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J’ai suivi un nuage – Maëlle Fierpied

9782211234795,0-4787515

Aujourd’hui, c’est la fête ! Marie Cotillon, célèbre actrice et amie d’enfance de maman, vient prendre le goûter à la maison. Rémi aide sa mère, radieuse, à sortir la jolie nappe, préparer des petits gâteaux en forme de poussins et faire en sorte que tout soit parfait lorsque Marie arrivera. Mais celle-ci ne vient pas et le lendemain, la maman de Rémi a totalement perdu sa joie de vivre…

★★★★☆

Après 4 ans d’absence et 4 romans fantastiques de très grande qualité, Maëlle Fierpied (originaire de la Comté, sans doute possible) revient dans un genre qu’on ne lui connaissait pas : le roman contemporain. Et c’est avec beaucoup de sensibilité qu’elle nous raconte l’histoire de Rémi et de sa maman dont les humeurs varient aussi rapidement que les nuages envahissent le ciel avant la pluie. Un jour, sa maman est d’humeur joyeuse, inventant des relations célèbres, faisant des gâteaux et préparant une journée inoubliable ; le lendemain, elle est incapable de sortir de son lit, de manger ou de s’occuper de son fils. Une situation difficile pour cet enfant qui comprend bien que sa mère n’est pas comme les autres, dont les « mensonges » le font passer pour un idiot auprès de ses camarades, et qui est parfois contraint d’aller vivre chez ses grands-parents quand elle ne va vraiment pas bien. Et le jour où la maman de Rémi se fait interner dans un hôpital, le garçon part chez son papé et sa mamé…

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Maëlle Fierpied évoque la maladie d’un parent – la bipolarité, bien que le terme ne soit jamais dit – et la difficulté pour un enfant à comprendre et à faire face. Un roman court mais très réussi où les questionnements, le mal-être et l’amour de l’enfant sont rendus avec beaucoup de justesse et de délicatesse. La relation avec les grands-parents est particulièrement belle, tout comme les moments fugaces qui se déroulent à l’école. Enfin, il n’y avait bien qu’une spécialiste des nuages pour illustrer un tel roman et c’est Julie Guillem et ses aquarelles qui apportent encore plus de douceur et d’émotion à l’histoire. Un roman poétique et bouleversant et une nouvelle facette du talent de Maëlle Fierpied à raconter des histoires.

J’ai suivi un nuage, Maëlle Fierpied, illustré par Julie Guillem (École des loisirs)
collection Neuf
disponible depuis le 17 janvier 2018
9782211234795 – 12,50€
à partir de 9 ans
Son
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Une somme de souvenirs – Thomas Scotto & Annaviola Faresin

Il y a quelques années, les éditions Escabelle proposaient un magnifique texte de Thomas Scotto, illustré par Peggy Nille. Mais la maison n’existant plus, M. Wilson n’était plus non plus… Heureusement, les éditions Notari se sont emparés de cette histoire de transmission et ont invité une nouvelle illustratrice, au doux nom d’Annaviola Faresin, à mettre en image les mots de Thomas Scotto, avec un tout nouveau titre : Une somme de souvenirs.

9782970115083,0-4374057C’est jour de braderie dans le quartier de Mr Wilson. Tout comme ses voisins, il installe sa table sur tréteaux devant chez lui et y expose ce qu’il compte vendre. Mais contrairement à ceux qui vendent des livres, des plantes ou des disques, Mr Wilson expose sur son étal des vieux souvenirs qu’il sort de sa tête…

★★★★★

Dans cette Somme de souvenirs, donc, Thomas Scotto nous conte l’histoire d’un homme qui ne sait plus que faire de ses souvenirs, et profite d’une brocante de quartier pour les proposer aux passants. Ne serait-ce pas un cadeau original que d’offrir à des amis le souvenir d’un tango endiablé avec une jolie femme en robe rouge ? N’est-ce pas trop classe ce souvenir d’une voiture flambant neuve identique à celle de James Dean ? Et puis, acheter des souvenirs, n’est-ce pas plus simple que de les fabriquer soi-même ? C’est ce que pensent tous les acheteurs qui se précipitent sur le stand de Mr Wilson pour obtenir eux aussi leurs souvenirs. Jusqu’à ce qu’une petite fille surgisse, la petite-fille de Mr Wilson qui, curieuse de savoir tout ce que son grand-père a pu vendre, lui fasse aussi réaliser que tous ces souvenirs, ce sont ceux qu’il veut partager avec elle…

