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En apnée – Meg Grehan

Maxime a 11 ans, elle vit avec sa maman qui l’élève seule. Elle aime apprendre plein de choses, cela la rassure de savoir, d’avoir une réponse à chaque question. Derrière cette curiosité, sa passion de la lecture, se cache en réalité une immense angoisse. Maxime sait beaucoup de choses sur l’océan, sur sa maman, sur son meilleur ami Adam mais il y a une chose qu’elle ne sait pas expliquer. Pourquoi a-t-elle des pétillements dans la poitrine quand elle voit Chloé, une élève de sa classe ? Quels mots, quelle signification doit-elle mettre sur ce qu’elle ressent ?

Difficile à onze ans de savoir si quand on aime être avec quelqu’un c’est l’aimer bien ou l’aimer bien. Maxime nous communique toutes ses pensées, sous la forme d’un journal intime en vers libre. Un style très léger qui nous plonge profondément dans l’océan de ses pensées. Maxime va découvrir le sentiment amoureux mais pas que. Elle va découvrir qu’elle ne peut pas aider sa maman, ce n’est pas son rôle. Si sa maman pleure devant un film, ce n’est pas une catastrophe mais simplement une émotion qui passe. Il n’y a pas de réponse dans les livres pour soigner les mamans.

En Apnée est un magnifique roman sur la découverte des sentiments amoureux, d’une très grande douceur grâce à son style poétique. Une lecture dans laquelle, comme dans un bain chaud, on a envie de rester très longtemps. J’espère que beaucoup de jeunes lecteurs pourront découvrir ce roman et respirer à nouveau librement…

En apnée, Meg Grehan, traduit par Aylin Manço (Talents Hauts)
disponible depuis le 16 janvier 2020
9782362663543 – 14€
à partir de 10 ans
Son
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D’un grand loup rouge – Mathias Friman

Dernier représentant de sa meute chassée de son territoire par les hommes, un loup rouge s’engage dans un long et rude voyage dans l’espoir de trouver une nouvelle famille. Une nuit, il rencontre une meute de loups aux yeux luisants. Méfiants, ils refusent de l’accepter à cause de sa couleur trop voyante, mais grâce au chef de meute, qui décide de l’accueillir, le loup rouge découvre que ses nouveaux compagnons sont eux aussi issus de loups qui ont fui…

Après nous avoir régalés avec son trait d’une incroyable finesse et si reconnaissable tout en explorant la chaîne alimentaire dans Une petite mouche bleue puis l’incroyable destin D’une petite graine verte, Mathias Friman nous émerveille à nouveau dans cet album sur la migration. Une migration qui n’est pas naturelle, et qui sort ainsi du travail presque documentaire des précédents titres, mais qui est induite par l’action de l’homme sur le territoire d’une meute de loups. A travers le destin terrible de ce loup rouge, qui voit sa forêt dévastée, ses congénères abattus (une illustration extrêmement forte) et sa survie menacée s’il ne se décide pas à fuir pour trouver de plus verts pâturages ailleurs, on ne peut évidemment pas s’empêcher de penser à ce que vivent certaines populations humaines. Après un long voyage, le loup rouge rencontre une meute qui se montre tout d’abord méfiante et rétive à son entrée dans le groupe, car il n’est pas comme eux. Il faudra toute la bienveillance et l’intelligence d’un chef pour que le loup rouge trouve une nouvelle famille. Une famille composée elle aussi de loups – de toutes les couleurs – qui ont dû migrer à un moment donné de leur vie. Car ce que Mathias Friman nous rappelle ici, c’est que nous sommes tous issus de mouvements migratoires, qu’ils datent de plusieurs siècles ou de quelques années.

Dans ce format à l’italienne qu’on lui connait si bien, avec cette découpe sur la couverture qui laisse apercevoir ce superbe loup rouge, et ce gris métallisé qui nous attire aussitôt, c’est encore une fois le trait magnifiquement fin et réaliste qui nous subjugue. Ce rouge orangé vif qui se détache et ces scènes de nuit magnétiques, un texte poétique et sensible, Mathias Friman nous démontre encore une fois tout son talent. Un album sublime et indispensable !

