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Le jour et la nuit

Hasard des parutions, en cette rentrée littéraire ado, deux romans de science-fiction nous proposent d’imaginer notre planète qui connaîtrait un jour perpétuel ou, au contraire, une grande nuit. Entre le soleil toujours à son zénith et la nuit noire, quelle étrange vie vous séduirait le plus ? ☀️🌑

Les Nuées, t.1 Erémos

Après des polars et des romans historiques se déroulant en Amérique du Nord, Nathalie Bernard nous fait la surprise de nous proposer un récit entre anticipation et dystopie avec Erémos, premier tome d’une duologie. Le roman nous invite à découvrir les récits entrecroisés de Lisbeth, jeune fille qui vit sur une Terre où le soleil ne se couche jamais et où la vie est parfaitement réglée pour chacun, et de Lucie, une astronaute de l’an 2025 qui effectue sa première mission dans l’ISS et nous raconte son quotidien. Mais cette même année, un événement terrible se produit, réduisant à néant toute vie sur Terre et faisant des astronautes les seuls survivants… Quant à Lisbeth, la disparition soudaine de sa mère va semer le doute chez elle, jusqu’à enclencher le début d’une rébellion.

De ces deux destins que des siècles séparent, Nathalie Bernard tisse un récit aussi haletant que passionnant. L’alternance des voix apporte un rythme et un attachement aux deux personnages tandis qu’on découvre avec curiosité leur évolution et les liens qui vont progressivement se faire dans la compréhension de ce nouvel environnement. Si la dystopie est un univers qui présente souvent une société totalitaire – et c’est le cas ici aussi – Nathalie Bernard nous invite à découvrir les prémices de sa formation, et comment les décisions d’une poignée de survivants animés par la volonté de reconstruction d’un monde – et de bien faire ! – vont les mener à celui de Lisbeth. Il nous faudra attendre le tome 2 pour en saisir toute la mesure, mais les indices et les conjectures sont déjà nombreux dans ce premier tome efficace. Un récit habilement mené, donc, à l’univers original et fascinant dans son hypothèse scientifique de départ, et des personnages qui nous accompagnent dans leur cheminement vers l’espérance ou la liberté et la vérité. Je suis personnellement très curieuse du destin de Lisbeth et de ce que nous réservent ces fameuses Nuées… Vivement la suite !

Les Nuées, t.1 Erémos, Nathalie Bernard (Thierry Magnier)
disponible depuis le 26 août 2021
9791035204679 – 14,80€
à partir de 13 ans

Nos jours brûlés, t.1

Quittons la chaleur et l’éclat du soleil pour la Grande Nuit. Nous sommes cette fois en 2049 et voilà vingt ans que l’astre solaire a disparu au profit d’une nuit perpétuelle. Elikia, née dans ce monde sans soleil, n’a jamais connu que ça et, pourtant, avec sa mère Diba, elles se sont lancées dans une quête pour ramener le jour. Persuadées que la disparition du soleil est liée à celle d’une cité mythique abritant des dieux et des esprits, elles sillonnent le continent africain à la recherche de témoignages pouvant les mettre sur la voie de Juddu, la fameuse cité. Mais si les humains se sont habitués à vivre dans cette longue et interminable nuit, celle-ci est aussi pleine de dangers et, très vite, Elikia va devoir en affronter bien des aspects…

Si les premiers abords de ce roman relèvent aussi de l’anticipation, on bascule assez vite dans un univers plus fantastique et magique qui va nous mener au cœur de croyances et mythologies africaines. C’est d’ailleurs l’un des points forts de ce roman qui nous fait découvrir des cosmogonies peu souvent rencontrées en littérature jeunesse. Et c’est avec Elikia et son apprentissage de ce monde étrange et envoûtant que l’on va peu à peu découvrir les dessous de cette Grande Nuit et des raisons de la disparition du soleil, puis de son propre héritage. Une quête initiatique passionnante servie par la fluidité d’une écriture très visuelle qui nous projette dans un univers où esprits créateurs, magie et créatures hybrides seront autant de découvertes que de redoutables dangers ! Un premier roman assurément à découvrir !

