il lui-même ou n’est-ce qu’une grossière erreur ? Car son bras droit, lui, ne cherche qu’à se tendre dans un salut nazi devenu un réflexe. Est-il un vrai allemand ou l’un de ces enfants germanisés ? Des questions qui vont petit à petit trouver des réponses alors que Josh, l’un de premiers à avoir rejoint l’orphelinat, voit affluer tout un tas d’autres enfants qui ont vécu des traumatismes terribles.

Particulièrement documenté, Orphelins 88 s’intéresse donc à ce qui se passe pour les populations à la fin de la guerre. Car il n’y a pas que les embrassades et les fêtes de la libération et la guerre ne se termine pas au 8 mai 1945. Il y a aussi, et surtout, tous ces gens jetés sur les routes, qui se retrouvent dans des camps de déplacés, tous ces Juifs libérés des camps qui cherchent à rentrer chez eux, en Pologne ou ailleurs, et subissent des pogroms, tous ces enfants devenus orphelins qui deviennent candidats à l’adoption et à l’immigration. Des sujets drôlement d’actualité, non ? Roman de l’après, donc, auquel le rythme rend bien compte de la torpeur dont chacun s’éveille – ou pas, de la lente reconstruction de soi et de la difficulté à imaginer comment vivre après ça.

La force du roman de Sarah Cohen-Scali réside avant tout dans ses personnages, Josh en tête, bien sûr, que le conditionnement et la perte de mémoire rend particulièrement déchirant. Mais il y a aussi Ida, la directrice de l’orphelinat, qui veille chaque nuit dans le hall pour accueillir les nouveaux arrivants ; Wally, le GI noir américain qui devient le premier « ami » de Josh, et qui nous permet aussi de connaître la situation des soldats noirs à cette époque ; Halina, jeune fille juive revenue en Allemagne après sa libération des camps car sa maison en Pologne était occupée par ses anciens voisins qui l’ont chassée ! ; Beate et son étrange accoutrement, qui erre dans la ville… Sans doute que le fait qu’ils soient tous inspirés de témoignages ou de personnes réelles rend l’émotion encore plus forte.

Si Orphelins 88 n’atteint pas le même niveau que Max – quelques longueurs qui donnent l’impression que ça tourne en rond et, après le choc reçu à la lecture de Max, il me semblait difficile d’atteindre le même degré de violence, d’horreur, d’aboutissement – il n’en reste pas moins une lecture passionnante, forte et émouvante.

Orphelins 88, Sarah Cohen-Scali (Robert Laffont)
collection R
disponible depuis le 20 septembre 2018
9782221218853 – 15,90€
à partir de 13 ans
Son
3

Sauvages – Nathalie Bernard

Jonas vient d’avoir 16 ans. Il lui reste très exactement soixante jours avant de retrouver enfin sa liberté. Dans ce pensionnat perdu au beau milieu du Canada, Jonas n’est qu’un numéro parmi d’autres, à qui on demande d’être obéissant, productif et discipliné. Il doit donc encore tenir deux petits mois à faire croire aux prêtres et aux sœurs qui gèrent le pensionnat qu’ils ont réussi leur mission : tuer l’Indien dans l’enfant qu’il était à son arrivée au pensionnat.

★★★★☆

L’année dernière, Nathalie Bernard publiait un premier roman chez Thierry Magnier : Sept jours pour survivre, un thriller glaçant et angoissant qui se déroulait au Canada et évoquait déjà le destin des amérindiens, et en particulier des femmes amérindiennes. (On ne vous en dira pas plus mais on vous invite fortement à découvrir ce roman !)

Cette année, nous sommes toujours au Canada, mais cette fois dans les années 1950, en plein cœur d’un thriller historique qui nous conduit dans le passé terrible et honteux du pays : les pensionnats autochtones. Cela ne vous parle peut-être pas et pourtant, jusqu’en 1996, il existait des institutions qui « accueillaient » (comprendre « arrachaient à leurs familles ») des enfants amérindiens afin de les scolariser, certes, mais surtout de les évangéliser et les assimiler. L’idée y était de « tuer l’Indien dans l’enfant ». Charmant, n’est-ce pas ? Les conditions de vie y étaient déplorables et les sévices endurés par les enfants tout aussi abominables. C’est donc dans cette dure réalité historique que s’ancre le récit de Nathalie Bernard qui parvient avec brio à ne pas en faire qu’un roman dénonciateur basé sur des témoignages réels mais aussi un thriller efficace et un récit passionnant.