D’un grand loup rouge, Mathias Friman (Les Fourmis Rouges)
disponible depuis le 19 mars 2020
9782369021186 – 14,50€
à partir de 4 ans
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La fille qui pouvait voler – Victoria Forester

Les McNimbus sont une famille très traditionnelle. Betty est une fervente croyante qui pense que si les choses arrivent c’est de la faute à la Providence et son mari Joe est un mari discret, qui s’occupe beaucoup de la ferme dans laquelle ils vivent. Toutes les années pour ce couple se ressemblent jusqu’à l’arrivée très tardive d’un bébé : Piper. Elle arrive après 25 années de mariage. Imaginez ! Avec une arrivée aussi inattendue, comment cet enfant pourrait-elle être autrement que bizarre ?
Dès son berceau, Piper flotte dans les airs… et en grandissant (malgré les prières enfiévrées de sa mère pour que sa fille soit normale) va développer son don jusqu’à voler littéralement dans le ciel. Terrifiés de voir la nouvelle de cette anomalie se répandre, les parents essayent de dissimuler ses talents aux yeux du monde… sauf que ce pouvoir ne passe pas inaperçu. Du jour au lendemain, Piper qui n’a jamais été à l’école, n’a jamais eu d’amis, va se retrouver dans une école top secrète réservée aux enfants dotés de capacités hors du commun. Malheureusement l’école ne sera pas de tout repos pour Piper qui va devoir gagner sa place !

Piper est une héroïne terriblement attachante. Lumineuse, curieuse, naïve elle n’est pas sans rappeler l’héroïne Pollyanna de Eleanor H. Porter, un modèle d’optimisme. Les jeunes lecteurs prendront beaucoup de plaisir à découvrir l’école à travers son regard naïf, ses observations, son envie irrésistible de se lier d’amitié. Nous sommes très loin d’Harry Potter ou d’X-men ici. Les personnages secondaires, à savoir les élèves sont originaux, nous avons par exemple Conrad, un génie qui terrorise les plus jeunes, Bella Bonheur (la préférée de Lisette) qui a un don avec les couleurs, des jumeaux qui peuvent contrôler la météo ou encore Violette qui peut rapetisser à volonté.

L’intrigue est assez évidente mais comprend des trouvailles très originales. Je trouve cependant que parfois le rythme pourrait être plus effréné encore, il y a des longueurs au début notamment. L’autrice a eu le volonté première d’écrire cette histoire sous forme de scénario pour le grand écran et ensuite l’a adapté en roman (les petits incohérences de rythmes viennent peut-être de là). Même si ce roman se présente comme une saga (avec une suite donc?), je trouve que ce premier tome ne nous laisse pas sur notre faim et se suffit à lui-même. Un chouette roman pour les enfants qui parfois rêvent d’aller toucher les nuages !

La fille qui pouvait voler, Victoria Forester (Lumen)
disponible depuis le 19 mars 2020
9782371022683 – 16€
à partir de 10 ans
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Bordeterre – Julia Thévenot

Prenez place à bord du livre à destination de Bordeterre. Ce voyage de 536 pages vous amènera dans des contrées inconnues, où nul auteur n’avait jamais mis les pieds avant Julia Thévenot. Pour ce voyage vous serez accompagnée d’Inès, 12 ans et de son frère autiste Tristan, 16 ans. Attachez bien vos ceintures car nous allons passer dans des zones de turbulences littéraires (et ça fait des guili-guili joyeux dans le ventre).

Bordeterre. Ville perchée comme une plante sauvage sur une faille entre deux plans de réalité. Inès et Tristan tombent (littéralement) dans ce monde parallèle alors qu’ils promenaient leur chien. A peine arrivés nos deux héros se retrouvent poursuivis par un monstre à trois yeux, qui veut leur suçoter la tête…(Cliffhanger)

La terre vous soutienne, le bord vous retienne.

