Galerie
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Marie-Verte – Émilie Chazerand et Marion Arbona

Dans la famille Machin-Truc, tout le monde est blond comme des biscuits. Alors le jour où Marie-Verte est née, ses parents furent très surpris ! La petite fille avait la peau verte, et même verte-verte-verte, couleur pelouse anglaise. Désormais, dit le père, les photos de familles seront en noir et blanc. Rapidement cependant, Marie-Verte conquit le cœur de tout le monde, même à l’école, tellement elle est généreuse et originale. Mais elle se sent incomprise… est-ce qu’elle est la seule au monde à avoir cette couleur de peau ?

Cet album fantaisiste nous fait découvrir une petite fille indépendante et curieuse (qui aurait bien pu être copine avec l’héroïne Verte de Marie Desplechin dont elle partage une partie du prénom). Mais ici, point de magie ! Lorsque notre héroïne va découvrir l’existence d’une mystérieuse tribu à la peau verte comme la sienne, Les Tikunu, ni une ni deux, elle décide de partir seule dans la jungle profonde pour les rencontrer !

Émilie Chazerand (que l’on aime beaucoup beaucoup) qui nous offre un texte qui sent bon la liberté et la chlorophylle mais surtout qui joue sur les stéréotypes dans un univers complément décalé ! Une de mes pages préférées est notamment le voyage de Marie-Verte qui « traversa les airs pendant une journée entière, puis, une fois à terre, dut prendre un train, un taxi-bus, une pirogue trouée et un âne bâté (…) ». Le style de l’autrice est toujours désopilant et elle s’amuse à glisser parfois des références et des rimes improbables, par exemple Pierre-Mayeul avec épagneul. Les magnifiques illustrations de Marion Arbona nous transportent avec joie et bonne humeur dans les aventures de Marie-Verte, qui avec un nom pareil ne peut devenir qu’écolo ! Vous l’aurez compris un album qui ne se prend pas au sérieux mais qui parle de notre place dans le monde et de notre besoin de trouver sa propre tribu !

Marie-Verte, Émilie Chazerand, illustré par Marion Arbona (Sarbacane)
disponible depuis le 7 avril 2021
9782377316076 – 15,90€
à partir de 6 ans
Son
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Magies des mots et de l’esprit

Le temps est à la fantasy avec nos deux romans du jour. Vous y découvrirez de fascinants mondes où la magie est reine et où les aventures sont aussi nombreuses que terrifiantes pour nos deux héroïnes. Êtes-vous prêts pour un petit pas de côté avec la réalité ?

La fille sans nom

Un soir, Camille décide de quitter sa maison et ses parents qui se montrent incapables de l’écouter. Arrivée près du fleuve, elle découvre une annonce devant une péniche, à laquelle elle décide de répondre, persuadée de commencer une nouvelle vie. Mais le propriétaire n’est autre qu’un mage qui emprisonne par magie la pauvre Camille, initiant le début d’une aventure qui va l’emmener à Ether, un monde jumeau de la Terre où la magie est présente.

★★★★☆

Maëlle Fierpied n’est pas une débutante dans le domaine de la fantasy et du fantastique et nous le prouve encore une fois dans cet excellent roman bourré d’aventures qui nous promet des créatures aussi fascinantes qu’attachantes (les dogrons en tête, savant mélange d’ogre et de dragon), de la magie runique et des puissants sorciers, des prisonnières et des voleurs, des grands méchants et des secrets à dévoiler. 500 pages d’une histoire extraordinaire de quête identitaire qui nous transporte dans un univers riche et complexe, où une jeune fille va se découvrir et grandir au contact d’une ribambelle de personnages particulièrement intéressants. Il ne vous aura pas échappé non plus cette couverture absolument superbe d’Antoine Doré qui donne un très bel écrin au roman de Maëlle Fierpied.