Et cela tient sans doute à la fluidité de l’écriture de Nathalie Bernard, et à ce personnage, Jonas, qui porte admirablement le récit. Un cheminement vers la liberté qui passe par de bien trop nombreuses épreuves pour ce garçon qui ne rêve que de retrouver ses racines, et par une chasse à l’homme au cœur des forêts québécoises, où la mort n’a jamais été aussi proche. Un roman émouvant, éprouvant, magnifique et captivant qui ne vous laissera certainement pas en ressortir indemne.

Sauvages, Nathalie Bernard (Thierry Magnier)
disponible depuis le 29 août 2018
9791035201852 – 14,50€
à partir de 14 ans
Son
1

Tous les bruits du monde – Sigrid Baffert

Italie, 1905. Pour venger son honneur, Graziella s’apprête à tuer son ex-fiancé Anthelmo. Enceinte jusqu’aux yeux, elle le regarde en épouser une autre, avant de viser son cœur… Condamnée pour ce meurtre, Graziella se retrouve en prison et attend son jugement, jusqu’au jour où un tremblement de terre lui offre la fuite. Une vie nouvelle s’offre à elle, mais les démons du passé ne sont jamais loin…

★★★★★

Pour ceux à qui manquait un grand roman d’aventure : voici Tous les bruits du monde ! Un destin de femme, une histoire d’amour gâchée, un honneur à laver plus important que la vie elle-même, une malédiction, des éléments qui se déchaînent, des traversées en bateau et des découvertes fabuleuses, il se passe tout cela, et bien plus encore dans le nouveau roman de Sigrid Baffert, qui nous transporte dans l’Italie et la France du début du XXème siècle. On notera d’ailleurs tout le travail de documentation pour ce roman historique où des événements réels côtoient les inventions de l’époque et quelques grandes figures des début du cinéma. Des détails et des clins d’œil qui n’éclipsent certainement pas l’aventure palpitante de Graziella et de son frère Baldassare qui vont tous deux fuir leur Italie natale pour rejoindre la France, où ils espèrent non seulement échapper aux représailles de leur départ mais également retrouver leur frère aîné, Tommaso, disparu mystérieusement voilà des années… Mais si la chance semble sourire à cette fratrie qui accueillera très vite l’enfant illégitime et non désiré de Graziella, le passé et le danger sont clairement à leurs trousses.

Un roman captivant, porté par une plume sensible et exigeante, qui, au-delà de l’aventure et de l’histoire d’une vengeance familiale, aborde aussi des thèmes beaucoup plus rares dans ce genre mais qui offrent de passionnantes explorations de l’humain : l’amour maternel, ou plutôt ici son absence ; la surdité et comment, voilà plus d’un siècle, on traitait les jeunes sourds ; et l’exil, grande question d’actualité s’il en est. Les personnages sont admirables dans leur construction, à commencer par Graziella, aussi vulnérable que déterminée, en proie à un conflit autant physique qu’émotionnel et Baldassare, le frère funambule, véritable soutien pour sa sœur, qui navigue entre l’espoir et le pragmatisme. Et puis César, le frère d’Anthelmo, un personnage diablement angoissant, qui étend son ombre menaçante sur tout le roman…

Tous les bruits du monde, c’est le souffle de la liberté, la richesse d’une époque, des personnages, et toute l’émotion d’un grand roman d’aventure.

Tous les bruits du monde, Sigrid Baffert (Milan)
disponible depuis le 22 août 2018
9782745997685 – 15,90€
à partir de 13 ans
Son
2

Les filles de l’astrologue, t.1 – Laurence Schaack et Françoise de Guibert

9782700256215,0-4784569

France, XVIIe siècle : une ordonnance royale signée par Louis XIV interdit la pratique de toute forme de magie et de divination. Les astrologues font également partie de cette chasse aux sorcières et Germain Lavol de Sauvagnac est ainsi arrêté et emprisonné, laissant seules ses trois filles et leur cousine. Elles sont bientôt contraintes de quitter le domaine familial et, séparées, toutes vont tenter de se rejoindre et de libérer leur père et oncle. Les astres leur seront-ils favorables ?