Rapidement, on apprendra qu’il existe trois plans, trois mondes : celui de Tristan et Inès (notre monde à nous), Bordeterre et le plan zéro où vivent des esprits. Dans ce plan zéro, qui se trouve être un lac très profond, on trouve des pierres très précieuses qui régissent la ville de Bordeterre. Mais ce n’est pas tout, les nouveaux arrivants (nos deux héros donc) deviennent transparents et leurs souvenirs de l’ancien monde s’effacent doucement grâce à un élixir goût grenadine. Il très difficile de résumer l’histoire tant j’ai envie de passer des heures à vous décourir l’univers dense et captivant. J’aimerais vous mettre le livre entre les mains et vous dire simplement : lisez-le ! Mais où est le côté fantasy vous demandez-vous d’un air curieux ? Dans le plan zéro ? Oui mais il y a beaucoup mieux : la magie est dans la musique ! La magie ici se chante (et en français s’il vous plaît !). Elle est cependant réglementée et ne peut pas être utilisée comme bon nous semble. Imaginez une monde où pour ouvrir une porte vous devez chantez Au clair de la lune. La magie est partout dans ce roman même dans les titres des chapitres. Et surtout elle est dans l’écriture de l’autrice.

Lisette n’a pas envie de vous dévoiler trop l’histoire car la richesse de ce livre vient de l’imbrication des récits, du plaisir de découvrir cette terre d’injustice. Mais il faut souligner la profondeur des personnages secondaires, les amours tordues et la rébellion qui gronde, monte crescendo. C’est un texte mené d’une main de maître(sse) par sa cheffe d’orchestre Julia Thévenot. (Coup de coeur intersidéral pour un dandy, amoureux de la poésie, coincé dans son château).

Ce premier roman est d’une très grande qualité, le style virevolte, chante, s’amuse à être littéraire pour le plaisir des mots. C’est un vrai roman fantasy jeunesse et j’insiste là-dessus ! C’est la jeunesse au grand coeur qui se révolte et aime.

Julia Thévenot entre avec fracas dans le paysage littéraire jeunesse et pour un premier roman, on ne peut qu’être époustouflé de sa qualité ! Et parce que Lisette avait très envie de pousser la chansonnette avec Julia, elle l’a questionnée sur ses goûts musicaux dont vous trouverez l’interview ici.

Bordeterre, Julia Thévenot (Sarbacane)
collection Exprim’
disponible depuis le 4 mars 2020
9782377312252 – 18€
à partir de 14 ans
Son
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Je te plumerai la tête – Claire Mazard

Lilou voue une admiration sans borne à son père, le père idéal, charmant, drôle, parfait, toujours là pour elle et qui lui montre son affection et son attention à chaque moment de sa vie. Et depuis que sa mère est hospitalisée, le duo père/fille est plus soudé que jamais, même si cela signifie pour Lilou de ne jamais rendre visite à sa mère, de ne pas penser à elle alors qu’elle est en phase terminale… Il faudra que ses amis lui fassent quelques remarques innocentes pour que Lilou réalise peu à peu dans quel monde elle vit…

En 500 pages hyper prenantes et qu’on ne voit pas défiler, Claire Mazard nous offre un thriller psychologique d’une grande efficacité et, surtout, plutôt effrayant ! Évidemment, c’est très chouette d’avoir une belle relation avec son père, qu’il vous montre plein d’attention, qu’il soit tout le temps disponible pour venir vous chercher à la sortie du lycée, qu’il ait toujours un super cadeau à vous offrir et qu’il soit toujours de bon conseil car, bien sûr, il a toujours raison, il est drôle, charmeur et charmant, plein de réussite, tout le monde au village le dit et quel courage il a avec sa femme très malade… Vous l’aurez peut-être compris, il est question ici de la perversion narcissique et comment un père entretient une emprise toxique sur sa fille. Mais aussi de comment une adolescente, complètement subjuguée et envoûtée par la perfection de son papa, va peu à peu prendre conscience que ce n’est peut-être pas tout à fait « normal » comme situation et comme relation. Et le chemin va être très long car Lilou n’est pas prête à accepter que toute sa vie n’ait été qu’un mensonge, que son père n’est pas sincère et qu’il l’a sans doute privée d’un véritable amour parental. La particularité de cette manipulation, c’est que Lilou va sans cesse trouver des excuses à son père, imaginer que tout n’est que méprise, que son père l’aime vraiment trop pour lui faire ça… En dépit de l’aide de ses meilleurs amis, de ce garçon qui n’a d’yeux que pour elle et de cette tante avec qui elle renoue – difficilement – ouvrir les yeux sera très compliqué, car cela ferait s’effondrer son monde et la plongerait dans la plus grande des détresses…

Le style est simple mais efficace : Claire Mazard est avant tout dans l’écriture de l’émotion, avec un récit conçu comme un journal intime – exercice qui est d’ailleurs conseillé à Lilou à un moment donné. C’est très bien fait, tout en tension, et le roman aborde un sujet finalement assez peu traité en littérature jeunesse, celui de la manipulation psychologique au sein de la famille. Un roman indispensable !

