Son
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Le domaine – Jo Witek

9782330060862,0-3163133

Si cet oiseau mort sur la couverture vous met mal à l’aise ou vous effraie, c’est normal. 🙂 Le nouveau roman de Jo Witek joue pas mal sur ces sentiments…

Pendant les vacances d’été, Gabriel accompagne sa mère dans une demeure où elle a été engagée comme domestique. Passionné d’ornithologie, il a accepté de l’accompagner pour visiter les forêts et points d’eau qui entourent le domaine, ravi de cette solitude à venir. Mais bientôt, les petits enfants de la famille débarquent au domaine et Gabriel va faire l’expérience de sentiments forts et irrépressibles…

★★★★☆

Après s’être intéressée à la folie dans Un hiver en enfer, Jo Witek se penche ici sur une autre forme de « folie » : l’amour ! Un amour absolu, pur, dévorant et visiblement à sens unique. Gabriel est un jeune homme plutôt solitaire, le genre amateur de la nature qui peut passer des heures assis devant un étang pour observer une grenouille. Pour le reste, il est plutôt poli, bien élevé, cultivé et curieux, bref, le garçon idéal pour une mère veuve. Lorsque les petits enfants du couple de La Guillardière, qui possède le domaine, débarquent, la belle Éléonore en tête, Gabriel est victime du coup de foudre et se frotte pour la première fois au sentiment amoureux. Un amour qui le consume tant il est fort et alors, petit à petit, Gabriel semble basculer dans un état presque maladif, où son amour se transforme en voyeurisme, en perversité… Des sensations nouvelles qui le changent, et vont lui faire perdre ses repères…

Douée dans le roman psychologique, Jo Witek l’est assurément ! A la différence de ces romans précédents dans la même collection, le côté thriller est ici moins présent, en tous cas sous une autre forme et plutôt sur la fin. Avec Le domaine, on est plutôt dans un roman d’ambiance, j’ai notamment pensé aux romans gothiques du XVIIIe siècle, où le sentimental et le macabre étaient mêlés, avec des personnages extrêmement romantiques victime de passions dévorantes. L’idée du domaine, à l’écart de la civilisation, sans connexion internet ; la vie du couple La Guillardière très ancestrale avec domestiques et vieilles pierres ; ce personnage de Gabriel si éloigné des ados « habituels » ; renforcent d’ailleurs cette impression que l’on est hors du temps. Le roman comporte aussi plusieurs passages qui n’ont rien à envier au roman fantastique, des moments de rêves ou de cauchemars qui brouillent aussi les pistes et donnent à Gabriel l’impression d’un endroit étrange, malsain. Et au lecteur un certain sentiment de malaise…

Le domaine est en tous cas un excellent roman, bien écrit et passionnant. Quand on connaît les autres romans de Jo Witek, on s’attend toujours à une chute étonnante et la fin de celui-ci ne dément pas son talent à nous faire croire que tout est résolu alors que ce n’est pas le cas et à nous surprendre véritablement. Si l’on reste tout de même avec quelques questions non résolues sur la fin (me semble-t-il), on ne s’ennuie clairement pas un seul instant ! Une lecture aussi dévorante que la passion de Gabriel pour Éléonore !

Le domaine, Jo Witek (Actes Sud junior)
collection Ado – Thriller
disponible depuis le 2 mars 2016
9782330060862 – 15,50€
à partir de 14 ans
Son
1

Traqués sur la lande – Jean-Christophe Tixier

Aujourd’hui, on vous parle du nouveau roman de Jean-Christophe Tixier (dont on avait beaucoup aimé le précédent), écrit dans le cadre du Feuilleton des Incos, qui consiste à faire découvrir les coulisses de l’écriture d’un roman à une classe grâce à une correspondance avec un auteur (plus d’infos sur le site des Incorruptibles). 🙂

9782700250961,0-3064173

1934, Belle-Île-en-Mer. Au bagne pour enfants, une émeute éclate après le coup de trop porté par un surveillant. Des garçons en profitent pour s’échapper sur la lande. Gabriel est parmi eux et, très vite, la traque commence. Aucun ne veut être repris, tous veulent retrouver la liberté. Pour cette dernière, Gabriel va pouvoir compter sur Aël, une jeune fille qui connaît le coin comme sa proche et qui, elle aussi, rêve de liberté…