La fille sans nom, Maëlle Fierpied (L’école des loisirs)
collection Médium +
disponible depuis le 6 mars 2019
9782211239929 – 19€
à partir de 13 ans

 

L’arrache-mots

Iliade a le don merveilleux de donner vie aux histoires qu’elle lit. Bibliothécaire, elle raconte des histoires aux enfants jusqu’au jour où une mystérieuse demande en mariage d’un héritier royal l’amène à Babel, la capitale du royaume d’Esmérie. En attendant de découvrir son futur et cachottier époux, elle devient conteuse de la Reine, où elle éblouit la cour de son talent. Mais bien vite, de nombreuses intrigues et complots la mettent au cœur de bien plus que ce qu’elle pensait…

★★★★☆

Que la première bibliothécaire qui ne rêverait pas d’avoir cet incroyable pouvoir me jette la première pierre ! Pétri de références littéraires (vous en avez déjà repéré rien que dans le résumé), le monde imaginé par Judith Bouilloc est une ode à la lecture et à la littérature. Si le monde d’Esmérie est complètement fictionnel, ses « classiques » de la littérature sont les mêmes que les nôtres (il ne nous manque qu’à savoir si ceux en littérature jeunesse le sont aussi) et sont une grande part de l’intrigue qui se joue dans cette histoire romantique et mystérieuse. Iliade est un personnage absolument charmant, entouré d’une famille aussi drôle qu’engagée, et utilisé par les puissants dans une intrigue qui la dépasse bien vite. Mais c’est une aussi l’héroïne d’une romance passionnante qui ravira les amateurs du genre… On regrettera la fin un chouïa rapide mais là encore, un univers riche et littéraire, qui nous offre une jolie histoire d’amour et de magie pour un très bon moment de lecture.

L’arrache-mots, Judith Bouilloc (Hachette)
disponible depuis le 29 mai 2019
9782016270080 – 15,90€
à partir de 13 ans
Son
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La vie est une aventure !

Il suffit parfois d’un rien pour qu’un moment devienne mémorable ! Les personnages de nos albums du jour vivent tous une aventure à leur échelle, depuis le pas de la porte jusqu’au-delà de l’océan.

Courons sous la pluie !

Une famille rentre de la plage quand soudain, l’averse s’abat sur eux ! Vite vite, il faut se mettre à l’abri…mais c’est trop tard, tout le monde est déjà trempé. Pas grave, profitons de cette pluie, sautons dans les flaques, avant de se retrouver autour du déjeuner préparé par mamie. Un album parfaitement de saison qui, avec un texte joyeux et qui va droit au but, nous invite à vivre l’instant présent, trempé ou pas. Les illustrations de Cécile Becq, à la gouache et aux cadrages très cinématographiques, nous offrent des doubles pages éclatantes de couleurs. Un très bel album au doux parfum d’été – malgré la pluie – qui ravivra de jolis et précieux souvenirs de vacances.

Courons sous la pluie !, Stéphanie Demasse-Pottier, illustré par Cécile Becq (Sarbacane)
disponible depuis le 3 avril 2019
9782377312306 – 15,90€
à partir de 3 ans
Dimanche

Rendez-vous à nouveau chez mamie avec le nouvel album de Fleur Oury. C’est dimanche, et Clémentine rend visite à sa grand-mère avec ses parents. Ce n’est jamais très drôle chez mamie, il faut être poli et il y a toujours plein de brindilles dans ses poils. Alors que les adultes finissent le repas, Clémentine sort de table et cherche à s’occuper dans le jardin. Tiens, un trou dans les buissons ? La petite renarde s’y engouffre, pour découvrir un monde étonnant ! Quel régal que ces illustrations au crayon de couleur d’une incroyable délicatesse ! Et ce orange qui pète ! Fleur Oury nous montre encore toute sa sensibilité et son talent à représenter la nature et l’enfance dans cet album qui loue l’imagination, et crée une proximité toute nouvelle entre une grand-mère et sa petite fille. C’est touchant, poétique, et de toute beauté !