★★★★★

Elles sont quatre : Thérèse, l’aînée, guérisseuse qui a pris le rôle de mère pour ses sœurs ; Ariane et Philomène, jumelles aux caractères diamétralement opposés, là où la première est studieuse et travailleuse, l’autre est sauvage et casse-cou ; et enfin Soledad, la cousine chassée d’Espagne, dont la frivolité n’a d’égale que la beauté…et la ruse ! Grâce à leurs qualités très différentes et à cause de leur expulsion du domaine familial, les quatre filles vont devoir rivaliser d’intelligence et de débrouillardise pour parvenir à leur objectif : sauver Germain, leur père et oncle, du procès – et sans doute de la terrible sentence – qui l’attend. Car les temps sont durs pour ceux qui pratiquent l’astrologie et les charlatans comme les astrologues respectables sont mis dans le même panier. Et quand tous les soutiens sur lesquels les quatre filles pouvaient compter les laissent tomber, leur séparation devient une nécessité. Commencent alors de très nombreuses aventures, qui vont les faire voyager de leur Tarn natal jusqu’à Paris, où tout se jouera sans doute auprès du roi !

Un premier tome passionnant et prometteur ! Dans un contexte historique déjà souvent exploité en littérature jeunesse, Laurence Schaack et Françoise de Guibert nous font découvrir l’astrologie et sa pratique au XVIIe siècle. Science ou croyance, réalité et mystification, qu’importe, on y découvre un monde totalement nouveau, source d’excitation (merci Soledad qui n’aide pourtant pas à dorer le blason de la profession) ou de frisson (on a hâte d’en savoir plus sur Philomène). Les deux autrices mènent tambour battant leur histoire et nos quatre héroïnes vont de péripéties en concours de circonstances, pour notre plus grand plaisir de lecture ! Car ce que Laurence Schaack et Françoise de Guibert ont construit est surtout un véritable roman d’aventures, qu’on ne lâche à aucun moment ! L’histoire est lancée, la grande Histoire est en marche également, nos héroïnes ont déjà traversé de nombreuses épreuves et ce premier tome nous a déjà régalé par la richesse de son univers, de ses intrigues et de ses personnages. On attend désormais avec impatience le deuxième tome, qui paraîtra au solstice d’été de cette année ! Oui oui ! Trop bien ! 😛

Les filles de l’astrologue, t.1, Laurence Schaack et Françoise de Guibert (Rageot)
disponible depuis le 21 mars 2018
9782700256215 – 14,90€
à partir de 12 ans
Son
0

Le célèbre catalogue Walker & Dawn – Davide Morosinotto

9782211233682,0-4787548

P’tit Trois, Eddie, Julie et Min sont des enfants du bayou. Quatre amis inséparables qui trouvent un jour 3$ dans une vieille boîte en fer. La richesse pour ces gamins qui s’empressent alors de commander un article dans le Célèbre catalogue de Walker & Dawn, qui permet à tous les américains d’acheter ce qu’ils veulent par correspondance. Mais lorsque leur colis arrive enfin, les quatre amis découvrent une montre cassée à la place du revolver qu’ils avaient commandé… C’est le début d’une grande aventure qui va les mener de leur bayou natal à la grande ville industrielle de Chicago.

★★★★★

Amateurs de romans d’aventures et de gosses débrouillards à la Marc Twain, ce livre est fait pour vous ! Raconté alternativement par P’tit Trois, l’aventurier casse-cou du groupe, Eddie, le binoclard shaman des marais, Julie la jolie rouquine mais aussi la plus intelligente, et enfin Min, son petit frère Noir qui ne parle pas, le récit de Davide Morosinotto nous transporte dans une Amérique du début du 20ème siècle où quatre gosses pauvres des bayous vont se lancer dans une grande aventure où ils découvriront des choses inédites et merveilleuses. Mais pas que ! Car cette monstre cassée qu’ils ont reçu dans leur colis et qu’ils espèrent bien pouvoir échanger se trouve être l’objet d’une bien vaste affaire et tout le monde ne leur veut pas du bien…

Dans ce très grand et superbe roman d’aventures, Davide Morosinotto nous propose ainsi de voyager dans l’Amérique du siècle dernier, à travers cet étonnant Célèbre catalogue de Walker & Dawn qui montre l’essor du commerce, de l’industrialisation et du capitalisme et, à travers ses personnages, de la vie et des mentalités de l’époque. Une immersion totale dans cette période historique à laquelle chaque personnage qui raconte apporte sa réflexion, son passé propre et ses espoirs. Ce changement de narrateur à chaque partie du roman permet ainsi de ne jamais s’essouffler dans le récit et, surtout, de s’attacher à chacun des personnages, à leur insouciance ou à leur gravité, à leur émerveillement et leur désir de liberté. Bien que le roman soit un vrai pavé, le rythme est excellent, on ne s’ennuie jamais et on se laisse totalement emporter par toutes ces aventures étonnantes, grisantes et parfois terrifiantes. On apprécie également tout le travail graphique autour de l’histoire, depuis la reproduction des articles du Célèbre catalogue, des cartes géographiques ou d’articles de journaux jusqu’à cette très belle couverture à rabats.