★★★☆☆

Dans ce roman historique, Jean-Christophe Tixier évoque un sujet que l’on connaît assez peu et qui reste absent des livres d’histoire au collège ou au lycée : les bagnes pour enfants (en tous cas, ce n’était pas dans les miens à l’époque où j’y étais). Les moments qui s’y déroulent vraiment sont peu nombreux puisque le roman débute sur l’évasion des enfants mais, en peu de mots, Jean-Christophe Tixier nous fait très vite comprendre les terribles conditions de ces endroits. Le cœur du roman s’intéresse à la fuite, à la traque organisée par les habitants de l’île pour retrouver tous les jeunes gamins échappés. Une chasse motivée par l’argent et la peur. C’est dans ce contexte que Gabriel, jeune prisonnier évadé va croiser la route d’Aël, belle jeune fille qu’un père violent désire marier à un riche touriste. Aël, pleine de ressources et de bonté, va venir en aide à ce garçon aux yeux gris et à ses jeunes compagnons qui ne connaissent rien d’autre que les humiliations et les privations…

Tiré d’une histoire vraie, comme nous le rappelle l’auteur à la fin de son roman, Traqués sur la lande est un récit fluide et bien mené qui, au-delà de nous présenter une réalité historique, offre une belle histoire d’évasion, de liberté et d’amour. On sent certainement l’influence de la classe sur cette dernière – l’histoire d’amour me paraissant en effet un peu rapide – mais elle ajoute un romantisme tout de même bienvenu, contrebalançant les destins tragiques de certains des évadés. Sans vous dévoiler la fin, sachez que celle-ci est vraiment très réussie et surprenante, sans être un véritable happy-end, elle reste ouverte et pleine d’espoir. Une mention spéciale pour la couverture de Sébastien Pelon, que je trouve très belle.

Sur le même thème des colonies pénitentiaires pour enfants (mais quelques décennies plus tôt), je vous conseille également la lecture du très beau roman d’Ahmed Kalouaz, Les sauvageons.

Traqués sur la lande, Jean-Christophe Tixier (Rageot)
collection Le feuilleton des Incos
disponible depuis le 16 mars 2016
9782700250961 – 12,50€
à partir de 12 ans
Son
1

Une histoire de sable – Benjamin Desmarès

9782812609978,0-3008191

Jeanne passe les vacances d’hiver dans une station balnéaire sinistre. Alors que ses parents passent leur temps à travailler sur l’ordinateur et que leur humeur est aussi massacrante que la sienne, Jeanne passe tout son temps dehors, à se balader dans la station, sur la plage, à croiser une vieille dame à vélo…et à rencontrer deux garçons sur le perron d’une maison, qui passent leur temps à compter les grains de sable.

★★★☆☆

Avec cette couverture et ce titre énigmatique, on ne pouvait s’attendre qu’à une histoire tout aussi étrange. Le début commence pourtant dans une réalité fracassante : Jeanne ne cesse de se disputer avec ses parents, de jouer les rebelles – ou les ados en crise – et de claquer les portes à tout bout de champ. Alors autant vous dire qu’elle n’est pas particulièrement heureuse de passer des vacances à la mer en plein hiver. D’autant qu’il n’y a personne, rien, nulle part où aller ! Elle croise bien une petite vieille à vélo, mais c’est tout. Mortel, le coin est mortel ! Jusqu’au moment où, remontant une rue déserte, Jeanne aperçoit deux garçons tout aussi désœuvrés qu’elle. Ce n’est que le lendemain qu’elle ose les aborder et, après une conversation à la limite de l’absurde, accepte de les aider à compter les grains de sable devant la maison. Alain et Bruno, ce sont les deux garçons avec lesquels elle se lie d’amitié. Deux drôles de gars, aux looks improbables, dont les parents sont aussi absents qu’invisibles.

Finalement, ces vacances ne vont pas être si nulles que ça pour Jeanne. Tout son temps libre, elle le passe avec Alain et Bruno, ou alors au bar, le seul endroit ouvert dans ce patelin désert, où elle écoute les conversations des habitués. Petit à petit, le récit bascule dans le fantastique et, dans la plus pure tradition du genre, on ne s’en rend pas tout de suite compte et on se pose des questions, tout comme Jeanne. Quel mystère entoure Alain et Bruno ? Pour cela, il faudra lire ce roman très bien écrit, qui fait également la part belle à l’amour adolescent. Une histoire étrange, sensible et émouvante, qui donne un vrai roman d’ambiance, atmosphérique.