Dimanche, Fleur Oury (Les fourmis rouges)
disponible depuis le 18 avril 2019
9782369021056 – 15,50€
à partir de 4 ans
Le grand voyage de Rickie Raccoon

Pour ceux qui sont un peu plus grands et savent lire tout seul, c’est avec un grand plaisir que l’on retrouve l’univers riche et plein d’humour de Gaëlle Duhazé. Après Chaton pâle, voici Rickie, une petite ratonne-laveuse (ça se dit sans doute pas, mais on fait ce qu’on veut ici) qui décide de quitter sa terre d’adoption pour partir à l’aventure. Un voyage qui va la mener de Vancouver au Japon, à la recherche du bonheur mais aussi de ses origines. Gaëlle Duhazé nous fait vibrer dans cette aventure étonnante et légèrement déjantée autour de l’estime et la recherche de soi, et du fait de grandir. Une Rickie drôle et attachante, grâce à qui nous découvrons le folklore japonais mais aussi des réseaux insoupçonnés de transports transpacifique (et ça c’est dingue !). On apprécie toujours autant les illustrations rythmées, aux couleurs chatoyantes, et à la précision qui fourmille de petits détails drôles et savoureux. Rickie Raccoon est d’une bien agréable compagnie et on se plaît à lire et relire son incroyable voyage à la découverte d’elle-même.

Le grand voyage de Rickie Raccoon, Gaëlle Duhazé (HongFei)
disponible depuis le 21 février 2019
9782355581489 – 15,50€
à partir de 7 ans
Son
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Les orphelins de métal – Padraig Kenny

Christopher est un jeune orphelin qui travaille pour M. Absalom, un inventeur malhonnête, qui crée des robots. Ces derniers sont désormais courants en Angleterre, où ils sont tantôt serviteurs, tantôt mains d’œuvre. Pourtant, il y a des règles à la création de ces robots et notamment celle de ne pas les faire ressembler à des « authentiques » êtres humains. Le jour où Christopher est enlevé par des mystérieux inconnus, ses amis robots, Lapoigne, Jack, Manda et Rob, accompagnés d’Estelle, jeune fille qui fabrique de la peau, se lancent à sa recherche et vont découvrir de nombreux secrets…

★★★★★

Bienvenue dans une Angleterre uchronique où, après la Grande Guerre, les robots sont aussi naturels dans notre paysage que les grille-pains. Un univers régi par les lois de la mécanique qui interdisent aux inventeurs de donner vie à des robots de taille adulte ou de leur insuffler une âme. Si tout cela vous fait penser aussi bien à Pinocchio que Le Magicien d’Oz ou encore aux lois de la robotique d’Asimov, c’est normal ! Avec de telles inspirations, Padraig Kenny nous offre un conte absolument fascinant et passionnant qui pose la question de ce qu’est l’humanité. Autant vous l’annoncer tout de suite : vous allez être complètement tourneboulés par ces petits robots d’une redoutable candeur et d’une profonde sensibilité malgré leur absence d’âme et leurs cœurs faits de rouages et de métal.

Un roman d’aventures mené tambour battant, qui nous emmène à la découverte de cet univers où s’affrontent inventeurs de légende, terribles secrets et risques inconsidérés, et où l’amitié reste la plus grande valeur pour tous ces petits robots. Des personnages touchants, drôles et loyaux, qui nous font reconsidérer les notions de bien et de mal. De nombreux passages, comme la tentative de M. Absalom de vendre Jack à un couple qui vient de perdre son enfant ; l’arrivée à Havrefer, cette cité où se rassemblent tous les robots qui attendent d’être réparés par Cormier, le plus grand inventeur de tous les temps désormais reclus par le chagrin ; ou encore la découverte de Christopher de sa véritable nature, sont tout simplement émouvants et nous interrogent sur tout ce que peut impliquer une invention aussi extraordinaire que ces robots dotés d’intelligence. Deuil, espoir ou encore mémoire sont alors des concepts susceptibles de trouver une toute nouvelle vie dans cet univers…