Nos jours brûlés, t.1, Laura Nsafou (Albin Michel Jeunesse)
disponible depuis le 15 septembre 2021
9782226460349 – 16,90€
à partir de 13 ans
Son
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Lucienne Eden ou l’île perdue – Stéphane Jaubertie

Sur une île déserte vit Lucienne Eden, une jeune fille qui rêve de rejoindre sa mère, star à Las Vegas, et qui, en attendant, partage sa solitude avec un vieil homme un peu doux-dingue. Mais voilà qu’un jour s’échoue sur sa plage une masse de déchets en tout genre…et de laquelle émerge un adolescent complètement perdu, à la recherche de son père.

Lucienne Eden, c’est l’histoire d’une rencontre qui commence plutôt mal. D’un côté, une gamine solitaire qui ne mâche pas ses mots et de l’autre, un garçon échoué qui semble un peu choqué par ce qu’il vient de vivre, nous offrant une première scène vivifiante et drôle à souhait faite d’incompréhension, de colère et d’entêtement. Bien sûr, nos deux jeunes gens vont peu à peu s’apprivoiser alors que Lucienne fait découvrir à « Machin », qui s’appelle en réalité Gaspard (l’occasion d’un comique de répétition durant toute la pièce ultra bien dosé et toujours à propos), son île aussi fantasque et étonnante qu’elle, qui se trouve de plus en plus menacée. Entre les leçons avec Andris, vieillard lunaire mais enthousiaste, les balades sur l’île où poussent des forêts de brocolis géants et où l’on doit faire attention aux pandas mangeurs de grizzlis, et l’apprentissage de l’autre, la pièce se déroule sous nos yeux dans un joyeux enchaînement de scènes aussi drôles que sensibles !

S’il est question d’écologie, de questionnements sur l’avenir de la planète, la pièce de Stéphanie Jaubertie est aussi une réjouissante et piquante comédie qui explore les bouleversements de l’adolescence, et notamment le désir. Les personnages sont diablement attachants et gentiment dingos, le style est enlevé et impertinent et on ne cesse de glousser à mesure que se déroulent les péripéties tantôt extraordinaires, tantôt sensibles, de Lucienne et Gaspard. Un véritable petit bonheur de lecture ! ❤️

Lucienne Eden ou l’île perdue, Stéphane Jaubertie (Théâtrales)
collection Théâtrales jeunesse
disponible depuis le 18 février 2021
9782842608507 – 8€
à partir de 12 ans
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Marie-Verte – Émilie Chazerand et Marion Arbona

Dans la famille Machin-Truc, tout le monde est blond comme des biscuits. Alors le jour où Marie-Verte est née, ses parents furent très surpris ! La petite fille avait la peau verte, et même verte-verte-verte, couleur pelouse anglaise. Désormais, dit le père, les photos de familles seront en noir et blanc. Rapidement cependant, Marie-Verte conquit le cœur de tout le monde, même à l’école, tellement elle est généreuse et originale. Mais elle se sent incomprise… est-ce qu’elle est la seule au monde à avoir cette couleur de peau ?

Cet album fantaisiste nous fait découvrir une petite fille indépendante et curieuse (qui aurait bien pu être copine avec l’héroïne Verte de Marie Desplechin dont elle partage une partie du prénom). Mais ici, point de magie ! Lorsque notre héroïne va découvrir l’existence d’une mystérieuse tribu à la peau verte comme la sienne, Les Tikunu, ni une ni deux, elle décide de partir seule dans la jungle profonde pour les rencontrer !