Un roman absolument captivant ! Vous aussi, laissez la moiteur du bayou et montez dans un bateau à aube, un train de marchandises ou l’une de ses incroyables automobiles pour vivre l’aventure qui vous rendra riche !

Le célèbre catalogue Walker & Dawn, Davide Morosinotto, traduit par Marc Lesage (L’école des loisirs)
collection Médium
disponible depuis le 21 février 2018
9782211233682 – 18€
à partir de 12 ans
Son
0

Jusqu’ici, tout va bien – Gary D. Schmidt

9782211217132,0-4442925

1968. Après avoir perdu son travail, le père de Doug Swieteck emmène toute sa famille à Marysville, une petite ville dans laquelle il espère trouver un nouveau travail. Doug n’est pas particulièrement enchanté : la ville est nulle, il fait trop chaud, la nouvelle maison est un trou à rat, son frère est un crétin fini, son autre frère au Vietnam et son père traîne trop avec Ernie Eco à boire des coups. Seul le sourire de sa mère le maintient à flot…jusqu’à sa rencontre avec les oiseaux d’Audubon…

★★★★★

Si vous ne connaissez pas les romans de Gary D. Schmidt, il est temps de vous y mettre ou vous rateriez des moments de lectures absolument exceptionnels ! Après nous avoir régalé avec La guerre des mercredis (on en a pas parlé ici, on a honte, mais Bob l’a lu super tard…genre il y a 2-3 mois alors on se rattrape maintenant) et le jeune Holling Hoodhood (eh ouais, ça arrive !) qui découvrait Shakespeare avec une prof qui le détestait tout en rencontrant ses idoles du baseball, c’est à l’un des copains de Holling que l’on s’intéresse dans ce nouveau roman : Doug.

Doug n’a pas la vie facile et, si on le suspectait déjà dans La guerre des mercredis, on le découvre enfin avec cette histoire qu’il nous raconte. Alors que les hommes s’apprêtent à marcher sur la Lune et que la guerre au Vietnam fait rage, le garçon emménage dans une nouvelle ville, la « stupide Marysville » et doit composer avec un père violent et un frère qui lui fait toutes les crasses possibles. Etiqueté « voyou » à cause de cela, il se retrouve mêlé à des bagarres au collège, dans le viseur du principal et dans le collimateur du prof de sport qui a servi au Vietnam. Pourtant, malgré la stupidité de la ville, Doug va faire deux rencontres décisives : Lil’, tout d’abord, une fille au caractère bien trempé, dont le père est l’épicier de la ville qui va lui donner un petit boulot pour le samedi après-midi ; et Mr Powell, le bibliothécaire de la bibliothèque qui n’ouvre que le samedi et qui détient des originaux des Oiseaux d’Amérique d’Audubon. Cette rencontre avec les peintures du naturaliste vont considérablement ébranler toutes les certitudes du garçon et révéler des talents dont il ne soupçonnait rien ! Mais l’histoire de Doug est loin de se contenter de cela et c’est tout ce qui fait la qualité de ce roman : la richesse de son histoire, des rencontres que fait Doug, de ses passions pour le baseball (Bob n’a personnellement rien capté à tous les trucs sur le baseball mais, en bon ami pour Doug, il a hoché la tête en connaisseur), pour le dessin, les oiseaux et tout ce qui est beau dans la vie, sa difficulté à composer avec son père et ses frères, notamment quand l’aîné rentre du Vietnam changé, à faire évoluer le regard des autres sur lui et sur les préjugés que les gens ont sur sa famille… Une richesse des thèmes (et il en manque par rapport à ce que je vous ai déjà dit) qui pourrait être fouillis et qui pourtant donne une incroyable cohérence à cette tranche de vie adolescente.