Je te plumerai la tête, Claire Mazard (Syros)
disponible depuis le 6 février 2020
9782748526783 – 17,95€
à partir de 13 ans
Son
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L’arrivée des capybaras – Alfredo Soderguit

Au poulailler, la vie est tranquille. Chacun sait ce qu’il a à faire et tout va pour le mieux. Jusqu’au jour où arrivent de la rivière les capybaras, de gros rongeurs qui cherchent refuge alors que la saison de chasse vient de s’ouvrir. Si les poules acceptent de les accueillir à côté de leur poulailler, c’est sous certaines conditions et la plus importante est de rester à distance ! Il faudra que le danger menace l’un des habitants du poulailler pour que les capybaras ne soient pas considérés comme une menace…

La peur de l’étranger, la recherche d’un refuge par temps troublé, l’entraide et le partage, l’ouverture à l’autre, l’union face à un plus grand danger et la liberté : des thèmes souvent abordés en littérature jeunesse qui trouvent dans cet album une résonnance encore plus grande. Grâce à un texte simple et dépouillé, Alfredo Soderguit nous offre une histoire à lire aussi dans ses illustrations, qui apportent une lecture plus subtile, à la fois drôle et décalée. Le texte est même parfois inexistant, laissant toute la narration au soin de l’image, suffisante, jusqu’à cette chute malicieuse qui nous promet de tout recommencer.

Une histoire très forte, à la fois amusante et actuelle, servie surtout par de magnifiques illustrations au trait précis et à la palette de couleur restreinte : brun, noir et un peu de rouille. Alfredo Soderguit donne une expressivité folle à ces animaux inquiets ou terrifiés, qui nous les rendent aussi attachants qu’un peu risibles. Mais tout est juste dans cette manière de montrer l’arrivée de ces drôles d’étrangers, l’apprivoisement de l’autre ou les différentes chutes pour chaque personnage de l’histoire. Une très belle fable animalière pour évoquer le vivre ensemble, et un vrai coup de cœur graphique.

L’arrivée des capybaras, Alfredo Soderguit, traduit par Michèle Moreau (Didier jeunesse)
disponible depuis le 19 février 2020
9782278097821 – 13,90€
à partir de 4 ans
Son
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Filles de la Walïlü – Cécile Roumiguière

Sur la presqu’île de Iurföll, ce sont les femmes qui gouvernent, qui exercent tous les métiers et qui sont libres de choisir leurs amours, alors que les hommes partent en mer, à la pêche. Dans cette société matriarcale très sereine, Albaan se languit de son père qui lui raconte les histoires de la Walïlü, une créature mystérieuse qui la fascine. Mais bientôt, la vie joyeuse de la presqu’île se fissure quand une femme au visage ravagé s’installe et répand des rumeurs de malédiction sur Albaan et sa famille…

La sublime couverture réalisée par Joanna Concejo retranscrit parfaitement l’ambiance singulière du nouveau roman de Cécile Roumiguière : un univers entre le sel de l’eau et les bruits froissés ou inquiétants de la forêt, teinté d’une magie que l’on devine dans ce paysage aussi beau que mystérieux. Si la presqu’île de Iurföll est une invention, le roman s’inscrit pourtant dans notre monde actuel, et vient piocher dans des sociétés de femmes existantes de par le monde pour créer celle dans laquelle vit et grandit Albaan. Une société matriarcale absolument passionnante, coincée entre ses traditions tenaces et sa volonté de modernité, qui met hommes et femmes sur le même pied d’égalité mais qui se construit, il est vrai, sur la femme, la seule présente sur la terre ferme tandis que les hommes partent pêcher sur de longues durées. Et malgré la relative tranquillité dans laquelle vit tout ce petit monde, l’arrivée d’une femme étrange va bouleverser toute la communauté pourtant très soudée.