Émilie Chazerand (que l’on aime beaucoup beaucoup) qui nous offre un texte qui sent bon la liberté et la chlorophylle mais surtout qui joue sur les stéréotypes dans un univers complément décalé ! Une de mes pages préférées est notamment le voyage de Marie-Verte qui « traversa les airs pendant une journée entière, puis, une fois à terre, dut prendre un train, un taxi-bus, une pirogue trouée et un âne bâté (…) ». Le style de l’autrice est toujours désopilant et elle s’amuse à glisser parfois des références et des rimes improbables, par exemple Pierre-Mayeul avec épagneul. Les magnifiques illustrations de Marion Arbona nous transportent avec joie et bonne humeur dans les aventures de Marie-Verte, qui avec un nom pareil ne peut devenir qu’écolo ! Vous l’aurez compris un album qui ne se prend pas au sérieux mais qui parle de notre place dans le monde et de notre besoin de trouver sa propre tribu !

Marie-Verte, Émilie Chazerand, illustré par Marion Arbona (Sarbacane)
disponible depuis le 7 avril 2021
9782377316076 – 15,90€
à partir de 6 ans
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Elle est le vent furieux – collectif

Un titre percutant, une couverture splendide et six autrices de grand talent : c’est Elle est le vent furieux, projet initié par Marie Pavlenko qui donne à faire entendre la voix de la Nature, malmenée par l’humanité depuis trop longtemps.

C’est Marie Pavlenko qui ouvre la danse avec un texte qui fait office de prélude à ceux de ses consœurs et dans lequel elle imagine Dame Nature elle-même qui, après une journée passée dans notre monde à être compressée, poussée, méprisée, crottée et victime de la plus grande indifférence, décide de laisser éclater sa colère et de se venger des hommes qui n’ont plus aucune considération pour elle. Qui sème le vent… Les cinq autrices qui l’accompagnent dans ce projet vont alors nous proposer des histoires complètement différentes, tant dans le style que dans le genre même si toutes sont une variation de l’imaginaire.

Avec Monkey palace, Sophie Adriansen oppose l’insouciance des vacances privilégiées aux réalités de l’exploitation de certaines zones touristiques du monde qui voient des régions entières être transformées pour le profit et sans aucun souci de la faune ou de la flore locale. Un récit comme un thriller angoissant qui bascule très vite et nous laisse pantelant dans un twist final savoureux (un procédé dont Bob est toujours friand). Dans Nos corps végétaux, Coline Pierré nous offre toute la sensibilité de son écriture dans un récit poétique de métamorphose qui voit deux jeunes femmes découvrir la mutation végétale dont elles sont victimes – comme toute la population – et en accepter différemment les conséquences. Une histoire comme un rêve. Les deux textes suivants : Extinction Games, de Cindy Van Wilder, et Naître avec le printemps, mourir avec les roses, de Marie Pavlenko, explorent les conséquences directes de la vengeance de Gaïa – ou Dame Nature – et comment les humains vont s’organiser pour endiguer cette revanche. Récits de l’engagement et de l’insurrection, de l’action de la jeunesse pour contrer l’inévitable, nous avons là deux histoires pour inspirer à être les acteurs et actrices du changement. Puis vient Sauvée des eaux, texte en vers de Marie Alhinho, beaucoup plus sombre et apocalyptique que les précédents, mais tout en émotion, qui nous raconte le destin d’une réfugiée climatique dans un monde ravagé où il ne semble y avoir de refuge nulle part. Un monde qui laisse entrevoir les prémices d’une évolution inattendue… Enfin, Flore Vesco et Le récit recyclé qui nous montre encore une fois toute l’inventivité et le talent de l’autrice. Un texte très surprenant et sans doute déconcertant mais dont la virtuosité est aussi un bel hommage à la création littéraire et à ses co-autrices.