Une histoire de sable, Benjamin Desmarès (Le Rouergue)
collection DoAdo
disponible depuis le 10 février 2016
9782812609978 – 10,70€
à partir de 13 ans
Discussion
0

Le fils de l’ombre et de l’oiseau – Alex Cousseau

filsdelombreetdeloiseau

Bob et Jean-Michel ne vous ont pas encore parlé d’Alex Cousseau… Pourtant, ils adorent tous ses livres ! Alors autant vous dire que, lorsque nous avons repéré la parution de son tout nouveau roman, nous avons sauté dessus et nous n’avons pas regretté le voyage…

En guise d’introduction, les deux frères Elie et Elias attendent le moment opportun pour assouvir leur vengeance envers Butch Cassidy, un bandit. Mais avant tout acte, ils souhaitent nous raconter comment ils en sont arrivés là…ainsi, une plongée dans l’histoire familiale est narrée…Et quels ancêtres !

Jean-Michel, fils des berges et du castor

★★★★★

Parce que c’est un roman océan où il faut suivre et ne pas se laisser distraire lors de la lecture, on vous donne en exclusivité (et aussi parce que nous sommes fort sympathiques) l’arbre généalogique abrégé de cette famille hors du commun.

Mahina

Poki – Peter Schlemihl

Pawel – Wari
↓ ↓
Elie – Elias

De rien.
Vous devez savoir avant de vous plonger dans cette aventure stupéfiante que grâce à Alex Cousseau, la notion de rêve est presque palpable. Vous côtoierez des paysages et des lieux enchanteurs : des déserts, des océans d’un bleu intense, des montagnes arides, des mines sombres, toucherez du sable chaud, un ciel glacé, percerez le mystère d’une forêt et sentirez l’humidité d’un fleuve d’argent. De l’action ? Vous en aurez. Vous assisterez à des cavales, des parcours qui n’en finissent plus et des points de non-retour. Soyez curieux et laissez-vous emporter par l’épopée douce d’un brillant rêveur : Monsieur Cousseau.

« La vie est un cheval entendit Pawel dans une conversation…
un cheval furieux, un cheval espiègle, ou un cheval docile.
A chacun d’en décider, mais pour avancer il faut l’enfourcher »
Bob, fils de la glace et de l’éléphant

★★★★★

Il n’y a bien qu’Alex Cousseau pour nous conter une épopée familiale, s’étalant sur deux siècles, deux mondes, avec autant de rêve et de beauté. On se laisse bercer par son écriture, sa façon de raconter, qui nous porte au gré des vents, des coups du sort, de la vie et de la mort. J’aime son univers, exotique et foisonnant ; ses personnages, vivants et surprenants ; son sens de l’aventure et du destin ; son incroyable travail mêlant fiction et éléments historiques, techniques, technologiques et scientifiques. Il faudra attendre la dernière partie du roman pour comprendre comment Elie et Elias se retrouvent devant Butch Cassidy mais ce voyage magique en vaut assurément la peine.

Le fils de l’ombre et de l’oiseau,Alex Cousseau(Rouergue)
collection DoAdo
disponible depuis le 6 janvier 2016
9782812609862 – 15,90€
à partir de 14 ans
Son
1

La vraie recette de l’amour – Agnès Laroche

En cette nouvelle année, les éditeurs nous proposent plein de surprises (dont nous vous parlerons au fur et à mesure, of course) ! On commence avec Rageot, qui sort sa toute fraîche collection de romans pour les 9-12 ans, intitulée Pop : des romans « pétillants, optimistes et positifs », qui invite à la lecture plaisir à travers des ouvrages illustrés, des textes d’auteurs français et des thématiques au plus proche du quotidien des enfants. Deux textes paraissent aujourd’hui et nous vous proposons de découvrir celui d’Agnès Laroche, La vraie recette de l’amour. 🙂

9782700250947,0-3057755

Roméo est un passionné de cuisine. Les soufflés, les meringues et les tartes au citron n’ont pas de secrets pour lui ! D’ailleurs, il projette de participer à un prestigieux concours de cuisine qui pourrait lui permettre de faire un stage d’été avec le grand chef Nicolas Causse. Mais lorsque son meilleur ami, Yann, lui annonce qu’il est tombé amoureux d’une fille prénommée Juliette, qui n’est autre que sa voisine, et qu’il va devoir l’aider à lui écrire des lettres, c’est la catastrophe ! Car Juliette était son amoureuse l’année précédente, jusqu’à ce qu’un malheureux incident ne les sépare…