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C’est avec une sensibilité et une poésie immenses que Thomas Scotto évoque la transmission et l’importance d’évoquer des souvenirs d’êtres aimés et disparus, notamment pour ceux qui ne les ont jamais connus, ou ne s’en souviennent pas… Son texte est délicatement mis en image par Annaviola Faresin, au crayon et à l’aquarelle, jouant avec le noir et blanc et des couleurs savamment apposées sur certains éléments de ses grands tableaux. Sans prendre le pas sur les images déjà si prégnantes du texte de Thomas Scotto, elle réussit pourtant à lui donner une émotion plus forte encore et à nous subjuguer par sa douceur. Si vous ne connaissiez pas ce livre sous son ancienne forme, précipitez-vous sur cette magnifique nouvelle édition ! ❤

Une somme de souvenirs, Thomas Scotto, illustré par Annaviola Faresin (Notari)
collection L’oiseau sur le rhino
disponible depuis le 23 janvier 2018
9782970115083 – 17€
à partir de 7 ans
Son
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Les quatre gars – Claire Renaud

9782377310531,0-4690498

Ile de Noirmoutier. Les Fradet sont bien connus des gens de l’île qui les surnomment « la famille Dégâts », parce qu’ils font toujours tout de travers. Abandonnés par les femmes, ils sont quatre gars, trois générations, à vivre sous le même toit. Et c’est pas tous les jours facile, notamment pour le petit dernier, Louis, 9 ans, qui rêve d’une vie meilleure…

★★★★☆

Dans la famille Dégâts, je voudrais le papi. Pierre-Marie de son prénom, veuf depuis un certain temps mais convaincu que sa Raymonde lui parle au travers des éléments, et grand cuisiner de la famille. Je voudrais ensuite le père, Jean-Marie, saunier de métier (c’est le mec qui récolte le sel dans les marais salants pour ceux qui savent pas), bourru de nature, parfois même méchant depuis que sa femme est partie, un jour, sans prévenir et sans jamais revenir. Et enfin les deux fistons : Yves-Marie, futur soldat aux muscles saillants, accro à la musculation, qui draine dans son sillage un essaim de jeunes filles qui rient trop fort ; et Louis-Marie, maigrichon mais vif d’esprit comme son papi, qui aime autant les journées d’école avec les copains que d’entourlouper les Parisiens les jours de marché en leur vendant du sel deux fois plus cher (ou plus, c’est selon la tête du client). Une famille de bonhommes qui n’ont pas vu l’ombre d’une femme depuis des lustres et ne sont pas près d’en voir une…à moins que la jolie maîtresse de Louis n’y mette son petit grain de sel ? 😛

IL EST JOLI, MON LIVRE, IL EST FIN ET BIEN FRAIS ! C’est ce qu’on pourrait crier pour attirer le parigot crédule mais dépensier au marché de Noirmoutier, vantant les répliques bien salées de Papi, la touchante naïveté, vitalité, de Louis, les problèmes de cœur de Jean et d’Yves qui les transfigurent, pour le plus grand bonheur des lecteurs comme de notre petit narrateur et l’écriture pleine d’humour, de finesse, de sensibilité de Claire Renaud. Sauf qu’on vous filoute pas. Tout ça, c’est vrai ! Claire Renaud a un talent de raconteuse indéniable, on s’attache à Louis, à ses potes et à sa famille immédiatement, les dialogues sont savoureux et, si le sujet de la famille est le sujet le plus traité de la littérature, il en trouve ici encore une très belle variation, au travers de ces hommes marqués par le deuil ou l’absence (d’une présence, d’affection). La relation entre Louis et son papi est exceptionnelle, tout comme les moments où le garçon se retrouve bien malgré lui à être l’adulte de la famille, celui qui conseille et prend soin des autres. Ce qui nous offre souvent de bonnes tranches de rire avant de trouver toute son efficacité…