C’est avec l’espoir d’une Dame Nature rassurée par Marie Pavlenko que ce travail collectif prend fin. Un recueil de nouvelles engagé, véritable prise de conscience – s’il en fallait encore – mais surtout un appel à l’action. Soyez, vous aussi, le vent furieux qui se fera entendre pour emmener notre monde sur la bonne voie, celle de notre Terre et de sa protection.

Elle est le vent furieux, Sophie Adriansen, Marie Alhinho, Marie Pavlenko, Coline Pierré, Cindy Van Wilder et Flore Vesco (Flammarion Jeunesse)
disponible depuis le 6 janvier 2021
9782080233943 – 15€
à partir de 13 ans
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Le cri du homard – Guillaume Nail

Aurore doit repasser son bac et travailler tout l’été à la charcuterie familiale de Montaubourg – un petit village perdu de Normandie. Mais les vacances vont prendre un tournant inattendu car Aurore et ses amies vont faire un pari : embrasser le bel inconnu qu’elles ont croisé lors d’une virée en voiture. Sauf que ce charismatique garçon est Archambault, il travaille à la conserverie de la ville ennemie, entreprise tenue par la sœur du père d’Aurore avec qui il a coupé les ponts. Pari pimenté donc ! Sauf qu’Aurore va réussir à se faire embaucher en douce, sans le dire à son père. Elle va participer avec Archambault au lancement d’un important projet d’agrandissement de l’usine : un élevage expansif de homards. Certes, ce projet s’annonce créateur d’emplois mais il va également noyer le littoral sous le béton. Prise entre son ambition, ses sentiments pour Archie et ses amies, Aurore va pourtant choisir son camp, celui du changement. Mais le doute s’immisce, le progrès est-il forcément à ce prix ?

Le cri du homard est l’un des premiers titres de la nouvelle collection #onestprêt qui souhaite aborder la question de l’urgence climatique à travers des récits inspirants, en collaboration avec le mouvement On est prêt. Celui-ci, lancé en 2018, rassemble des experts, des artistes, des créateurs web pour sensibiliser et mobiliser le large public sur des questions de société et d’environnement.

Avant d’être un texte qui souhaite éveiller à la sensibilité écologique, Guillaume Nail nous offre une histoire. Lors de notre lecture, nous sommes embarqués avec l’héroïne dans sa relation amoureuse avec Archie, sa rébellion contre sa famille et son ambition pour une autre vie possible. Aurore est une adolescente qui dès le départ déteste son village paumé et n’a qu’une crainte : ne pas réussir à s’échapper de cette vie. Son travail dans la conserverie est pour elle un premier acte vers un changement de vie !

A travers son style direct, franc, l’auteur réussi à parler aux adolescents. Il injecte à merveille à Aurore (et à ses amis) un côté rebelle et ambitieux et en même temps une conscience sensible. L’entourage de notre héroïne vient la bousculer, plus d’une fois, et on sent une dualité profonde chez Aurore. Certes, elle travaille dans une ville ennemie et l’animosité entre Montaubourg et La Rocque est digne d’une romance à la Shakespeare ! C’est un réel combat pour elle de trouver sa place.

Ce roman agrémenté d’une partie « pour aller plus loin » permettra aux lecteurs curieux et motivés de se renseigner davantage sur la protection de l’océan ou encore la lutte contre l’artificialisation des littoraux. Aurore nous montre qu’il est possible d’ouvrir les yeux sur ce qui se joue mais surtout qu’il faut influer sur les sphères décisionnelles. Il est bien de se responsabiliser au niveau de notre consommation mais le véritable enjeu dépasse la dimension individuelle. Un roman qui va apporter de quoi nourrir le débat écologique !