Un roman riche et captivant sur la nature humaine, une galerie de personnages bouleversants et une magnifique histoire d’amitié, de loyauté et d’acceptation de l’autre. C’est vraiment très très beau ! ❤

Les orphelins de métal, Padraig Kenny, traduit par Julie Lafon (Lumen)
disponible depuis le 4 avril 2019
9782371021693 – 15€
à partir de 10 ans
Son
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Longtemps, j’ai rêvé de mon île – Lauren Wolk

Abandonnée à la naissance dans une barque à la dérive, Corneille est recueillie par Osh, qui vit sur une petite île au large du Massachussetts. Son enfance est rythmée par la pêche aux homards, aux moules et les leçons avec Miss Maggie. Mais en grandissant, la petite se pose de plus en plus de questions sur ses origines : d’où vient-elle ? Qui sont ses parents ? Pourquoi tout le monde a-t-il peur d’elle…est-ce parce qu’elle pourrait venir de l’île de Penikese où se trouvait à l’époque une léproserie ?

★★★★★

Après la belle découverte que fut La combe aux loups paru l’année dernière (terrible roman sur les préjugés et le mensonge en pleine Seconde guerre mondiale), l’école des loisirs nous fait le plaisir de continuer à explorer l’œuvre de Lauren Wolk, qui nous emmène cette fois dans les États-Unis des années 1920. Cette fois encore, nous sommes dans un décor très rural, ici insulaire, où l’on découvre la vie simple et pourtant comblée d’une petite fille élevée par un homme au passé mystérieux qui s’est délesté de son ancienne vie pour s’échouer sur une île quasi-perdue. Mais l’amour de Osh et la gentillesse de Miss Maggie ne suffisent bientôt plus à Corneille qui éprouve un véritable manque : celui de ses origines. Lorsqu’un garde champêtre s’installe sur l’île de Penikese qui fut autrefois le sanctuaire des lépreux, le désir de Corneille de connaître son passé va la pousser à s’engager dans une enquête qui risque fort de ne pas être aussi simple que cela et, surtout, plus dangereuse qu’elle ne le croit…

La particularité des romans de Lauren Wolk, c’est l’atmosphère. Un rythme lent, poétique, qui invite à prendre le temps de rentrer dans le roman. Une fois que l’on a accepté cela, on se laisse emporter par ses personnages rudement bien écrits – Corneille en tête, bien sûr, mais la relation qui la lie à Osh est absolument magnifique d’émotion et de retenue – et son histoire passionnante et documentée, depuis la recherche d’un trésor de pirate à la quête initiatique en passant par des naufrages et une rencontre terrifiante…

Longtemps j’ai rêvé de mon île est un roman émouvant et poétique, que j’ai sans doute préféré au précédent de Lauren Wolk, pour son talent à construire une atmosphère empreinte de mystères et pour cette relation si belle et si profonde qui lie Corneille à Osh. La beauté de sa couverture achèvera, j’espère, de vous convaincre de découvrir ce merveilleux roman !

Longtemps, j’ai rêvé de mon île, Lauren Wolk, traduit par Marie-Anne de Béru (L’école des loisirs)
collection Medium
disponible depuis le 2 janvier 2019
9782211234481 – 16,50€
à partir de 12 ans
Son
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Orphelins 88 – Sarah Cohen-Scali

Allemagne, juillet 1945. Un garçon erre dans les décombres avant d’être recueilli par des soldats américains. On le nomme Josh et on l’envoie dans un orphelinat où, avec de nombreux autres enfants victimes de la guerre, il va devoir panser ses blessures et découvrir sa véritable identité.