Les quatre gars, ce sont vraiment des chouette gars, une petite famille qu’on était super contents de rencontrer et qui nous manquent déjà la dernière page tournée…
Vous noterez, contrairement à la plupart des romans de la collection, celui-ci est vraiment accessible pour des plus jeunes lecteurs que d’habitude. 🙂

Les quatre gars, Claire Renaud (Sarbacane)
collection Exprim’
disponible depuis le 3 janvier 2018
9782377310531 – 15,50€
à partir de 11 ans
Son
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Quand vient la vague – Manon Fargetton & Jean-Christophe Tixier

9782700256383,0-4782516

Après plusieurs mois de disparition, Clément se met enfin à la recherche de sa sœur Nina, qui a quitté la maison un jour sans laisser de traces. Son enquête va le mener de Lacanau à Bordeaux où, petit à petit, il va découvrir la raison de sa fuite…

★★★☆☆

Qui aurait pu imaginer qu’une fille comme Nina disparaisse un jour sans rien dire, sans aucune raison apparente ? Elle avait tout pour elle : une famille aimante – un papa commercial pour une marque de sport, une maman bibliothécaire et un petit frère futur star du surf qu’elle adorait embêter – une meilleure amie, un garçon pour qui elle craquait et tout le confort matériel dont on peut rêver. Sauf que Nina découvre un secret, quelque chose de si énorme, de si bouleversant, qu’elle ne parvient pas à endiguer le flot d’émotions que cela provoque chez elle et qu’il n’y a qu’une seule issue possible : la fuite !

Manon Fargetton et Jean-Christophe Tixier, deux écrivains phares de la maison Rageot, s’allient pour proposer cette histoire à deux voix qui flirte avec le thriller. Nous suivons Clément, qu’un copain remet gentiment à sa place tout en le poussant à relancer l’enquête sur la disparition de sa sœur, et Nina, dans les mois qui ont précédé sa décision de couper tous liens avec sa famille. La raison de cette rupture familiale est révélée assez rapidement (mais je ne vous la dévoile pas !) car ce qui compte ici, c’est la réaction que cette révélation provoque, ce qu’elle implique pour deux jeunes gens qui n’ont rien demandé et à qui on a caché les choses les plus importantes de leurs vies. Il est question de confiance, d’amour, de choix, d’égoïsme et de résignation. Et il est intéressant d’avoir les points de vue de Clément et de Nina sur ces questions, entre celui qui reste, qui veut essayer malgré tout, et celle qui s’en va, incapable de pardonner. Outre le questionnement sur la famille, le roman aborde aussi d’autres sujets, aussi variés que la compétition sportive, l’homosexualité, le street art, les SDF, qui colorent les expériences de chacun des personnages mais qui, me semble-t-il, ne sont parfois qu’effleurés. Tout comme les personnages secondaires, comme les plus proches amis de Clément et Nina, qui ont clairement des choses à dire et qui auraient mérité d’être un peu plus exploités.

Avec Quand vient la vague, Manon Fargetton et Jean-Christophe Tixier parviennent, grâce à une écriture fluide et rythmée, à nous tenir en haleine jusqu’au bout du roman. Une histoire de famille qui nous interpelle, qui nous invite à réfléchir à l’impact des secrets, au couple et à ce que l’on peut accepter, ou non, de la personne qu’on aime.