Le cri du homard, Guillaume Nail (Glénat)
collection #onestprêt
disponible depuis le 14 octobre 2020
9782344042786 – 13,90€
à partir de 13 ans
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Mon île – Mark Janssen

Une petite fille et son papa naviguent sur l’océan lorsqu’une terrible tempête détruit leur bateau, les laissant à la dérive sur un radeau. Heureusement, une terre est en vue, une toute petite île prête à les accueillir… Mais soudain, leur île semble bouger ! C’est le début d’un tout nouveau voyage à dos de tortue…

Bienheureux ces naufragés qui trouvent refuge sur le dos d’une tortue ! Cette géante des mers les accueille avec bienveillance et va permettre à ce père et sa fille de profiter de toute la beauté des océans, même si ceux-ci ne sont pas dénués de dangers. Heureusement, leur île prend soin d’eux, leur fait découvrir toute la vie des créatures marines et de celles qui traversent les océans ou vivent le long de leurs côtes. Nos naufragés sont ainsi heureux sur leur île, dans cette nouvelle vie tout en découvertes. Jusqu’à ce qu’un navire apparaisse au loin, signant leur retour à la civilisation humaine. Mais la petite fille ne quitte pas son île sans lui avoir fait une promesse : celle de venir la protéger le jour où elle aussi en aura besoin.

Album sur la protection de l’environnement et des créatures qui peuplent les mers et les océans, c’est à travers les merveilles de ces eaux que les enfants pourront être sensibilisés à notre biodiversité. Et quoi de plus beau que ces illustrations incroyables de Mark Janssen ? Telles d’immenses peintures digitales, les poissons et créatures océanes prennent vie grâce à des couleurs étonnantes, qui vont jusqu’à scintiller, pour nous en mettre plein les yeux. On plonge littéralement dans ces tableaux envoûtants, vertigineux et d’une fantastique richesse visuelle. Un voyage véritablement extraordinaire et inoubliable, pour cette petite fille qui se lie d’amitié avec cette tortue salvatrice et pour les lecteurs qui seront subjugués par les images de Mark Janssen. Magique et émouvant !

Mon île, Mark Janssen (Kaléidoscope)
disponible depuis le 19 août 2020
9782378880422 – 13,50€
à partir de 3 ans
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Pour la beauté du geste !

Nos deux héroïnes du jour ont en commun la réalisation d’exploits sportifs remarquables. Traverser les Etats-Unis d’ouest en est en courant, grimper sur le plus haut sommet du monde : ça vous en bouche un coin, hein ? Heureusement, ces incroyables efforts qui nous font déjà suer sont littéraires et, s’ils vous laisseront peut-être pantelants après votre lecture, vous en ressortirez en revanche sans courbatures et avec deux modèles d’une jeunesse engagée ! Prêts ? Partez !

A en perdre haleine – Deb Caletti

Un soir, après être allée chercher un burger, Annabelle décide de tout laisser en plan, et se met à courir. Elle ne s’arrêtera pas avant d’avoir atteint Washington, la capitale, soit l’exact opposé de sa position sur la carte. Accompagnée par son grand-père qui la suit en camping-car, Annabelle court car elle a quelque chose à dire, un combat à mener.

Et ce combat, on le découvrira au fur et à mesure des révélations qu’Annabelle nous confiera. On le devine en filigrane, une tragédie a frappé la vie de l’adolescente et la course devient sa façon de réagir, de se sortir de ce statut de victime qu’on lui attribue depuis lors, de faire passer un message, d’accepter, peut-être, ce qui lui est arrivé, et de trouver une forme d’apaisement. Le roman nous tient en haleine, de la même manière qu’Annabelle travaille son souffle pour tenir un marathon de près de cinq mois. La façon de toucher du doigt le cœur du sujet, avant qu’Annabelle ne le repousse, est parfois un peu agaçant pour le lecteur, mais participe à l’attachement pour cette héroïne qui n’a pas conscience d’inspirer, que son message peut aller au-delà de sa propre expérience. De jolies rencontres émaillent l’aventure d’Annabelle, mettent en perspective son histoire et montrent l’intérêt grandissant du grand public pour son combat. Deb Caletti nous offre un roman sensible, aux réflexions sociétales fortes, même si parfois un peu trop appuyées (les attentes de la société sur la façon dont « doivent être » les filles, par exemple, sont clairement indispensables, mais ce n’est pas toujours amené très subtilement). Engagé et inspirant !