Gary D. Schmidt est un auteur à découvrir absolument : on ne s’ennuie pas un seul instant, grâce à Doug, plein d’humour et de spontanéité, qui nous fait rire, nous émeut et nous fait passer par tout un tas d’émotions ; aux nombreux personnages qui gravitent autour de lui et sont particulièrement fouillés et intelligemment écrits ; à tous ce que les histoires, celles avec un grand H ou celles que l’on vit au quotidien, apportent à un adolescent et construisent ce qu’il deviendra, qu’elles soient sombres ou pleines d’espoir. Un roman d’une grande intelligence, passionnant, terriblement drôle, et lumineux. Un vrai coup de cœur ! ❤

Jusqu’ici, tout va bien, Gary D. Schmidt, traduit par Caroline Guilleminot (École des loisirs)
collection Médium
disponible depuis le 4 octobre 2017
9782211217132 – 18€
à partir de 13 ans
Son
3

Classiques illustrés (bis)

Il y a deux ans, nous vous proposions déjà une petite sélection de romans classiques illustrés, cadeaux parfaits pour les fêtes de Noël. Une nouvelle fournée pour cette saison avec toujours autant de beaux albums à offrir, pour le plaisir des yeux et de la (re)découverte de textes indémodables ! Bon, on ne vous remet par le Harry Potter illustré de l’année, vous l’avez déjà acheté, hein ? 🙂

Moby Dick

9782377310197,0-4371917

La célèbre histoire de la baleine blanche et de son poursuivant acharné est ici illustrée par Anton Lomaev, connu dans son pays pour avoir surtout illustré les contes de fées les plus célèbres. Avec ses crayons et son aquarelle, il nous propose des illustrations vibrantes et magnifiques, sublimées par un grand format qui rend véritablement hommage à la qualité de ses images. On ne peut que succomber au charme classique de sa peinture grâce à une illustration quasiment à chaque page, à ses portraits stupéfiants et à ses scènes de navigation somptueuses. Le texte, dans une nouvelle traduction, ne reprend pas tout à fait l’œuvre intégrale, mais voilà une belle façon de (re)découvrir le roman d’Herman Melville.

Moby Dick, Herman Melville, illustré par Anton Lomaev, traduit par Jean Muray (Sarbacane)
collection Les grands classiques illustrés
disponible depuis le 4 octobre 2017
9782377310197 – 29,90€
à partir de 11 ans
Vendredi ou La vie sauvage

9782081394438,0-4371168

Chez Flammarion, c’est Ronan Badel qui s’attaque à un autre monument de la littérature contemporaine (enfin…du siècle dernier, quoi) : Vendredi ou La vie sauvage, de Michel Tournier. Dans une palette de couleur restreinte, avec du bleu-vert pour dominante, Ronan Badel met son trait vif et plein d’humour au service de ce roman d’aventure qui célèbre la nature et la liberté. Là aussi un grand format qui permet d’apprécier l’histoire comme les dessins, entre vignettes et pleines pages, sur un papier bien agréable au toucher. Un véritable plaisir de relire ce roman découvert à l’école quand Bob était petit !

Vendredi ou La vie sauvage, Michel Tournier, illustré par Ronan Badel (Flammarion)
disponible depuis le 18 octobre 2017
9782081394438 – 19,90€
à partir de 10 ans
Alice & merveilles

9782278089284,0-4440920

Point de nouvelle édition avec Alice & merveilles (on triche un peu sur notre postulat de départ, du coup) mais une véritable réinterprétation de l’histoire d’Alice dans cet album CD d’une excellente qualité ! Le texte savoureux, moderne et virevoltant, entre théâtre et chanson, est proposé par Stéphane Michaka, les illustrations merveilleuses et tourbillonnantes de couleurs par Clémence Pollet et la musique swinguante de Didier Benetti est brillamment interprétée par l’Orchestre national de France et les solistes de la Maîtrise de Radio France. Une réussite à tous les points de vue, qui fait véritablement honneur au texte original de Lewis Carroll et à ses personnages. Rendez-vous sur le site de l’éditeur pour écouter quelques extraits et voir quelques planches de cet album joyeux et pétillant pour une fête de Noël de ouf !