Quand vient la vague, Manon Fargetton et Jean-Christophe Tixier (Rageot)
disponible le 16 janvier 2018
9782700256383 – 15,90€
à partir de 12 ans
Son
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Jusqu’ici, tout va bien – Gary D. Schmidt

9782211217132,0-4442925

1968. Après avoir perdu son travail, le père de Doug Swieteck emmène toute sa famille à Marysville, une petite ville dans laquelle il espère trouver un nouveau travail. Doug n’est pas particulièrement enchanté : la ville est nulle, il fait trop chaud, la nouvelle maison est un trou à rat, son frère est un crétin fini, son autre frère au Vietnam et son père traîne trop avec Ernie Eco à boire des coups. Seul le sourire de sa mère le maintient à flot…jusqu’à sa rencontre avec les oiseaux d’Audubon…

★★★★★

Si vous ne connaissez pas les romans de Gary D. Schmidt, il est temps de vous y mettre ou vous rateriez des moments de lectures absolument exceptionnels ! Après nous avoir régalé avec La guerre des mercredis (on en a pas parlé ici, on a honte, mais Bob l’a lu super tard…genre il y a 2-3 mois alors on se rattrape maintenant) et le jeune Holling Hoodhood (eh ouais, ça arrive !) qui découvrait Shakespeare avec une prof qui le détestait tout en rencontrant ses idoles du baseball, c’est à l’un des copains de Holling que l’on s’intéresse dans ce nouveau roman : Doug.

Doug n’a pas la vie facile et, si on le suspectait déjà dans La guerre des mercredis, on le découvre enfin avec cette histoire qu’il nous raconte. Alors que les hommes s’apprêtent à marcher sur la Lune et que la guerre au Vietnam fait rage, le garçon emménage dans une nouvelle ville, la « stupide Marysville » et doit composer avec un père violent et un frère qui lui fait toutes les crasses possibles. Etiqueté « voyou » à cause de cela, il se retrouve mêlé à des bagarres au collège, dans le viseur du principal et dans le collimateur du prof de sport qui a servi au Vietnam. Pourtant, malgré la stupidité de la ville, Doug va faire deux rencontres décisives : Lil’, tout d’abord, une fille au caractère bien trempé, dont le père est l’épicier de la ville qui va lui donner un petit boulot pour le samedi après-midi ; et Mr Powell, le bibliothécaire de la bibliothèque qui n’ouvre que le samedi et qui détient des originaux des Oiseaux d’Amérique d’Audubon. Cette rencontre avec les peintures du naturaliste vont considérablement ébranler toutes les certitudes du garçon et révéler des talents dont il ne soupçonnait rien ! Mais l’histoire de Doug est loin de se contenter de cela et c’est tout ce qui fait la qualité de ce roman : la richesse de son histoire, des rencontres que fait Doug, de ses passions pour le baseball (Bob n’a personnellement rien capté à tous les trucs sur le baseball mais, en bon ami pour Doug, il a hoché la tête en connaisseur), pour le dessin, les oiseaux et tout ce qui est beau dans la vie, sa difficulté à composer avec son père et ses frères, notamment quand l’aîné rentre du Vietnam changé, à faire évoluer le regard des autres sur lui et sur les préjugés que les gens ont sur sa famille… Une richesse des thèmes (et il en manque par rapport à ce que je vous ai déjà dit) qui pourrait être fouillis et qui pourtant donne une incroyable cohérence à cette tranche de vie adolescente.

Gary D. Schmidt est un auteur à découvrir absolument : on ne s’ennuie pas un seul instant, grâce à Doug, plein d’humour et de spontanéité, qui nous fait rire, nous émeut et nous fait passer par tout un tas d’émotions ; aux nombreux personnages qui gravitent autour de lui et sont particulièrement fouillés et intelligemment écrits ; à tous ce que les histoires, celles avec un grand H ou celles que l’on vit au quotidien, apportent à un adolescent et construisent ce qu’il deviendra, qu’elles soient sombres ou pleines d’espoir. Un roman d’une grande intelligence, passionnant, terriblement drôle, et lumineux. Un vrai coup de cœur ! ❤

Jusqu’ici, tout va bien, Gary D. Schmidt, traduit par Caroline Guilleminot (École des loisirs)
collection Médium
disponible depuis le 4 octobre 2017
9782211217132 – 18€
à partir de 13 ans
Son
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Libérez l’ours en vous – Carole Trébor