★★★★☆

Dans Max, Sarah Cohen-Scali nous faisait découvrir le programme Lebensborn, depuis sa création par Himmler à sa réalisation avec Max, le tout premier enfant né de l’eugénisme nazi. Un roman exceptionnel, aussi passionnant que glaçant, aussi puissant que dérangeant (LISEZ-LE!). Orphelins 88 débute là où Max s’arrête, à la fin de la guerre, avec la question de « que sont devenus les enfants du programme Lebensborn ? ». Car Josh est un garçon issu de ce programme, mais avec une histoire toute particulière dont lui-même n’a pas toutes les clés. Son bras gauche est tatoué, comme celui des Juifs. L’est-il lui-même ou n’est-ce qu’une grossière erreur ? Car son bras droit, lui, ne cherche qu’à se tendre dans un salut nazi devenu un réflexe. Est-il un vrai allemand ou l’un de ces enfants germanisés ? Des questions qui vont petit à petit trouver des réponses alors que Josh, l’un de premiers à avoir rejoint l’orphelinat, voit affluer tout un tas d’autres enfants qui ont vécu des traumatismes terribles.

Particulièrement documenté, Orphelins 88 s’intéresse donc à ce qui se passe pour les populations à la fin de la guerre. Car il n’y a pas que les embrassades et les fêtes de la libération et la guerre ne se termine pas au 8 mai 1945. Il y a aussi, et surtout, tous ces gens jetés sur les routes, qui se retrouvent dans des camps de déplacés, tous ces Juifs libérés des camps qui cherchent à rentrer chez eux, en Pologne ou ailleurs, et subissent des pogroms, tous ces enfants devenus orphelins qui deviennent candidats à l’adoption et à l’immigration. Des sujets drôlement d’actualité, non ? Roman de l’après, donc, auquel le rythme rend bien compte de la torpeur dont chacun s’éveille – ou pas, de la lente reconstruction de soi et de la difficulté à imaginer comment vivre après ça.

La force du roman de Sarah Cohen-Scali réside avant tout dans ses personnages, Josh en tête, bien sûr, que le conditionnement et la perte de mémoire rend particulièrement déchirant. Mais il y a aussi Ida, la directrice de l’orphelinat, qui veille chaque nuit dans le hall pour accueillir les nouveaux arrivants ; Wally, le GI noir américain qui devient le premier « ami » de Josh, et qui nous permet aussi de connaître la situation des soldats noirs à cette époque ; Halina, jeune fille juive revenue en Allemagne après sa libération des camps car sa maison en Pologne était occupée par ses anciens voisins qui l’ont chassée ! ; Beate et son étrange accoutrement, qui erre dans la ville… Sans doute que le fait qu’ils soient tous inspirés de témoignages ou de personnes réelles rend l’émotion encore plus forte.

Si Orphelins 88 n’atteint pas le même niveau que Max – quelques longueurs qui donnent l’impression que ça tourne en rond et, après le choc reçu à la lecture de Max, il me semblait difficile d’atteindre le même degré de violence, d’horreur, d’aboutissement – il n’en reste pas moins une lecture passionnante, forte et émouvante.

Orphelins 88, Sarah Cohen-Scali (Robert Laffont)
collection R
disponible depuis le 20 septembre 2018
9782221218853 – 15,90€
à partir de 13 ans
Son
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En vadrouille avec Magali Le Huche

Si vous ne connaissez pas Magali Le Huche, c’est que vous vivez dans une grotte ! Impossible d’être passé à côté de la série des Jean-Michel (qui aura inspiré celui que vous connaissez bien ?) ou bien des Paco ou encore de toutes les dizaines et dizaines d’histoires qu’elle a illustré ! D’ailleurs, si, comme Bob il y a d’autres fans d’Hector, l’homme extraordinairement fort, sachez qu’il vient de sortir, accompagné de la belle Rosa-Lune, en livre-cd chez Didier jeunesse ! Aujourd’hui, on vous propose une petite balade, dans une famille de sorcières et à Lisbonne, dans deux des dernières parutions de la pétillante et fabuleuse illustratrice.