Alice & merveilles, Stéphane Michaka d’après Lewis Carroll, illustré par Clémence Pollet (Didier jeunesse)
collection Albums-CD
disponible depuis le 2 novembre 2017
9782278089284 – 23,80€
à partir de 6 ans
Son
0

La noirceur des couleurs – Martin Blasco

9782211233934,0-4442939

1885. Cinq bébés sont enlevés dans un quartier d’immigrés à Buenos Aires. Vingt-cinq ans plus tard, en pleine préparation du centenaire de la république d’Argentine, l’un d’entre eux réapparaît, c’est une jeune femme amnésique. Ses parents contactent alors un journaliste, Alejandro, qui va se pencher sur le mystère de cette incroyable disparition et découvrir une histoire aussi sombre qu’inattendue !

★★★★☆

Bien qu’il soit l’auteur d’une quinzaine de romans pour la jeunesse, La noirceur des couleurs est le premier roman de Martin Blasco publié en France et c’est une très belle découverte ! Dans ce thriller aux accents horrifiques (âmes sensibles s’abstenir, certaines descriptions sont très graphiques), nous suivons deux histoires, deux temporalités. D’abord le journal intime d’un certain J.F. Andrew, un scientifique qui projette d’enlever des enfants pour mener une expérience dans le but de « créer » les hommes du siècle à venir. Je ne vous spolie rien du tout, on connaît très vite les motivations et les projets de cet homme de sciences. En parallèle, nous suivons Alejandro, jeune journaliste sollicité par la famille d’Amira, jeune femme enlevée vingt-cinq ans plus tôt lorsqu’elle était bébé et revenue amnésique et quasi-mutique. D’abord étonné et sceptique sur la demande des parents d’Amira de découvrir où elle est passée durant tout ce temps, le charme de cette étrange beauté finira de convaincre notre journaliste d’enquêter, notamment dans les milieux en vogue de l’hypnose. Son enquête sera d’autant plus complexe et ahurissante que d’autres enfants disparus sont réapparus et que d’horribles meurtres sont commis…

Une construction assez classique mais qui fonctionne parfaitement, Martin Blasco maîtrisant son suspense et dénouant savamment les nœuds pour arriver à un final particulièrement surprenant ! J’ai tout autant apprécié le décor historique du roman, nous faisant découvrir l’Argentine du début du XXème siècle et esquissant, à travers les expériences menées par le professeur Andrew, un rappel d’autres projets effroyables qui ont marqué notre histoire récente. Un roman prenant et glaçant pour vous faire encore plus frissonner lors de ces soirées d’automne bien frisquettes !

La noirceur des couleurs, Martin Blasco, traduit par Sophie Hofnug (École des Loisirs)
collection Médium
disponible depuis le 11 octobre 2017
9782211233934 – 15,50€
à partir de 13 ans
Son
5

D’un trait de fusain – Cathy Ytak

9782362661976,0-4356875

Après avoir exploré à plusieurs reprises les années de guerre, la collection Les Héroïques nous offre un nouveau texte, plus contemporain et toujours autant d’actualité ! Un roman à découvrir en même temps que le film 120 battements par minute. 🙂

1992. Marie-Ange, Monelle, Julien et Sami sont lycéens en école d’art et partagent régulièrement un verre après les cours. Lors d’une séance de dessin, ils rencontrent Joos, un jeune modèle qui leur fait tout de suite de l’effet. Sami en tombe amoureux, Marie-Ange aussi, tandis que Monelle et Julien se rapprochent… Après une escapade à Saint-Malo, la bande d’amis apprend que Joos est séropositif…

★★★★★

Les années 1990, ce sont celles où le grand public « découvre » l’épidémie du SIDA, où des associations comme Act’Up voient le jour pour alerter et lutter contre la maladie. C’est dans ce contexte que les personnages imaginés par Cathy Ytak évoluent, entre l’insouciance relative de leur jeunesse et les événements qui vont peu à peu s’immiscer dans leur amitié. C’est principalement Marie-Ange que l’on suit dans le roman, cette jeune fille au prénom poussiéreux et légèrement pompeux, à l’image de ses parents, couple engoncé dans des valeurs familiales rétrogrades où seul le mot « déchéance » rime avec France. On la découvre en ado peu sûre d’elle, cachée dans des pulls informes et puis Marie-Ange devient Mary qui, au contact de Sami et Joos, du monde autour d’elle, se fait plus affirmée, plus engagée. Une évolution non sans peine qui se bâtit en même temps que son regard sur son propre corps, sa sexualité et celle des autres se transforme. Puis vient le temps du combat, de celui pour la reconnaissance, le respect, l’acceptation, l’amour et la vie.