9782748521306,0-4698370

Kolia et Lisa sont deux lycéens qui participent au club de théâtre de leur établissement. Cette année, ils devaient travailler avec leurs camarades sur la pièce Les justes de Camus. Mais leur professeure, Patricia Valente, est malade et ne peut pas assurer les cours cette année… Avec un nouveau professeur et l’aide du mari de Patricia, les jeunes gens vont lui faire la surprise de monter une autre pièce de théâtre, celle écrite par leur professeure : Merci l’ours

★★★★☆

Après avoir écrit de nombreux romans historiques ou fantastiques avec la Russie en toile de fond, Carole Trébor nous propose cette fois-ci une fiction totalement contemporaine, à la rencontre d’adolescents passionnés par le théâtre voulant créer la surprise pour leur enseignante malade et absente en ce début d’année scolaire. Le récit est porté principalement par Kolia, d’origine russe, dont le destin est de devenir comédien, mais que son père ne comprend pas, avec qui les relations sont difficiles, d’autant plus depuis la mort de sa mère, de sa grand-mère et du remariage de son père avec une femme qu’il déteste ; et Lisa, dont les parents travailleurs sociaux ne sont pas plus encourageants – et dont elle a un peu honte – qui ne rêve que des paillettes et des lumières du métier d’actrice. Deux personnages forts, parfois agaçants, parfois attachants, toujours émouvants, autour desquels gravitent des seconds rôles que l’on découvre en même temps que Kolia et Lisa acceptent de les laisser entrer dans leurs vies.

Ce qui fait l’originalité du roman de Carole Trébor, c’est la pièce de théâtre qui parsème le récit. Merci l’ours est une pièce qui existe vraiment, écrite par l’autrice, et qui a été jouée. C’est une pièce musicale, où les chansons s’intègrent dans l’histoire racontée sur scène. Pour ceux qui le souhaitent, vous pouvez télécharger l’application Syros Live et, en flashant la couverture du roman, pourrez accéder au livret de la pièce pour la lire en entier, écouter les chansons (mais ce n’était pas encore disponible aujourd’hui) et découvrir d’autres petits bonus ! Mais cette pièce, c’est aussi un moyen pour les élèves de découvrir leur enseignante sous un jour nouveau car il s’agit d’une pièce semi-autobiographique et ce sont bien des surprises qui attendent Kolia et Lisa à la lecture du livret…

Avec Libérez l’ours en vous, Carole Trébor propose une histoire dense où se mêlent habilement les difficultés personnelles des adolescents et leurs problématiques de comédiens en herbe, avec la volonté de réussir à tout concilier malgré les obstacles. C’est bien évidemment un hymne au théâtre et pas seulement aux acteurs, à ceux qu’on voit sur scène, mais aussi aux autres, à ceux qui sont dans les coulisses, qui font tout pour que ça marche le jour J. Et ce sont aussi de belles histoires d’amitié, d’amours naissants, de compréhension et d’acceptation des histoires familiales et de leurs secrets. Un bien joli roman pour commencer l’année !

Libérez l’ours en vous, Carole Trébor (Syros)
disponible le 4 janvier 2018
9782748521306 – 17,95€
à partir de 13 ans
Son
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Les Marvels – Brian Selznick

Après un Salon de Montreuil particulièrement intense, Bob et Jean-Michel sont de retour avec plein de belles idées de cadeau pour Noël ! On commence avec le nouveau roman graphique de Brian Selznick, qui était présent cette année sur le salon et qui nous a émerveillé par son univers et son travail minutieux (et qui a quelque peu tout émotionné Bob pour être tout à fait honnête). 😛