A en perdre haleine, Deb Caletti, traduit par Maud Desurvire (PKJ)
disponible le 3 septembre 2020
9782266292962 – 18,50€
à partir de 14 ans

8848 mètres – Silène Edgar

Mallory a quinze ans et est la plus jeune alpiniste à tenter l’ascension de l’Everest. Avec son père, ils s’entraînent depuis toujours et, cette fois, ils se lancent dans cette incroyable aventure. Avec leur équipe, ils se préparent, évaluent les risques et découvrent ce parcours d’ascension qui ne ressemble à rien de ce qu’ils avaient fait jusqu’à présent…

Et Mallory va découvrir bien plus que le « simple » exploit sportif de gravir le sommet de l’Everest du haut de son adolescence. Car l’Everest, ce n’est pas n’importe quelle montagne. Alors que la jeune fille doit composer entre l’attention portée à sa santé, son oxygène et le froid capable de la tuer, elle est aussi malgré elle une curiosité qui pousse les médias à s’intéresser à son périple, lui demandant l’effort supplémentaire de réaliser des interviews. Silène Edgar nous invite ainsi à découvrir la manière dont se prépare une telle ascension, entre passages très descriptifs du trajet, de la façon dont tout cela s’organise, et des moments plus introspectifs qui nous emmènent aux côtés de Mallory et de la révélation que va être l’Everest pour elle. Car si, au départ, il s’agissait surtout de réaliser cet exploit avec son père, gravir l’Everest c’est aussi découvrir tout ce que cela recouvre : la pollution importante à quelques mètres du sommet et les effets du réchauffement climatique, la mort inéluctable au moindre faux pas, et la philosophie bouddhiste autour de la montagne. Un parcours initiatique qui va ainsi bien au-delà de l’exploit sportif pour se découvrir soi et le monde qui nous entoure. Un roman tout aussi engagé que le précédent, sur la préservation de la nature, avec une héroïne toute aussi attachante et déterminée.

8848 mètres, Silène Edgar (Casterman)
collection Ici/maintenant
disponible depuis le 10 juin 2020
9782203064317 – 16€
à partir de 12 ans
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Si c’est fluo, c’est bio !

Tu le trouves suspect ton étang qui irradie de jaune la nuit ? Ou ta boisson vert fluo 100% recyclée ? Alors t’es peut-être la bonne personne pour résoudre nos deux enquêtes du jour, et faire éclater la vérité sur des entreprises qui font fi des lois environnementales ! Justiciers de l’écologie, c’est à vous !

Des mutants dans l’étang

Après le génial Trafic à la fosse aux griffes, Véronique Cauchy nous propose une nouvelle Enquête graphique, avec cette fois Barroux au dessin. Le principe de la collection est simple : sensibiliser les enfants à l’écologie à travers des romans graphiques policiers. Et là où certains se ratent un peu en étant trop documentaires ou démago, ces enquêtes graphiques sont au contraire une véritable fiction, accompagnée simplement d’une double page documentaire en fin d’ouvrage. Véronique Cauchy réussit à nous embarquer dans une enquête véritablement à hauteur d’enfant et son écriture, qui va à l’essentiel tout en évoquant plein de pistes de réflexion, donne un rythme que la construction sous format bande dessinée complète à merveille. Et donc dans ce 2e titre de la collection, ce sont des vacances en Anjou qui permettent à nos deux héros, un frère et une sœur, de déjouer les méfaits d’une entreprise qui déverse ses déchets toxiques dans un étang. L’enquête est progressive, les différents symptômes de la pollution et de l’empoisonnement qui affectent humains et animaux distillent suspense et indices, et la résolution vient aussi grâce à l’intervention des adultes, parents et autorités compétentes. C’est vraiment très bien fichu (tout comme le 1er titre) et les illustrations de Barroux sont comme toujours un vrai régal ! Une série qui ne prend pas les enfants pour des billes à découvrir absolument !