D’un trait de fusain, un titre qui évoque la délicatesse, un art dont Cathy Ytak est maîtresse. Et si elle démontre encore une fois toute sa sensibilité à travers ses personnages profondément humains, tout en failles et en espoirs, c’est aussi la brutalité des émotions, leur force, entre rage de vivre, rage de vaincre et rage d’aimer, qui en font un roman d’une puissance émotionnelle rare ! On s’immerge complètement dans l’époque (même si Bob et Jean-Michel n’étaient que des petiots dans les années 90), on se laisse entraîner par le tourbillon de sentiments et de sensations éprouvées par les personnages. Car au-delà du témoignage d’une époque, D’un trait de fusain c’est aussi une histoire d’amitié, d’amour, de sexualité (d’ailleurs, merci Cathy de parler de masturbation féminine, et d’écrire le mot clitoris sans le faire passer pour un « gros mot » ou d’avoir l’air de t’excuser de l’écrire).

Un roman qui secoue, qui rappelle aussi l’importance des rapports protégés, que la maladie est toujours bien présente, même si on a l’impression qu’on en parle plus, qu’il faut continuer à se battre, à s’engager, à s’aimer, à vivre.
Merci Cathy pour cette fureur de vivre ! ❤

D’un trait de fusain, Cathy Ytak (Talents Hauts)
collection Les Héroïques
disponible le 21 septembre 2017
9782362661976 – 16€
à partir de 15 ans
Son
5

Star Trip – Eric Senabre

Vous l’avez sans doute remarqué, on aime beaucoup Eric Senabre par ici ! C’est donc avec beaucoup d’excitation et d’émotions que nous attendions son prochain roman. Alors quand on a vu Star Trip, sa couverture de Mathieu Persan trop stylée qui nous parlait tout de suite (Star Trek !!!!) et le résumé, c’était notre réaction :


Alors…vous croyez que Bob a pu être déçu ?

9782278081745,0-4105573A l’été 1968, dans un coin perdu de l’Idaho, May Peeples et son petit frère Sam sont « abandonnés » par leurs parents qui ont dû partir sans pouvoir rien leur expliquer. La jeune fille doit alors jongler entre s’occuper de son petit frère handicapé et collé à la télé pour ne pas manquer sa série de SF préférée : Star Trip ; son petit ami Will qu’une autre fille tente de séduire ; le révérend qui veut absolument faire d’elle une bonne chrétienne ; et son désir de retourner à la ville. Alors, quand un matin, May découvre dans sa grange l’acteur qui joue le capitaine Burke dans la série de son petit frère, tout bascule !

★★★★★

Est-ce là le meilleur roman d’Eric Senabre ? Bob dit OUI ! OUI ! OUI ! Star Trip, c’est un roman hommage totalement fou qui nous emmène jusqu’aux frontières du réel, où une jeune fille de 15 ans va se lancer dans un pari insensé pour compenser l’absence de ses parents et la déception de son petit frère à ne pas avoir de vraies vacances. Avec Will, ils vont en effet décider de construire une réplique d’une navette de Star Trip pour que le gamin puisse jouer avec. Et puis en allant à la grande ville pour faire du shopping, May et Will vont tomber sur une séance de dédicace impromptue de Benjamin Spike, l’acteur vedette de cette série de science-fiction. L’occasion est trop belle pour faire plaisir à Sam, même si le comédien se révèle particulièrement exécrable… Comment Benjamin Spike atterrira dans la grange de May Peeples ? Je ne vous en dis rien, ce serait trop dommage…

Road-trip déjanté et rafraîchissant, Star Trip est LE roman idéal pour se plonger dans une aventure psychédélique au cœur des Sixties, aux références musicales géniales (David Bowie en guest-star), aux personnages secondaires truculents et typiquement farfelus de l’Amérique rurale (je dois dire que le shérif Noir irlandais pur souche m’a fait mourir de rire) et aux mystères particulièrement bien trouvés ! Le roman ne manque pas non plus d’humour, caustique ou absurde selon les situations, et d’amour… Si vous aimez l’aventure, les références au cinéma ou aux séries de SF, à la musique, les personnages forts et les hurluberlus, vous serez, comme Bob, totalement conquis par Star Trip et en ressortirez des étoiles plein les yeux. Un coup de cœur intersidéral ! ❤️

Star Trip, Eric Senabre (Didier jeunesse)
disponible depuis le 10 mai 2017
9782278081745 – 15,90€
à partir de 13 ans