9782747066020,0-44410201766. Alors que se joue une pièce de théâtre sur le pont d’un navire, une tempête se lève et détruit le bateau. Billy Marvel est le seul rescapé de cette tragédie. De retour à Londres après avoir été secouru, il trouve refuge dans un théâtre en construction. Devenu machiniste, la découverte d’un bébé dans les coulisses du théâtre va changer sa vie et faire naître une étonnante dynastie de comédiens.
1990. Joseph s’enfuit du pensionnat dans lequel il vit pour rejoindre Londres et la maison de son oncle qu’il n’a jamais vu, Albert Nightingale. D’abord réticent à la garder, Joseph va malgré tout rester, d’autant plus que d’étranges choses se passent dans cette demeure comme figée dans le temps…

★★★★★

Si vous ne connaissez pas Brian Selznick, il faut absolument vous rattraper ! Il a totalement révolutionné le roman illustré ou graphique, comme vous voulez, pour la jeunesse avec L’invention de Hugo Cabret, que vous avez dû voir au cinéma, adapté par Martin Scorsese (eh ouais !). Et vous avez sans doute vu récemment des affiches du film Le Musée des merveilles, sorti le mois dernier, et adapté de son magnifique Black Out, lauréat du prix Sorcières en 2013. Cette fin d’année, il revient avec un roman encore plus magnifique, tant dans sa réalisation (tout plein de dorures sur la couverture et une tranche dorée) que son contenu, et encore plus gros que les précédents !

Brian Selznick est un auteur qui est parvenu à doser parfaitement ses récits en alternant les mots et les images. Dans L’invention de Hugo Cabret et Black Out, il alternait les passages écrits et les passages illustrés. Ici, on change un peu la manière faire en proposant une première partie uniquement en images, avec l’histoire des Marvels, cette illustre famille de comédiens qui connut des succès et des scandales pendant près d’un siècle et demi. La deuxième partie, celle de Joseph, est elle uniquement en mots, jusqu’à la toute fin du roman où reviennent les images pour une conclusion d’une très grande émotion. Comment ces deux histoires se lient ? C’est bien tout le mystère que va tenter de percer Joseph et, comme lui, nous sommes impatients de la savoir et complètement abasourdis quand on apprend la vérité.

Brian Selznick mène son récit d’une main de maître. Ses images en noir et blanc sont absolument magnifiques, d’autant plus quand on sait comment il les travaille (avec une loupe, sur des formats de papier de la taille d’une carte postale ou à peine), fourmillent de détails et sont d’une étonnante précision dans les visages et les émotions. Quant à son texte, Brian Selznick a le chic de nous conter des histoires émouvantes, pleine de mystères et de surprises. Inspiré par l’histoire vraie d’une maison-musée de Londres et de ses propriétaires, Brian Selznick aborde encore une fois le thème de la famille, de la recherche des origines, du deuil, et d’autres (que je vous laisse découvrir), plus durs, avec son écriture toujours douce, captivante et sensible.

Un roman graphique splendide, qui a tiré quelques larmes à Bob, et qui plaira à tous les amateurs de belles histoires racontées en mots et en images… ❤

Les Marvels, Brian Selznick, traduit par Diane Ménard (Bayard jeunesse)
disponible depuis le 25 octobre 2017
9782747066020 – 19,90€
à partir de 10 ans
Son
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Nightwork – Vincent Mondiot

9782330086688,0-4499100

Patrick a 14 ans, vit avec sa mère borderline dans une cité où la drogue se vend en bas de son immeuble et qui a valu six mois de prison à son grand frère Abdel. Au collège, il est la proie favorite des harceleurs les plus brutaux. Son seul refuge, ce sont les jeux vidéo, une passion qu’il partage avec Mégane, sa meilleure amie. Mais lorsqu’Abdel sort enfin de prison, la vie déjà pas bien grandiose de Patrick ne va pas s’arranger…

★★★★☆

C’est un Patrick de 21 ans qui nous raconte son histoire, celle qui a peut-être débuté lors de ce sauvetage de moineau sur le chemin du retour de l’école, mais qui a surtout commencé bien des pages plus loin, quand il fut cet adolescent gringalet accro aux jeux vidéo, que son frère était en prison et qu’il ne pouvait même pas compter sur sa mère alcoolique et au chômage. Il lui faudra un certain temps avant de nous révéler cet « élément perturbateur » qui va chambouler totalement sa vie et peut-être a-t-il bien fait de nous raconter tout cela avant, d’amener du contexte à ce qui va suivre, à ce qu’on ne manquera pas de penser de lui si on ne connaissait que cet « élément perturbateur » ?