Verte

9782369811954, 0-4090425

Verte a 11 ans et vit avec sa mère, une sorcière. Ne manifestant absolument aucun pouvoir, cette dernière décide d’envoyer sa fille chez sa grand-mère Anastabotte afin qu’elle lui apprenne quelques sorts…

★★★★☆

Roman paru en 1996 sous la plume de Marie Desplechin, c’est Magali Le Huche qui adapte et dessine les aventures désormais bien connues de la petite sorcière au drôle de prénom. (Sérieux, qui appelle son enfant « Verte » ?) Si vous avez lu le roman, vous vous souvenez de sa forme : 4 personnages différents racontent leur version de la même histoire, cette journée particulière où Verte se lance dans la confection d’un sort avec sa grand-mère et ce qui s’en suit… Un procédé que Magali Le Huche adapte avec beaucoup de finesse en mêlant les points de vue dans un récit aussi drôle qu’intelligent. Car Verte n’est pas tant un roman sur la sorcellerie qu’une évocation de la famille, de la difficulté à trouver sa place quand on attend beaucoup de vous et de la séparation. Avec ses crayons et son style inimitable, Verte et son étonnante famille prennent vie dans un tourbillon de couleurs et d’espièglerie. Une BD tendre et ensorcelante, qui ravira les fans du roman ou qui donnera envie à une nouvelle génération de lecteurs de découvrir ce classique de la littérature jeunesse.

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Verte, Magali Le Huche et Marie Desplechin (Rue de Sèvres)
disponible depuis le 22 mars 2017
9782369811954 – 14€
à partir de 9 ans
Eléctrico 28

9782368361047, 0-4157803

Amadeo est conducteur de tram à Lisbonne. A bord de son Elétrico 28, il est fier et heureux. Mais voilà que c’est son dernier jour en tant que conducteur… Qui rendra alors les gens heureux, qui aidera les amoureux timides à se faire des bisous ?

★★★★☆

C’est avec Davide Cali que nous retrouvons cette fois Magali Le Huche, pour une découverte du plus célèbre tram de la capitale portugaise : l’Eléctrico 28. Mais également une belle histoire d’amour, où Amadeo, conducteur-cupidon, n’a eu de cesse de rapprocher tous ces garçons et filles qui montaient ou descendaient de son tram sans jamais avoir le courage de s’avouer leurs sentiments. Une petite manœuvre par-ci et une autre par-là auront raison de la timidité de ces amoureux transis. Et rassembler les amoureux est ce qui aura le plus compté dans son métier de conducteur de tram. Mais lorsque son dernier jour de travail arrive, Amadeo se rend compte qu’il lui manque aussi peut-être quelque chose… ? Un très bel album, où la tendresse du sujet comme des illustrations illumine des personnages doux et heureux, où les couleurs chatoyantes nous invitent à découvrir cette ville ensoleillée et où Amadeo trouvera sans doute lui aussi son bonheur. Si avec tout ça on ne vous a pas donné envie de partir en vacances au Portugal !

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Eléctrico 28, Davide Cali, illustré par Magali Le Huche (ABC Melody)
disponible depuis le 18 mai 2017
9782368361047 – 14€
à partir de 5 ans
Son
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Mosquitoland – David Arnold

9782745977847,0-3742399

Elle s’appelle Mary Iris Malone et elle ne va pas bien. Surnommée Mim, l’adolescente décide de quitter le Mississippi pour rejoindre Cleveland, à plus de 1500km de là, pour retrouver sa mère, malade. Alors que son père et sa belle-mère la recherchent, la jeune fille se lance dans un périple entre dangers et belles rencontres, où ses lettres à une certaine Isabel vont peu à peu nous révéler la raison de sa fugue…