Cécile Roumiguière nous subjugue par son écriture envoûtante, dépaysante, poétique et délicate, qui nous plonge dans un univers à la lisière du fantastique et nous fait rencontrer des personnages remarquablement construits, intrigants et inoubliables. Vous vous en doutez, le roman est profondément féministe et aborde ainsi de nombreuses questions sur le rapport au corps, sur la sexualité, mais il est également l’écho de bien d’autres questionnements, plus écologiques ou éthiques. Mais c’est aussi et surtout le récit d’une vengeance, d’une famille, de l’intime et du parcours d’une jeune fille alors qu’elle grandit. Un roman ambitieux, magique, qui nous enchante comme un conte et nous passionne comme un magnifique récit de vie. L’un des plus beaux romans de cette rentrée d’hiver. ❤

Filles de la Walïlü, Cécile Roumiguière (L’école des loisirs)
collection Médium +
disponible depuis le 5 février 2020
9782211305297 – 15,50€
à partir de 13 ans
Son
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Demandez-leur la lune – Isabelle Pandazopoulos

Lilou, Samantha et Bastien sont en échec scolaire et ne passeront pas en seconde générale. Farouk est un jeune turc qui apprend le français dans l’attente de son audition pour avoir le droit de rester en France. Tous les quatre vont rejoindre le cours d’Agathe Fortin, une prof de français pas comme les autres qui leur propose de participer à un concours d’éloquence. Pour la première fois, la voix de ces quatre jeunes a une importance pour quelqu’un.

Après La décision et Trois filles en colère, Isabelle Pandazopoulos nous offre à nouveau un roman fort et riche en émotions. Nous sommes ici dans une campagne perdue, zone blanche autant pour Internet que pour les chances de poursuivre ses rêves pour des jeunes à qui rien ne semble possible. Lilou est effacée, sa famille et elle rongées par les actions d’un frère qui planent au-dessus d’eux ; Samantha doit composer avec une mère bipolaire qui projette ses rêves sur elle et l’aime pourtant d’un amour inconditionnel ; Bastien est quant à lui contraint de suivre les traces de son père, en dépit de ses propres envies ; et Farouk a fui la Turquie en laissant sa famille seule suite à l’arrestation de son père, et attend le jour de l’audience qui décidera de son droit ou non à résider sur le territoire français. Quatre jeunes qu’une jeune prof de français aux méthodes non orthodoxes doit remettre sur les rails de l’école, quitte à ne pas être spécialement soutenue par cette dernière… Car on lui demande de faire en sorte que ces gosses rentrent dans le moule, pas qu’ils fassent des exercices bizarres et pas dans les programmes.

Mais si Agathe Fortin est loin de ressembler aux autres profs et que ses méthodes sont sources de frictions pour les quatre élèves, elles vont pourtant révéler chacun d’entre eux. Et leur permettre de pouvoir enfin s’exprimer : la colère, les doutes, les espoirs, les problèmes et même l’amour ! Ça balbutie, au début, ça se heurte ou ça ne se comprend pas mais bientôt, les mots prennent le pas, la parole se libère et, surtout, le lien se resserre. Isabelle Pandazopoulos tisse un formidable roman, d’une grande justesse, entre cri d’espoir et bombe d’émotions (on est parfois vraiment pris à la gorge tant les personnages nous touchent et nous accompagnent). Un roman vibrant, qui donne de la voix à ceux qui pensent la leur inaudible, et qui leur offre une personne pour les écouter, pour les entendre, et pour les faire entendre. A mettre entre toutes les mains !