Difficile de ne pas trop en dire sur ce magnifique roman ! Vincent Mondiot dresse le portrait d’un jeune garçon qui ne demandait qu’à être aimé et s’est retrouvé à n’être qu’un ado égoïstement transparent et malingre avec pour seul espèce d’amour la protection d’un demi-frère. Et pourtant, on s’attache à Patrick, à sa volonté de se rappeler le bon en lui et dans sa famille, de rêver ce jeu vidéo qu’il s’imagine concevoir lorsqu’il sera plus grand, et de penser à son avenir, se débarrasser des mauvais souvenirs. Le jugera-t-on pour cet acte unique qui a bouleversé sa vie ? C’est toute la question qui hante Patrick alors qu’il nous déroule le fil de ses pensées. Et c’est tout le talent de Vincent Mondiot de nous proposer avec justesse et sincérité de découvrir l’histoire de Patrick, ses longues journées au collège et les soirées plus longues encore avec cette mère quasi-folle, son amitié improbable avec une fille qui cumule comme lui les tares attitrées de têtes de turc et l’espoir qu’un frère rentré de prison sera capable de tout arranger. Un roman touchant, poignant, pour sa franchise, son authenticité et pas du tout pour une volonté de nous apitoyer sur le sort d’un pauvre gars. Patrick est un personnage qui marque, tant dans son apparente adolescence toute en autocentrisme dont il finit par avoir parfaitement conscience que dans sa décision finale, qui le marquera lui à tout jamais. Un très beau roman !

Et pour ceux qui avaient lu Tifenn : 1 Punk : 0 chez Sarbacane, vous devriez avoir une surprise assez plaisante. 😛

Nightwork, Vincent Mondiot (Actes Sud junior)
collection Ado
disponible depuis le 4 octobre 2017
9782330086688 – 14,50€
à partir de 14 ans
Son
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L’aube sera grandiose – Anne-Laure Bondoux

9782070665433, 0-4261222

Un soir, Titania emmène sa fille Nine, 16 ans, dans une mystérieuse cabane au bord d’un lac. Toute la nuit durant, Titania va raconter à sa fille sa vie, depuis sa toute jeune enfance, jusqu’à cette soirée étonnante où l’attendent révélations et secrets cachés depuis des années…

★★★★☆

Dans son dernier roman, Anne-Laure Bondoux nous enchantait par son fabuleux et légendaire récit d’amour. Elle revient cette année dans un genre beaucoup plus réaliste pour nous faire découvrir l’histoire d’une famille. Une famille dont Nine n’avait encore jamais entendu parler jusqu’à présent. Elle qui pensait aller à la fête du lycée avec ses copines, peut-être réussir à se faire remarquer de Marcus, voilà que sa mère l’embarque pour une nuit particulière, dans une cabane perdue dans la végétation, tranquillement posée au bord d’un lac. D’abord réticente, boudeuse, elle se laisse finalement emportée par le récit de sa mère, qui l’emmène à la rencontre de Consolata, d’Octo, d’Orion, de Rose-Aimée et de leur(s) drôle(s) de destin.