★★★★☆

Mosquitoland, c’est un road trip en solo effectué par une adolescente particulièrement cynique qui ne rentre pas dans le moule. Au lycée, pas question d’être comme les autres moutons, qu’il s’agisse de mode, de façon de vivre ou autre. Mim est une gamine à part. Une gamine qui, quand elle jouait à la marchande, faisait la voix du vieux monsieur qui achète des carottes puis de la petite caissière qui lui réclame des sous. Pour cette raison, « on » la diagnostique schizophrène. Le « on », c’est son père, un homme marqué par la maladie mentale de sa sœur Isabel qui a peur de ces antécédents familiaux. Et ce sont les médecins, qui lui fournissent des médicaments pour lutter contre. Alors quand son père quitte sa mère, déménage à 1500km et se remarie avec une serveuse nommé Kathy (et je ne vous annonce pas le pire !), c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase, et Mim s’enfuit, emportant la cache d’argent de Kathy, son carnet bonhomme où elle écrit à Isabel et son rouge à lèvres fétiche qui appartenait à sa maman. Et l’ado, seule et déterminée, embarque dans le premier car pour Cleveland, où l’attend une aventure qu’elle n’est pas prête d’oublier !

Et nous non plus ! Mim est un personnage magnifique, de par son cynisme qui nous fait sourire, et touchant par ses fêlures, ses imperfections qu’elle nous révèle petit à petit, sa remise en question sur elle-même, sa maladie, sa famille. On embarque avec elle dans ce car Greyhound, conduit par un Carl d’anthologie, à la rencontre d’une Arlene étonnante, d’un Poncho Man sirupeux et de tout un tas d’autres personnages bizarres que l’on rencontre sur la route. Débrouillarde, Mim ne se laisse pas abattre par les écueils. Elle a un Objectif, elle s’y tient. Qu’importe les détours qui l’amènent à livrer une boîte à un pompiste, à assister à un match des Cubs, la pire équipe des États-Unis, ou à dormir à la belle étoile avec Walt, un garçon étonnant, retardé mentalement, mais qui lui apporte tant de bonheurs. Mim est une fille chouette, une gamine au grand cœur, même si elle prétend ne pas aimer les gens, et son voyage vers sa mère, presque initiatique, va lui permettre de se trouver elle et sa famille. David Arnold mêle avec brio tout l’humour et toute la sensibilité de Mim et nous délivre un beau message d’amitié et de tolérance. Nous restent alors un sentiment d’espoir pour l’avenir de Mim et une grande affection pour ce personnage atypique et attachant. Très réussi !

Mosquitoland, David Arnold, traduit par Maud Ortalda (Milan)
disponible depuis le 22 mars 2017
9782745977847 – 15,90€
à partir de 13 ans
Son
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George – Alex Gino

9782211227452,0-3721349

George est née garçon mais ne s’est jamais sentie autrement que fille. Sa mère est très fière d’elle, pensant qu’elle deviendra « un jeune homme très bien », tandis que son frère la surnomme « frérot » ou que sa meilleure amie Kelly ne voit aussi en elle qu’un garçon. Lorsque la classe doit monter une pièce autour du Petit monde de Charlotte, George veut plus que tout avoir le rôle de Charlotte, mais les gens sont-ils prêt à la voir telle qu’elle est ?

★★★★☆

Alex Gino est un adulte transgenre et c’est sans doute pour ça que son premier roman exhale autant l’honnêteté et la générosité. Vous le ressentirez dès la première page, ce sentiment d’être entré dans un cocon, dans un univers ouaté où un enfant nous emporte aussitôt dans sa vie simple, son temps passé à l’école, avec sa meilleure amie et avec sa maman et son grand frère. Une douceur encore plus étonnante et enveloppante quand George nous évoque ce problème, qui n’en est assurément pas un pour elle mais bien pour les autres. Car George est une fille. Elle a beau avoir un zizi entre ses jambes, elle est une fille, pas de doute possible. Mais sa mère, son frère et ses camarades la traitent comme un garçon, car c’est ainsi qu’elle apparaît aux yeux des autres. Comment révéler à tous ce qu’elle ressent, qui elle est vraiment ? C’est grâce au théâtre et au montage de la pièce tirée d’un roman qu’ils étudient en classe, Le Petit monde de Charlotte, que George va tenter de faire entendre sa voix. Non seulement sur scène, en interprétant le rôle principal féminin, mais également dans la vie de tous les jours, auprès de ses proches. Pouvoir dire à sa maman qu’elle est une « elle » et non un « il ».