Des mutants dans l’étang, Véronique Cauchy, illustré par Barroux (Kilowatt)
collection Enquête graphique
disponible depuis le 6 mars 2020
9782917045701 – 16,50€
à partir de 7 ans

La vie en vert fluo

Dans cet album, c’est un jeune trio d’enquêteurs qui ne pourra malheureusement pas compter sur les adultes pour venir à bout de cette usine de recyclage maléfique qui recycle absolument tout pour en faire des emballages, du compost et…des boissons ! Vous avez dit « beurk » ? Eh bien pareil pour nos jeunes héros qui vont découvrir que ce recyclage intégral, s’il paraît plutôt positif sur le papier, est en fait un véritable danger et que, bientôt, les adultes sont tous lobotomisés par leur « café vert » ou « vin composté » ! Ainsi les enfants et leur ingéniosité vont-ils être au cœur de cette enquête périlleuse qui va aussi les amener à un retour à la nature, jusqu’à ce que le problème soit résolu grâce à leur brillant stratagème. Le texte de Coline Pierré, fantasque et un peu dingo, nous emporte de l’insouciance d’une bande de copains à la lente et quelque peu terrifiante compréhension que tout ne tourne pas rond. Les illustrations hyper colorées de Gilles Freluche, dans un style graphique très vivant et expressif, offrent aussi de beaux moments de créativité et de fantastique digne des meilleurs films de monstres ! Un album qui ne manque pas d’humour et fait surtout la part belle au pouvoir de l’action collective !

La vie en vert fluo, Coline Pierré, illustré par Gilles Freluche (Mango)
disponible depuis le 10 janvier 2020
9782317022692 – 14,50€
à partir de 6 ans
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À propos de la vie – Christian Borstlap

La vie ! Quel vaste sujet. Qu’est-ce que l’on sait à propos d’elle ?

« Toute vie est connectée », explique Christian Borstlap, l’auteur de cet album un peu ovni. En effet, ce projet est né d’une campagne vidéo pour le zoo d’Amsterdam (Artis) dont il en est l’adaptation livresque. La volonté de l’auteur est de célébrer le cercle de la vie, prendre conscience de tout ce qui est vivant, montrer la grandeur de la vie et son interconnexion. C’est l’hiiiiiistoire de la vie ! 🎵

« Dans la vie, on bouge, on ressent, parfois on donne… et d’autres fois on prend.
La vie peut être compliquée… mais de temps à autre elle est douce et belle. »

Bien que le projet initial soit autour d’un zoo, cet artiste plasticien néerlandais a réalisé des créatures abstraites, très expressives ! « Il y a de la fourrure et des plumes dans le film, il y a du caca et des ânes, il y a des espèces volantes rampantes et grognantes, mais il n’y a pas de vrais animaux », a déclaré l’auteur sur le site Web It’s Nice That. L’album montre que les lois de la nature sont réelles et pertinentes pour tous les êtres, avec une pincée d’humour il montre que parfois il y la nécessité d’être discret ou très bruyant ; de se battre ou de s’enfuir. Le graphisme donne un côté « arty » qui n’est pas pour déplaire à Lisette. Les illustrations renouvèlent les albums sur le sujet vaste de la vie avec un style très crayonné, texturé. 

Cet album sans prétention est très touchant, le texte est simple et juste. Il sera surtout un bon support pour discuter avec les jeunes enfants curieux ! Notamment sur le rôle des humains dans la nature, « parce que la vie des uns est liée à la vie des autres. Nous sommes interdépendants ! »

Personne n’est une île, nous sommes tous connectés et c’est chouette de nous le rappeler parfois.