Je ne vous révèlerai rien de ce que Titania va raconter à sa fille, pour vous laisser le découvrir au fil des pages. Car s’il y a bien une chose avec laquelle Anne-Laure Bondoux est très douée, c’est de réussir à nous happer dans son récit dès les premières pages, de doser ses révélations, ses effets de suspense, pour nous inviter à continuer notre lecture, à découvrir toujours plus du destin de cette famille. Entre souvenirs, anecdotes et références totalement inconnues ou nostalgiques, Anne-Laure Bondoux nous déroule toute la chronologie qui va mener à cette nuit blanche de secrets dévoilés. Mais la force du roman réside surtout dans ses personnages aux caractères atypiques, aux destins étonnants, qui se dévoilent à nos yeux comme à ceux de Nine, mais aussi par cette très belle relation mère/fille que l’on découvre à mesure que la nuit s’allonge. Un récit de la transmission, du poids de l’héritage familial et de l’amour, encore une fois. Un roman beaucoup plus intimiste que le précédent, et une expérience de lecture aussi intense que la nuit passée par Nine aux côté de sa mère qui raconte. Une très belle histoire !

L’aube sera grandiose, Anne-Laure Bondoux, illustré par Coline Peyrony (Gallimard Jeunesse)
disponible le
9782070665433 – 15€
à partir de 13 ans
Son
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Sanglant hiver – Hildur Knútsdóttir

9791035200374,0-4146760

Si vous êtes comme Bob à ne pas supporter les chaleurs extrêmes, il vous propose de le suivre dans ce petit voyage islandais, qui, s’il vous rafraîchira sans doute, ne vous donnera peut-être pas envie d’y rester trop longtemps…

Vacances d’hiver. Bergljót et son petit frère Bragi partent avec leur père passer les vacances dans leur chalet familial tandis que leur mère travaille encore et toujours. Mais voilà qu’un jour, tout bascule : le pays entier est ravagé par un mal étrange, faisant disparaître la population. La petite famille va devoir alors apprendre à survivre…

★★★★☆

Amateurs de monstres et d’horreur, ce roman est fait pour vous ! Comme toujours dans le genre, on commence avec la rencontre d’une famille tout ce qu’il y a de plus normal : une ado qui veut aller à une fête avec toutes ses amies et le garçon qu’elle espère séduire ; un garçon qui a hâte de passer la nuit chez son meilleur ami à s’empiffrer de pizzas ; et des parents qui, après une année difficile, espèrent retrouver leur flamme en passant un week-end en amoureux. Mais quand la mère de Bergljót et Bragi est contrainte de rester à son travail, tout le programme change et les deux enfants partent en vacances avec leur père, loin de la ville. Et c’est sans doute ce qui leur sauve la vie quand l’horreur se déclare : toute la population – ou presque – disparaît dans d’horribles circonstances. Lorsque nos personnages s’en rendent compte, ils n’ont qu’une idée en tête : retrouver leur mère et épouse. Mais il semble que toute l’Islande soit tombée…il n’y plus âme qui vive, ou très peu, plus de communications, plus rien que des monstres qui hantent les rues…

Véritable survival, nous allons suivre Bergljót et son père, vite séparés de Bragi, dans leurs tentatives de survie dans un monde en proie au chaos et à l’impossible. Que se passe-t-il ? Qui sont ces monstres ? Viennent-ils vraiment d’un autre monde comme tout le monde semble le croire ? Ou est-ce autre chose ? Ce sont les réponses que nous aurons dans le deuxième et dernier tome de ce diptyque passionnant et terrifiant. L’écriture de Hildur Knútsdóttir, sans fioritures, qui alterne entre les points de vue de Bergljót et de Bragi, en déroutera peut-être (j’ai notamment trouvé que Bergljót semblait parfois plus jeune que son âge), mais apporte aussi une touche « d’exotisme » à ce roman qui nous fait également découvrir – un peu – la vie islandaise. Le côté horreur fonctionne lui très bien, ne nous épargnant pas les détails bien gores de la façon dont meurent les humains, et l’angoisse et la peur sont palpables tout au long de la fuite de Bergljót et sa famille. Un roman haletant, entre science-fiction et horreur, où le froid de la neige et de la terreur se glisse avec frissons de plaisir dans les interstices des fenêtres barrées de nos maisons. A découvrir !

Sanglant hiver, Hildur Knútsdóttir, traduit par Jean-Christophe Salaün (Thierry Magnier)
disponible depuis le 10 mai 2017
9791035200374 – 15,90€
à partir de 13 ans