L’année dernière, Bob avait déjà lu un roman avec une trame similaire, Le Secret de Grayson. Avec George, Alex Gino s’adresse à des enfants beaucoup plus jeunes et, finalement, rares sont les textes sur la question du transgenre qui s’adresse à une tranche d’âge aussi jeune. La simplicité de son écriture, sa finesse et sa douceur en font ainsi un texte accessible et d’une grande force émotionnelle. Un hymne à la tolérance, à l’acceptation et à l’embrassement de ce que l’on est.

George, Alex Gino, traduit par Francis Kerline (Ecole des Loisirs)
disponible depuis le 1er février 2017
9782211227452 – 14,50€
à partir de 9 ans
Son
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Le secret de Grayson – Ami Polonsky

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Depuis la mort de ses parents quand il était petit, Grayson fait semblant d’être ce que les autres voient. Dans son imaginaire et devant son miroir, en revanche, il s’imagine tel qu’il est réellement… Solitaire et effacé, son monde commence pourtant à se colorer quand il fait la connaissance d’Amelia, une nouvelle, puis lorsque son professeur préféré poste une annonce pour participer à la pièce de théâtre du collège…

★★★★☆

Grayson est en sixième, vit avec son oncle et sa tante qui l’ont recueilli après la mort tragique de ses parents, et partage sa vie avec Jack et Brett, ses cousins. Au collège, il n’a pas vraiment d’amis, passe tous ses repas au CDI en faisant ses devoirs… Sa vie est morne, d’autant plus qu’il ne peut pas être lui-même, être celui qu’il voudrait quand il se regarde dans le miroir et qu’il imagine que son ample tee-shirt est en réalité une jolie robe. Quand Amelia arrive dans sa classe, c’est le début d’une amitié timide. Une amitié qui ne durera malheureusement pas et qui sera brisée lorsque, lors d’une virée shopping dans une friperie, Amelia le découvre essayant des vêtements de fille. Heureusement, Grayson trouvera un réconfort avec la pièce de théâtre montée par Finn, son professeur de sciences humaines, où il va tenir le premier rôle : celui de la déesse grecque Perséphone. Un choix qui va déclencher une tempête autour de Grayson, à l’école mais aussi dans sa famille…

Dans ce très beau roman, tout en finesse et en délicatesse, Ami Polonsky aborde la douloureuse question du genre, d’un garçon qui s’est toujours senti fille et qui est incapable d’être lui-même. Pression familiale, pression sociale, norme, les garçons ne peuvent pas aimer le rose ou porter des jupes, n’est-ce pas ? Pourtant, il n’y a que comme ça que Grayson imagine son reflet. Lorsqu’il se présente à l’audition pour le premier rôle féminin dans la pièce, et qu’il l’obtient, c’est à la fois le déferlement autour de lui mais aussi en lui : comment oser quand on s’est toujours caché, quand on a peur de ce que vont dire les autres, de ce qu’on verra dans leur regard ? Dans ce maelstrom d’émotions, Grayson va pouvoir compter sur certains de ses camarades, à commencer par les filles, mais aussi sur son professeur et son oncle. Mais rien ne sera facile…

Après un début peut-être un peu long – on sent rapidement que l’amitié avec Amelia est vouée à l’échec – le roman se révèle tout en émotions tandis qu’on accompagne Grayson dans sa difficile affirmation, dans son combat pour être lui-même et dans la douleur d’un passé qui ressurgit et de ce que son choix implique pour d’autres que lui. C’est vraiment très beau, très émouvant, le style est à l’image de cette douceur qui émane de l’histoire malgré toutes les difficultés que rencontre Grayson, et même si tout n’est pas rose à la fin, on en ressort avec une note d’espoir, de dépassement de soi. Une très belle lecture !

Le secret de Grayson, Ami Polonsky, traduit par Valérie Le Plouhinec (Albin Michel Jeunesse)
collection Litt’
disponible le 1er septembre 2016
9782226318916 – 15,90€
à partir de 12 ans