★★★☆☆

Si certains éléments vous font penser à une célèbre tragédie de Shakespeare ou à un roman d’Edmond Rostand, c’est normal, ce sont les inspirations citées par Agnès Laroche dans son histoire. Une histoire qui se lit avec un plaisir fondant tel le caramel au cœur du moelleux au chocolat. La recette est ici parfaite : de l’amitié, de l’humour, des tas d’embûches, et de l’amour. Tous les ingrédients pour réaliser une histoire à laquelle on accroche tout de suite, aux personnages tendres et attachants, et qui se termine avec une belle dose d’optimisme. Autant vous dire que le repas est à la hauteur du menu annoncé !

Bon, je crois que je vais finir par manquer de vocabulaire culinaire pour terminer cette chronique, alors un mot sur les illustrations de Clotka. Son style se prête parfaitement à cette histoire, mais quel dommage qu’il n’y ait pas de vraie mise en images du texte ! Ses illustrations ont plus une fonction décorative, et se répètent ainsi d’un chapitre à un autre, si bien que la notion de roman illustré finit par perdre de son sens. Sur la fin, j’avoue ne plus avoir trop fait attention aux illustrations…

Que cela ne vous empêche pas de lire ce très joli texte, qui fera peut-être naître des vocations de pâtissiers dans vos rangs, et qui ouvre tout de même avec réussite cette nouvelle collection Pop !
Voilà, je me suis quand même régalée ! (non, je ne l’avais pas encore faite, celle-là) 😛

La vraie recette de l’amour, Agnès Laroche, illustré par Clotka (Rageot)
collection Pop
disponible depuis le 19 janvier 2016
9782700250947 – 11,90€
à partir de 9 ans
Son
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Le monde est derrière toi – Marian De Smet

9782330053789,0-2685873

Eppo, 17 ans, fait du stop depuis les Pays-Bas pour se rendre en France, espérant que ce voyage lui permettra d’aller mieux. En Belgique, il est pris par Tabby, une jeune femme débordante d’énergie qui n’arrête pas de lui poser plein de questions, parfois très intimes. Mais celle-ci cache aussi des secrets et tous deux, à force d’avaler les kilomètres, vont apprendre à s’apprivoiser et à échanger sur ce qui les fait fuir…

★★★☆☆

Pur récit initiatique, Le monde est derrière toi aborde un certain nombre de sujets que l’on retrouve souvent en littérature ado, à commencer par le deuil. Eppo est triste à mourir après la mort de son frère d’adoption. Plutôt que de continuer à se recroqueviller sur lui-même, ses parents lui conseillent de partir pour un temps, de s’aérer la tête par le voyage. En réalité, il n’attend rien de ce départ vers la France car la moindre chose lui rappelle Marteen. Et quand il rencontre Tabby et l’entend babiller durant toute la route, il ne se sent pas aidé. Pourtant, c’est grâce à elle que, petit à petit, il va s’ouvrir sur son drame personnel. De la même manière, Tabby va aussi répondre aux questions qu’il se pose muettement, car elle aussi fuit quelque chose.
Le récit fonctionne bien malgré un schéma plutôt ordinaire, alternant entre le road trip et les souvenirs d’Eppo avec son frère. On s’attache assez vite aux personnages et on comprend rapidement la relation qui s’est tissée entre Eppo et Marteen, jeune homme placé dans sa famille car sa mère droguée n’était pas capable de s’en occuper. L’histoire de Tabby se dévoile plus succinctement mais le personnage apporte une dose d’humour bienvenue – rien que la scène d’ouverture fait sourire – dans cette histoire somme toute très triste. Heureusement, la fin apporte de l’optimisme même si cela rend le roman un peu convenu. Il n’en reste pas moins une belle histoire entre deux personnages totalement différents, qui vont tous deux finir par trouver leur voie… 🙂

Le monde est derrière toi, Marian De Smet (Actes Sud junior)
collection Ado
disponible le 21 octobre 2015
9782330053789 – 14,50€
à partir de 14 ans