Demandez-leur la lune, Isabelle Pandazopoulos (Gallimard Jeunesse)
collection Scripto
disponible depuis le 16 janvier 2020
9782075137287 – 12,90€
à partir de 13 ans
Son
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Tracer – Guillaume Nail

Emjie a perdu ses parents dans un accident de voiture et vit désormais avec son oncle. Malgré l’amitié un peu folle de sa meilleure amie Nitsa et l’histoire d’amour naissante avec le nouveau, Walter, la jeune fille est incapable de faire son deuil, la tristesse prenant toute la place. Et puis, après avoir vu une émission de télé relatant le pèlerinage vers Saint-Jacques-de-Compostelle, Emjie décide de partir et de tracer, seule, sa route…

Seule ? Pas tout à fait. Car cette randonnée de l’Alsace vers l’Aubrac ne se passe pas vraiment comme prévu… D’abord, il y a Nitsa qui s’incruste, avec son babillage incessant, ses chansons de Madonna et sa folle dinguerie. L’envie de solitude en prend un coup ! Et ça, c’est sans compter les imprévus et les rencontres qui foutent en l’air un itinéraire savamment préparé, les disputes et les soirées où on oublie tout…bref, la vie ! Car le cheminement d’Emjie sur la route de Compostelle n’a absolument rien de religieux ou de spirituel mais est bien celui de la reconstruction de soi, de la résilience. Et lorsque la jeune fille se retrouve enfin seule sur les chemins du GR, c’est enfin l’occasion de se confronter à elle-même, d’apprivoiser sa peine, d’accepter la perte.

En dépit de la gravité du sujet, le roman n’a rien de plombant, et ne tombe jamais dans le pathos ! Tracer est au contraire un roman lumineux, porté par une héroïne certes aux prises avec des émotions difficiles et compliquées, mais démontrant surtout une force et une volonté qui vont la porter jusqu’au bout de son projet, et de sa recherche d’un peu de bonheur perdu. Le ton est donné : simple, direct, à fleur de peau. Si Guillaume Nail réussit à évoquer la douleur de la perte avec autant de sensibilité que de rudesse, il parvient également à nous offrir des scènes très drôles autant que de jolis instants de grâce à travers des rencontres humaines que l’on n’oublie pas. Le chemin d’Emjie est parfois semé d’embûches, mais il est toujours porté par l’espoir, par l’objectif qu’elle s’est fixé, et par la volonté de parvenir à se sentir à nouveau vivante.

Tracer, Guillaume Nail (Le Rouergue)
collection DoAdo
disponible depuis le 5 février 2020
9782812619212 – 13,50€
à partir de 13 ans
Galerie
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À propos de la vie – Christian Borstlap

La vie ! Quel vaste sujet. Qu’est-ce que l’on sait à propos d’elle ?

« Toute vie est connectée », explique Christian Borstlap, l’auteur de cet album un peu ovni. En effet, ce projet est né d’une campagne vidéo pour le zoo d’Amsterdam (Artis) dont il en est l’adaptation livresque. La volonté de l’auteur est de célébrer le cercle de la vie, prendre conscience de tout ce qui est vivant, montrer la grandeur de la vie et son interconnexion. C’est l’hiiiiiistoire de la vie ! 🎵

« Dans la vie, on bouge, on ressent, parfois on donne… et d’autres fois on prend.
La vie peut être compliquée… mais de temps à autre elle est douce et belle. »

Bien que le projet initial soit autour d’un zoo, cet artiste plasticien néerlandais a réalisé des créatures abstraites, très expressives ! « Il y a de la fourrure et des plumes dans le film, il y a du caca et des ânes, il y a des espèces volantes rampantes et grognantes, mais il n’y a pas de vrais animaux », a déclaré l’auteur sur le site Web It’s Nice That. L’album montre que les lois de la nature sont réelles et pertinentes pour tous les êtres, avec une pincée d’humour il montre que parfois il y la nécessité d’être discret ou très bruyant ; de se battre ou de s’enfuir. Le graphisme donne un côté « arty » qui n’est pas pour déplaire à Lisette. Les illustrations renouvèlent les albums sur le sujet vaste de la vie avec un style très crayonné, texturé. 

Cet album sans prétention est très touchant, le texte est simple et juste. Il sera surtout un bon support pour discuter avec les jeunes enfants curieux ! Notamment sur le rôle des humains dans la nature, « parce que la vie des uns est liée à la vie des autres. Nous sommes interdépendants ! »

Personne n’est une île, nous sommes tous connectés et c’est chouette de nous le rappeler parfois.

A propos de la vie, Christian Borstlap (Casterman)
collection Les albums Casterman
disponible le 11 mars 2020
9782203064737 – 15,95€
à partir de 4 ans