A propos de la vie, Christian Borstlap (Casterman)
collection Les albums Casterman
disponible le 11 mars 2020
9782203064737 – 15,95€
à partir de 4 ans
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Et le désert disparaîtra – Marie Pavlenko

Pour cette première chronique en duo, Bob et Lisette se sont penchés sur le tout nouveau roman de Marie Pavlenko qui, après nous avoir fait beaucoup rire (et un peu pleuré), revient avec un texte très différent et particulièrement actuel !

Samaa, 12 ans, rêve de chasser les arbres comme les hommes de sa tribu nomade. Son peuple vit dans le désert, respire dans des bouteilles d’oxygène et se nourrit de barres de protéines. Ils vendent le bohis à la grande ville en échange d’eau et de nourriture. Seule l’Ancienne, un veille femme qui vit à l’écart de la tribu en attendant la mort, se souvient d’un monde ancien où les arbres étaient synonymes de vie. Un jour, Samaa décide de suivre les chasseurs, mais très vite perd leurs traces dans l’immensité du désert. Lors d’une tempête de sable, Samaa se retrouve coincée dans une trouée et découvre un arbre gigantesque, de l’eau… Blessée, Samaa va réaliser que le monde d’avant n’a peut-être pas tout à fait disparu.

Lisette se sent seule dans le désert…

Ce roman très contemplatif, se rapprochant du conte, est un bel hommage à notre Nature. L’écriture de Marie Pavlenko est toujours poétique, lente, on subit avec Samaa le temps qui passe. Mais je crains aussi que certains lecteurs subissent le manque d’action, de suspense.
L’autrice aimerait que ce livre devienne un étendard d’une jeunesse qu’elle admire, cette lecture peut être une première graine dans la tête des jeunes lecteurs pour ouvrir grand les yeux sur ce que pourrait devenir notre monde si nous n’y prenons pas soin.

Lisette, du haut de ses couches culottes, a envie de vous rappeler que : le meilleur moment pour planter un arbre était il y a 20 ans. Le deuxième meilleur moment est maintenant ! Et puis elle serait trop triste si les framboisiers venaient à disparaître.

…Bob garde l’espoir !

C’est justement le côté contemplatif du roman qui a beaucoup plu à Bob. La force de l’écriture de Marie Pavlenko réside dans cette poésie, cette lenteur qui nous rend plus proches de la solitude, de la peur, et des espoirs de Samaa. Un récit fait de silences, qui explore la croyance d’une population qui n’a jamais connu rien d’autre que le désert et son enfer, et d’une jeune fille qui redécouvre tout ce qu’elle tenait pour vrai, tout ce que les arbres apportent au monde. C’est aussi l’histoire d’un combat, qui résonne bien évidemment avec ceux menés par la jeunesse d’aujourd’hui : celui de se faire entendre, de prendre soin de notre Terre qui subit les ravages de l’humanité et de tenir tête à ceux qui détiennent (ou croient détenir) l’autorité ou le savoir. A travers un récit d’anticipation d’une grande humanité, et la magnifique voix de Samaa, Marie Pavlenko nous invite à prendre conscience du caractère précieux de la nature et à la protéger, coûte que coûte !
Vous l’aurez compris, c’est un coup de cœur pour Bob ! ❤

A noter !
> une parution simultanée en livre audio, magnifiquement lu par la comédienne Delphine Cogniard, qui donne à entendre toute l'émotion de ce très beau roman.
> l'attention toute particulière portée à la fabrication du roman, de la façon la plus écologique possible.

Et le désert disparaîtra, Marie Pavlenko (Flammarion)
disponible depuis le 8 janvier 2020
9782081495616 – 14€
à partir de 12 ans
Et le désert disparaîtra (version audio), Marie Pavlenko, lu par Delphine Cogniard (Gallimard)
collection Écoutez lire
disponible depuis le 9 janvier 2020
9782072883927 – 18,90€
à partir de 12 ans