Discussion
6

Dysfonctionnelle – Axl Cendres

9782848658186,0-2705028

S’il y a bien un auteur phare de la collection Exprim’, c’est Axl Cendres. Et ça tombe bien car la revoilà avec un tout nouveau roman qui déboite ! 😀

Fidèle vit dans ce qu’elle appelle une famille « dysfonctionnelle » : elle a six frères et sœurs tous plus différents les uns que les autres, un père qui se trouve souvent au mauvais endroit au mauvais moment (en passant par la case prison) et une mère régulièrement internée dans un asile. Dotée en plus d’un quotient intellectuel élevé, Fidèle finit par fréquenter de grandes écoles, où elle détonne un peu, et y trouve l’amour…

Bob

★★★★★

Si Bob n’était pas déjà coincé avec Jean-Michel, il ferait sa déclaration à Axl Cendres. Et surtout à Fifi et à sa famille sensationnelle. Car à la fin du roman, vous n’aurez qu’un regret : ne pas partager plus longuement la vie de cette bande d’enfants hétéroclites et chtarbés. Il faut dire qu’on passe par tout le spectre des émotions : on rit aux éclats, on pleure, on chante, on s’inquiète, on aime, on déteste… Tout ce qui fait les petits moments de vie d’une famille, entre les belles occasions et les difficultés du monde extérieur. Le personnage de Fifi est magnifiquement écrit, les relations qu’elle entretient avec tous les membres de sa famille sont belles, même quand certains membres semblent éloignés, absents. Je crois que j’ai aimé toutes les figures de cette famille, on sent l’affection de Fifi dans tout ce qu’elle raconte, même les pires moments. Je me suis laissée entraînée dans sa vie avec le sentiment de faire partie de la famille, j’ai tremblé pour elle lors de sa période sombre, j’ai espéré avec elle la vie qu’elle se souhaitait…ou qu’elle a plutôt laissé venir à elle…
C’est un beau roman. Vraiment. On rit beaucoup aussi – il faut dire que le comique de répétition est super bien dosé et fonctionne à chaque fois ! Des situations rocambolesques et improbables se mêlent à des moments intenses d’émotions et on ne peut que tomber amoureux de cette famille peut-être « dysfonctionnelle » mais belle et attachante. Fiooouuu, c’était trop bien !

Jean-Michel

★★★★★

Si Bob veut partir avec une autre, je ne le retiens pas. Mais je garde l’assortiment Téfal. Il peut reprendre sa mère.
M’est avis que c’est un roman qui est capable de remettre en place la personne la plus étroite d’esprit qui soit : une pensée raciste ? une intolérance aux gays ? à Johnny ? au football ? pas de problème, Axl Cendres est là pour poutrer tes préjugés moisis avec autant de talent que Barbra Streisand se déchaînant en duo avec Sinatra. J’aime qu’elle mette sur papier des défauts, des personnages cassés, des enfants abîmés, des patrimoines qui se construisent avec les expériences aussi variées soient-elles, car c’est tout ce qui importe dans le fond : l’histoire familiale est encore ce qu’il peut y avoir de plus précieux. Je me suis lancée le défi de trouver les meilleurs moments du roman. La tâche s’est avérée très difficile étant donné qu’à chaque page, j’ai agité le Stabilo comme un Looney Tunes, mais soit, on vous donne deux instants choisis :

La rencontre de Sid-Ahmed et de Natacha (les parents de cette fabuleuse famille) est une des plus belles qu’il m’ait été donnée de lire. Pourtant ils sont brisés à leur rencontre, ils n’ont rien. La déclaration de Sid-Ahmed ? Je me fiche de ton passé, je veux construire ton futur. Je veux t’épouser et te rendre ce que certains t’ont apparemment volé…ton sourire. Lorsqu’on sait que Natacha a vécu la perte de sa famille étant petite, on ne peut qu’agiter une banderole à Sid-Ahmed « Sauve-la ! ».

L’une des soeurs : Marilyne, est une féministe ardue dont la ténacité m’a donné quelques grands sourires (l’épisode de la bombe au poivre : ex-tra) mais son avis sur la création d’un mot unique pour le sexe est une perle :
Pourquoi dit-on zizi pour les garçons et zézette pour les filles ? C’est injuste ! On devrait dire le même mot pour les deux…pourquoi pas zizou ? « Fort heureusement pour Zinedine Zidane, la réforme de Marilyne n’est jamais entrée en vigueur ».

Grâce à Axl Cendres, j’ai tout de même appris qu’on pouvait chanter « Coup de soleil » de Richard Cocciante tout en adorant lire Proust. On a tort de tout compartimenter comme ça. Mélangeons les genres ! La prochaine fois, je relirai Benoît Minville en écoutant Céline Dion, voilà qui devrait l’enchanter.

« Même avec une chose que tout le monde croit perdue, on peut faire quelque chose de merveilleux » Zaza, la grand-mère kabyle, cette femme pleine de sagesse qui aimait les Fous di l’émour.

Dysfonctionnelle, Axl Cendres (Sarbacane)
collection Exprim’
disponible le 7 octobre 2015
9782848658186 – 15,50€
à partir de 15 ans

Son
4

Le prof, moi, les autres – Rachel McIntyre

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Rien de tel pour la rentrée des classes qu’un roman qui se déroule justement dans une école ! 😛 Bob vous emmène aujourd’hui dans un lycée d’Angleterre, à la rencontre de Lara…

Lara, 15 ans, est une élève effacée et, entre les moqueries de ses camarades, l’alcoolisme de son père et les disputes incessantes avec sa mère, la vie semble très sombre. Heureusement, il y a le beau Ben Jagger, son prof de littérature, qui lui propose d’organiser un concours de talents. Une occasion en or de se rapprocher de celui qui fait battre le cœur de toutes les filles du lycée…

★★★☆☆

Il y a longtemps que je n’avais pas lu un roman évoquant la relation amoureuse entre un professeur et son élève ! Le prof, moi, les autres s’intéresse ainsi à cette histoire d’amour interdite, mais pas que. Une grande part du roman traite en effet du harcèlement scolaire, un harcèlement vraiment terrible pour Lara. C’est sous la forme du journal intime que nous découvrons au fil des mois les épreuves que traverse cette rousse taille mannequin à la poitrine en planche à pain et dont le nom de famille, Tissein, est parfait pour se moquer de ses « Ptisein ». Sa situation familiale n’est pas meilleure : son père au chômage passe ses journées à picoler et sa mère porte toute la maison avec son maigre emploi de femme de ménage. Alors non, la vie n’est pas rose pour Lara. Mais son jeune professeur, Mr. Jagger, va être son rayon de soleil, la raison qui va la faire continuer à aller au lycée et subir tous les sévices inventés par ses camarades. J’ai trouvé certains moments véritablement très durs, pour ce qui est du harcèlement. Même les petites touches d’humour de Lara, qui n’a pourtant vraiment pas de quoi rire dans la vie, ne parviennent pas totalement à faire retomber la pression. L’histoire d’amour entre Lara et son professeur, quant à elle, met parfois mal à l’aise, et la fin ne nous permet pas de nous sentir mieux vis à vis de ce sujet, puisque l’on continue à se demander ce qui s’est réellement passé dans cette relation. Il n’en reste pas moins un roman intéressant, immersif et captivant par sa forme, et qui invite à la réflexion.

Le prof, moi, les autres, Rachel McIntyre (Milan)
collection Macadam
disponible le 9 septembre 2015
9782745972545 – 12,50€
à partir de 14 ans

Son
3

Là où tombent les anges – Charlotte Bousquet

9782354882068,0-2690085

Après avoir été totalement électrisés par Brainless de Jérôme Noirez, Bob et Jean-Michel avaient hâte de découvrir le nouveau texte de la prometteuse collection Electrogène. Une collection qui porte vraiment bien son nom !

Solange, 17 ans, quitte son village après avoir essuyé les coups de son père une fois de trop. Elle retrouve Lili, son amie d’enfance, à Paris. Les deux jeunes filles courent les bals populaires, travaillent durement pour gagner leur vie. Jusqu’à ce que Solange rencontre Robert Maximilien, un banquier qu’elle finit par épouser. Mais l’homme se révèle vite abusif et, lorsque la guerre éclate et que Robert est appelé au front, Solange commence à respirer…

★★★★★

Quelle fresque magnifique ! Il m’est encore difficile de trouver les mots après avoir refermé la dernière page de ce roman historique tout en force et en émotion… Charlotte Bousquet nous raconte la vie de femmes, plus particulièrement de Solange mais également de ses amies, pendant la Première guerre mondiale. De la fille de joie sur le front en passant par les munitionnettes ou les couturières jusqu’aux aristocrates, ce sont les vies, et la survie, de toutes ces femmes qui nous passionne, qui nous tient en haleine alors que la guerre fait rage, que les amoureux, les fils, les maris, les inconnus, affrontent les allemands. Il n’y a peut-être que Solange qui tremble différemment des autres, qui craint le retour de Robert, de sa jalousie, du contrôle qu’il maintient sur elle, de sa violence.
Charlotte Bousquet nous décrit avec beaucoup de talent et une très riche documentation le Paris de la Belle Epoque, l’insouciance des bals populaires, les cabarets macabres qui font fureur puis la terreur de la Première guerre mondiale et, surtout, la condition des femmes à cette époque. Solange est la représentation parfaite de cette condition, on suit son évolution avec appréhension puis défi, on s’attache à elle, à Clémence, à Lili, à Emma…à toutes ces femmes aux secrets, convictions ou vies différentes. L’intérêt historique du roman est certain, d’autant que l’auteure débute chaque chapitre avec l’extrait d’un quotidien ou d’un texte de l’époque, que Solange rencontre de nombreux artistes que nous connaissons bien (Marcel Proust ou Erik Satie pour les plus connus). Mais ce qui fait de Là où tombent les anges un roman véritablement splendide, c’est bien toute l’émotion que nous ressentons à la lecture des mots de Charlotte Bousquet, la complexité et la variété de ses portraits de femmes, mais aussi l’importance du féminisme, de la liberté. Un témoignage foisonnant et rare sur la condition féminine de cette période. Un roman magnifique et indispensable.

Là où tombent les anges, Charlotte Bousquet (Gulf Stream)
collection Electrogène
disponible le 3 septembre 2015
9782354882068 – 17€
à partir de 15 ans

Son
4

Wild girl – Audren

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En cette rentrée, Albin Michel lance une toute nouvelle collection : Litt’, des romans français à destination des adolescents à partir de 13 ans. Les deux premiers titres sont signés par des auteurs que nous connaissons bien : Audren et Fabrice Colin. Aujourd’hui, c’est celui d’Audren que l’on vous présente ! 🙂

1867. Milly Burnett, toute jeune institutrice de 19 ans, décide de quitter sa vie bourgeoise au Massachussetts et se rend dans le Montana, où elle sera sans doute utile aux enfants des colons et, surtout, libre et heureuse. Après un long et dur voyage, elle arrive à Tolstoy, une bourgade de chercheurs d’or. Mais le quotidien n’est pas facile, entre les conventions puritaines encore importantes et les coups de feu à toute heure du jour et de la nuit… Il le sera encore moins quand elle accueillera dans sa classe un jeune homme de 17 ans, Joshua, petit frère de la terreur du coin…

★★★☆☆

On connaît le talent d’Audren et après nous avoir régalé de ses Orphelines d’Abbey Road, elle nous entraîne cette fois-ci dans le Far West, où une jeune femme en avance sur son temps va découvrir le véritable sens de la liberté. Comme l’auteure nous l’explique en préambule, si son roman est une fiction, il est en tous cas parfaitement documenté et on découvre avec intérêt les difficultés du voyage de l’Est vers l’Ouest ; de la condition des femmes à l’époque, et notamment de la chance de Milly d’être née dans une famille quasi « parfaite » (notamment sur les questions de société : abolition de l’esclavage, droits des femmes…) ; de la création des États ; du sort réservé aux tribus indiennes… Mais c’est surtout Milly que nous suivons avec beaucoup de plaisir, et souvent d’appréhension car la jeune femme ne va pas connaître une vie de tout repos ! Il y a parfois un petit côté Petite maison dans la prairie, on est plutôt loin du western rugueux, mais ça n’en est pas désagréable. C’est justement ce qui fait l’intérêt de Wild girl : ce souffle de romantisme et de liberté que l’on ressent à chaque page. Même si je l’ai trouvé parfois un peu plombé par une écriture trop descriptive et insistante, cela n’en reste pas moins un joli roman, qui se lit de façon très agréable et plutôt rafraîchissant dans le genre.

Wild girl, Audren (Albin Michel)
collection Litt’
disponible le 2 septembre 2015
9782226318510 – 15€
à partir de 13 ans